CHAPITRE III :
LES DOTATIONS EN FAVEUR DES TRANSPORTS
RÉGIONAUX ET DU SECTEUR FLUVIAL
Si les dotations à la SNCF et à RFF occupent la très grande majorité des crédits en faveur des transports terrestres, le budget consacre aussi des dotations importantes aux services régionaux de voyageurs, aux transports urbains de province et d'Ile-de-France et au réseau fluvial.
I. 2002, ANNÉE DE RÉGIONALISATION DES SERVICES RÉGIONAUX DE VOYAGEURS
A. LES DISPOSITIONS DE LA LOI SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS
1. Le principe de la régionalisation
Les
dispositions applicables aux transports collectifs d'intérêt
régional de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative
à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU)
prévoient le transfert de l'organisation et du financement des services
ferroviaires régionaux de voyageurs, à compter du 1er janvier
2002, à l'ensemble des régions, à l'exception de l'Ile de
France et de la Corse.
Cette loi est venue modifier le dispositif législatif existant, la loi
d'orientation des transports intérieurs et le code général
des collectivités territoriales, pour y insérer les dispositions
relatives à ce transfert de compétence aux régions.
Le dispositif précise que les conditions d'exploitation et de
financement des services transférés sont fixées au sein
d'une convention passée entre chacune des régions et la SNCF.
La loi prévoit également qu'une région puisse passer une
convention avec une région limitrophe ou avec le Syndicat des transport
d'Ile de France pour organiser des services se prolongeant au delà de
son ressort territorial.
S'agissant de la coopération entre autorités organisatrices de
transport, celle-ci fait l'objet d'une autre section intitulée «
dispositions relatives à la coopération entre autorités
organisatrices de transport » qui prévoit que plusieurs
autorités organisatrices de transport peuvent s'associer dans le cadre
d'un syndicat mixte de transport ou par voie de convention afin d'organiser ou
de coordonner les services qui relèvent de leurs compétences,
mettre en place un système d'information à l'intention des
usagers et créer une tarification coordonnée et des titres de
transports uniques ou unifiés.
Il faut rappeler que l'expérience de régionalisation des services
régionaux de voyageurs engagée le 1er janvier 1997 a
enregistré un certain succès : les régions
expérimentales ont connu un développement de recettes
supérieur à celui des autres régions grâce à
la politique de recomposition de l'offre, de dynamique tarifaire et
commerciale, et d'action sur la qualité.
2. Les incidences de la régionalisation
Le
dispositif prévu devrait permettre de clarifier les
responsabilités entre, d'une part, la région, autorité
organisatrice des services ferroviaires régionaux de voyageurs, qui
décide du service à réaliser et le finance et, d'autre
part, la SNCF qui assure le service en tant qu'exploitant et conseille la
région.
L'Etat resterait le garant de la cohérence et de l'unicité du
système ferroviaire pour lequel il continue à fixer les
règles de sécurité, ainsi que du respect des règles
et procédures instaurées entre les différents partenaires
du secteur ferroviaire.
En ce qui concerne la SNCF, le ministère de l'équipement, des
transports et du logement estime que la perspective de la
régionalisation peut être un levier d'évolution interne
poussant l'entreprise à davantage de qualité et de
réactivité. Dans ce cadre, la SNCF a procédé
à une reconfiguration de son organisation afin de permettre à
l'activité TER d'être clairement identifiée au sein de
l'entreprise et de disposer à l'échelon régional des
moyens nécessaires pour remplir son rôle d'interlocuteur de la
région.
Dans cette optique, la SNCF s'est engagée dans un processus
d'élaboration d'une comptabilité par domaines d'activité
afin de disposer, pour l'exercice 2000, de comptes attestés pour chacune
des 20 activités T.E.R et de répondre au souci de transparence et
de compétences des nouvelles autorités organisatrices
régionales. C'est sur ces comptes attestés que s'est basé,
conformément aux dispositions de la loi solidarité et
renouvellement urbains, le montant de la compensation financière de
l'Etat aux régions.
La loi prévoit que le transfert de compétences interviendra au
1er janvier 2002 et qu'un décret en Conseil d'Etat viendra
préciser certaines de ses dispositions. Ce projet de décret doit
être publié à l'automne 2001. Les arrêtés
fixant pour chacune des régions le montant de la dotation et le
périmètre des services transférés devront
être pris au cours du dernier trimestre.
