B. LE MYTHE DU « GEL » DE L'EMPLOI PUBLIC
Au
début de la législature, le gouvernement avait affirmé
vouloir « geler » l'emploi public, cette bonne
résolution étant motivée tant par des
considérations budgétaires que par un souci affiché de
bonne gestion. Sa position officielle consistait ainsi à stabiliser le
nombre de fonctionnaires, tout en procédant à des
redéploiements d'effectifs en direction des secteurs prioritaires comme
la justice ou la sécurité
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*
)
. Inversement, l'administration
fiscale et celle de l'équipement devaient voir leurs effectifs diminuer.
Cette ambition s'est brisée - rapidement - sur des résistances,
voire des corporatismes de nature syndicale, qu'il n'était du reste ni
étonnant ni illégitime de voir se manifester, mais auquel le
gouvernement n'a pas eu le courage de faire face,
préférant,
par facilité, renouer avec une politique qui, faute d'être
réformatrice, a au moins le mérite de la lisibilité :
créer des emplois supplémentaires.
Le graphique ci-après traduit bien l'abandon par le gouvernement de son
objectif initial de « geler » l'emploi public :
C'est à partir de la loi de finances pour 2001 que le gouvernement a
fait le choix de créations massives d'emplois publics telles qu'il n'y
en avait plus eu depuis le début des années 1990
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*
)
. Le présent projet de loi de
finances confirme ce choix, en l'amplifiant, puisqu'il prévoit la
création de 15.892 emplois budgétaires
supplémentaires
, dont 14.611 au sein des services de l'Etat et 1.281
dans les établissements publics.
Le tableau ci-après présente ces créations d'emplois par
section budgétaire :
Ces arbitrages sont évidemment critiquables, et suscitent quelques
interrogations.
Le ministère de l'éducation nationale bénéficie de
7.716 créations d'emplois, soit près de la moitié du
total : 5.737 emplois dans l'enseignement scolaire et 1.979 emplois dans
l'enseignement supérieur. Il convient de rappeler que le même
ministère avait déjà obtenu les deux tiers des
créations d'emplois décidées par la loi de finances pour
2001.
Il paraît légitime de se demander jusqu'où va aller ce
mouvement, d'autant plus que le nombre des élèves comme des
étudiants diminue désormais très
régulièrement, et que les projections démographiques
montrent bien que cette décrue va se poursuivre.
Certes, le gouvernement indique que ces créations d'emplois s'inscrivent
dans un plan pluriannuel ayant vocation à anticiper les départs
importants à la retraite des enseignants.
Ne paraît-il pas plus
urgent - mais c'est aussi bien plus difficile - de réfléchir
à la façon d'adapter le format de l'Etat à cette occasion
historique que constitue une telle évolution ?
Cette question fondamentale
, à laquelle le gouvernement n'a jamais
donné d'autre réponse que quantitative,
se pose plus
généralement pour l'ensemble de la fonction publique
, tant il
est vrai que, comme le lui suggérait du reste un rapport du Commissariat
général du Plan l'année dernière,
il semble
inconcevable de remplacer chaque fonctionnaire partant à la retraite.
En effet, non seulement cela entraînerait un coût budgétaire
considérable, mais cela paraît également contradictoire
avec les gains de productivité que les nouvelles technologies de
l'information et de la communication sont susceptibles d'engendrer dans les
services, permettant ainsi de réduire les effectifs et surtout
d'enrichir le contenu de certains emplois publics.