EXAMEN
DES ARTICLES
DU PROJET DE LOI ORGANIQUE
TITRE PREMIER
DE
L'AUTONOMIE
Le titre premier comprend les six premiers articles et fixe les éléments fondateurs de l'autonomie de la Polynésie française. Le même intitulé (titre premier - De l'autonomie) couvre dans le statut de 1996 les articles 5 à 7 et porte sur le partage respectif des compétences entre le territoire et l'Etat.
La nouvelle présentation permet d'affirmer d'emblée que la Polynésie française se range dans la catégorie des collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 de la Constitution, dotées de l'autonomie et qui bénéficient à ce titre du degré le plus élevé de compétences.
Article premier
Caractères généraux de la
Polynésie française
Comme dans les lois statutaires précédentes, l'article premier définit les caractères généraux de la Polynésie française : son territoire, son statut au sein de la République, son mode de gouvernement, son autonomie et ses spécificités.
1. Contour géographique de la Polynésie française
Le premier alinéa de l'article premier énumère comme dans le statut de 1996 les îles composant la Polynésie française :
- les îles du Vent (Tahiti, Moorea : 184.000 habitants), soit les deux tiers de la population de Polynésie française) ;
- les îles Sous-le-Vent (qui regroupent 30.000 habitants et forment avec les précédentes, l'archipel de la Société) ;
- les îles Tuamotu (ensemble d'atolls-communes récifales ceinturant un lagon intérieur) ;
- les îles Gambier (se situant dans le prolongement des Tuamotu, les Tuamotu-Gambier regroupent 16.000 habitants)
- les îles Marquises (une douzaine d'îles montagneuses regroupant 8.700 habitants)
- les îles australes (composées de cinq îles hautes, soit 6.400 habitants)
Alors que le statut de 1996 mentionne comme formant un seul ensemble, les îles Tuamotu et Gambier, le projet de loi les distingue. Actuellement, ces deux archipels constituent une même circonscription. Le projet de loi organique (article 105) les maintient dans une circonscription unique. Il semble néanmoins que la rédaction du présent alinéa ouvre la voie à une évolution possible et à la création d'une sixième circonscription.
Votre commission vous propose un amendement rédactionnel tendant à supprimer la référence à la notion d' « archipels » incompatible avec la distinction, dans l'énumération qui suit, entre les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent. Ces deux groupes constituent en effet, sur le plan de la géographie, un seul archipel : l'archipel de la Société.
Par ailleurs, comme le prévoit également le statut actuel, la Polynésie française comporte les espaces maritimes adjacents des archipels , espace qui prend fin là où s'arrête la mer territoriale.
2. La Polynésie française reconnue comme « Pays d'outre-mer »
Aux termes du statut de 1996, la Polynésie française est au sein de la République un territoire d'outre-mer doté d'un statut d'autonomie .
Le projet de loi organique modifie à deux titres la rédaction actuelle du statut. D'une part, il rattache la Polynésie française à la catégorie des « collectivités d'outre-mer » qui, depuis la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, s'est substituée aux « territoires d'outre-mer ». Il fait en outre explicitement entrer la collectivité parmi celles qui sont dotées de l'autonomie . D'autre part, il définit la Polynésie française comme un « pays d'outre-mer ». Cette notion est nouvelle dans notre droit. Elle figurait dans le projet non abouti de loi constitutionnelle de 1999. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 ne l'a pas retenu et a préféré l'expression générique de « collectivité d'outre-mer ». De même, la Nouvelle-Calédonie n'a pas été qualifiée de pays d'outre-mer. L'accord de Nouméa du 5 mai 1998 mentionne cependant l' « identité kanak du pays », les « signes identitaires du pays » 10 ( * ) et surtout les « lois du pays ». Le chapitre II de la loi organique du 19 mars 1999 portant statut de la Nouvelle-Calédonie définit le régime juridique des lois du pays. La section 5 du présent projet de loi organique ouvre également à l'assemblée de la Polynésie française la faculté d'adopter des « lois du pays ». Cette évolution invite logiquement à reconnaître la Polynésie comme un « pays d'outre-mer ». En outre, cette notion est consacrée par le droit communautaire : la quatrième partie du traité de Rome et la décision d'association du 25 juillet 1991 prise pour son application définissent en effet le régime communautaire applicable aux « pays et territoires d'outre-mer ».
3. Mode de gouvernement de la Polynésie française
Le statut actuel dispose que la Polynésie française « exerce librement et démocratiquement, par ses représentants élus, les compétences qui lui sont dévolues ».
Le projet de statut reprend la rédaction du projet de loi constitutionnelle de 1999 qui, par l'emploi du verbe pronominal « se gouverner » marque une avancée vers davantage d'autonomie : la Polynésie française « s e gouverne librement et démocratiquement ». Le projet de statut ajoute que la collectivité se gouverne par « ses représentants élus et par la voie du referendum ». En effet, la faculté reconnue aux collectivités territoriales de droit commun d'organiser un referendum décisionnel, sur la base de l'article 72-1 nouveau de la Constitution serait désormais ouverte aux termes du projet de statut (art. 158 et 159) à l'assemblée de la Polynésie française sur proposition du conseil des ministres.
