Article
21
(art. L. 111-7 à L. 111-7-4, L. 111-8-3-1 et L.
111-26
du code de la construction et de
l'habitation)
Accessibilité du cadre bâti
Objet : Cet article vise à renforcer les obligations des constructeurs et propriétaires de bâtiments, quels qu'ils soient, en matière d'accessibilité aux personnes handicapées.
I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale
Cet article renforce l'obligation d'accessibilité du cadre bâti, déjà posée depuis la loi fondatrice du 30 juin 1975 mais dont la mise en oeuvre s'est révélée défaillante au fil des années. C'est pourquoi, après avoir posé un principe général d'accessibilité de l'ensemble du cadre bâti, il prévoit, pour la mise en oeuvre de celui-ci, des obligations plus ou moins rigoureuses selon le type de bâtiment concerné :
- en matière de construction nouvelle , aucune dérogation ne sera plus possible, et ce quel que soit le bâtiment concerné. Seules des modalités particulières pour les maisons individuelles seront autorisées ;
- pour les locaux d'habitation existants , le texte prévoit une obligation générale de mise en accessibilité à l'occasion de tous travaux de rénovation . Les conséquences pratiques de cette obligation seront toutefois modulées en fonction de la nature du bâtiment concerné et de l'importance des travaux envisagés. Des dérogations motivées pourront également être autorisées pour des raisons techniques, architecturales et économiques ;
- pour les établissements recevant du public (ERP), une obligation générale d'accessibilité est posée, assortie d'un délai de mise en oeuvre fixé par décret. Le niveau d'exigence en matière d'accessibilité et le délai accordé pour s'y conformer pourra varier en fonction de la catégorie d'ERP et des prestations qu'il fournit. Des dérogations motivées seront autorisées, dans les mêmes conditions que pour les locaux d'habitation, et éventuellement assorties de mesures de substitution.
Afin d'assurer l'effectivité de ces dispositions, cet article renforce également le contrôle des règles d'accessibilité :
- en obligeant les maîtres d'ouvrage à présenter, lors de l'achèvement de tous travaux soumis à permis de construire, un document attestant de la prise en compte des exigences d'accessibilité, soit par un contrôleur technique soit par une personne physique ou morale satisfaisant à des critères de compétence et d'indépendance fixés par décret ;
- en donnant la possibilité à l'autorité administrative compétente de fermer tout ERP qui n'aurait pas respecté ses obligations d'accessibilité ;
- en étendant à la vérification du respect des règles d'accessibilité les missions des contrôleurs techniques chargés de vérifier la solidité des bâtiments et le respect des normes de sécurité par les constructeurs ;
- en conditionnant l'attribution des aides publiques à la construction au respect des règles d'accessibilité et autorisant la collectivité qui a attribué l'aide à en réclamer le remboursement si elle s'aperçoit qu' a posteriori ces règles n'ont pas été respectées.
Sans modifier l'équilibre général du dispositif proposé par le projet de loi, le Sénat a souhaité mieux encadrer les décrets qui seront pris sur le fondement de cet article. C'est la raison pour laquelle il a précisé :
- la définition des dérogations admissibles à l'obligation de mise en accessibilité : quatre types de dérogation seront admis, à savoir l'impossibilité technique, l'intérêt architectural du bâtiment en cause, la disproportion entre les améliorations apportées et le coût des travaux de mise en accessibilité et la disproportion entre la mise en accessibilité et ses conséquences involontaires, notamment sur le plan social ;
- les conditions dans lesquelles de telles dérogations sont applicables aux ERP : les ERP remplissant une mission de service public auront l'obligation, et non plus la simple possibilité, de mettre en place des mesures de substitution. L'ensemble de ces mesures de substitution devra d'ailleurs faire l'objet d'une présentation périodique à la commission communale ou intercommunale d'accessibilité.
Soucieux enfin de l'effectivité du droit à une scolarité en milieu ordinaire pour tous les enfants handicapés qui le peuvent, le Sénat a prévu des obligations particulière concernant l'accessibilité des bâtiments scolaires : la collectivité locale responsable des bâtiments scolaires en cause, devra engager, dans les meilleurs délais, les travaux de mise en accessibilité nécessaires lorsque l'inaccessibilité de ces bâtiments fait obstacle, à elle seule, à une décision d'orientation vers le milieu scolaire ordinaire prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
L'Assemblée nationale a d'abord souhaité préciser le champ d'application de l'obligation générale d'accessibilité du cadre bâti posé par cet article : celle-ci concerne les aménagements et équipements aussi bien intérieurs qu'extérieurs de l'ensemble des bâtiments ; la notion de « locaux d'habitation » comprend également les logements eux-mêmes, qu'ils appartiennent à des personnes publiques comme privées ; l'obligation d'accessibilité doit également répondre aux besoins du handicap cognitif.
Afin d'améliorer l'allocation des ressources, il a été confié aux maisons départementales des personnes handicapées une mission de recensement de l'offre de logements accessibles et de renseignement sur cette offre.
