Rapport n° 331 (2002-2003) de M. Jean PUECH , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 4 juin 2003
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INTRODUCTION
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I. APERÇU DES ÉVOLUTIONS POLITIQUES ET
ÉCONOMIQUES EN AFRIQUE DU SUD
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II. L'ACCORD SUR LE COMMERCE, LE
DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION DU 11 OCTOBRE 1999
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I. APERÇU DES ÉVOLUTIONS POLITIQUES ET
ÉCONOMIQUES EN AFRIQUE DU SUD
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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PROJET DE LOI
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ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT
N° 331
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 juin 2003 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l' accord sur le commerce , le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses États membres , d'une part, et la République d'Afrique du Sud , d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations),
Par M. Jean PUECH,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, André Ferrand, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.
Voir les numéros :
Sénat : 183 (2002-2003)
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses États membres d'une part et la République d'Afrique du Sud d'autre part, signé à Pretoria le 11 octobre 1999.
Cet accord constitue l'aboutissement de la normalisation des relations entre l'Europe et l'Afrique du Sud à partir de 1990 et fait suite à un premier accord de coopération simplifié signé le 10 octobre 1994.
Couvrant les questions commerciales, mais également le dialogue politique, la coopération économique et l'aide au développement, l'accord du 11 octobre 1999 présente un caractère mixte, puisqu'il traite aussi bien de domaines de nature intergouvernementale que de questions entrant dans la compétence communautaire. Il a donc été signé par les représentants de la Commission européenne et ceux des 15 États membres, une procédure de ratification étant nécessaire dans chacun d'entre eux.
Le principal objet de l'accord est d'établir entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud une zone de libre-échange dite « asymétrique » dans la mesure où l'ouverture des marchés européens sera plus complète et plus rapide que celle des marchés sud-africains.
Votre rapporteur présentera succinctement un panorama de la situation politique et économique de l'Afrique du Sud, avant de détailler le contenu de l'accord du 11 octobre 1999 et ses enjeux pour les relations avec l'Union européenne.
I. APERÇU DES ÉVOLUTIONS POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES EN AFRIQUE DU SUD
A. LA SITUATION INTÉRIEURE DE L'AFRIQUE DU SUD
1. Les évolutions politiques
L'Afrique du Sud a opéré sa transition dans la stabilité et consolidé ses institutions parlementaires et démocratiques.
Après de premières élections libres et multiraciales en 1994, le vice-président, M. Thabo Mbeki a succédé en 1999 à Nelson Mandela. Le Congrès national africain ( ANC ) dont ils sont issus, recueille les deux-tiers des suffrages depuis 1994 et s'impose comme le parti dominant. La coalition gouvernementale comporte trois autres formations (l'Azapo, représentant l'extrême gauche africaniste, le Nouveau parti national, héritier de l'ancien parti de l'apartheid, et l'Inkhata, formation des traditionalistes Zulu de M. Buthelezi. Tout semble indiquer que l'assise de l'ANC sera confortée lors des élections générales de 2004.
M. Mbeki mène une politique économique d'inspiration libérale , axée sur le respect des grands équilibres et sur l'ouverture au capital privé et à la concurrence d'une économie longtemps restée administrée. Les dépenses publiques ont été réorientées en direction de la satisfaction des besoins de la population noire (électrification, adduction d'eau, logement), même si l'opposition de gauche juge cette politique insuffisamment redistributive. Sur le modèle de la charte minière d'octobre 2002, de nouvelles chartes sont envisagées pour favoriser l'émergence progressive, dans les principaux secteurs économiques, de sociétés dont les capitaux et les dirigeants proviennent de la population noire, en vue de permettre, au sein de cette dernière, la constitution d'une classe moyenne (la population se compose de 76 % de Noirs, de 11 % de Blancs, de 9 % de métis et de 4 % d'Asiatiques).
2. La situation économique et sociale
Avec près de 44 millions d'habitants , l'Afrique du Sud est, par sa population, le 5 ème pays du continent africain. Elle représente toutefois à elle seule 25 % du PIB du continent et 80 % de celui de l'Afrique australe.
A certains égards, le niveau de développement de l'Afrique du Sud s'apparente à celui de pays industrialisés. Elle est dotée d'infrastructures de qualité (réseaux routier et ferroviaire, téléphone, réseau internet) et maîtrise les principales technologies modernes. Ses ressources minières assurent 50 % de ses recettes d'exportation (1 er producteur mondial d'or, de manganèse, de chrome et de platine). Elle dispose d'entreprises de rang mondial dans les domaines de l'énergie, de l'armement et des télécommunications, ainsi que de structures bancaires performantes.
La politique gouvernementale a été axée sur le rétablissement des équilibres macro-économiques. Le déficit budgétaire a été ramené de 1,4 % du PIB pour l'année fiscale 2001-2002, la dette se situe à 44 % du PIB, les échanges extérieurs sont équilibrés. Le taux de croissance se maintient sur une moyenne de 2,7 % par an depuis 1995.
Ces bons résultats globaux ne doivent pas masquer la persistance de fortes difficultés structurelles , au premier rang desquelles figurent le clonage et la pauvreté.
Malgré la croissance économique, l'emploi a régressé ces dernières années et, tel que mesuré par le BIT, le taux de chômage , dans sa définition large, dépasse 40 % de la population active . La distribution des revenus demeure extrêmement inégalitaire et l'on compte 14 millions de personnes ne disposant d'aucun revenu. Environ 60 % des foyers sud-africains n'ont pas accès à l'eau courante, et 30 % à l'électricité. Ces difficultés sont accentuées par l'afflux d'une immigration non maîtrisée en provenance des pays voisins.
La société sud-africaine connaît en outre deux facteurs supplémentaires de fragilité : une criminalité élevée, qui entretient un fort sentiment d'insécurité dans les zones urbaines, et surtout l'ampleur considérable du Sida . Avec 5 millions de personnes séropositives, soit 11 % de la population, l'Afrique du Sud est l'un des pays au monde les plus touchés par la pandémie. On compte actuellement 600.000 orphelins et leur nombre devrait malheureusement s'accroître fortement d'ici la fin de la décennie. Le pays ne dispose pas des structures et capacités nécessaires pour assurer le traitement d'environ un million de malades .
B. L'AFRIQUE DU SUD SUR LA SCÈNE REGIONALE ET INTERNATIONALE
1. Le rôle de l'Afrique du Sud en Afrique australe
Depuis 1994, l'Afrique du Sud, forte de son poids démographique et économique, a considérablement renforcé son influence en Afrique australe.
