EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 31 octobre 2002, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen des crédits des anciens combattants pour 2003 et de l'article 62 rattaché, sur le rapport de M. Jacques Baudot, rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a indiqué, dans un premier temps, que les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants prévus dans le projet de loi de finances pour 2003 s'élevaient à de 3,486 milliards d'euros en baisse de 3,97 % par rapport aux crédits votés pour 2002.
Il a rappelé qu'il était nécessaire de tenir compte de certains ajustements nécessaires liés notamment à la prise en compte de la consommation des crédits des années passées et surtout à la variation du nombre des effectifs qui entraînait une diminution mécanique des dotations en fonction du nombre de bénéficiaires (- 4,3 % en 2003). Il a notamment précisé que le nombre d'anciens combattants s'élevait à 4,2 millions en 2003, dont 2,263 millions de ressortissants directs et 1,95 million d'ayants cause.
En outre, il a également tenu à spécifier que les crédits inscrits au budget des anciens combattants et de la défense ne représentaient pas la totalité de la dépense collective en faveur du monde combattant.
Au total, il a estimé que l'effort global de la Nation en faveur des anciens combattants en 2003 était de l'ordre de 4 milliards d'euros, y compris les crédits inscrits au budget de la défense (titre III, V et VI) ainsi que la « dépense fiscale » constituée par les exonérations et déductions diverses dont bénéficient les anciens combattants. Il a indiqué que cette somme était stable par rapport à l'effort global enregistré en 2002.
Dans un second temps, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a constaté que le budget des anciens combattants était, pour l'essentiel, un budget de prestations. Il a précisé à cet égard que la dette viagère, à savoir les pensions d'invalidité et la retraite du combattant, représenterait près de 3 milliards d'euros en 2003, soit 84 % du budget total.
Il a insisté sur le fait que la masse des dépenses d'intervention enregistrait des évolutions divergentes et caractéristiques de la politique menée en faveur du monde combattant.
Ainsi, il a souligné que les charges de retraite continuaient de progresser, mais moins rapidement que les années précédentes. Il a précisé que cette progression était directement liée à la politique d'élargissement des conditions d'attribution de la retraite du combattant menée depuis 1997.
Parallèlement, il a noté que la charge des pensions d'invalidité diminuait en raison de la disparition naturelle des bénéficiaires.
A cet égard, il a constaté que les économies potentielles ainsi réalisables sur ce budget de prestations, en raison de la disparition naturelle des bénéficiaires, permettaient au Gouvernement de financer des mesures supplémentaires en faveur du monde combattant.
Il a insisté sur le fait que, contrairement aux budgets précédents, le budget des anciens combattants pour 2003 permettait de mettre en fin à certaines injustices à l'égard de la population combattante.
En matière de mesures nouvelles, il a indiqué que le projet de budget pour 2003 contenait un article rattaché s'inscrivant dans le droit fil des mesures prises ces dernières années en faveur des anciens combattants.
Il s'est arrêté sur la teneur de l'article 62 prévoyant une nouvelle progression à 122,5 points de pension militaire d'invalidité du plafond majorable servant au calcul des majorations spécifiques sur les rentes mutualistes, mesure traditionnelle, pour un coût de 6,69 millions d'euros en 2003.
A cet égard, il a indiqué qu'il avait toujours considéré que cette mesure n'était pas prioritaire puisqu'elle s'adressait à une catégorie minoritaire d'anciens combattants, ceux disposant d'une rente mutualiste. Il a considéré qu'il aurait été beaucoup plus opportun et légitime de procéder à une augmentation du point d'indice de la retraite du combattant, mesure visant une plus large population d'anciens combattants.
Parmi les innovations majeures du projet de budget pour 2003, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a salué la mise en oeuvre de la première étape de la décristallisation des prestations versées aux anciens combattants des anciennes colonies françaises. Il a indiqué qu'il s'agissait d'une décision historique qui permettrait de réparer une injustice majeure faite aux ressortissants des pays autrefois placés sous souveraineté française, ayant accédé à l'indépendance.
Il a rappelé, à ce égard, que depuis l'arrêt « Diop » du Conseil d'Etat du 30 novembre 2001, l'Etat français se voyait dans l'obligation de procéder à cette décristallisation. Il a indiqué que le présent projet de budget prévoyait, à ce titre, l'ouverture de 72,5 millions d'euros de crédits nouveaux pour engager le processus, dont 58,25 millions d'euros au titre de la décristallisation des pensions d'invalidité et 14,25 millions d'euros au titre de la décristallisation de la retraite du combattant.