La loi « solidarité et renouvellement urbains » a
donc généralisé la régionalisation au 1er janvier
2002, toutes les régions devenant des autorités organisatrices
pour les transports ferroviaires régionaux.
Cependant, votre
commission soulignait l'an dernier que cette réforme présentait
deux insuffisances majeures :
- le peu de fiabilité des comptes de la SNCF. Il n'existait pas de
répartition fine des coûts de chaque branche d'activité de
la SNCF (fret, voyageurs grandes lignes, TGV, TER...) sur la base de laquelle
pourrait être évaluée correctement le coût des
services régionaux de transport de voyageurs ;
- le gouvernement avait clairement souhaité limiter la compensation aux
régions, en refusant de nombreux amendements sur le fondement de leur
irrecevabilité financière.
Dans ces conditions, votre commission estimait l'an dernier qu'il convenait
d'être très vigilant quant à l'évolution des charges
de ce secteur pour les régions.
A cet égard, la forte revalorisation de la dotation pour 2001
(+ 53 millions d'euros) traduisant une « remise à
niveau » des dotations, montrait que d'importantes subventions
devraient intervenir pour ne pas grever fortement les budgets d'investissement
des régions.
De fait, le montant de la compensation versée en 2002 pose
problème aux régions.
B. QUELLE COMPENSATION ?
1. Les modalités choisies pour 2002
a) Le montant de la compensation et ce qu'elle recouvre
L'Etat
versera, en 2002, aux vingt régions concernées, au titre de
l'exploitation, les crédits budgétaires versés aujourd'hui
directement aux sept régions expérimentales à cet effet,
et à la SNCF pour les treize autres régions ainsi que les
crédits nécessaires pour assurer l'équilibre du compte TER
2000 de la SNCF. Ceci représente, après indexation prévue
par la loi, à un montant de 1.054 millions d'euros (6.914 millions de
francs).
De plus, l'Etat versera à chacune des régions le montant des
crédits correspondant aux pertes de recettes induites par les tarifs
sociaux mis en place à la demande de l'Etat sachant qu'à l'heure
actuelle l'Etat verse à ce titre, à la SNCF, une somme globale
que l'entreprise se charge de répartir entre les diverses
activités voyageurs. Ce montant est de 179,8 millions d'euros (1.178,9
millions de francs) pour l'année 2000.
Enfin, des crédits seront également versés pour contribuer
au renouvellement du parc de matériel affecté aux services
transférés pour un montant de 205,8 millions d'euros
(1 350 MF).
Au total, près de 1.439 millions d'euros (9.443 millions de francs)
seront donc consacrés en 2002 à la décentralisation des
services ferroviaires régionaux de voyageurs.
Que recouvre la dotation aux services régionaux de voyageurs en 2002 ?
Selon le
ministère de l'équipement, le montant indiqué prend en
compte :
- les dotations antérieurement versées à la SNCF et aux
régions ;
- le déficit constaté sur le compte de l'activité TER pour
2000 de la SNCF ;
- le montant de l'indexation prévue par l'article 125 de la loi SRU
appliquée pour 2001-2002 aux dotations antérieures et au
déficit 2000 ;
- la compensation au titre des tarifs sociaux appliqués aux SRV à
la demande de l'Etat;
- la dotation complémentaire pour le renouvellement du matériel
roulant ;
- la révision de la dotation de l'Etat au titre du transfert de
compétence en prévision d'une hausse des redevances d'utilisation
de l'infrastructure pour la circulation des SRV.Cette contribution sera
versée directement aux conseils régionaux
Toujours selon le ministère, «
l'importance de cette
dotation traduit clairement la volonté de l'Etat de faire de la
régionalisation un levier de l'amélioration des services offerts
aux usagers des TER
».
b) La base de calcul de la dotation : des comptes attestés par un audit
Le
calcul de la dotation 2002 repose notamment sur les résultats de l'audit
d'avancement et d'attestation des comptes TER 2000. La SNCF a fourni à
votre rapporteur le relevé de conclusion des auditeurs.
