II. LA CONVENTION DE MÉRIDA, PREMIER INSTRUMENT MONDIAL DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 31 octobre 2003, après sept sessions de négociations débutées en janvier 2002, la convention des Nations unies contre la corruption ouverte à la signature le 9 décembre 2003 à Mérida (Mexique) se présente comme le premier instrument à la fois universel et global de lutte contre la corruption.

L' objet de la convention , défini dans son article 1 er , est triple :

- promouvoir et renforcer les mesures visant à prévenir et combattre la corruption de manière plus efficace ;

- promouvoir, faciliter et appuyer la coopération internationale et l' assistance technique dans le domaine de la prévention de la corruption et de la lutte contre cette dernière, y compris en matière de recouvrement d'avoirs ;

- promouvoir l'intégrité, la responsabilité et la bonne gestion des affaires publiques et des biens publics.

La convention compte 71 articles regroupés autour de cinq chapitres principaux : les mesures préventives, l'incrimination, la détection et la répression de la corruption, la coopération internationale, le recouvrement d'avoirs et l'assistance technique.

Le chapitre relatif aux mesures préventives détaille une série de dispositions encourageant les États à mettre sur pied une véritable politique de lutte contre la corruption. Sont notamment prévus la création, dans chaque État partie, d'un ou plusieurs organes chargés de prévenir la corruption (article 6), l'adoption d'un cadre législatif et règlementaire garantissant la transparence et l'équité pour l'accession à des emplois publics et pour le financement des campagnes électorales (article 7), l'édiction de normes ou codes de conduite à l'intention des agents publics (article 8), la mise en place de procédures transparentes en matière de marchés publics et de finances publiques (article 9), le renforcement des normes de comptabilité et d'audit dans le secteur privé, assorties de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives en cas de non-respect (article 12) ou encore l'adoption d'une réglementation sur le contrôle des banques et institutions financières en vue de prévenir le blanchiment d'argent (article 14).

Le chapitre relatif à l' incrimination , à la détection et à la répression dresse une liste précise des infractions que les États parties devront sanctionner dans leur législation pénale. Il s'agit de la corruption active et passive 1 ( * ) d'agents publics nationaux (article 15), d'agents publics étrangers ou de fonctionnaires d'organisations internationales publiques pour l'obtention d'un marché en matière de commerce international (article 16), du détournement de biens par un agent public (article 17), du blanchiment du produit du crime (article 23), du recel (article 24) et de l'entrave au bon fonctionnement de la justice (article 25). Les parties doivent également établir un régime de responsabilité pénale des personnes morales impliquées dans la corruption (article 26). La convention énumère une seconde série d'infractions que les parties sont encouragées à incriminer sans toutefois être juridiquement tenues de le faire. Il s'agit du trafic d'influence (article 18), de l'abus de fonction (article 19), de l'enrichissement illicite (article 20), de la corruption active et passive de dirigeants ou d'employés du secteur privé (article 21) et de la soustraction de biens dans le secteur privé (article 22).

La convention incite les États parties à prendre les mesures nécessaires concernant les poursuites judiciaires, le jugement et les sanctions des agents publics impliqués (article 30), à permettre le gel, la saisie et la confiscation du produit du crime (article 31), à protéger les témoins, les experts et les victimes (article 32) ainsi que les personnes qui communiquent des informations (article 33), à s'attaquer aux conséquences de la corruption, notamment en frappant de nullité les marchés ou contrats viciés (article 34), à permettre aux victimes d'un préjudice d'agir en justice pour obtenir réparation (article 35), à créer des organes de lutte contre la corruption chargés de la détecter et de la réprimer (article 36), à encourager la coopération avec les services de détection et de répression (article 37), ainsi qu'entre les autorités nationales (article 38) et avec le secteur privé (article 39), à lever les obstacles qui peuvent résulter de la législation sur le secret bancaire (article 40).