Il a toutefois estimé qu'il aurait été plus juste de concentrer l'intégralité des crédits destinés à la décristallisation sur la retraite du combattant, conformément d'ailleurs aux dispositions de la proposition de loi relative à la décristallisation de la retraite du combattant des anciens combattants de l'ex-Union française qu'il avait déposée au Sénat le 7 novembre 2000.
Il a également rappelé que ces crédits supplémentaires ne couvraient que très partiellement les besoins issus d'une décristallisation totale qui s'élèveraient, d'après les estimations du ministère de la défense, à près de 1,52 milliard d'euros pour les arriérés et à plus de 450 millions d'euros par an pour les revalorisations de pensions et de la retraite du combattant.
Puis, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , s'est arrêté sur une autre avancée significative, consistant dans la mise en place d'un bilan médical gratuit à destination des anciens militaires qui devrait permettre un meilleur suivi des victimes de psychotraumatismes de guerre. Il a indiqué que cette mesure avait pour objectif d'améliorer l'expertise médicale des nouvelles pathologies et de mieux orienter les anciens combattants et militaires dans la prise en charge des affections dont ils souffrent. Pour l'année 2003, il a précisé que des crédits supplémentaires de 440.000 euros avaient été prévus à ce titre.
S'agissant toujours de la santé des anciens combattants, il a également salué l'engagement du secrétaire d'Etat à revenir sur l'abaissement du plafond de remboursement des frais d'hébergement en cure thermale qui avait été décidé par le gouvernement précédent.
Enfin, il a estimé que l'augmentation de la subvention de fonctionnement de l'institution nationale des invalides était particulièrement satisfaisante.
Ainsi, malgré les contraintes budgétaires avec lesquelles le Gouvernement a dû composer cette année, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a souligné que le monde combattant pourrait bénéficier en 2003 de mesures symboliques d'une grande importance.
Toutefois il a également souhaité évoquer certains points suscitant des interrogations.
Il a tout d'abord fait part de sa désapprobation quant à la diminution en 2003 des crédits consacrés à l'action sociale de l'ONAC, qui enregistraient une baisse significative de 12,5 % entre 2002 et 2003. Il a rappelé et salué l'effort de rationalisation administrative et budgétaire entreprise par l'ONAC dans le cadre de la mise en oeuvre future du nouveau contrat d'objectifs et de moyens. Toutefois il a estimé que la dimension sociale du rôle de l'ONAC était bien trop importante pour que les crédits destinés aux actions sociales de l'office fussent diminués de la sorte. Il a indiqué que le secrétaire d'Etat attendait sur ce point une participation du Parlement via un abondement des crédits lors de la discussion du budget.
Il a ensuite abordé un autre point toujours en suspens, celui de l'anticipation de l'âge de versement de la retraite du combattant. Il a rappelé que la loi de finances pour 2002 avait prévu l'attribution à 60 ans de la retraite du combattant aux bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité. Il a regretté que cette année encore, les conditions d'une généralisation de cette attribution à 60 ans ne fussent pas évoquées malgré l'existence de solutions envisageables, parmi lesquelles l'abaissement progressif de l'âge de versement ou, alternativement, l'augmentation de l'indice de pension. Il a rappelé que cette dernière solution avait sa préférence.
S'agissant de la situation des veuves d'anciens combattants, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a indiqué qu'aucune mesure nouvelle en faveur de cette catégorie de bénéficiaires n'avait été prévue dans le projet de budget pour 2003. Il a cependant rappelé que des pistes existaient et qu'elles avaient été, à maintes reprises, évoquées par le Sénat, parmi lesquelles la réversion de la retraite du combattant, l'assouplissement des conditions de réversion de la pension d'invalidité ou encore la revalorisation des pensions de veuve.
À propos de l'indemnisation des orphelins de déportés, il a estimé que, dans un souci d'équité et d'indifférenciation raciale ou religieuse, la mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été déportés et victimes de persécutions antisémites, devait être étendue à tous les orphelins de déportés non juifs, fusillés ou massacrés. Il a rappelé que la loi de finances rectificative pour 2001 avait mis en place une extension de cette mesure de réparation à destination des orphelins de déportés victimes de persécutions raciales et morts en déportation. Il a émis le souhait de pouvoir aller plus loin.
Enfin, s'agissant de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a rappelé que les engagements pris, par alignement sur la situation des incorporés de force dans l'armée allemande, n'avaient toujours pas été tenus. Il a affirmé souhaiter connaître la position de l'actuel Gouvernement sur cette question.
Puis M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a proposé à la commission d'adopter le projet de budget des anciens combattants pour 2003 et d'émettre un avis favorable sur l'article 62 rattaché.
