2. Objectifs et indicateurs
Le programme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie consacré à l'APD comporte quatre objectifs assortis de neuf indicateurs de résultats, explicités dans l'avant-PAP de la mission interministérielle « Aide publique au développement » et présentés ci-après.
Objectifs et indicateurs de résultats du programme « Aide économique et financière au développement » |
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Objectifs |
Catégorie |
Indicateurs |
Promouvoir les orientations stratégiques françaises de développement durable |
Efficacité socio-économique (point de vue du citoyen) |
Part des engagements des ressources subventionnées de l'AFD, des Banques multilatérales de développement (BMD) et des fonds multilatéraux affectés aux différents secteurs prioritaires (eau & assainissement ; santé/SIDA ; éducation ; environnement et développement durable ; infrastructures ; agriculture et sécurité alimentaire). |
Part des ressources subventionnées de l'AFD, des BMD et des fonds multilatéraux affectées aux zones géographiques prioritaires : Afrique sub-saharienne et Zone de Solidarité Prioritaire |
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Participer au rétablissement de la stabilité macro-économique et à la création des conditions de la croissance des pays en développement |
Efficacité socio-économique (point de vue du citoyen) |
Part de l'aide budgétaire globale française qui s'inscrit dans un processus harmonisé entre les bailleurs de fonds |
Part des pays qui ont bénéficié, avec succès, de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés, selon les deux critères de restauration de la soutenabilité de la dette : part des pays ayant franchi le point d'achèvement de l'initiative PPTE, dont la dette est inférieure à 150 % des exportations et dont la dette est inférieure à 250 % des recettes publiques |
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Assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l'aide au développement |
Efficacité socio-économique (point de vue du citoyen) / efficience de la gestion (point de vue du contribuable) |
Montant d'aide au développement apportée par l'AFD sous forme de prêt, pour un euro de subvention versé à l'AFD |
Part des projets de l'AFD et de la Banque mondiale qui sont jugés « au moins satisfaisants » dans la réalisation de leurs objectifs de développement |
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Part des projets de l'AFD et de la Banque mondiale, qui ont connu des problèmes à l'exécution et qui ont fait l'objet de mesures correctrices |
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Promouvoir l'expertise française dans le domaine du développement durable et de la gouvernance économique et financière |
Efficacité socio-économique (point de vue du citoyen) |
Nombre de jours consacrés à l'assistance technique internationale par le MINEFI par euro de crédit budgétaire affecté à l'ADETEF |
Part des études préalables terminées ayant abouti à la réalisation d'un projet |
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Part des études préalables terminées ayant abouti à la réalisation du projet avec la participation d'entreprises françaises |
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Note : les catégories d'objectifs font référence à la typologie présentée dans le guide méthodologique « La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs » publié en juin 2004. Source : avant-projet annuel de performance de la mission interministérielle APD |
Ces indicateurs ne sont pas encore renseignés dans l'avant-PAP, mais devront l'être pour la loi de finances pour 2006. Pour la plupart des indicateurs présentés, les données proviendront de rapports d'activité et d'évaluation des institutions financières multilatérales, ainsi que de l'AFD. Il n'est donc pas envisagé à l'heure actuelle de les faire valider par une source indépendante de l'administration . L'évaluation de ces indicateurs sur l'année 2003, qui est en cours de réalisation, devrait permettre le cas échéant d'améliorer leur définition.
A l'aune des critères permettant de juger la pertinence des objectifs et indicateurs (cf. supra ), votre rapporteur spécial souhaite formuler les observations suivantes :
- le premier objectif de promotion des priorités françaises de développement durable repose sur un concept quelque peu « fourre-tout » (le « développement durable » permettant somme toute d'insérer de nombreuses priorités sectorielles) mais légitime, compte tenu de la nécessité de s'assurer que l'utilisation des fonds versés à l'AFD et surtout aux organismes multilatéraux est cohérente avec la stratégie française d'APD. Les indicateurs thématiques et géographiques correspondants, s'ils font utilement référence aux objectifs du millénaire pour le développement qui structurent l'aide internationale et reposent sur une distinction idoine, sont toutefois plus proches d'indicateurs de moyens que de réels indicateurs d'efficience socio-économique. En outre, ces indicateurs ne révèlent pas la capacité effective de la France à influencer la politique d'affectation des organismes multilatéraux bénéficiaires, et partant, à atteindre l'objectif fixé ;
- le deuxième objectif est particulièrement ambitieux et de ce fait difficile à traduire dans des indicateurs. L'explication fournie dans l'avant PAP rappelle que la France a décidé d'accroître les volumes d'aide budgétaire globale, sur les modalités de laquelle votre rapporteur spécial a toujours témoigné sa circonspection . Le premier des deux indicateurs, mesurant la contribution de la France à l'harmonisation des interventions des bailleurs, répond à une préoccupation légitime de coordination des actions de nombreux bailleurs, mais part du postulat que les interventions des institutions financières internationales, et en particulier l'aide budgétaire affectée, est efficace pour réduire la pauvreté. Le second indicateur, portant sur la restauration de la soutenabilité de la dette des pays bénéficiant de l'initiative PPTE, ne traduit pas directement le rôle de la France dans ce processus, et encore moins l'impact sur la réduction de la pauvreté, qui en la matière souffre