C'est à cette date qu'elle a intégré la communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) , initiée en 1979 par l'alliance des pays dits de la « ligne de front » luttant contre le colonialisme et le racisme, et qui compte aujourd'hui dans ses rangs l'Angola, le Botswana, le Mozambique, la Tanzanie, la Zambie, le Zimbabwe, le Lesotho, le Malawi, Maurice, la Namibie, le Swaziland et la République démocratique du Congo.
Outre la SADC, l'Afrique du Sud participe avec le Botswana, le Lesotho, la Namibie et le Swaziland, à la SACU (Union douanière de l'Afrique australe) , qui assure un débouché permanent de ses exportations.
Au sein de ces deux organisations régionales, l'Afrique du Sud exerce une influence politique majeure.
Seul l' Angola , avec lequel les relations se sont améliorées depuis la disparition de Jonas Savimbi et le retrait angolais de la République démocratique du Congo, peut constituer dans la zone un rival potentiel pour Pretoria.
La crise au Zimbabwe constitue actuellement l'un des points les plus épineux pour la diplomatie sud-africaine dans la région. Pretoria a constamment tenté d'atténuer les pressions exercées par la communauté internationale sur le président Mugabe en espérant favoriser une issue négociée. Cette politique n'a pas permis d'éviter une dégradation de la situation qui provoque des répercussions négatives sur l'économie sud-africaine.
2. L'implication de l'Afrique du Sud dans la région des Grands lacs
L'Afrique du Sud a joué un rôle majeur dans la signature des accords du Lusaka sur la République démocratique du Congo en juillet 1999 et des accords d'Arusha sur le Burundi en août 2000.
Elle s'est fortement impliquée dans le dialogue intercongolais de Sun City ainsi que dans les négociations qui ont abouti à l'accord entre la République démocratique du Congo et le Rwanda et à l'accord global de décembre 2002 sur la transition entre les parties congolaises. Elle a décidé de porter ses effectifs de 200 à 1.500 hommes au sein de la MONUC en République démocratique du Congo.
Au Burundi, la médiation de Nelson Mandela a abouti à la décision de confier à Pierre Buyoya la présidence de la République durant les 18 premiers mois de la période de transition qui s'est achevée en mai 2003. L'Afrique du Sud a envoyé 700 hommes pour assurer la protection des hommes politiques de retour d'exil. Elle s'est engagée pour faire assurer un cessez-le-feu effectif et compte contribuer à hauteur de 50 % à la nouvelle force africaine pour le Burundi.
3. L'ambition d'un rôle international plus affirmé
L'Afrique du Sud préside l'Union africaine depuis juillet 2002 et son président a joué un rôle très actif dans la promotion du nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) . Le NEPAD comporte un volet politique, axé sur le règlement des conflits et l'affirmation de la démocratie, mais également un volet économique préconisant, dans des domaines clefs, des initiatives coordonnées entre pays africains autour de projets communs. Affichant des objectifs ambitieux, le NEPAD tarde aujourd'hui quelque peu à déboucher sur des projets concrets.
Plus généralement, l'Afrique du Sud, qui a présidé durant les cinq dernières années le mouvement des pays non-alignés, entend s'imposer comme un des principaux porte-parole des pays du Sud sur la scène internationale.
C. LES RELATIONS AVEC L'UNION EUROPÉENNE ET AVEC LA FRANCE
1. Les relations entre l'Afrique du Sud et l'Union européenne
L'Afrique du Sud fut, à l'époque du régime d'apartheid, l'un des tous premiers cas d'adoption d'une ligne politique comme au sein de la Communauté européenne.
En juillet 1977, la Communauté adoptait un code de conduite pour les entreprises européennes présentes en Afrique du Sud, portant sur des mesures relatives à l'égalité de salaire, au libre accès à l'enseignement, à la non-discrimination sur le lieu de travail et à la reconnaissance des syndicats. Face à la dégradation de la situation en Afrique du Sud, elle adopta, en 1985 et 1986, une double politique de mesures restrictives et positives afin d'exercer une pression sur le régime. Parmi les mesures restrictives figuraient un embargo sur le commerce des armes, la suppression des exportations de pétrole, la suppression des échanges culturels et sportifs et, ensuite, un embargo sur les nouveaux investissements. Les principales mesures positives consistaient en aide financière aux victimes d'apartheid ainsi qu'aux pays de la Conférence pour la Coordination du Développement de l'Afrique Australe (CSADC) qui avaient été victimes de la déstabilisation de l'Afrique du Sud.
En 1990 , la libération de Nelson Mandela et l'autorisation du pluripartisme ont mené à la suppression progressive des sanctions européennes . En octobre 1993, les relations avec l'Afrique du Sud ont été intégrées aux domaines d'actions conjointes dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune prévue par le traité de Maastricht. Dans ce contexte, la Commission a assumé, en avril 1994, la coordination d'un programme d'aide électorale prévu pour les premières élections libres et pluralistes.
Suite au succès du processus électoral sud-africain, et à l'accession de Nelson Mandela à la Présidence de la République, l'Union européenne a adopté des mesures immédiates comprenant des mesures commerciales ainsi qu'un programme d'aide au développement.
Dès lors, la Communauté a pu s'engager dans une relation plus profonde à long terme avec l'Afrique du Sud : un accord de coopération simplifié a été signé en octobre 1994. Il s'agit d'un texte élémentaire contenant essentiellement l'engagement mutuel de coopération dans tous les domaines de compétences respectives. En outre, l'accord fournissait le cadre nécessaire aux opérations de la Banque européenne d'investissement (BEI) en Afrique du Sud. Conformément à de nombreux accords que la Communauté a conclus avec les pays tiers, il contenait une clause majeure de suspension relative au respect des droits de l'homme.
C'est cependant au Conseil européen de Cannes en juin 1995 que furent véritablement définis les grands axes de la stratégie européenne à l'égard de l'Afrique du Sud. Ils incluaient l'adhésion restreinte de ce pays au partenariat avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), la mise en place d'une coopération au développement dans le cadre d'un programme spécifique financé sur le budget communautaire et la signature de plusieurs accords, notamment en matière de commerce.
Ces objectifs ont été atteints.
L'Afrique du Sud est devenue le 71 ème pays ACP le 1 er juin 1998 . Compte tenu de son niveau de développement, elle est exclue du régime général d'échanges, des protocoles commerciaux ainsi que de l'aide financière du Fonds européen de développement (les entreprises sud-africaines peuvent toutefois participer aux appels d'offres du FED).
