III. SITUATION DE LA FRANCE PAR RAPPORT AUX AUTRES BAILLEURS
Selon les statistiques de l'OCDE, la France était en 2003 le troisième pays donneur du CAD en montant absolu (après les Etats-Unis et le Japon), après avoir été quatrième en 2002 et cinquième en 2001, et le septième en termes d'effort en part du RNB avec 0,41 % , devant la Suisse et à égalité avec l'Irlande.
Les pays membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE ont accru leur APD en faveur des pays en développement de 3,9 % en termes réels (c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation et des variations de change) entre 2002 et 2003 , après une hausse de 7 % en termes réels entre 2001 et 2002. D'après les données préliminaires, l'APD totale du CAD a ainsi atteint 68,5 milliards de dollars en 2003, soit un montant sans précédent en valeur réelle comme en valeur nominale . Ce total représente 0,25 % du revenu national brut (RNB) global des membres du CAD, contre 0,23 % en 2002 et 0,22 % en 2001.
Les pays membres du CAD sont à l'origine d'au moins 95 % des versements mondiaux d'APD. Les États-Unis demeurent le premier donneur d'aide au monde en volume, suivis du Japon, de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni. Le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède sont néanmoins toujours les seuls pays à atteindre l'objectif de 0,7 % du RNB préconisé par les Nations Unies pour l'APD . Trois autres pays se sont fixés une date précise pour atteindre cet objectif : l'Irlande en 2007, la Belgique en 2010 et la France en 2012. La Norvège affiche le ratio APD/RNB le plus élevé du CAD avec 0,92 % et progresse vers son objectif de 1 % d'ici 2005.
Sur les vingt-deux pays membres du CAD, douze ont fait état d'un accroissement de leur APD en termes réels. En 2003, les États-Unis ont augmenté leur APD de 16,9 % en termes réels , la portant à 15,8 milliards de dollars, soit 0,14 % de leur RNB. L'aide bilatérale des États-Unis a enregistré une hausse de 3,9 milliards de dollars, dont 2 milliards en faveur de l'Irak, partiellement compensée par une baisse de 1,4 milliard de dollars de l'aide multilatérale. L'APD du Japon a pour sa part fléchi de 8,9 % pour s'établir à 8,9 milliards de dollars, soit 0,2 % du RNB. Si les versements bruts sont restés relativement stables, les remboursements effectués au titre des prêts d'APD ont sensiblement augmenté.
L'APD des États membres de l'Union européenne s'est accrue de 2,2 % en termes réels en 2003, représentant 0,35 % de leur RNB collectif. Avant la Conférence de Monterrey de 2002, les membres de l'UE s'étaient engagés à porter leur APD globale à 0,39 % de leur RNB pour 2006 et à titre individuel à un minimum de 0,33 %.
La France a fait l'objet, le 26 mai 2004, d'un « examen par les pairs des politiques et programmes de coopération pour le développement » par le CAD (cf. encadré ci-après), dont les recommandations se révèlent souvent proches des observations formulées par votre rapporteur spécial depuis plusieurs années.
L'examen de l'aide française par le CAD
Dans le cadre de la procédure habituelle de l' « examen par les pairs » des procédures d'aide des membres du CAD, l'OCDE a publié en juin 2004 ses conclusions et recommandations sur l'aide française , qui a fait l'objet d'un examen approfondi en 2003-2004 par les Pays-Bas et le Canada (le dernier ayant été réalisé en 2000, à l'issue de la réforme de la coopération), précédé par un memorandum du gouvernement français présentant les objectifs et le dispositif de l'APD. Les principales observations du CAD sont ainsi les suivantes :
1 - Cadre général et nouvelles orientations
Malgré quelques principes fondamentaux, la pluralité des objectifs constitue une entrave à la perception d'une vision unifiée de la politique française et découle en partie de la complexité de son dispositif, scindé entre les ministères des affaires étrangères et des finances, qui ont chacun leur propre culture et dont le développement ne constitue pas l'objectif unique. Le CAD relève également que « l'approche française entraîne l'éparpillement des interventions à différents niveaux et implique une gamme variée d'acteurs et d'instruments dont la mise en cohérence et l'articulation pourraient être mieux assurées. Des priorités sectorielles ont été établies (...) mais le lien avec la réduction de la pauvreté et des inégalités n'est pas toujours établi. (...) En matière d'éducation, qui absorbe près d'un quart de l'APD bilatérale, seule une part modeste des activités contribue au renforcement des systèmes éducatifs dans les pays en développement. ».
