Article 19 -
(Article L. 361-3, L. 361-12, L. 361-19 et L. 362-26 du code
rural) -
Développement du dispositif assuranciel contre les
dommages causés à l'agriculture et à la forêt
Cet article tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de favoriser le développement de l'assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles et à la forêt.
Le droit en vigueur
Le système actuel de couverture des risques dans le secteur agricole repose sur quatre piliers que l'on peut regrouper en deux catégories :
- les systèmes d'indemnisation publics fondés sur la solidarité nationale : il s'agit des régimes d'indemnisation en cas de « calamités agricoles » et de « catastrophes naturelles » 65 ( * ) ;
- les régimes d'indemnisation fondés sur l'initiative individuelle des exploitants : il s'agit du mécanisme de la dotation pour aléas et des produits assuranciels.
Le régime des calamités agricoles a jusqu'à aujourd'hui constitué l'essentiel des supports d'indemnisation, les produits assuranciels concernant la récolte 66 ( * ) étant limités à des produits mono-risque concernant les seuls aléas grêle, tempête et accessoirement gel. Devant la multiplication des incidents climatiques affectant l'équilibre financier du FNGCA, les pouvoirs publics ont souhaité encourager le développement d'un dispositif reposant sur la prévoyance individuelle des exploitants et couvrant plusieurs risques à la fois, conformément aux préconisations du rapport du député Christian Ménard.
Le mécanisme d'assurance récolte lancé par le Gouvernement en février de cette année poursuit un tel objectif, en combinant un financement provenant pour l'essentiel des exploitants sur une base volontaire à des subventions incitatives de l'Etat. Afin de bénéficier d'une prise en charge partielle de ses cotisations par l'Etat (à hauteur de 35 % normalement, et de 40 % pour les jeunes agriculteurs), l'exploitant doit souscrire un produit d'assurance récolte couvrant quatre risques obligatoirement (grêle, sécheresse, inondation, gel) et d'autres types de risques de façon facultative (tempête, échaudage, ravinement ...). Les franchises représentent au moins 20 % du montant des capitaux assurés pour les contrats à l'exploitation, et 25 % pour les contrats par culture. Sont couvertes les cultures de vente (viticoles, fruitières arboricoles, céréalières, oléoprotéagineuses industrielles et maraîchères).
La première campagne de souscription de ces contrats d'assurance récolte multirisques est un succès puisque 55.000 environ ont été conclus à ce jour, pour un montant total de primes nettes hors taxes estimé approximativement à 55 millions d'euros environ. Trois cent mille exploitations sur les quatre cent cinquante mille existantes sont à l'heure actuelle couvertes, soit 60 % des hectares cultivés.
La volonté du Gouvernement est à présent d'aller plus loin dans le domaine de l'assurance récolte, en assurant sa promotion auprès d'un maximum d'agriculteurs. C'est dans cette perspective qu'il propose de modifier les articles L. 361-3, L. 361-12, L. 361-19 et L. 362-26 du code rural, relatifs à la Commission nationale des calamités agricoles (CNCA), pour la remplacer par un Comité national de l'assurance en agriculture (CNAA).
Instance consultative placée auprès du FNGCA, la CNCA réunit des représentants de l'Etat (ministère de l'agriculture et de la pêche, et ministère de l'économie, des finances et de l'industrie), des organisations professionnelles agricoles et des compagnies d'assurance. Elle examine le niveau d'indemnisation des pertes considérées par le FNGCA, ainsi que les dossiers départementaux transmis par les préfets, pour donner un avis sur le caractère de calamité agricole des sinistres. Elle peut également effectuer des propositions aux ministres compétents sur le taux de la contribution additionnelle et les conditions d'indemnisation. Elle est enfin consultée sur tous les textes d'application des dispositions législatives concernant les calamités agricoles.
Les dispositions du projet de loi initial
A travers cet article, le Gouvernement sollicitait une habilitation législative à procéder par ordonnance pour remplacer cette commission par un comité qui en reprendrait les compétences et les missions, tout en permettant :
- de servir de structure de concertation entre les différents acteurs concernés pendant la période de montée en puissance des produits d'assurance récolte ;
- de recueillir des informations permettant de mieux connaître les différents aléas auxquels sont exposées l'agriculture et la forêt, et d'y apporter des solutions adaptées.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement réécrivant entièrement l'article afin d'intégrer dans le corps de la loi les dispositions originellement renvoyées à une ordonnance. En effet, ce renvoi devait permettre de disposer des délais nécessaires pour disposer d'un premier bilan du développement des nouvelles assurances récolte en 2005 et d'achever les consultations nécessaires pour élaborer des dispositifs d'adaptation. Ces travaux étant actuellement achevés, il est donc possible de réintégrer dans le texte législatif l'ensemble de ces dispositions.