Le chapitre relatif à la coopération internationale traite de l'assistance mutuelle en matière pénale. En matière d' extradition (article 44), la convention considère que les infractions liées à l'extradition sont de plein droit incluses dans tout traité d'extradition entre les États parties en tant qu'infractions dont l'auteur peut être extradé. Les États parties qui subordonnent l'extradition à l'existence d'un traité peuvent déclarer, lors de la ratification de la convention, que cette dernière constituera la base légale pour coopérer en matière d'extradition. La convention pose le principe de l' entraide judiciaire la plus large possible lors des enquêtes, poursuites et procédures judiciaires concernant les infractions liées à la corruption (article 46). Les États parties peuvent également procéder au transfert des procédures pénales quand cela est nécessaire (article 47), mener des enquêtes conjointes (article 49) et faire appel à des technique d'enquête spéciales telles que les livraisons surveillées, la surveillance électronique ou les opérations d'infiltration (article 50). Les services de détection et de répression sont appelés à coopérer entre eux par le biais du renforcement des voies de communication entre leurs autorités et services et d'une coordination dans la conduite d'enquêtes (article 48).

La restitution des avoirs est un principe fondamental de la convention (article 51) et fait l'objet d'un chapitre. Il s'agit là d'un aspect particulièrement novateur, la convention étant le premier instrument international à détailler les procédés de nature à permettre le retour au profit des États spoliés des fonds issus de la corruption et transférés à l'étranger par des dirigeants politiques ou des fonctionnaires.

A titre préventif, les États parties sont encouragés à mettre en place, au sein de leurs institutions financières, des mécanismes de vérification de l'identité des clients et des ayants droit des fonds déposés sur de gros comptes , à surveiller les comptes des personnes qui ont exercé des fonctions publiques importantes et de leur entourage et à adopter une règlementation empêchant l'établissement de banques qui n'ont pas de présence physique et qui ne sont pas affiliées à un groupe financier réglementé (article 52).

La convention décrit les mesures à prendre pour le recouvrement direct des biens détournés , en permettant les actions civiles destinées à faire reconnaître l'existence d'un droit de propriété au profit des États spoliés (article 53) et en établissant des mécanismes d' entraide judiciaire (article 54) et une procédure de confiscation (article 55). Les biens détournés devront être restitués suivant les modalités établies par la convention (article 57). Un service de renseignement financier (article 58) et des accords et arrangements bilatéraux ou multilatéraux (article 59) sont encouragés aux fins de renforcer l'efficacité de la coopération.

Un chapitre de la convention est consacré aux programmes de formation spécifiques à mettre en place par les États parties et à l'assistance technique mutuelle. Les parties devront procéder à des collectes, des échanges et des analyses d'informations sur la corruption et développer l'assistance financière et matérielle au profit des pays en développement ou en transition.

A la différence de la convention de l'OCDE, la convention des Nations unies contre la corruption ne prévoit pas de mécanisme de suivi étoffé. La convention renvoie à une Conférence des États parties, convoquée pour la première fois un an après son entrée en vigueur, le soin de recueillir toutes les informations sur la mise en oeuvre du texte, d'examiner périodiquement son application et de s'enquérir des mesures prises et des difficultés rencontrées par les États parties (article 63).

La convention entrera en vigueur le 90 ème jour suivant le dépôt du trentième instrument de ratification.

A la date de rédaction du présent rapport, la convention avait été signée par 123 États et ratifiée par 27 d'entre eux : l'Afrique du Sud, l'Algérie, le Belarus, le Bénin, le Brésil, la Croatie, Djibouti, l'Égypte, le Honduras, la Hongrie, la Jordanie, la Libye, le Kenya, Madagascar, Maurice, le Mexique, la Namibie, le Nigeria, l'Ouganda, le Paraguay, le Pérou, la Roumanie, le Salvador, la Sierra Leone, le Sri Lanka, la Tanzanie et le Turkménistan.

* 1 La corruption active vise le fait de promettre ou d'offrir à un agent un avantage indu et la corruption passive le fait, pour un agent, de solliciter ou d'accepter un tel avantage.

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