ARTICLE 28 bis
(nouveau)
Dispositions relatives à l'entreposage de
céréales auprès d'un organisme collecteur
agréé
Commentaire : le présent article vise à préciser le régime fiscal de l'entreposage, par un exploitant agricole soumis à un régime réel d'imposition, de céréales chez un organisme collecteur agréé.
I. LE DROIT EXISTANT
Dans le droit existant, le régime fiscal de l'entreposage de céréales, par un exploitant agricole soumis au régime réel d'imposition auprès d'un organisme collecteur agréé, diffère suivant les conditions matérielles de stockage des céréales .
En effet, selon que les conditions de stockage permettent ou non une identification des céréales au sein des installations de l'organisme collecteur, le transfert de propriété des céréales de l'exploitant vers l'organisme collecteur sera dénié ou avéré.
Le régime fiscal du dépôt de céréales par un producteur chez un organisme collecteur résulte, pour l'essentiel, du contenu d'une réponse, en date du 28 décembre 1998, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à une question écrite de M. Dominique Bussereau, alors député, réponse selon laquelle « les conséquences fiscales qui s'attachent [aux contrats de dépôt de céréales par un producteur chez une coopérative agricole céréalière] diffèrent selon que les céréales restent ou non identifiables au sein des installations du collecteur. Dans le premier cas, les céréales restent la propriété du producteur qui est libre soit de les commercialiser ultérieurement, soit de les reprendre pour les besoins de son exploitation. La mise en dépôt proprement dite n'emporte aucune conséquence fiscale, dans la mesure où les rapports contractuels établissent sans équivoque l'intention des parties. Dans le second cas, le contrat se traduit par un transfert de propriété dès lors qu'il porte sur une chose fongible qui se confond avec les récoltes des autres producteurs. Cette analyse est conforme à une doctrine traditionnelle du droit français selon laquelle l'action en revendication ne peut pas porter sur des choses fongibles, notamment parce que l'objet du droit de propriété doit revêtir un caractère déterminé. Dans cette situation, le transfert de propriété fait naître au profit du producteur une créance immédiatement acquise devant être rattachée au résultat de l'exercice de la mise en dépôt ».
Ainsi, lorsque le stockage est séparé et permet une identification des céréales, ces dernières sont réputées demeurer la propriété de l'exploitant qui les entrepose ; la mise en dépôt n'entraîne dès lors pas de conséquence sur le plan fiscal. En revanche, si les conditions de stockage ne permettent pas d'individualiser les céréales au sein des silos et de les rattacher à la récolte de l'exploitant, le bien est réputé fongible et fait donc l'objet d'un transfert de propriété de l'exploitant à l'organisme collecteur. Le producteur dispose alors d'une créance acquise qui doit être rattachée au résultat de l'exercice du dépôt.
Notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, note dans son rapport sur le présent projet de loi de finances rectificative 80 ( * ) que « cette distinction pose de nombreux problèmes dans les cas d'entreposage dans des silos collectifs dans la mesure où l'évaluation du profit ou de la perte est problématique et où l'exploitant peut être amené à devoir reprendre ces céréales (pour les besoins de son exploitation ou pour les revendre par d'autres biais) ».
En effet, le régime actuel des conditions de dépôt des céréales auprès d'un organisme collecteur agréé aboutit à une situation d'impasse juridique et fiscale pour les exploitants qui pratiquent ce dépôt .
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du gouvernement, d'un amendement présenté par nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du budget au nom de la commission des finances, et Alain Marleix.
Le I du présent article vise à insérer au sein du code général des impôts un nouvel article 38 quinquies qui disposerait que l'entreposage de céréales chez un organisme collecteur agréé au sens des articles L. 621-16 et suivants du code rural puis, le cas échéant, leur reprise, par un exploitant soumis à un régime réel d'imposition n'entraîne pas la constatation d'un profit ou d'une perte pour la détermination du résultat imposable, sous réserve que les marchandises restent inscrites dans les stocks de l'exploitant .
Ainsi que le précise notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dans son rapport précité sur le présent projet de loi de finances rectificative, le présent article « vise à ce qu'il soit sursis à l'imposition pendant la période d'entreposage. Ainsi, l'entreposage des céréales puis, éventuellement, leur reprise, n'entraîneraient pas la constatation d'un profit ou d'une perte pour les exploitants soumis à un régime réel d'imposition, sous réserve que les marchandises demeurent inscrites dans les stocks de l'exploitant ».
Dès lors, le dépôt et la reprise de céréales n'entraîneront pas, à l'avenir, de fait générateur d'imposition. De même, la question de l'existence ou non du transfert de propriété ne se posera plus à l'avenir si l'exploitant agricole a un traitement comptable de l'entreposage conforme aux dispositions du présent article, c'est-à-dire s'il inscrit les céréales déposées dans ses propres stocks.
Le présent article permet donc de ne pas tenir compte de cette opération de stockage pour la détermination du résultat comptable de l'exploitant, jusqu'à la cession de la marchandise déposée.
Enfin, le II du présent article précise que les dispositions du I s'appliquent pour la détermination des résultats des exercices clos à compter du 1 er janvier 2005.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur général accueille favorablement les dispositions du présent article qui devraient permettre de clarifier une situation juridique et fiscale problématique en raison de l'application d'une doctrine traditionnelle complexe.
En outre, cette clarification devrait permettre de dissuader l'exploitant agricole d'assurer lui-même le stockage de sa production céréalière, sans que toutes les garanties d'hygiène et de sécurité souhaitables soient réunies.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 80 Rapport n° 1921, XII ème législature, projet de loi de finances rectificative pour 2004, Assemblée nationale.