S'agissant de l'harmonisation des procédures d'aide , pour laquelle la France joue un rôle important au niveau international, le CAD considère que les efforts entrepris ne transparaissent pas suffisamment sur le terrain, et relève le cas de la Mauritanie, où l'appui français au programme décennal dans le secteur de l'éducation s'effectue à travers trois guichets différents. Le CAD recommande donc :
- l'élaboration d'un document d'orientation stratégique pour l'ensemble du dispositif de coopération, construit autour de la réalisation des OMD et fondé sur le principe d'alignement de la coopération française sur les stratégies de lutte contre la pauvreté des pays partenaires ;
- d'assumer un rôle plus actif dans la mise en oeuvre des principes d'efficacité de l'aide dans les pays partenaires, ce qui implique de finaliser et de diffuser le plan d'action en matière d'harmonisation, en spécifiant les objectifs à atteindre assortis d'indicateurs de résultat et d'échéances.
2 - Volume et répartition de l'aide
Le CAD rappelle que la France est le pays le plus généreux du G7 si l'on considère le ratio APD/RNB, mais qu'une part significative de la récente croissance de l'aide est pour l'instant due à l'effort d'annulation de la dette dans le cadre de l'initiative PPTE. L'augmentation de l'APD ne s'est donc guère traduite par des flux d'argent frais vers les pays en développement. A moyen terme, l'achèvement du processus de désendettement pour la plupart des pays concerné représentera un enjeu financier et humain de taille pour la France , qui devra assurer le relais par des moyens budgétaires (et non plus par les comptes spéciaux du Trésor) dans un contexte contraint.
Le CAD relève une sélectivité insuffisante malgré la priorité accordée à l'Afrique et aux pays les moins avancés. Des priorités géographiques et des critères d'attribution de l'aide devraient dès lors être mieux établis à l'intérieur même de la ZSP, perçue comme large. La coopération multilatérale devrait également faire l'objet d'une stratégie plus explicite , notamment afin de lever la contradiction entre l'importance stratégique que la France accorde aux institutions des Nations Unies et la faiblesse des contributions qu'elle leur verse. Le CAD promeut une meilleure lisibilité de l'APD , en particulier s'agissant du lien entre crédits budgétaires et montants d'APD, et voit dans la mission interministérielle « Aide publique au développement » de la nouvelle nomenclature budgétaire comme dans le futur document de politique transversale une occasion unique de consolider les objectifs et le processus de programmation de la coopération française.
3 - Gestion et mise en oeuvre de l'aide
Le CAD relève que la coordination interministérielle fonctionne mieux grâce au CICID, mais que l'éclatement des activités entre plusieurs institutions est coûteux et peut conduire à une duplication de l'expertise , en particulier entre le Quai d'Orsay et le ministère des finances. Le partage des responsabilités entre pilotage stratégique et exécution apparaît inachevé. L'intention de confier à l'AFD un rôle pivot ne s'est en outre pas pleinement matérialisée, puisqu'elle n'est responsable de la gestion que d'environ 10 % de l'APD totale. Le ministère des finances devrait également se doter d'effectifs plus nombreux et bénéficiant d'une plus grande expérience opérationnelle.
Malgré l'adoption de documents stratégiques pays (DSP), la coopération française n'est pas engagée dans une programmation pluriannuelle où seraient précisés à la fois les objectifs visés assortis d'indicateurs de résultats, les modalités de mise en oeuvre et les responsabilités des différents acteurs. Elle reste éclatée en de nombreux secteurs et projets qui entraînent des coûts de transaction élevés pour les autorités françaises comme pour les pays partenaires. Ceci nuit à la lisibilité de l'action française et à sa contribution à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement, auxquels la France fait de plus en plus référence.