Le Programme européen pour la reconstruction et le développement (PERD), financé sur le budget général de la Communauté, a été mis en place en 1996 et il est doté, depuis 2000, d'une enveloppe de 126,5 millions d'euros par an, ce qui fait de l'Afrique du Sud, et de très loin, le premier bénéficiaire de l'aide communautaire sur le continent africain. Le PERD finance des actions d'amélioration des services sociaux de base et de développement local, des aides au développement du secteur privé, des programmes de consolidation de l'état de droit et des mesures de renforcement de l'intégration régionale. A cela s'ajoutent les opérations de prêts de la Banque européenne d'investissement qui s'élèvent à 825 millions d'euros pour la période 2000-2006 et financent des projets dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des télécommunications, du transport aérien et du soutien aux petites et moyennes entreprises.
Enfin, l'accord sur le commerce, le développement et la coopération parachève l'évolution des relations entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud, en établissant progressivement une zone de libre-échange asymétrique.
L'Union européenne est aujourd'hui le principal partenaire économique et commercial de l'Afrique du Sud, avec plus de 40 % des importations et des exportations de cette dernière, et près de 70 % des investissements directs étrangers. L'Afrique du Sud est désormais le 15 ème partenaire commercial de l'Union européenne et elle représente à elle seule le tiers des échanges entre celle-ci et l'ensemble des pays ACP.
2. Les relations entre la France et l'Afrique du Sud
Par rapport à bien d'autres pays du continent africain, la France a historiquement peu de liens avec l'Afrique du Sud, les relations bilatérales se trouvant donc en grande partie à construire lors de l'avènement du nouveau régime. Celles-ci peuvent trouver un terrain favorable grâce à la convergence de vues des deux pays sur de nombreux dossiers internationaux, à l'expérience de la France en Afrique et à la contribution qu'elle peut apporter dans l'aide au développement. Que ce soit en matière économique ou de coopération, la place de la France reste encore modeste en Afrique du Sud, même si la communauté française, estimée à 8.000 expatriés, a connu une expansion rapide.
Dans le domaine économique, la France n'est que le 11 ème client et le 7 ème fournisseur de l'Afrique du Sud. Elle ne détient que 4,2 % du marché sud-africain , derrière l'Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, l'Arabie saoudite et l'Iran. La balance commerciale est bénéficiaire de plus de 300 millions d'euros pour la France, grâce aux ventes des biens d'équipement. Elle est toutefois déficitaire pour les produits agricoles de base. La France n'est également que le 7 ème investisseur , avec moins de 1 % du stock des investissements directs étrangers (contre 73,9 % pour le Royaume-Uni et 6 % pour les États-Unis). Le nombre de filiales de sociétés françaises s'est cependant accru notablement au cours de la dernière décennie, avec une présence dans le secteur de l'automobile, des cosmétiques, de la chimie-pharmacie ou encore des télécommunications, des banques et du bâtiment et des travaux publics.
En matière de coopération , la France a intégré l'Afrique du Sud dans la zone de solidarité prioritaire en janvier 2000, mais en terme d'assistance technique et d'engagements financiers, notre effort apparaît très modeste par rapport à d'autres pays du continent, et aussi par rapport aux moyens dégagés par nos partenaires, en particulier le Royaume-Uni (les crédits du budget du ministère des affaires étrangères affectés aux projets du Fonds de solidarité prioritaire s'élèvent à 2,5 millions d'euros pour 2003, soit vingt fois moins que l'effort réalisé par la coopération britannique).
II. L'ACCORD SUR LE COMMERCE, LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION DU 11 OCTOBRE 1999
L'accord euro-sud-africain du 11 octobre 1999 constitue l'aboutissement d'un processus de normalisation des relations avec l'Europe qui s'est déroulé au fil des évolutions politiques en Afrique du Sud. Le régime de sanctions a été levé à partir de 1990, date d'instauration du multipartisme, puis un premier accord de coopération simplifié a été signé le 10 octobre 1994, quelques mois après l'élection de Nelson Mandela.
Au terme de cet accord, l'Union européenne entretiendra avec l'Afrique du Sud des relations commerciales tenant compte de son niveau relativement élevé de développement. Bien qu'étant membre de la Communauté des États ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) depuis 1998, l'Afrique du Sud ne relèvera pas du régime général des échanges et ne bénéficiera pas du Fonds européen de développement. A certains égards, l'accord s'apparente à ceux conclus avec les pays dits du « premier cercle », c'est-à-dire les candidats à l'adhésion et les pays méditerranéens.
L'accord vise à l'instauration programmée d'une zone de libre-échange entre les deux partenaires, mais il présente la particularité, par rapport à d'autres accords européens, d'inclure l'essentiel des produits agricoles.
Enfin, l'accord porte à la fois sur des matières relevant de la compétence communautaire, telles que les stipulations commerciales, et sur des matières relevant, au moins pour partie, des compétences des États membres, telles les stipulations relatives au dialogue politique ainsi qu'à la coopération au développement. Il s'agit donc d'un accord mixte signé par la Communauté européenne et chacun de ses États membres.
A. LE CADRE GÉNÉRAL DE L'ACCORD
1. Les étapes de la négociation
Sur la base d'un mandat de négociations conféré à la Commission par le Conseil le 19 juin 1995, les négociations ont été ouvertes formellement le 30 juin 1995. Des directives complémentaires de négociations, couvrant le volet commercial, ont été adoptées le 22 mars 1996. Elles prévoyaient la mise en place d'une zone de libre-échange à caractère asymétrique. Les discussions, réellement engagées en novembre 1997, ont été particulièrement difficiles sur le volet agricole.
La négociation de l'accord s'est achevée par un accord politique entre les deux parties en marge du Conseil européen de Berlin le 24 mars 1999 , sur la base d'un échange de lettres annexé à l'accord principal (annexe X), prévoyant la conclusion avant septembre 1999 d'un accord séparé sur les vins et spiritueux . Les demandes d'exclusion du côté européen, qui figuraient dans le mandat de 1996, ont été globalement respectées. Dans le cadre du compromis de Berlin, l'Union a obtenu que la partie sud-africaine accepte de faire disparaître de son marché intérieur, à l'issue de la période de libéralisation, l'utilisation des appellations d'origine pour les vins et spiritueux (question du porto et du sherry).