Le 1° modifie l'article L. 361-3 précité, qui renvoie en l'état à un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'économie le soin de constater le caractère de calamités agricoles, sur proposition du préfet et après consultation de la CNCA.
La modification proposée est double :
- elle substitue un simple arrêté du ministère en charge de l'agriculture à l'arrêté interministériel actuellement prévu pour constater le caractère de calamités agricoles ;
- elle remplace la référence à la CNCA par une référence au CNAA.
Le 2° modifie le deuxième alinéa de l'article L. 361-6 précité, qui restreint les sinistrés indemnisables au titre des calamités agricoles à ceux apportant la preuve que les éléments principaux de l'exploitation étaient assurés contre au moins l'un des risques reconnus par l'arrêté interministériel pris sur proposition de la CNCA comme normalement assurables dans la région.
La modification proposée consiste, comme pour l'article L. 361-3, à remplacer la référence à la CNCA par une référence au CNAA.
Le 3° modifie l'article L. 361-12, qui confie aux ministres chargés de l'économie, de l'agriculture et, le cas échéant, de l'outre-mer, le soin de fixer, sur proposition de la CNCA, la part des sinistres couverts par le FNGCA et la répartition entre les départements intéressés du montant des indemnités à prélever sur le fonds.
Dans sa rédaction actuelle, le premier alinéa de cet article charge les ministres précités de fixer le pourcentage des dommages couverts par le FNGCA.
Les modifications proposées consistent :
- à viser, en sus des ministres en charge de l'économie et de l'agriculture, non plus le ministre chargés des DOM, mais celui du budget ;
- à faire référence, non plus à la proposition de la CNCA, mais à un avis du CNAA.
Le deuxième alinéa de cet article prévoit actuellement que les ministres répartissent le montant des indemnisations consenties par le FNGCA entre les départements intéressés, sur proposition de la CNCA et après évaluation des dommages par les comités départementaux d'expertise.
Les modifications proposées consistent :
- à donner compétence, non plus aux trois ministres précités, mais au seul ministre chargé de l'agriculture ;
- à faire référence, non plus à la proposition de la CNCA, mais à un avis du CNAA.
Le troisième alinéa, qui prévoit en l'état que le préfet du département, assisté du comité départemental d'expertise, arrête pour chaque dossier le montant des sommes allouées au demandeur, n'est pas modifié.
Le 4° modifie l'article L. 361-19 précité, qui prévoit l'existence de la CNCA placée auprès du FNGCA et en précise l'organisation et les missions, afin d'y substituer des dispositions tendant à régir le fonctionnement du CNAA et à fixer ses compétences.
Le premier alinéa renvoie à un décret la détermination la composition du CNAA et de ses comités départementaux d'expertise, d'en préciser les missions et d'en fixer les modalités de fonctionnement.
Le deuxième alinéa prévoit la possibilité de mobiliser le comité pour utiliser ses compétences et ses moyens en vue de réaliser des expertises en matière d'aléas occasionnant des dommages à la forêt.
Le troisième alinéa soumet tout texte d'application du chapitre du code rural consacré au régime de garantie des calamités agricoles à une consultation préalable du CNAA. Il prévoit également sa consultation facultative sur d'autres techniques de gestion du risque et sur d'autres risques que les risques climatiques.
Le 5° de l'article modifie la rédaction de l'article L. 362-26 précité, qui soustrait les départements d'outre-mer à l'application des dispositions du chapitre du code rural consacré au régime de garantie des calamités agricoles.
Le premier alinéa reprend littéralement le contenu de l'article actuel.
Le second alinéa prévoit la mobilisation du CNAA, à la demande des ministres chargés respectivement de l'agriculture et de l'outre-mer, en vue d'utiliser ses compétences et moyens à des fins d'expertise dans les DOM.
Les propositions de votre commission
Dans l'esprit de l'avis très favorable exprimé à l'article précédent, votre rapporteur approuve très largement les dispositions contenues dans le présent article, propre à favoriser une montée en puissance rapide des mécanismes d'assurance récolte.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification. |
* 65 Voir supra.
* 66 On rappellera que les agriculteurs peuvent souscrire quatre grands types de produits assuranciels spécifiques :
- l'assurance « multirisques agricole », couvrant les risques pesant sur les bâtiments (professionnels comme d'habitation) et sur les biens d'exploitation (auxquels sont assimilés les animaux lorsqu'ils sont à l'intérieur -et, sous certaines conditions, à l'extérieur- des bâtiments), ainsi que la responsabilité civile des exploitants ;
- l'assurance « matériel roulant », couvrant la responsabilité civile obligatoire et la garantie dommages ;
- l'assurance « mortalité des animaux », couvrant en pratique les seuls animaux de valeur ;
- l'assurance « récolte ».