EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 13 novembre 2001 sous la présidence de M. Jacques Oudin, vice-président, la commission a procédé à l'examen des crédits de la justice , sur le rapport de M. Hubert Haenel, rapporteur spécial .

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , a tout d'abord présenté brièvement les crédits du ministère de la justice.

Il a ainsi constaté que les crédits demandés pour la justice pour 2002 progressaient de 5,68 % (+ 252 millions d'euros) et atteignaient 4,687 milliards d'euros (soit 30,7 milliards de francs).

Il a ajouté que la part du budget de la justice dans le budget de l'Etat progressait et passait de 1,68 % en 2001 à 1,74 % pour le projet de budget de 2002.

Il a fait remarquer que tous les agrégats étaient concernés par la hausse des crédits, puisque l'administration générale voyait ses crédits augmenter de 6,18 % par rapport à 2001, les services judiciaires de 4,23 %, le Conseil d'État et les juridictions administratives de 4,74 %, les services pénitentiaires de 9,70 % et les services de la protection judiciaire de la jeunesse de 0,99 %.

Il a précisé que, comme les années précédentes, le budget de la justice voyait ses effectifs budgétaires augmenter de 2.788 emplois.

Puis M . Hubert Haenel, rapporteur spécial , a présenté les articles rattachés au budget de la justice. Il a indiqué que l'article 74 visait à financer l'intervention de l'avocat pour l'assistance aux détenus au cours des procédures disciplinaires.

Il a expliqué que l'article 75 modifiait les modalités d'avance des frais de justice par le Trésor public dans le cadre de procédures collectives. Il a souligné que cet article tirait les conséquences des dérives dénoncées par un rapport de 1998 de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des services judiciaires.

Il a ensuite annoncé que l'article 76 visait à consacrer la participation des barreaux au financement de la formation professionnelle des avocats. Il a constaté que dans un arrêt du 19 juin 2001, la Cour de cassation avait estimé que la loi du 31 décembre 1971, modifiée par une réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, n'autorisait pas les centres régionaux de formation professionnelle à imposer aux ordres d'avocats le paiement de cotisations destinées au financement de la formation professionnelle. Cet article vise donc à donner une base légale aux modalités de financement des centres régionaux de formation professionnelle. Le rapporteur spécial a indiqué que l'Assemblée nationale avait apporté certaines modifications en première lecture, en étroite collaboration avec les professions d'avocat.

Puis M . Hubert Haenel, rapporteur spécial , a présenté ses observations.

Il a souligné que chaque année, il dénonçait le manque de transparence qui affecte la gestion des personnels du ministère de la justice, et particulièrement ceux de l'administration centrale. En effet, celle-ci ne dispose pas des effectifs nécessaires à l'exercice de ses missions. En conséquence, elle est obligée de « puiser » dans les effectifs des services déconcentrés par le biais de mises à disposition. Il a jugé ce système critiquable car il ne permet pas d'avoir un aperçu correct des effectifs des différents services du ministère de la justice, puisqu'il entraîne un décalage entre les effectifs budgétaires et les effectifs réels.

C'est la raison pour laquelle il s'est félicité de l'effort engagé cette année par la Chancellerie pour limiter le nombre des mises à disposition par le transfert de 59 emplois des services déconcentrés vers l'administration centrale. Il a cependant insisté sur la nécessité de poursuivre cet effort.

Puis M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , a annoncé qu'un décret du 31 août 2001 avait créé l'agence pour la maîtrise d'ouvrage et de travaux d'équipement. Il s'agit d'un établissement public administratif qui doit se substituer à la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement et qui a vocation à gérer un important programme de travaux concernant aussi bien les services judiciaires que l'administration pénitentiaire.

Il s'est félicité de la création de cet établissement public et a rappelé qu'elle s'inspirait de la solution proposée par la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt.

Puis M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , a regretté une nouvelle fois que le Gouvernement refuse d'encadrer ces programmes de construction et de rénovation dans une loi de programme. Il a estimé que le Parlement ne disposait pas d'une vue d'ensemble des travaux engagés ou programmés. L'important décalage entre l'annonce d'une construction et sa réalisation renforce encore l'opacité des décisions prises au niveau gouvernemental.

Il a constaté que chaque année, des milliards de francs de crédits étaient annoncés pour réhabiliter le parc pénitentiaire français, mais l'absence de loi de programme définissant le montant total des opérations et un calendrier prévisionnel ne permet pas de suivre l'utilisation de ces crédits.

Il a ensuite regretté les contraintes pesant sur le budget 2002 en raison de l'entrée en vigueur de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.

Il a ainsi déclaré que 34,15 millions d'euros de crédits nouveaux (soit 224 millions de francs) étaient consacrés au paiement d'heures supplémentaires et à la compensation financière des astreintes dans le cadre de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.

De même, il a insisté sur le fait qu'une partie non négligeable des emplois créés cette année servirait en réalité à compenser la diminution de la durée du temps de travail.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur les conditions d'application des « 35 heures ». Il a jugé que la fixation du nombre annuel d'heures de travail était essentiellement le résultat du rapport de force entre la Chancellerie et les organisations syndicales. Il a alors rappelé les propos de la ministre, entendue le 25 octobre dernier par la commission des finances, qui avait admis que les personnels de la justice travailleraient moins que les 1.600 heures prévues et que les négociations portaient sur un nombre d'heures compris entre 1.470 et 1.600. Elle avait estimé qu'elle devait tenir compte des avantages acquis par les personnels.

Enfin M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , a plaidé pour une analyse plus poussée des conséquences des grandes réformes dans le fonctionnement au quotidien de la justice.

Il a souhaité que les études d'impact ne soient plus réalisées par la Chancellerie, mais par une instance indépendante.

Par ailleurs, il a défendu l'idée que, lors de l'examen d'un projet de loi par le Parlement, la commission des finances soit appelée à analyser l'étude d'impact fournie et à donner un avis sur les conditions financières d'application des dispositions législatives contenues dans ledit projet de loi.

Enfin il a estimé indispensable que tout texte ayant des répercussions importantes sur le fonctionnement des services de la justice fasse l'objet d'une étude d'impact postérieure à son entrée en application.

Puis M. Jacques Oudin, président , a demandé si la Chancellerie avait tenu compte des critiques formulées par la Cour des comptes sur la gestion des effectifs. Il s'est également interrogé sur le nombre de mises à disposition existant actuellement au ministère de la justice.

En réponse, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , a estimé à environ 450 les mises à disposition de personnels à l'administration centrale provenant des services déconcentrés. Puis il s'est inquiété des modalités d'application de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail dans les services de la Chancellerie, alors qu'il n'existe aucune étude approfondie sur le temps de travail réel des magistrats et des fonctionnaires du ministère de la justice.

A l'issue de cette présentation, la commission a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits de la justice et d'adopter sans modification les articles 74, 75 et 76 rattachés.

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