Au cours des discussions sur cet accord séparé, les Sud-africains se sont écartés de la lettre et de l'esprit du compromis de Berlin. Ils ont opposé une fin de non-recevoir à toute une série de demandes de la partie européenne, revêtant pour elle un caractère essentiel. Ils ont demandé l'ouverture immédiate du contingent à droit nul de 32 millions de litres de vin sud-africain, et le versement de l'aide de 15 millions d'euros à la restructuration du secteur viti-vinicole. L'Union européenne a pourtant toujours lié le bénéfice de ces concessions à la conclusion d'un accord sectoriel sur les vins et spiritueux assurant notamment une protection adéquate de la propriété intellectuelle.
Sous la pression de cinq Etats membres (Espagne, Portugal, France, Italie et Grèce), la Présidence avait envisagé de ne pas procéder à la signature de l'accord principal, prévue le 11 octobre à Pretoria. Ce n'est qu'in extremis que le Conseil affaires générales, réuni au même moment à Luxembourg, a donné son feu vert, sur la base d'une déclaration conjointe Commission/Afrique du Sud, prévoyant notamment l'achèvement des négociations de l'accord séparé au mois d'octobre , en vue de son entrée en vigueur le 1 er janvier 2000 (annexe X révisée de l'accord). A cette occasion, la Commission a également signé avec l'Afrique du Sud un échange de lettres sur l'application provisoire des dispositions de compétence communautaire de l'accord principal, au 1 er janvier 2000.
L'accord sur le commerce, le développement et la coopération avec l'Afrique du Sud a ainsi pu être signé le 11 octobre 1999 à Pretoria par les représentants de la Commission ainsi que par ceux des Etats membres, compte tenu de la mixité de l'accord.
2. La place de l'accord dans les relations multilatérales de l'Union européenne et de l'Afrique du Sud
L'encadré ci-après dresse une typologie des accords conclus par l'Union européenne en matière commerciale. On constate ainsi que l'accord euro-sud-africain est le premier de ce type conclu avec des pays qui n'appartiennent pas au « premier cercle » (pays candidats à l'adhésion, pays méditerranéens), bien qu'il ne soit pas éloigné, dans sa logique, des accords conclus avec les pays ACP.
En ce qui concerne l'Afrique du Sud, elle appartient à deux organisations régionales : la SACU 1 ( * ) , la plus ancienne union douanière d'Afrique, créée en 1910, et la SADC 2 ( * )
Dans ces deux intégrations l'Afrique du Sud joue le rôle du « poids lourd ». Si ces deux intégrations rencontrent les difficultés habituelles des intégrations régionales africaines, la SACU est certainement une des intégrations les plus efficaces. Les Etats membres ont en particulier mis en place un mécanisme de répartition des droits de douane perçus par les Etats membres aux frontières de l'Union. 85 % des droits collectés seront partagés en fonction du PIB, les 15 % restants seront distribués selon une logique d'aide au développement, le pays à revenu le plus bas recevant la part la plus importante.
Le relatif bon fonctionnement de la SACU a amené les Etats-Unis à lui proposer l'ouverture de discussions en vue de la négociation d'un accord de libre-échange. Des discussions pour une zone de libre-échange sont aussi envisagées avec l'Inde.
Actuellement, l'accord avec l'Union européenne est le seul de ce type passé par l'Afrique du Sud, tant avec d'autres pays africains qu'avec des pays développés.
LES ACCORDS COMMERCIAUX RÉGIONAUX DE L'UNION EUROPÉENNE La moitié du commerce mondial s'effectue désormais dans le cadre d'accords commerciaux régionaux, contre 18 % seulement en 1970. L'Union européenne a développé un réseau dense d'accords de cette nature, dont la Direction des relations économiques extérieures a récemment établi une typologie 3 ( * ) . 1. La logique d'intégration : les accords européens L'Union européenne est liée aux dix pays d'Europe centrale et orientale par des accords de libre-échange signés dans les années 1990, ainsi qu'à Chypre et Malte depuis 1998. Les produits industriels circulent librement entre les signataires et l'Union européenne depuis début 2001. Des dispositions régissent la libre circulation des services, des paiements et des capitaux liés au commerce et à l'investissement. Dans le cadre du processus de stabilisation et d'association avec les Balkans , l'Union a mis en place des accords de stabilisation et d'association qui visent à l'établissement progressif du libre-échange. Deux d'entre eux sont déjà signés avec la Macédoine (avril 2001) et la Croatie (octobre 2001). Par ailleurs, chaque pays de l' Association Européenne de Libre-Echange (Islande, Norvège, Suisse, Liechtenstein) créée en 1960, a signé en 1972 des accords de libre-échange avec la CEE. L'accord sur l' Espace Economique Européen , signé en 1992 et entré en vigueur au 1 er janvier 1994, élargit le marché unique de l'Union européenne à trois membres de l'AELE, la Suisse ayant voté contre son adhésion en 1992. Enfin, l'Union européenne et la Turquie ont signé en 1995, dans le prolongement de l'accord d'association de 1963, un accord d'union douanière qui prévoit un désarmement tarifaire total sur les produits industriels et sur la part industrielle des produits agricoles transformés. De nouvelles négociations ont été engagées en 2000 en vue de libéraliser le commerce des services et les marchés publics. La Turquie a repris le tarif extérieur commun appliqué par l'Union aux produits industriels des pays tiers. 2. La logique de stabilisation régionale : les accords euroméditerranéens et le processus de Barcelone Cette démarche, qui vise des pays n'ayant pas vocation à adhérer à l'Union, découle notamment des relations historiques de l'Union avec ses partenaires méditerranéens et d'une volonté de stabiliser les relations politiques et économiques à ses frontières. Les relations de l'Union européenne avec les pays tiers méditerranéens sont encadrées depuis l'automne 1995 par le processus de Barcelone, qui prévoit la constitution d'une « zone euro-méditerranéenne de prospérité partagée » et l'instauration progressive du libre-échange régional à l'horizon 2010 , au travers notamment de la mise en oeuvre d'accords d'association succédant aux accords asymétriques de coopération conclus à la fin des années 1970 avec chaque pays de la zone. Formellement, neuf pays arabes sont déjà concernés par ces accords, qui prévoient l'instauration progressive, dans un délai de douze ans à compter de l'entrée en vigueur, d'un régime de libre-échange des produits industriels et d'une plus grande libéralisation des échanges réciproques de produits agricoles et de la pêche . Le rythme de mise en oeuvre actuel et la faiblesse des échanges Sud-Sud rendent cependant difficile à atteindre l'objectif affiché de 2010 pour une zone de libre-échange régionale. 3. La logique d'influence : les accords « stratégiques » L'Union a récemment développé des relations commerciales préférentielles avec des pays tiers plus lointains géographiquement mais dont le potentiel économique, l'intérêt géopolitique ou les liens historiques avec l'Europe revêtent une importance particulière. |