La France tient à conserver une place importante à l'aide projet et l'assistance technique a beaucoup évolué depuis 15 ans. Afin d'assurer la relève par les nationaux, il conviendrait de mieux identifier les besoins en assistants, de prévoir son désengagement dès la conception des projets et d'en évaluer systématiquement l'impact. Le CAD recommande donc de poursuivre les efforts d'adaptation de l'assistance technique pour renforcer sa contribution au développement des capacités tout en évaluant son coût d'opportunité par rapport à d'autres instruments, et d'envisager son déliement, le cofinancement avec d'autres donateurs et un recours accru aux compétences locales ou régionales .
Grâce aux C2D, la France peut appuyer des stratégies sectorielles nationales dans quelques pays dans le cadre de l'aide-programme, en collaboration avec d'autres donateurs, mais cette approche repose sur une gestion complexe qui induit des coûts de transaction élevés. Dans certains pays, la France appuie le processus de transition vers l'aide budgétaire en fournissant une assistance technique pour la préparation et l'exécution du budget de l'État. Les autorités françaises ont initié une réflexion sur les implications de l'évolution vers l'aide-programme et la plus grande harmonisation des procédures sur la nature des compétences et le degré d'autorité dont devraient disposer les représentations dans les pays partenaires. La complexité du dispositif français plaide en faveur d'un accroissement des ressources sur le terrain destinées aux fonctions d'analyse, de concertation et de coordination et à la formation .
Le CAD plaide également en faveur d'un approfondissement du dialogue avec la société civile et les ONG, d'un renforcement de la coordination sur le terrain avec ces acteurs, et d'une révision à la hausse de l'appui financier fourni aux organismes non gouvernementaux .
La CAD considère enfin que le cloisonnement entre les divers intervenants et instruments conduit à un éparpillement de l'information et limite la valorisation des acquis de l'expérience . La création de groupes de travail interministériels et la mise en réseaux des ressources intellectuelles et opérationnelles sont des pratiques qui devraient porter leurs fruits, à condition que leurs réflexions soient reflétées au niveau stratégique.
4 - Position du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie émet un jugement positif sur les conclusions de cet examen de l'APD française et annonce en tenir compte :
« Le gouvernement s'est félicité des analyses du CAD , qui reconnaissent, notamment, l'utilité de l'aide française au développement dans sa double dimension : solidarité avec les pays les plus pauvres et contribution à la construction d'un monde plus sûr et à un développement plus durable, dans l'intérêt de tous. Simultanément, le CAD a élaboré un certain nombre de recommandations pour les autorités française, en soulignant notamment la complexité de l'organisation administrative et en suggérant une meilleure explicitation des priorités, géographiques et sectorielles, de l'aide française. Le Comité Interministériel pour la coopération Internationale et le développement (CICID) qui s'est tenu le 20 juillet 2004 a annoncé une série de mesures importantes en réponse à cette analyse : la sélectivité de la programmation de l'aide française sera améliorée, des stratégies sectorielles pluriannuelles vont être élaborées, des documents cadres de partenariat vont être élaborés avec les pays partenaires, le fonctionnement du CICID sera renforcé, enfin, l'AFD verra son rôle d'opérateur pivot renforcé avec le transfert de certains secteurs auparavant gérés par le MAE ».