Les auditeurs ont noté que
plusieurs points dans les comptes de
la SNCF font l'objet de réserve des commissaires aux comptes :
1 - les commissaires aux comptes ne sont
«
pas en mesure de
valider la valeur nette comptable des installations fixes et des subventions
d'investissement
». Il y a donc une incertitude sur le
calcul des dotations aux amortissements et des reprises de subventions. Ces
postes représentent 3,1 % du montant total des charges de
l'activité TER en 2000.
Ainsi, le fichier de recensement des installations fixes présente un
certain nombre d'anomalies. «
Nous ne pouvons donc avoir
l'assurance que les charges affectées à l'activité TER
reflètent la répartition définitive telle qu'elle
résultera du recensement exhaustif des surfaces existantes et de leur
affectation aux différents utilisateurs
. »
2 - les commissaires aux comptes notent également
des incertitudes
sur l'évaluation des recettes et émettent donc une réserve
de principe sur le compte de résultat de l'activité TER.
L'incertitude concerne la correspondance exacte entre le volume des produits
enregistrés et celui des ventes encaissées, le solde
cumulé des écritures en cause s'élevant depuis 1997
à 329 millions de francs sur un total de recettes voyageurs de 127
milliards de francs.
Par ailleurs sont préconisées des corrections dans les
arrêtés des comptes, visant notamment à :
- annuler 23 millions de francs de produit net maintenu indûment dans les
comptes TER au niveau central
- augmenter la charge nette de l'activité TER au niveau national dans
une fourchette de 45 à 56 millions de francs. Des erreurs corrigeraient
de 4 millions de francs supplémentaires les charges des TER
- réduire de 33 millions de francs le résultat de
l'activité TER.
Compte de résultat 2000 de l'activité TER (en millions de francs)
CHARGES |
PRODUITS |
||
conduite |
-2 200,8 |
recettes du trafic |
3 450,7 |
accompagnement |
-1 384,6 |
tarifs sociaux |
1 258,2 |
énergie |
-458,2 |
autres recettes |
71,0 |
Péages d'infrastructure |
-904,1 |
contribution des collectivités |
6 117,0 |
autres |
-81,7 |
bonus/malus |
-37,2 |
total circulation |
-4 766,1 |
total produits |
10 859,8 |
charges routières |
-423,2 |
||
amortissements |
-651,3 |
|
|
Reprises de subvention |
189,9 |
|
|
charges financières |
-244,9 |
|
|
taxe professionnelle |
-326,5 |
|
|
location de matériel |
-140,7 |
|
|
entretien |
-1 638,7 |
|
|
prêts et emprunts |
-191,8 |
|
|
total matériel roulant |
-3 004,0 |
|
|
distribution, manoeuvres et services en gare |
-1 649,9 |
|
|
charges de capital des gares TER |
-148,3 |
|
|
entretien des gares |
-97,7 |
|
|
contributions de service |
-150,9 |
|
|
total charges au sol |
-2 046,8 |
|
|
gestion du TER |
-824,2 |
|
|
structure SNCF |
-384,4 |
|
|
total autres charges |
-1 208,7 |
||
TOTAL CHARGES |
-11 448,8 |
TOTAL PRODUITS |
11 448,8 |
résultat déficitaire |
- 589,0 |
Le résultat déficitaire de l'activité TER en 2000, soit -589 millions de francs, a été revu à la hausse de 105 à 116 millions de francs supplémentaires compte tenu des résultats de l'audit :
Résultat de l'activité TER après audit
résultat des comptes |
- 589 |
correction liée à la contrepartie des écritures enregistrées après clôture des comptes interdomaines |
- 23 |
résultat corrigé |
- 612 |
autres corrections liées à la méthodologie de clôture |
- 60 à - 49 |
corrections spécifiques à chacune des activités régionales |
- 33 |
Résultat négatif après corrections et ajustements |
- 705 à - 694 |
Par
ailleurs, à la demande du ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie, et du ministre de l'équipement, des transports et du
logement, et dans la perspective du transfert de compétences aux
régions, le 1er janvier 2002, de l'organisation des services
ferroviaires régionaux de voyageurs, une mission a été
conduite conjointement par l'Inspection générale des finances et
le Conseil général des ponts et chaussées
Ainsi,
cette mission a permis de préciser la part de la contribution
au titre des tarifs sociaux correspondant aux trafics régionaux
(TER) à 179,7 millions d'euros (1.178,9 millions de francs).