• La politique commerciale envers l' Amérique latine est ainsi récemment devenue une priorité européenne, en réponse au projet américain de Zone de libre-échange des Amériques. L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mexique , entré en vigueur au l er juillet 2000, a contribué au renforcement du commerce bilatéral en libéralisant immédiatement 93 % des échanges industriels et 7 % des échanges agricoles ; d'ici 2007, plus de 90 % du commerce bilatéral sera entièrement libéralisé. L'accord de libre-échange récemment conclu avec le Chili prévoit également une libéralisation importante au delà d'une période transitoire de sept ans. Cet accord constitue une référence pour l'Union, qui a réussi à faire valoir auprès d'un pays, alors engagé dans une négociation bilatérale avec les Etats-Unis, des principes et méthodes de négociation qu'elle défend à l'OMC (listes positives d'engagements sur les services et l'investissement, protection additionnelle des appellations d'origine notamment). Des négociations sont en cours avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), en vue d'une « libéralisation progressive et réciproque de l'ensemble des échanges de biens et de services, dans la perspective de l'instauration du libre-échange, compte tenu de la sensibilité de certains produits et secteurs de services, conformément aux règles de l'OMC » (directives de négociations données par le Conseil des Ministres de l'Union à la Commission en septembre 1999). |
• Les négociations en cours en vue d'un accord de libre-échange avec le Conseil de coopération du Golfe témoignent par ailleurs de la volonté du Conseil de l'Union européenne d'envoyer un signal politique fort dans cette région. Ces négociations se fondent sur le nouveau mandat adopté par le Conseil en juillet 2001 (un premier mandat avait été donné à la Commission en 1991, au moment de la guerre du Golfe). Celui-ci étend notamment les questions traitées aux normes, à la propriété intellectuelle, aux marchés publics et aux services, permettant d'engager une « nouvelle phase » de relations entre l'Union et le Conseil de Coopération du Golfe. Ce mandat, qui maintient la condition de mise en oeuvre d'une union douanière entre les six monarchies du Golfe, ne contient plus de restrictions quantitatives. Le processus de libéralisation s'effectuera donc conformément aux règle multilatérales applicables à tout accord de libre-échange. Relancées lors du sommet ministériel de Grenade en février 2002, les négociations ont depuis fait l'objet de cinq sessions formelles entre les parties. 4. La logique de développement : les accords Nord-Sud Les accords commerciaux régionaux, facteurs d'insertion des pays du Sud dans l'économie mondiale, contribuent à la constitution d'un cadre favorable à l'« ancrage » et à l'aboutissement de réformes institutionnelles et structurelles entreprises avec l'aide de l'Union européenne et favorisent la mobilisation des investisseurs étrangers. L'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud , signé en octobre 1999 et entré en vigueur à titre provisoire au l er janvier 2000, offre ainsi l'opportunité d'une stimulation importante de l'économie sud-africaine et invite à une coopération économique et financière consolidée entre les parties. Le démantèlement tarifaire prévu par l'accord est substantiel : au terme d'une période transitoire de douze ans, la libéralisation portera sur 95 % des exportations actuelle de l'Afrique du Sud vers l'Union (contre 68 % aujourd'hui) et sur 86 % des exportations actuelles de l'Union vers l'Afrique du Sud (contre 53 % aujourd'hui). Les négociations d'accords de partenariat économique entre l'Union et les pays ACP ont par ailleurs débuté, conformément à l'accord de partenariat signé à Cotonou (Bénin) le 23 juin 2000. Cet accord maintient le niveau des préférences tarifaires accordées par la convention de Lomé mais reconnaît l'intégration régionale comme l'instrument clé de l'intégration des pays ACP dans l'économie mondiale. Il prévoit ainsi la négociation, dès septembre 2002, d'accords de partenariat économique qui se substitueraient, à partir du l er janvier 2008, à l'actuel régime de préférences unilatérales ; compatibles avec les disciplines de l'OMC, ces accords instaureront des relations commerciales contractuelles entre l'Union et les pays ACP. |
B. LE CONTENU DE L'ACCORD
L'accord forme un ensemble complexe de 109 articles comportant 10 annexes ainsi que 2 protocoles et un acte final assorti de 14 déclarations communes ou unilatérales.
1. Les dispositions générales
Le titre I est consacré aux « objectifs, principes généraux et dialogue politique » entre les parties (articles 1 er à 4). Il comprend notamment la clause de non-exécution de l'accord.
L'accord sur le commerce, le développement et la coopération, à l'instar du partenariat ACP-Union européenne (UE), repose sur trois piliers complémentaires : un dialogue politique, une coopération commerciale et une aide au développement. Le fait que la dimension commerciale soit largement détaillée ne doit pas occulter le fait que l'accord insiste, dans son titre I, sur la dimension politique du partenariat noué entre l'Union européenne et la République d'Afrique du Sud.
Six objectifs sont assignés à l'accord (article 1 er ) : fournir un cadre approprié au dialogue entre les parties afin d'intensifier leurs relations ; consolider les bases économiques et sociales du processus de transition en République d'Afrique du Sud ; promouvoir la coopération régionale et l'intégration économique en Afrique australe ; encourager l'essor et la libéralisation du commerce des marchandises, des services et des capitaux entre les parties ; encourager l'insertion harmonieuse et progressive de l'Afrique du Sud dans l'économie mondiale ; et promouvoir la coopération entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud.
L'élément essentiel de l'accord (article 2) est le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme et des libertés fondamentales , ainsi que de l'Etat de droit. Les parties réaffirment en outre leur attachement aux principes de la bonne gestion des affaires publiques (cette notion est définie dans deux déclarations séparées de la Communauté européenne et de la République d'Afrique du Sud concernant l'élément essentiel). La partie sud-africaine n'a pas accepté de faire de la bonne gestion des affaires publiques un élément essentiel de l'accord. Cette distinction est opératoire dans la procédure de mise en oeuvre de la clause de non-exéuction de l'accord, définie à l'article 3. Cette clause est largement inspirée de la convention de Lomé IV, telle que révisée par l'accord signé à Maurice le 4 novembre 1995.
