N° 124

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 décembre 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense ,

Par Mme Jacqueline GOURAULT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 186 , 979 et T.A. 190

Sénat : 12 (2003-2004)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les péripéties politiques et économiques qui ont récemment affecté l'Argentine ont débouché sur l'élection, en mai 2003, du président Nestor Kirchner, qui appartient au parti justicialiste. Ce parti, fondé en 1946 par le général Peron, dispose de la majorité, tant à la Chambre des députés qu'au Sénat, et se trouve à la tête de seize des vingt-trois provinces.

Depuis son élection, le nouveau Président s'attache à stabiliser la situation économique et financière très dégradée de son pays, ainsi qu'à rétablir un état de droit durablement altéré depuis la dictature militaire qui a prévalu de 1976 à 1983.

L'accord de coopération de défense signé entre la France et l'Argentine en 1998 est un texte de portée modeste au vu des défis que ce pays doit aujourd'hui surmonter. Sa ratification doit être considérée comme un signe positif de la France envers un pays dont le redressement semble s'amorcer. L'Argentine est demandeuse d'une telle coopération, comme le souligne le fait que son Parlement a déjà ratifié l'accord.

I. UN PAYS MARQUÉ PAR UNE GRANDE INSTABILITÉ POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE

A. LA SPÉCIFICITÉ POLITIQUE ARGENTINE

Les quelque trente-sept millions d'Argentins sont, pour leur majorité, descendants d'émigrants européens, qui ont peuplé le pays au tournant du XIX ème et du XX ème siècles : on estime qu'environ six millions de personnes originaires d'Espagne, d'Italie, d'Europe centrale et balkanique et du Liban s'y sont établies entre 1860 et 1930.

La prospérité économique du pays, permise par la mise en valeur de ses ressources naturelles, agricoles, forestières et minières, culmina avec la deuxième guerre mondiale.

Mais un net appauvrissement découla de la reprise économique en Europe. L'Argentine porta alors au pouvoir, de 1946 à 1955, puis de 1972 à 1973, le général Péron, qui s'appuyait sur une coalition populiste allant des conservateurs aux communistes. Il mit en oeuvre le « justicialisme », doctrine politique d'apparence égalitariste, et distribua aux déshérités urbains les bénéfices subsistants de la prospérité perdue.

Sa disparition, en 1973, aboutit à une dictature militaire installée en 1976 et qui disparut en 1983 avec l'échec de la conquête armée des îles Malouines, situées au large de l'Argentine et appartenant au Royaume-Uni.

La démocratie représentative fut alors rétablie, et l'Argentine vient ainsi d'en fêter les vingt ans, qui ont succédé, non sans heurt, au régime militaire.

De cette période se détache la présidence de Carlos Menem (1989-1999), dont la politique de libéralisme économique radical a entraîné un enrichissement national très précaire.

C'est donc un pays en profonde crise économique et politique qui a porté à sa tête, le 25 mai 2003, le Président Nestor Kirchner, auparavant gouverneur d'Etat.

B. UN PAYS POTENTIELLEMENT PROSPÈRE, EN VOIE DE REDRESSEMENT APRÈS UNE CRISE MAJEURE

Les effets pervers des décisions économiques prises sous la présidence Menem se sont rapidement révélées après son départ, en 1999. Le pays est entré en récession, ses exportations se sont contractées, et la parité artificielle du peso et du dollar a contribué à la spirale déflationniste. Il s'en est suivi une vague de faillites, une chute des investissements étrangers, et une crise sociale qui a culminé en décembre 2001 avec une vive agitation sociale brutalement réprimée (27 morts).

Le Président Duhalde, porté au pouvoir le 1 er janvier 2002, fait alors approuver une loi d'urgence économique, avec une dévaluation de 75 % du peso, et l'établissement du « Corralito » (blocage des avoirs bancaires, qui sont estimés à 10 milliards de pesos), pour tenter de contenir l'inflation.

Les négociations alors ouvertes avec le FMI ont conduit cette institution à l'approbation, en janvier 2003, d'un accord économique de transition en faveur du pays, avec l'apport d'un crédit de 3 milliards de dollars.

Ces mesures ont produit des résultats positifs : après un recul de plus de 10 % en 2002, le PIB a crû de 7,4 % en 2003, et les exportations sont évaluées à 2,9 milliards de dollars 1 ( * ) . Cependant, un redressement économique durable nécessite des réformes structurelles en matière fiscale, financière et bancaire.

Pour répondre aux attentes des quelque 20 millions d'Argentins vivant sous le seuil de la pauvreté, le Président Kirchner a entrepris de lutter contre la corruption, et a décidé un plan national de lutte contre la misère.

La crise a également pesé sur la diplomatie argentine, qui s'est rapprochée du Brésil, et considère la conclusion d'un accord d'association entre l'Union européenne et le MERCOSUR (marché commun en vigueur depuis 1995 entre l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay) comme une priorité.

De son côté, la France est le troisième partenaire économique de l'Argentine (les deux premiers étant, pour des volumes très supérieurs, les Etats-Unis et l'Espagne). Les investissements de notre pays se sont portés sur les services publics lors de leur privatisation (gaz, téléphone, eau, distribution d'électricité), et sur d'importants secteurs industriels, dont l'automobile : 40 % des parts de marché étaient assurées, avant la crise, par Renault et PSA.

Le secteur bancaire, les assurances, la grande distribution (Carrefour), la production pétrolière et gazière (Total) ont également reçu des capitaux français, qui ont été affectés par la crise.

Aujourd'hui, les échanges commerciaux, longtemps excédentaires, se sont retournés, et le solde est déficitaire, pour la France, de 140 millions d'euros.

Notre pays s'est engagé dans l'effort, décidé en septembre 2003 par le Club de Paris, qu'il préside, de soutien au programme de moyen terme arrêté par le FMI pour permettre à l'Argentine de faire face à ses engagements.

* 1 10 premiers mois de l'année. Source : FMI.

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