Ce montant sera intégré dès 2002 dans la dotation
générale de décentralisation et sera versé aux
régions, conformément aux dispositions de la loi 2000-1208 du 13
décembre 2000 relative à la solidarité et au
renouvellement urbain.
La part de cette contribution correspondant au trafic grandes lignes continuera
à être versée directement à la SNCF.
2. Un montant contesté
Si
l'évaluation de la subvention s'est faite notamment sur un constat
d'audit indépendant,
il n'en reste pas moins que les subventions ne
permettront pas une réelle « remise à
niveau » du service TER
qui a souffert d'un relatif
désintérêt et d'une diminution des subventions pendant de
trop nombreuses années pour pouvoir répondre dans de bonnes
conditions aux exigences de développement de ce nouveau service public
régional.
De fait,
le montant de la dotation nécessaire au renouvellement du
matériel fait actuellement l'objet d'un désaccord entre les
régions et l'Etat
: les premières l'estiment à
1,83 million d'euros et le second ne souhaite accorder que 1,68 million
d'euros.
Enfin, le comité des finances locales réuni le 25 septembre 2001
a souhaité connaître l'avis de la commission consultative
d'évaluation des charges avant de se prononcer définitivement sur
le projet de décret relatif au transfert de compétences en
matière de transports collectifs d'intérêt régional.
On peut rappeler ici que les collectivités locales participent
déjà de manière importante au financement du transport
ferroviaire. Elles peuvent donc légitimement attendre que le nouveau
transfert se réalise dans de bonnes conditions financières.
La participation des collectivités locales au financement du transport ferroviaire
La
participation des collectivités locales au développement du
transport ferroviaire se décompose d'une part en des investissements sur
l'infrastructure elle même, et d'autre part en l'acquisition, ou en
participation à l'acquisition, de matériel roulant. Le montant de
ces participations croît et continue de croître
régulièrement depuis plusieurs années du fait de la mise
en oeuvre des contrats de plan Etat - Région et de
l'expérimentation, puis de la généralisation au 1er
janvier 2002, de la régionalisation des services régionaux de
voyageurs (SRV).
En ce qui concerne les installations fixes, les contributions des
collectivités locales se sont élevées, depuis 1997, date
de la création de RFF, à 386 M€ (2,53 MdsF).
Ces opérations concernent des investissements d'infrastructure à
la fois sur ligne à grande vitesse et sur le réseau classique.
L'ensemble des collectivités locales participe ainsi au financement des
investissements sur le réseau ferré national à hauteur
d'environ 6 % : 4 % est apporté par les régions, et
2 % par les autres collectivités locales. Les investissements
programmés dans le cadre de ces contrats de plan représentent un
montant de 4,57 milliards d'euros (30 milliards de francs), avec une
participation de l'Etat de 1,37 milliards d'euros (9 milliards de francs).
En ce qui concerne le matériel roulant, les contributions des
collectivités locales se sont élevées à près
de 1 050 M € (6 880 MF) sur la période 1994-2001 (incluse),
essentiellement pour l'acquisition de matériel roulant voyageurs. Avant
1994, les acquisitions de matériel roulant étaient
financées majoritairement par la SNCF. Depuis cette date et la mise en
place de l'expérimentation de la régionalisation des SRV en 1997,
ces contributions sont le fait des régions, qui financent aujourd'hui
à 100% la SNCF par subventions d'équipement. La SNCF continue
à participer à la rénovation des matériels.
Ce poste est en forte progression depuis 1999, avec les paiements des nouveaux
matériels TER conçus en partenariat avec les régions et
dont les dernières unités doivent être livrées en
2001 (automoteur TER (X 72500), autorail TER (X 73500), matériel
à 2 niveaux TER 2N).
De nouvelles commandes de ces mêmes matériels ont
été lancées pour environ 150 engins qui seront
livrés d'ici la fin 2003. Enfin, les régions ont confirmé
leurs intentions pour les matériels à 2 niveaux nouvelle
génération, disponibles dès 2003 : l'automotrice Z TER
apte à 200 km/h, dont les premiers exemplaires vont être
livrés en fin d'année et l'autorail à grande
capacité dont le marché vient d'être attribué
à la société Bombardier. En tout, ce sont donc plus de 500
unités qui devraient être livrées entre 2003 et 2006 au
profit de l'activité train express régional (TER).