Sources : CAD ; ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
APD des principaux pays de l'OCDE membres du CAD (en millions d'euros courants) |
||||||||||||||||||||
|
1994 |
2001 |
2002 |
2003 |
Variation
|
Variation 2002/2003 en termes réels * |
APD/ PNB en 2003 |
|||||||||||||
Allemagne |
6.818 |
5.571 |
5.650 |
5.925 |
-13,1 % |
3,9 % |
0,28 % |
|||||||||||||
Belgique |
727 |
968 |
1.137 |
1.670 |
129,7 % |
43,2 % |
0,61 % |
|||||||||||||
Canada |
N.D. |
1.712 |
2.129 |
1.955 |
N.D. |
-5,1 % |
0,26 % |
|||||||||||||
Danemark |
1.446 |
1.825 |
1.744 |
1.546 |
6,9 % |
-4,6 % |
0,84 % |
|||||||||||||
Etats-Unis |
9.927 |
12.762 |
14.102 |
13.977 |
40,8 % |
16,9 % |
0,14 % |
|||||||||||||
France |
8.466 |
4.688 |
5.821 |
6.494 |
-23,3 % |
9,9 % |
0,41 % |
|||||||||||||
Japon |
13.239 |
10.995 |
9.850 |
7.887 |
-40,4 % |
-8,9 % |
0,20 % |
|||||||||||||
Norvège |
1.137 |
1.503 |
1.800 |
1.808 |
59 % |
4,7 % |
0,92 % |
|||||||||||||
Pays-Bas |
2.517 |
3.542 |
3.542 |
3.593 |
42,7 % |
-1,3 % |
0,81 % |
|||||||||||||
Royaume-Uni |
3.197 |
5.113 |
5.225 |
5.458 |
70,7 % |
11,9 % |
0,34 % |
|||||||||||||
Suède |
1.819 |
1.860 |
2.113 |
1.859 |
2,2 % |
-14,1 % |
0,70 % |
|||||||||||||
Suisse |
982 |
1.014 |
996 |
1.148 |
16,9 % |
19,5 % |
0,38 % |
|||||||||||||
Etats de l'UE |
30.416 |
29.354 |
31.779 |
32.594 |
7,2 % |
2,2 % |
0,35 % |
|||||||||||||
Commission européenne |
N.D. |
6.656 |
6.962 |
7.211 |
N.D. |
1,6 % |
N.S. |
|||||||||||||
Total G7 |
46.601 |
42.657 |
45.252 |
43.813 |
-6 % |
5,3 % |
0,21 % |
|||||||||||||
Total CAD |
N.D. |
58.439 |
61.835 |
60.614 |
N.D. |
3,9 % |
0,25 % |
|||||||||||||
* La variation en termes réels entre 2002 et 2003 tient compte de l'inflation et des fluctuations des taux de change. Source : secrétariat du CAD de l'OCDE |
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Apports mondiaux du secteur privé vers les pays en développement (partie I de la liste du CAD) en versements nets (en millions de dollars) |
||||||||||||||||||||
1996 |
2000 |
2001 |
2002 |
|||||||||||||||||
Allemagne |
9.414 |
7.499 |
1.351 |
-1.193 |
||||||||||||||||
Belgique |
3.630 |
1.513 |
-795 |
91 |
||||||||||||||||
Canada |
3.271 |
5.014 |
-14 |
200 |
||||||||||||||||
Espagne |
2.304 |
24.168 |
10.764 |
6.795 |
||||||||||||||||
Etats-Unis |
34.916 |
11.574 |
24.413 |
5.489 |
||||||||||||||||
France |
8.240 |
1.561 |
13.587 |
-1.477 |
||||||||||||||||
Italie |
231 |
10.349 |
-2.124 |
-598 |
||||||||||||||||
Japon |
22.414 |
2.957 |
6.008 |
-608 |
||||||||||||||||
Royaume-Uni |
15.019 |
5.713 |
5.247 |
14.375 |
||||||||||||||||
Pays-Bas |
3.844 |
3.764 |
-7.689 |
-5.634 |
||||||||||||||||
Total Etats de l'UE |
44.489 |
63.863 |
26.429 |
14.167 |
||||||||||||||||
Total G7 |
93.475 |
44.666 |
48.468 |
16.188 |
||||||||||||||||
Total CAD |
101.946 |
84.776 |
55.545 |
20.101 |
||||||||||||||||
Tous donateurs |
101.946 |
85.311 |
55.396 |
21.215 |
||||||||||||||||
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie |
||||||||||||||||||||
Evolution du taux d'APD en part du RNB des principaux pays industrialisés |
||||||||||||||||||||
1989 |
1996 |
2001 |
2002 |
2003 |
||||||||||||||||
Allemagne |
0,40 |
0,32 |
0,27 |
0,27 |
0,28 |
|||||||||||||||
Etats-Unis |
0,18 |
0,12 |
0,11 |
0,13 |
0,14 |
|||||||||||||||
France |
0,59 |
0,48 |
0,32 |
0,38 |
0,41 |
|||||||||||||||
Japon |
0,31 |
0,20 |
0,23 |
0,23 |
0,20 |
|||||||||||||||
Royaume-Uni |
0,32 |
0,27 |
0,32 |
0,31 |
0,34 |
|||||||||||||||
Source : CAD de l'OCDE |