Les dérogations admissibles au principe d'accessibilité ont également été considérablement réduites :
- pour la mise en accessibilité des locaux d'habitation existants, la prise en compte de l'importance des travaux à réaliser au regard de la valeur du bâtiment a été supprimée et les dérogations possibles à cette obligation ont été limitées aux cas d'impossibilité technique ou architecturale. Le cadre général de ces dérogations sera en outre fixé après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Enfin, toute personne handicapée occupant un logement pour lequel, en application des règles précédentes, une dérogation à la mise en accessibilité aura été accordée, bénéficiera d'un droit au relogement ;
- pour les ERP, la modulation des exigences d'accessibilité ne prendra plus en compte que la nature des bâtiments et non plus les prestations offertes par celui-ci. La définition ex ante de catégories de dérogations admissibles est supprimée : seules des dérogations exceptionnelles validées par le conseil national consultatif des personnes handicapées seront possibles. Chaque dérogation devant désormais être autorisée par cette instance, la présentation périodique des mesures de substitution à la commission communale d'accessibilité est supprimée.
De façon plus anecdotique, les députés ont précisé que la mise en accessibilité des ERP existants pourrait recourir aux nouvelles technologies et à une signalétique adaptée.
En matière de contrôle du respect des règles d'accessibilité, la compétence pour délivrer l'attestation de prise en compte des règles concernant l'accessibilité a été limitée aux seuls contrôleurs techniques, les députés ayant estimé que la désignation ex nihilo de personnalités compétentes n'était pas opportune.
Par ailleurs, afin de permettre une meilleure prise en compte des règles d'accessibilité dès le stade de la conception des bâtiments, l'Assemblée nationale a prévu, pour les architectes et les professionnels du bâtiment, une formation sur l'accessibilité. Cette formation sera obligatoire au cours de leur formation initiale, un décret en Conseil d'État fixant la liste exacte des diplômes concernés.
Dans le contexte général de renforcement sensible des exigences d'accessibilité souhaité par les députés, il convient enfin de remarquer la suppression paradoxale - à l'initiative, il est vrai, du Gouvernement - des dispositions, introduites par le Sénat, visant à contraindre les collectivités locales responsables de bâtiments scolaires à mettre ces derniers en accessibilité dans les meilleurs délais, lorsqu'ils font obstacle à la mise en oeuvre d'une décision d'orientation vers le milieu scolaire ordinaire d'un enfant handicapé, prise par la commission d'accès aux droits.
II - La position de votre commission
Dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, cet article conduit à poser une obligation générale et inconditionnelle de mise en accessibilité des bâtiments de toute nature, dont votre commission ne peut que constater le caractère non seulement excessif mais aussi inapplicable. Le refus de prendre en compte les réalités imposées de fait par l'état du cadre bâti existant lui paraît une vision extrémiste d'un principe de mise en accessibilité, auquel elle adhère par ailleurs, mais dans le souci de respecter un juste équilibre des contraintes imposées à chacun.
Si l'état du cadre bâti existant et les contraintes techniques, architecturales et - il faut oser le dire - économiques qu'il impose ne sauraient, en aucun cas, constituer un moyen de s'exonérer à bon compte de l'obligation de mise en accessibilité, un principe bien compris d'« aménagements raisonnables », sur le modèle de celui retenu en matière d'emploi, doit autoriser l'adaptation de cette obligation.
Ainsi, votre commission estime qu'il n'est pas injustifié de moduler les exigences de mise en accessibilité des locaux d'habitation existants, à l'occasion de travaux, en fonction de la nature du bâtiment, du type et du montant des travaux envisagés : il paraît normal de fixer un niveau d'exigence différent pour une maison individuelle ou un appartement, pour un logement privé ou un logement social ; de même, il serait disproportionné d'imposer à des propriétaires, à l'occasion d'un simple coup de peinture dans un couloir, la pose d'un ascenseur. Exiger la mise en accessibilité intégrale d'un bâtiment, dès lors que des travaux, même minimes, y sont envisagés par le propriétaire, pourrait conduire certains à renoncer à engager des travaux d'entretien courant ou des travaux de rénovation de faible montant.
Votre commission vous propose donc un amendement dans ce sens. Elle observe d'ailleurs qu'une solution identique a été retenue par la directive relative à la performance énergétique des bâtiments, en cours de transposition, qui prévoit que des travaux d'économie d'énergie doivent être entrepris quand le rapport entre le coût des travaux et la valeur du bâtiment dépasse un certain seuil.
Votre commission souhaite également préciser les dérogations admissibles à l'obligation de mise en accessibilité des locaux d'habitation existants à l'occasion de travaux. Pour formuler ces dérogations, votre commission a, encore une fois, souhaité s'inspirer du principe des « aménagements raisonnables » couramment admis en matière d'aménagement des postes de travail.