L'accord sur le commerce, le développement et la coopération prévoit que des mesures appropriées peuvent être prises par une partie, de façon unilatérale, si l'autre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'accord. Toutefois, une procédure contradictoire encadre cette possibilité. En effet, la partie qui a invoqué le manquement doit, dans les trente jours, fournir à l'autre partie les informations nécessaires à un examen approfondi de la question, afin de rechercher une solution acceptable permettant d'éviter le recours aux mesures appropriées. L'article 3 de l'accord prévoit donc, à l'instar des consultations prévues par la convention de Lomé, un dialogue préventif en amont de l'éventuelle prise de sanctions.
Une exception est néanmoins prévue : en cas d'urgence spéciale, les mesures appropriées peuvent être prises sans consultations préalables. Celles-ci interviennent par la suite dans les trente jours qui suivent la notification des mesures, si l'autre partie le demande. Faute de solution satisfaisante, la partie concernée peut recourir à la procédure relative au règlement des différends , détaillée à l'article 104. L'accord encadre cette procédure d'urgence spéciale en la liant aux cas de violation substantielle de l'accord , qui consiste soit en un rejet de l'accord non sanctionné par les règles générales de droit international, soit en une violation de l'élément essentiel de l'accord visé à l'article 2. Des manquements à la bonne gestion des affaires publiques ne sont donc pas susceptibles de justifier le recours à l'urgence spéciale.
Il est convenu que les mesures appropriées sont prises en conformité avec les règles du droit international et que leur choix doit porter sur les mesures qui perturbent le moins le fonctionnement de l'accord (exigence de proportionnalité et de protection des populations vulnérables, rappelées dans la déclaration commune concernant la non-exécution).
Si un dialogue sous la forme de consultations est prévu dans la clause de non-exécution, celui-ci doit rester l'exception. Le cadre normal du dialogue politique entre l'Union européenne et la République d'Afrique du Sud, innovation de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération, est défini à l'article 4. L'accord prévoit que ce dialogue doit être régulier. Le dialogue politique peut porter sur tous les sujets présentant un intérêt commun pour les parties. Il est établi chaque fois que nécessaire, notamment au niveau ministériel, au niveau des hauts fonctionnaires, à travers les voies diplomatiques habituelles, dans les enceintes régionales, et sur une base ad hoc en fonction des besoins. Il s'inscrit naturellement dans le cadre plus large des relations ACP-UE.
2. Le volet commercial
Avant la mise en place de l'accord, l'Afrique du Sud bénéficiait seulement du schéma de préférences généralisées (SPG) de l'Union européenne. Elle est en effet exclue des préférences tarifaires mises en place au profit des pays ACP (convention de Lomé, et désormais accord de Cotonou) pour des raisons historiques mais aussi à cause de son poids économique prépondérant au sein du groupe ACP. L'Afrique du Sud représente en effet le tiers des échanges entre l'Union européenne et les ACP.
L'Afrique du Sud s'était engagée, après son adhésion à l'OMC, à consolider ses lignes tarifaires, ce qui a été fait dans les délais. Sur la période 1997-2000, le taux moyen pondéré a été réduit de 15 % à 6,5 %. La baisse est particulièrement sensible pour les produits manufacturés.
L'accord vise à mettre en place une zone de libre-échange mais de manière différenciée à la fois en terme de couverture sectorielle et de libéralisation dans le temps. Le démantèlement agréé par les parties est substantiel. Ainsi l'Afrique du Sud va bénéficier de l'accès libre au marché communautaire pour 95 % des lignes tarifaires européennes d'ici 2010 -contre 68 % avant 2000- et l'Union européenne bénéficiera de l'accès libre pour 86 % -53 % avant 2000- des lignes tarifaires sud-africaines d'ici 2012. Le rythme de libéralisation est plus rapide pour l'Union européenne que pour l'Afrique du Sud.
Il est en effet prévu que la mise en place de cette zone de libre-échange se réalise progressivement en application d'un calendrier asymétrique . En raison de la restructuration de l'économie sud-africaine, l'Union européenne ouvrira ses marchés plus rapidement et plus largement que l'Afrique du Sud. La période de transition pour l'établissement de la zone de libre-échange est de douze ans au maximum pour l'Afrique du Sud et de dix ans au maximum pour la Communauté (article 5.2). Une libéralisation décalée est prévue tant pour les produits industriels (article 11 et annexe II pour la CE ; article 12 et annexe III pour la République Sud-africaine) que pour les produits agricoles (articles 14, 17 et annexe IV pour la CE ; article 15 et annexe VI pour la République d'Afrique du Sud). Malgré l'asymétrie prévue par l'accord, l'effort sud-africain est important : les taux moyens des droits doivent être ramenés sur la période de 2,7 % à 1,5 % pour l'Union européenne et de 10 % à 4,3 % pour la République d'Afrique du Sud.
Toutes les exportations de produits industriels de l'Afrique du Sud vers l'Union européenne entreront à terme à droit nul sauf l'aluminium , contre 68 % des produits industriels dans le régime précédent. Pour les automobiles , la libéralisation totale est conditionnée à des discussions à venir sur le MIDP (Motor Industry Development Program) qui met en place un dispositif d'aide aux entreprises du secteur automobile implantées en Afrique du Sud et contient des mesures tarifaires qui privilégient la production locale. La libéralisation concerne 75 % des produits agricoles , dont 13 % restent soumis à des quotas. Pour certains produits comme les fruits et les légumes, la libéralisation ne commencera qu'au cours de la sixième année de l'accord. Enfin, près de 300 produits agricoles dits « sensibles » pour l'Union européenne (et la France) sont exclus de l'accord (produits laitiers, produits transformés, céréales, viandes...). Certains produits sensibles pour la France vont faire l'objet du démantèlement tarifaire. On peut citer les produits suivants : melon, viande de volaille, chicorée, céréales autres que le maïs e le riz et certains dérivés de l'amidon.
En ce qui concerne les exportations de produits industriels de l'Union européenne vers l'Afrique du Sud, 89 % entreront à droit nul d'ici 2012 en Afrique du Sud. Pour certains produits industriels « sensibles », il est prévu que les droits de douane sud-africains seront revus périodiquement par les parties, en vue d'une libéralisation plus poussée des échanges. Il s'agit en particulier de divers produits pétroliers, de produits chimiques, de certains textiles, des réfrigérateurs, des automobiles et de certains accessoires pour automobiles. Pour les exportations de produits agricoles de l'Union, la libéralisation concernera, à terme, 81 % des produits. Des tarifs sont maintenus par l'Afrique du Sud pour divers produits (viandes, céréales). Certains fromages sont soumis à des contingents. 112 produits agricoles dits « sensibles » pour l'Afrique du Sud sont exclus de l'accord.