Au cours du débat qui a suivi cette présentation, M. Jean Arthuis, président , a tout d'abord souhaité rappelé que la construction du budget pour 2003 s'était faite dans des conditions de contraintes budgétaires fortes.
M. François Trucy a souhaité interrogé M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, sur deux points, d'abord celui des possibilités d'extension des mesures de réparation à tous les orphelins de déportés non juifs, ensuite celui de la proportion actuelle d'anciens combattants ayant participé à des opérations de maintien de la paix.
S'agissant du premier point, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a indiqué que le secrétaire d'Etat aux anciens combattants avait prévu la mise en place d'une structure interministérielle dévolue à ces questions mais qu'aucun crédit en ce sens n'avait été inscrit au budget. Il a d'ailleurs indiqué qu'il était favorable à une égalité de traitement entre tous les orphelins de déportés, fusillés ou massacrés.
S'agissant du nombre d'anciens combattants ayant participé à des opérations de maintien de la paix, il a précisé qu'ils étaient difficilement quantifiables pour le moment mais que les statistiques fournies par le secrétariat d'Etat indiquaient un chiffre de 59.900 en 2003 pour les anciens combattants des nouveaux conflits et des opérations extérieures. En outre, il a indiqué que la mise en place du suivi sanitaire des anciens militaires et des victimes de psychotraumatismes de guerre permettrait sans doute d'en savoir plus sur cette nouvelle catégorie d'anciens combattants.
Mme Marie-Claude Beaudeau a d'abord fait remarquer que le Gouvernement n'avait pas assez tiré parti des marges de manoeuvre budgétaires permises par la baisse démographique du nombre de combattants. Elle a également regretté que les crédits consacrés à la décristallisation ne soient pas plus importants. Enfin, elle s'est félicitée de voir que le règlement de la question du devenir des emplois mémoire était en bonne voie. Elle a ensuite souhaité interrogé M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, sur plusieurs points, celui du statut de pupille de la Nation des vingt-trois jeunes ayant perdu un parent dans le récent attentat de Karachi, celui des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens CRS et policiers ayant séjourné en Algérie, enfin celui du nombre de bénéficiaires de la rente mutualiste.
En réponse aux observations et aux questions de Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a indiqué que des crédits inscrits au budget de l'année 2002 au titre de la retraite du combattant n'avaient pas été consommés et qu'ils seraient donc reportés sur la gestion 2003. Il a également rappelé que, s'agissant de la décristallisation, la discussion d'un texte de loi devrait avoir lieu dans les prochains mois.
En outre, il a rappelé que les vingt-trois jeunes ayant perdu un parent dans l'attentat de Karachi avaient obtenu le statut de pupille de la Nation au même titre que tous les enfants de victimes civiles d'attentat. Il a également souligné que les anciens CRS et policiers ayant exercé leurs fonctions en Algérie étaient en droit d'obtenir la carte d'ancien combattant en AFN à la condition d'avoir séjourné au moins quatre mois en Algérie. Enfin, il a indiqué qu'au 31 décembre 2001, le nombre de bénéficiaires de la rente mutualiste était de 400.140.
S'agissant de la baisse des crédits sociaux de l'ONAC, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a, à nouveau, souhaité insister sur l'importance de l'action sociale menée par l'ONAC, à la fois dans sa dimension individuelle et dans sa dimension collective (maisons d'hébergement pour les personnes âgées, maisons de rééducation professionnelle).
Enfin, M. Jean Arthuis, président , a interrogé M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, sur le financement du relèvement du plafond de remboursement des frais d'hébergement en cures thermales, annoncé par le secrétaire d'Etat. Il a également souhaité savoir si la professionnalisation des armées remettait en cause l'existence du secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
En réponse M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a souligné que le secrétaire d'Etat aux anciens combattants avait indiqué que le relèvement du plafond de remboursement des frais d'hébergement en cures thermales serait financé sur les crédits prévus au titre des soins médicaux gratuits dont le montant en 2003 devrait permettre de faire face aux dépenses occasionnées par le relèvement de ce plafond de remboursement.
Enfin, il a estimé que l'avènement de la professionnalisation des armées n'entraînerait pas la disparition du secrétariat d'Etat aux anciens combattants puisque la population de ayants cause des anciens combattants était encore très importante.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d' adopter les crédits des anciens combattants pour 2003 ainsi que l'article 62 rattaché sans modification.
Réunie le jeudi 21 novembre 2002, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a confirmé son adoption des crédits inscrits au budget des anciens combattants pour 2003 en prenant acte des modifications de crédits adoptées à l'Assemblée nationale . Elle a en outre donné au rapporteur spécial mandat de définir la position de la commission sur l'article 62 bis rattaché.