2. Le transfert des polluants dans les eaux souterraines

Malgré ces quelques anomalies naturelles, rares et très localisées, la qualité des eaux souterraines en France est telle qu'elles constituent une ressource privilégiée pour l'alimentation en eau de la population. Là où elles existent, les nappes sont souvent accessibles, abondantes et fournissent une eau n'exigeant que peu de traitement pour être distribuée aux consommateurs. Cette qualité naturelle est largement due au filtre que constitue le transit de l'eau dans le sol.

Pourtant, au sol, la vie animale et surtout l'activité humaine génèrent des quantités de polluants, naturels (excréments) ou chimiques, occasionnels (accidents) ou diffus (origine agricole). Ce filtre est-il suffisant pour assurer la dépollution de l'eau issue des activités de surface ? La connaissance des transferts éventuels des polluants du sol vers les eaux souterraines est évidemment fondamentale pour assurer la protection durable de la ressource en eau. La dégradation -mal mesurée mais bien connue- des eaux souterraines et l'amélioration des connaissances sur les mécanismes de transfert conduisent à avoir une vision plutôt pessimiste. Le sol, entre la surface et la nappe est un « filtre vivant » imparfait. La migration des polluants vers les nappes est avérée. Pour Michel VAUCLIN, chercheur auditionné en février 2002, «l'euphorie passée que la tranche de sol située entre la surface et la nappe puisse constituer un filtre vivant capable de retenir et de dégrader les substances polluantes ou toxiques, a fait place, ces dernières années, à une réalité douloureuse : leur migration vers l'environnement plus profond est une évidence à la probabilité d'occurrence importante ».

Les modalités et temps de transfert des polluants sont très variables selon les types de polluants, selon les sols et font appel à trois processus distincts : les caractéristiques des sols et leur humidité, les réactions chimiques des molécules avec l'eau et le milieu, l'activité microbienne. Ainsi, une nappe peut être protégée pour un type de pollution et pas contre une autre. La nappe des sables de Fontainebleau est bien protégée des pollutions microbiologiques grâce au pouvoir filtrant des sables, mais ceux ci restent inefficaces faces aux pollutions chimiques solubles dans l'eau. Ces processus sont présentés plus en détails en annexe (12 ( * )) .

Les différents mécanismes sont résumés dans le tableau suivant :

Typologie des transferts de polluants dans les eaux souterraines


Sol superficiel
(0,1-1 m)


Zone non saturée
(
1-10 ; 1-100 m)


Nappe profonde

Vitesse des transferts
liée à :

- végétation
- micro-organismes
- humidité

- structure du sol
- porosité
- humidité
- transport colloidal

- nature de la roche,
- micro porosité

Transformation
liée à :

- transformation biologique ; action des bactéries

- transformation chimique abiotique - dissolution/précipi-tation /oxydation

- transformation chimique abiotique - dissolution/précipi-tation /oxydation

Ce large éventail des mécanismes de transfert constitue une difficulté pour la bonne connaissance des processus de filtration. Outre les difficultés d'étude dans chaque discipline (pédologie, chimie, microbiologie), l'approche pluridisciplinaire est encore peu courante en France et présente des handicaps spécifiques : délais plus importants, difficultés de valorisation des travaux du point de vue des chercheurs (il n'existe que très peu de publications interdisciplinaires, et quand elles existent, leur impact professionnel est beaucoup plus faible que celui des revues spécialisées propres à chaque discipline).

Malgré ces difficultés, une bonne connaissance des mécanismes de transfert est fondamentale pour aider les décideurs à préserver de façon durable la ressource d'eau souterraine et à effectuer les arbitrages qui s'imposent : étendue des périmètres de protection, nature des changements éventuels dans les pratiques agricoles à mettre en oeuvre, éventuellement sélection de sites à geler pour la protection des nappes... Les choix sont ouverts, mais partent du constat simple et amer : il est clair que le passage lent dans le sol constitue une filtration naturelle mais souvent insuffisante pour éliminer les éventuelles pollutions de surface.

* (12) Annexe 12 - Les mécanismes de transferts des pollutions dans les eaux souterraines.

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