LA QUESTION DE L'ENTRÉE DES VINS ET SPIRITUEUX
Un accord séparé sur les vins et spiritueux devait initialement être discuté et conclu avec l'Afrique du Sud, parallèlement à l'accord général sur le commerce, le développement et la coopération. D'importantes difficultés sont intervenues dans la négociation si bien que seuls quelques éléments de compromis ont pu être repris dans l'annexe X de l'accord général, notamment : l'élimination progressive par l'Afrique du Sud des appellations « porto » et « sherry », l'ouverture d'un contingent de 32 millions de litres sur le marché communautaire en franchise de droit pour les vins en bouteille sud-africains, une aide financière communautaire de 15 millions d'euros pour la restructuration du vignoble sud-africain. Contrairement aux engagements initiaux, la conclusion des accords sur les vins et spiritueux a été repoussée à diverses reprises. Le Sénat a manifesté en plusieurs occasions sa préoccupation sur l'évolution de ce dossier 4 ( * ) . Ce n'est que le 28 janvier 2002 que l'Union européenne et l'Afrique du Sud ont pu signer la version finale des accords. Les accords prévoient la protection réciproque des dénominations et d'autres dispositions liées à la désignation et la présentation des vins et spiritueux. La protection des indications géographiques permet d'éliminer les homonymies lorsque sont démontrées l'usurpation et la possibilité d'une confusion, pour le consommateur, quant à l'origine du produit. Certaines appellations non géographiques font l'objet de dispositions particulières. L'accord sur les vins comporte un volet sur les pratiques oenologiques. Au total, la partie européenne n'a pas obtenu totalement satisfaction sur les conditions de protection réciproque des dénominations. Le Conseil et la Commission ont déclaré que les clauses de l'accord avec l'Afrique du Sud ne pouvaient, sur ce point, préjuger de celles susceptibles d'être adoptées dans les négociations avec d'autres Etats tiers et qu'elles ne sauraient donc avoir valeur de précédent. Sur les questions tarifaires, l'Afrique du Sud a accepté le démantèlement total, sur une période de 12 ans, des droits de douane appliqués aux vins importés sur son territoire, qui sont actuellement compris entre 73 et 98 % de la valeur du produit, sans préjudice de droits additionnels. L'Afrique du Sud a également ouvert deux contingents tarifaires à droit nul pour les vins communautaires de 1 million de litres pour les vins tranquilles et 0,26 million de litres pour les vins mousseux. On peut préciser qu'en 1999, les importations communautaires de vins sud-africains se chiffreraient à 201 millions d'euros, les exportations ne représentant que 11 millions d'euros. Les échanges sont en revanche excédentaires pour les spiritueux (90 millions d'euros d'exportations contre 4 millions d'euros d'importations). |
3. Les autres dispositions
Le titre IV traite de la coopération économique et prévoit une coopération dans les domaines suivants : industrie, promotion et protection des investissements, développement des échanges, micro-entreprises et PME, société de l'information (télécommunications et technologies de l'information), coopération postale, énergie, exploitation minière et minerais, transports, tourisme, agriculture, pêche, services, politique des consommateurs et protection de la santé des consommateurs.
La coopération au développement fait l'objet du titre V qui recense, à cet égard, les différents types d'intervention de la Communauté en appui au développement de la République d'Afrique du Sud, les bénéficiaires éligibles et les procédures à suivre. L'accord insiste sur l'importance de la programmation de l'aide, qui débouche sur l'élaboration d'un programme indicatif pluriannuel. L'implication du partenaire sud-africain (concept d'« appropriation » ou « ownership ») aussi en amont que possible du processus de programmation est, à juste titre, considérée comme essentielle.
Le titre VI de l'accord détaille la coopération dans les autres domaines qui sont les suivants : sciences et technologie, environnement, culture, questions sociales, informations, presse et audiovisuel, ressources humaines, lutte contre la drogue et le blanchiment des capitaux, protection des données et santé.
Les dispositions finales prévoient la mise en place d'un conseil de coopération , qui s'est réuni à trois reprises (mars 2000, juin 2001, juin 2002). Cet organe est chargé de veiller au bon fonctionnement de l'accord et du dialogue entre les parties, ainsi que de prévenir ou régler tout problème survenant dans les domaines couverts par l'accord. Ce dernier prévoit aussi un contact régulier entre les deux parties à plusieurs niveaux : au niveau du Parlement de chacun des deux signataires, ainsi qu'entre le Comité économique et social de l'UE et son homologue sud-africain, le Conseil national de l'économie, du développement et du travail (NEDLAC).
Une procédure de règlement des différends est instaurée.
4. Les conditions d'entrée en vigueur de l'accord
Bien que l'entrée en vigueur de l'accord n'intervienne qu'à l'issue de l'activement des procédures de ratification par la Communauté européenne, ses 15 Etats membres et l'Afrique du Sud, les dispositions de compétence communautaire font l'objet d'une application provisoire depuis le 1 er juillet 2000 (décision du Conseil 1999/753/CE du 29 juillet 1999 et accord sous forme d'échange de lettre du 4 décembre 1999).
Ainsi la plupart des mesures relatives à l'établissement de la zone de libre-échange sont appliquées. Les mesures liées au commerce qui sont exclues concernent, entre autres, le droit d'établissement et de fourniture de services, les articles relatifs à la politique de concurrence, la propriété intellectuelle et l'aide publique. Le cadre essentiel de la coopération au développement est en vigueur, ce qui n'est pas le cas des autres domaines de coopération (sociale, culturelle, santé). Les dispositions concernant la coopération économique (l'industrie, l'énergie, le transport, etc...) ne sont pas, de manière générale, comprises dans le champ de l'application provisoire.
Par ailleurs, le 16 décembre 1999, le Conseil a adopté le règlement relatif à certaines procédures de mise en oeuvre de l'accord. Ce texte prévoit explicitement que le quota de 32 millions de litres de vin sud-africain à droit nul, prévu dans l'échange de lettres de l'annexe X, ne sera ouvert qu'à l'entrée en vigueur de l'accord séparé sur les vins et les spiritueux. La même condition est posée pour la mise à disposition de l'aide de 15 millions d'euros à la restructuration du secteur viti-vinicole sud-africain, également prévue à l'annexe X.
L'accord est conclu pour une période illimitée et contient une clause d'examen au plus tard cinq ans après son entrée en vigueur. Ce rendez-vous peut être l'occasion pour une des parties de demander une modification de l'accord lui-même. Il est explicitement prévu qu'au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur de l'accord, la Communauté et la République d'Afrique du Sud considéreront des mesures supplémentaires dans le cadre du processus de libéralisation de leurs échanges commerciaux. L'accord contient également une clause sur les développements futurs du partenariat Union européenne-République d'Afrique du Sud, ainsi que des dispositions relatives à l'adhésion à l'Union de nouveaux membres.