Ainsi, mis à part les cas d'impossibilité technique ou architecturale avérés, pourraient être acceptés des aménagements à l'obligation de mise en accessibilité lorsque deux types de disproportions manifestes sont constatés :
- une disproportion entre les améliorations apportées et le coût de la mise en accessibilité : il est évident qu'on ne peut pas imposer à des propriétaires de faire construire un plan incliné lorsque son coût est astronomique et que le gain attendu en termes d'accessibilité est finalement faible ;
- une disproportion entre la mise en accessibilité et ses conséquences, notamment sociales : imposer, sans aucune souplesse possible, à un organisme d'HLM de mettre en accessibilité tous ses logements revient à le condamner à augmenter de façon excessive les loyers et les charges afférentes, au détriment des autres locataires au faible pouvoir d'achat dont ils sont les bailleurs.
Enfin, votre commission maintient que ces dérogations ne signifient pas que les propriétaires seront exonérés de toute obligation de mise en accessibilité mais simplement que des aménagements pourront être proposés.
S'agissant du droit au relogement automatique créé par les députés au profit des personnes handicapées dont le logement a fait l'objet d'une dérogation à l'obligation de mise en accessibilité, votre commission s'interroge sur la capacité des petits propriétaires à assurer un tel relogement, car il ne leur sera pas possible de proposer une alternative. De fait, ces propriétaires ne sont pas responsables, du fait que leur bien fait l'objet d'une dérogation car celle-ci tient résulte d'une situation objective d'impossibilité, indépendante de leur volonté.
C'est la raison pour laquelle votre commission propose de limiter l'obligation de relogement aux propriétaires d'un parc de logements suffisants. Tel serait, entre autres, le cas des offices publics d'aménagement et de construction et des offices publics d'HLM, qui disposent d'un nombre important de logements et qui, conformément à leur vocation sociale, doivent montrer l'exemple en matière d'accessibilité.
S'agissant toujours de la question des logements, votre commission vous propose enfin de supprimer la mission attribuée aux maisons départementales des personnes handicapées en matière de recensement de l'offre de logement adapté . L'article 24 bis du présent projet de loi confie en effet la même mission aux commissions communales d'accessibilité et votre commission estime que le choix de cet échelon communal est plus pertinent.
Concernant la mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP), votre commission relève les mêmes excès dans le texte proposé par les députés qu'en matière de locaux d'habitation.
Ainsi, l'Assemblée nationale a limité les possibilités de modulation des exigences d'accessibilité au seul critère de la nature du bâtiment qui l'abrite. Cette approche purement matérielle de l'accessibilité est peu pertinente pour les ERP, alors que la prise en compte des prestations fournies se révèle plus utile. Votre commission vous propose donc un amendement dans ce sens.
S'agissant des dérogations admissibles à la mise en accessibilité des ERP, votre commission observe que la rédaction issue de l'Assemblée nationale se heurte encore une fois à deux écueils :
- si elle prévoit le principe de dérogations exceptionnelles, elle n'en encadre pas le champ, ce qui ouvre la porte à de multiples interprétations subjectives ;
- elle soumet chaque demande individuelle du moindre établissement à un examen par le Conseil national consultatif des personnes handicapées. Or cette instance ne dispose ni des compétences techniques en matière de construction et d'architecture, ni des moyens humains pour traiter les milliers de demandes prévisibles.
C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose de revenir à un encadrement de ces dérogations , toujours inspiré de la notion d' « aménagements raisonnables » , de façon à prévoir des dérogations identiques à celles accordées aux locaux d'habitation. Elle souhaite également soumettre les demandes de dérogation à un avis, non pas du CNCPH, mais de la commission départementale de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité dont les compétences et les moyens sont plus adaptés à cette mission.
Par ailleurs, dans un souci de simplification, les députés ont limité aux seuls contrôleurs techniques la possibilité de délivrer l'attestation de prise en compte des règles d'accessibilité, désormais exigée pour tous les travaux soumis à permis de construire. Cette limitation risque pourtant de créer un engorgement préjudiciable à l'effectivité du contrôle, car ces contrôleurs sont loin d'être assez nombreux pour exercer seuls cette compétence.
C'est la raison pour laquelle votre commission souhaite rétablir la possibilité de faire appel à un intervenant autre qu'un contrôleur technique pour délivrer cette attestation. Ainsi, l'attestation pourra être délivrée par les contrôleurs techniques s'agissant des bâtiments déjà soumis au contrôle technique (ERP des trois premières catégories ou immeubles de grande hauteur) et il pourra être fait appel à d'autres techniciens du bâti dotés d'une certification spécifique pour les autres bâtiments.
Votre commission souhaite également clarifier les dispositions relatives à la formation des professionnels du bâtiment à la prise en compte de l'accessibilité, qui font actuellement l'objet de deux réglementations différentes dans cet article. Elle propose de rendre la formation à l'accessibilité du cadre bâti obligatoire dans la formation initiale des architectes et des professionnels en bâtiment, un décret en Conseil d'État fixant la liste des diplômes concernés par cette obligation.
Votre commission vous propose enfin deux amendements tendant à supprimer des précisions inutiles et deux amendements de coordination .
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.