4. La garantie de l'autonomie de la Polynésie française
Le présent projet de loi reprend les dispositions du statut actuel selon lesquelles « la République garantit l'autonomie de la Polynésie française ». Il dispose dans des termes presque analogues que la République « favorise l'évolution de cette autonomie, de manière à conduire durablement la Polynésie française au développement économique, social et culturel, dans le respect de ses intérêts propres et de l'identité de sa population ». Le projet de loi organique ne fait plus référence au respect des « spécificités géographiques » de la collectivité, mentionné dans le statut actuel. En revanche par l'adjonction de l'adverbe « durablement », il inscrit la politique d'accompagnement de l'Etat dans la perspective du « développement durable » devenu la pierre angulaire des stratégies d'aide économique. Enfin, il met en valeur l'identité de la population polynésienne tandis que le statut en vigueur évoque l'identité du territoire.
4. La spécificité de la Polynésie française
Le dernier alinéa reproduit les dispositions actuelles du statut relatives aux « signes distinctifs » de la collectivité destinés à affirmer son identité dans les manifestations publiques officielles ainsi qu'à la possibilité de créer un « ordre spécifique reconnaissant les mérites de ses habitants et de ses hôtes ».
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .
Article 2
Responsabilité conjointe de l'Etat et de la
Polynésie française
pour le développement de la
collectivité et pour le soutien aux communes
Le présent article reprend sous la réserve d'une modification rédactionnelle (substitution de collectivité à territoire) les dispositions actuelles du statut relatives à la responsabilité partagée de l'Etat et la Polynésie française dans le développement de la collectivité ainsi que dans le soutien aux communes « pour l'exercice des compétences qui leur sont dévolues ».
Cet article avait été introduit par un amendement de la Haute Assemblée et permettait en particulier d'insister sur la nécessité de conforter le rôle des communes dont la création est en effet récente puisque à l'exception de Papeete, Uturoa, Faa'a et Pirae, elle remonte à 1971.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .
Article 3
Rôle du haut-commissaire de la République
Le présent article traite du rôle du haut-commissaire de la République. Celui-ci est, aux termes du statut actuel, délégué du gouvernement. Le projet de loi modifie cette rédaction et dispose qu'il est « dépositaire des pouvoirs de la République » selon une formule analogue à celle qui figure dans le statut de la Nouvelle-Calédonie (art. 2). Le statut de la Nouvelle-Calédonie ajoute qu'il « représente le Gouvernement ». Compte tenu de la mission de coordination qui incombe au haut-commissaire, il paraît également important de rappeler sa vocation à représenter l'ensemble des services ministériels de la République comme le prévoit l'article 72 de la Constitution issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.
Votre commission vous soumet un amendement tendant à définir le rôle du haut-commissaire dans les termes prévus par la Constitution.
Les responsabilités du représentant de l'Etat sont pour le reste, maintenues : il a la charge des intérêts nationaux, du respect des lois, de l'ordre public et du contrôle administratif. Il veille également au respect des engagements internationaux sans toutefois qu'il soit précisé, comme c'est aujourd'hui le cas, qu'il s'agit des accords applicables à la Polynésie.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .
Article 4
Représentation de la Polynésie
française
au sein des institutions nationales
Cet article reproduit les dispositions actuelles de l'article 4 du statut selon lesquelles la Polynésie française est représentée au sein de deux institutions nationales : le Parlement et le Conseil économique et social dans les conditions définies par les lois organiques.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 4 sans modification .
Article 5
Institutions de la Polynésie française
Cet article reprend l'énoncé des institutions qui figure actuellement à l'article 8 du statut : le gouvernement, l'assemblée et le conseil économique et social. Il se borne à mentionner les trois catégories d'institution sans reproduire leur intitulé officiel : « gouvernement de Polynésie française » et « assemblée de Polynésie française » qui figurent au titre IV du projet de statut.
L'ordre de l'énoncé diffère de celui retenu par le statut de la Nouvelle-Calédonie qui évoque d'abord le congrès puis le gouvernement (art. 2).
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 5 sans modification .
Article 6
Communes de la Polynésie française
Le présent article définit les communes comme des « collectivités territoriales de la République ». Sur le fondement de l'article 72 de la Constitution et le modèle du statut de la Nouvelle-Calédonie (article 3), le projet de statut prévoit que les communes « s'administrent librement ».
Leur organisation et leur fonctionnement relèvent de la Constitution, de la présente loi organique ainsi que de la loi simple.
Le projet de statut marque ainsi une étape supplémentaire dans la reconnaissance du rôle des communes au sein de l'architecture institutionnelle polynésienne. Le statut actuel avait, le premier, ouvert la voie en disposant que la compétence de principe du territoire s'exerce concurremment avec la compétence d'attribution d'une part, de l'Etat, d'autre part, des communes.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 6 sans modification .
* 10 Points 4 et 1-5 du Préambule de l'accord de Nouméa.