CONCLUSION
Destiné à conforter l'Afrique du Sud, son développement économique et son insertion dans les échanges mondiaux, cet accord présente un caractère original lié au niveau de développement de l'économie sud-africaine et à la particularité des relations qui en résultent pour les pays européens.
Asymétrique, l'accord consent à l'Afrique du Sud des dispositions qui lui sont manifestement favorables, puisque l'ouverture du marché européen sera plus rapide et plus large que celle du marché sud-africain. Toutefois, l'accord est fondé sur la conviction que, forte de ses 44 millions d'habitants, l'Afrique du Sud dispose d'un important potentiel économique et que les avantages consentis aujourd'hui permettront demain d'asseoir la place de principal partenaire économique occupée par l'Union européenne.
Pour cette raison, la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous demande d'adopter le projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie sous la présidence de M. André Dulait, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du 4 juin 2003.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin a évoqué les difficultés provoquées par l'immigration incontrôlée provenant des pays voisins de l'Afrique du Sud. Il s'est interrogé sur les perspectives d'exportation de produits agricoles sud-africains vers la France et, plus généralement, sur les négociations mondiales relatives au commerce de ces produits.
M. Robert Del Picchia a posé des questions sur les exportations de sucre de canne en provenance d'Afrique australe. S'agissant des vins et spiritueux, il a souhaité savoir si l'Union européenne avait obtenu de l'Afrique du Sud une protection des appellations d'origine contrôlées.
M. André Dulait, président, a demandé des précisions sur les conditions d'entrée en vigueur du démantèlement des droits de douane.
A la suite de ces interventions, M. Jean Puech, rapporteur, a apporté les indications suivantes :
- les exportations agricoles françaises s'effectuent à près de 90 % vers des pays de l'Union européenne, ce qui relativise, pour la France, la question des conditions du commerce mondial des produits agricoles ;
- en dehors de l'Afrique du Sud, les autres pays d'Afrique australe relèvent du régime des accords de Lomé pour leurs relations commerciales avec l'Union européenne ;
- la protection des indications géographiques constitue un point essentiel de l'accord sur les vins et spiritueux signé entre l'Afrique du Sud et l'Union européenne en janvier 2002 ;
- les articles 11 et 12 de l'accord déterminent l'échéancier de démantèlement progressif des droits de douane.
La commission a ensuite adopté le présent projet de loi.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations), signé à Pretoria le 11 octobre 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. 5 ( * )
ANNEXE
-
ETUDE D'IMPACT6
(
*
)
Projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations)
- Etat de droit et situation de fait existant et leurs insuffisances.
Au sortir de la période d'apartheid, la Communauté européenne a pu s'engager dans une relation profonde et de long terme avec l'Afrique du Sud : un accord de coopération simplifié fut signé en octobre 1994. Il s'agissait d'un texte élémentaire contenant essentiellement l'engagement mutuel de coopération dans tous les domaines de compétences respectives.
C'est au Conseil européen de Cannes en juin 1995 que furent véritablement définis les grands axes de la stratégie européenne en direction de l'Afrique du Sud. Ils incluaient, entre autres, la signature de plusieurs accords, notamment en matière de commerce.
Cet objectif a été atteint : l'accord sur le commerce, le développement et la coopération, qui prévoit l'établissement d'une zone de libre échange asymétrique à l'issue d'une période de douze ans, a été signé à Pretoria, le 11 octobre 1999. Ses principales dispositions font l'objet d'une application provisoire, depuis le 1 er janvier 2000.
- Bénéfices escomptés en matière :
* d'emploi
Ils sont a priori difficiles à quantifier, mais vraisemblablement positifs dans la mesure où la principale innovation de l'accord, sur le plan commercial, consiste en la mise en place d'une zone de libre-échange entre l'UE et l'Afrique du Sud, qui ouvre le marché sus-africain aux exportations européennes.
* d'intérêt général
Le nouvel accord permettra de renforcer les relations euro-sud-africaines, non seulement en aidant à la modernisation du pays et à sa mise à niveau économique, mais également en favorisant son ancrage démocratique dans la période post-apartheid, en contribuant à la réduction de la pauvreté et au renforcement des capacités institutionnelles du pays. L'accord entend également favoriser l'intégration harmonieuse de l'Afrique du Sud dans les échanges régionaux et le commerce international.
Au-delà de ses mérites propres, l'accord conforte la coopération régionale en Afrique australe. A cet égard, il vient compléter le dispositif de l'accord de Cotonou qui régit les relations entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), partenariat auquel l'Afrique du Sud est partie depuis 1998 (adhésion qualifiée).
A l'échelle du continent africain, en raison de son poids politique, démographique et économique, l'Afrique du Sud est un partenaire essentiel à la réussite du processus de dialogue euro-africain lancé au Caire en avril 2000.
*financière
L'accord d'association ne comporte pas de dispositions, autres que générales, sur les instruments et les moyens financiers qui seront mis en oeuvre. En effet, la République d'Afrique du Sud bénéficie, depuis 1996, d'une assistance spécifique financée sur le budget général de la Communauté, dans le cadre du Programme européen pour la reconstruction et de développement (PERD). Celui-ci est doté de 126,5 millions d'euros par an jusqu'en 2006, sous forme de dons.
* de simplification des formalités administratives
La création d'une zone de libre échange doit s'accompagner d'une simplification des formalités administratives aux frontières et d'une coopération douanière.
* de complexité de l'ordonnancement juridique
sans objet.
* 1 « Southern African Customs Union » : Afrique du Sud, Botswana, Lesotho, Namibie, Swaziland.
* 2 « Southern African Development Community » fondée en 1980 : Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Swaziland, Tanzanie, Zimbabwe, Namibie (depuis 1990), Afrique du Sud (depuis 1994), Maurice (depuis 1998), RDC et Seychelles (depuis 1998).
* 3 Direction des relations économiques extérieures - Revue « Politiques commerciales » n° 4 - Janvier 2003.
* 4 Voir le rapport n° 64 (1999-2000) de M. Gérard César et le rapport n° 173 (2001-2002) de M. Marcel Deneux sur l'entrée des vins et spiritueux sud-africains sur le marché européen.
* 5 Voir le texte annexé au document Sénat n° 183 (2002-2003)
* 6 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.