d'une certaine inertie, quand ce n'est d'effets pervers 68 ( * ) ;
- le troisième objectif est particulièrement utile en ce qu'il se situe au coeur de l'évaluation de l'efficacité des crédits consacrés à l'APD, tant en termes de volume que de qualité des projets. Les indicateurs y afférents permettent de mesurer l'effet de levier des concours de l'AFD (rapport entre les prêts bruts de l'Agence vers les pays en développement et le total des subventions qui lui sont octroyées) et d'utiliser de manière appropriée les données de son dispositif de notation interne des projets dans une perspective de « benchmarking » par rapport à la Banque mondiale. Le troisième indicateur permet en outre de juger la capacité de l'Agence à corriger et améliorer des projets considérés comme « à problèmes » ;
- le quatrième et dernier objectif se décline en deux sous-objectifs : améliorer la gouvernance économique et financière et l'efficacité de l'aide au développement, via la coopération technique dans les pays en développement et en transition ; et assurer la pertinence des expertises associées aux projets d'investissement d'aide au développement financés par dons. Le premier indicateur mesure la performance du groupement ADETEF, mais davantage dans une logique d'efficience , c'est-à-dire en considérant l'économie des moyens employés, que d'efficacité (adéquation entre les objectifs et les résultats). Le deuxième indicateur permet de contrôler la pérennité et le « rendement » (qui consiste à donner naissance à un projet effectif) des études réalisées, mais paraît un peu trop anecdotique et éloigné du sous-objectif d'amélioration de la gouvernance économique et financière des pays aidés. Le troisième indicateur, qui évalue la pertinence et le succès de l'offre des entreprises françaises dans des projets de développement, est proche de la logique du « procurement » que défendent les institutions de Bretton Woods, et permet opportunément de mesurer le retour sur la dimension d'investissement que comporte l'aide française .
Au total, ces objectifs et indicateurs témoignent de la difficulté à mesurer l'efficacité de l'aide au développement et le lien entre les financements et la réduction de la pauvreté - a fortiori lorsqu'il s'agit d'aide bilatérale parmi de multiples autres sources d'assistance - qui sont liés à l'importance des volumes engagés mais n'en sont pas exclusivement dépendants. Il manque à ces indicateurs l'insertion de données macro et micro-économiques sur les pays aidés, bien que votre rapporteur spécial mesure la difficulté à établir leur lien avec les actions spécifiquement françaises de coopération.
* 68 Dans son rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2004, votre rapporteur spécial relevait ainsi :
« Les résultats en termes de développement ne sont toutefois pas encore réellement visibles, et les bénéficiaires demeurent pour la plupart dans une situation de grande fragilité . En outre, les allègements de dette ne constituent pas en soi une garantie de maintien de la soutenabilité dans le temps. On constate néanmoins que l'augmentation des dépenses sociales, notamment pour la santé et l'éducation, est plus que proportionnelle à la réduction du service de la dette, conformément à l'objectif initial. Si au total le bilan apparaît encore assez prématuré, on peut cependant craindre que la politique d'allègement de la dette ne procure qu'un soulagement temporaire pour les pays qui auront franchi avec peine le point d'achèvement, et ne garantisse pas l'accès à une croissance endogène porteuse de développement. On constate en effet que dans 15 pays sur les 27 qui ont franchi le point de décision, les recettes d'exportation enregistrent une augmentation annuelle moyenne largement inférieure à celle escomptée (respectivement 3 % et 11,6 %). En outre ces pays sont souvent obligés de recourir à nouveau à l'endettement pour amortir les conséquences de chocs externes.
« Cette évolution traduite bien le fait que la croissance et la diminution pérenne de l'endettement sont avant tout tributaires d'une meilleure insertion dans le commerce international plutôt que d'un processus exigeant (tant pour les débiteurs que pour les créanciers) d'allègement. Ainsi, plutôt que de jouer exclusivement sur le numérateur pour améliorer la soutenabilité de la dette, il conviendrait d'accentuer les efforts d'accroissement du dénominateur, c'est-à-dire des recettes d'exportation et des recettes fiscales . Cet impératif suppose, d'une part, de relancer rapidement le cycle des négociations commerciales multilatérales sans attendre les diverses échéances électorales (européennes, américaines, renouvellement de l'OMC) et avec un objectif de réduction des barrières tarifaires sur les produits de base (avant de libéraliser les investissements et les services), et d'autre part de renforcer l'administration fiscale des pays pauvres (capacités de collecte et de contrôle, recensement des contribuables, informatisation et sécurisation des flux, modernisation de la comptabilité et de la gestion budgétaires...).
« Dès lors les annulations de dette ne sauraient constituer le vecteur privilégié de l'APD, mais seulement une composante parmi d'autres. Or force est de constater que les mécanismes d'annulation prennent une part croissante dans le volume d'APD, à commencer par notre pays dont l'aide serait en 2004 constituée pour près de 35 % d'annulations de dettes, ce qui est beaucoup pour un instrument dont les bénéfices sont encore incertains.
« Votre rapporteur souhaite donc que le gouvernement s'attache à mieux justifier son effort d'allègement de la dette des pays pauvres et à renforcer leurs capacités de restauration autonome de la solvabilité en prenant une part active à la relance des négociations commerciales et à leur positionnement au bénéfice des pays pauvres, avant celui des économies émergentes » .