II. LE PROJET DE LOI S'ATTACHE À RESTITUER AUX PERSONNES HANDICAPÉES LES FRUITS DE LEUR TRAVAIL
A. L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE CUMUL ENTRE AAH ET REVENUS DU TRAVAIL : SORTIR ENFIN DU TOUT OU RIEN
1. La fin de l'ambiguïté sur la nature de l'AAH
La création de la prestation de compensation permet de mettre fin à l'ambiguïté qui caractérisait jusqu'ici l'AAH, perçue tantôt comme un minimum social, tantôt comme un moyen de compensation et finalement insuffisante pour faire face à l'un et l'autre.
La faiblesse de l'ACTP et des autres allocations partielles de compensation du handicap conduisait en effet jusqu'ici les personnes handicapées à devoir prélever sur le montant de leur AAH les sommes nécessaires à la compensation de leur handicap. Cet aspect paradoxal de l'AAH se traduisait par une demande sans cesse réitérée du monde associatif d'obtenir le relèvement du montant de cette allocation, au nom du droit à compensation.
La nouvelle prestation permet une clarification qui était devenue indispensable entre compensation du handicap et revenu d'existence. La compensation de leur handicap étant désormais assurée par d'autres biais, les personnes handicapées pourront consacrer l'intégralité de leur AAH à la prise en charge des besoins liés à la vie courante et en attendre une amélioration substantielle de leurs conditions d'existence.
2. Cumuler AAH et revenu du travail : un obstacle à l'insertion professionnelle enfin levé
« Le choix d'entrer dans un processus en vue d'atteindre un objectif professionnel suppose un goût du risque certain pour de très nombreuses personnes handicapées »
Tel était le constat de M. Vincent Assante 7 ( * ) , s'agissant des effets de l'AAH sur l'incitation au travail des personnes handicapées.
Si le code de la sécurité sociale n'exclut pas explicitement la possibilité de cumuler un salaire et le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés, le plafond de ce cumul est fixé de telle sorte que toute activité professionnelle se traduit, de fait, par l'impossibilité de continuer à percevoir l'allocation et de bénéficier de l'ensemble des droits qui y sont attachés, sauf à exercer une activité à temps extrêmement partiel, auquel cas une allocation à taux réduit peut encore être versée.
Comme le soulignait votre commission dans son rapport du 24 juillet 2002, cette situation est pour le moins paradoxale car des dispositifs dits d'« intéressement » ont été associés à la plupart des autres minima sociaux, notamment pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation parent isolé.
C'est la raison pour laquelle votre commission avait alors préconisé la mise en place d'un mécanisme similaire pour les bénéficiaires de l'AAH, soulignant que d'autres prestations destinées aux personnes handicapées, telles les pensions d'invalidité, permettaient déjà un cumul avec des revenus d'activité professionnelle.
Elle se réjouit donc de constater que le projet de loi prévoit enfin des conditions de cumul de cette allocation avec un revenu d'activité plus avantageuses : une fraction seulement de ce revenu sera prise en compte pour le calcul des droits à l'allocation, afin d'encourager l'activité professionnelle des personnes handicapées. Une activité à temps très partiel permettra ainsi un cumul intégral avec une AAH à taux plein.
Gain pour une personne seule du nouveau
système
d'abattement sur les revenus d'activité
De même, le complément d'AAH sera désormais ouvert aux personnes exerçant une activité professionnelle, alors qu'aujourd'hui les personnes qui reprennent un emploi perdent automatiquement son bénéfice.
3. La revalorisation de l'AAH : une question inséparable de la problématique de l'ensemble des minima sociaux
Malgré la création de la prestation de compensation, la demande des personnes handicapées concernant la revalorisation de l'AAH reste encore forte. Si cette demande s'explique en partie par le fait que celles-ci ne mesurent qu'imparfaitement le gain à escompter de cette nouvelle prestation, elle comporte également des causes plus profondes, liées à la revendication d'un revenu minimum d'existence.
L'idée d'un revenu minimum d'existence, pour des personnes qui ne pourraient pas du tout travailler, soulève d'emblée une difficulté, en ce qu'elle suppose de faire passer une frontière, forcément arbitraire entre ceux qui seraient capables, éventuellement avec un accompagnement renforcé, de travailler et ceux qui ne le pourront jamais.
Elle supposerait également de revoir les règles d'attribution de l'allocation, afin de la rendre totalement incompatible avec des revenus du travail, ce qui - à l'évidence - va à l'encontre d'une autre demande, tout aussi légitime, des personnes handicapées : celle d'une aide au retour à l'emploi.
Force est pourtant de constater que, s'agissant des personnes les plus lourdement handicapées, l'AAH constitue effectivement ce revenu minimum d'existence. Or, pour ces personnes, il est évident que le montant de l'AAH demeure très insuffisant pour faire face à l'ensemble des besoins de la vie courante.
Il reste que le montant de l'AAH n'est pas déterminé ex nihilo : fixé par équivalence au minimum vieillesse, il traduit, en fait, l'extension aux personnes handicapées du « minimum vital » que la collectivité garantit à tous les inactifs. Dès lors, la question de la revalorisation de l'AAH ne saurait être envisagée qu'en liaison avec l'ensemble des autres minima sociaux, sauf à opposer les unes aux autres les différentes catégories de bénéficiaires.
* 7 « Situation de handicap et cadre de vie », rapport de M. Vincent Assante, au nom de Conseil économique et social, 15 septembre 2001.