C. PRÉVENIR LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DES ALÉAS CLIMATIQUES ET DES CRISES CONJONCTURELLES
L'agriculteur et son exploitation sont soumis à des risques particulièrement importants, que l'on peut classer en trois catégories :
- ceux liés à son approvisionnement et aux instruments nécessaires à la production (par exemple, le prix des intrants ou du carburant) ;
- ceux liés à son activité de production proprement dite (aléas climatiques et de rendement) ;
- enfin, ceux liés aux débouchés (risques de prix et de qualité).
La couverture des risques agricoles s'articule aujourd'hui autour d'une architecture à quatre piliers :
- le régime dit de « calamités agricoles ».
Institué par la loi n° 64-706 du 10 juillet 2004 organisant un régime de garantie contre les calamités agricoles, il concerne certains biens agricoles expressément exclus de la garantie catastrophe naturelle par l'article L. 125-5 du code des assurances : récoltes non engrangées, cultures, sols et cheptel vivant hors bâtiment. Le chapitre premier du titre 6 du livre 3 du code rural, comportant les articles L. 361-1 à L. 362-26, prévoit les conditions de mise en oeuvre de ce régime d'indemnisation particulier au secteur agricole. La calamité doit être de nature spécifiquement agricole 9 ( * ) , c'est à dire avoir occasionné des dommages non assurables d'importance exceptionnelle dus à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l'agriculture n'ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants. La constatation de l'état de calamité intervient par arrêté conjoint des ministres en charge respectivement de l'agriculture et de l'économie, après consultation de la Commission nationale des calamités agricoles. Le niveau des pertes doit représenter 27 % de la valeur de la récolte et 14 % de la production brute totale de l'exploitation. La prise en charge des indemnités est assurée par le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), financé à parité par les agriculteurs et les pouvoirs publics ;
Il permet à l'agriculteur de déduire une fraction de son bénéfice en vue de financer, soit la création d'immobilisations amortissables, de stocks à rotation lente, ou de parts de sociétés coopératives, soit un compte d'affectation destiné à parer aux conséquences économiques d'un incident climatique.
- le régime dit de « catastrophe naturelle ». Instauré par la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, ce régime s'applique en agriculture où il couvre les dommages causés aux bâtiments, stocks, matériels, véhicules et cheptel vif en bâtiment. L'état de catastrophe naturel est constaté, comme celui de calamité, par un arrêté interministériel dans les cas où les évènements revêtent un caractère de force majeure du fait de leur extériorité, de leur imprévisibilité et de leur irrésistibilité.
Le financement est assis sur une prime additionnelle s'appliquant à toutes les primes afférentes aux contrats d'assurance, l'indemnisation étant assurée directement par les compagnies d'assurance ;
- le dispositif fiscal d'encouragement à la provision pour investissement ou pour gestion des risques , dit de déduction pour investissement (DPI) ou de déduction pour aléas (DPA) ;
- le régime dit « d'assurance ».
Laissé à l'initiative privée mais faisant l'objet d'incitations de la part de l'Etat, le marché de l'assurance couvre plusieurs types de risque. L'assurance « grêle » reste la plus courante : les dommages causés aux récoltes sur pied sont remboursés à hauteur du rendement espéré. D'autres polices sont également souscrites par le monde agricole, à travers les assurances « incendie », « mortalité du bétail », « tempête » ou encore « gel sur vigne ».
Le système d'assurance en vigueur peut se présenter comme suit :
Biens |
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Véhicules |
Bâtiments et contenu (marchandises, matériel, mobilier, récoltes, animaux) |
Récoltes sur pied |
Animaux à l'extérieur des bâtiments |
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Evénements |
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Tempête |
Garantie tempête obligatoirement liée à la garantie incendie |
Garantie tempête obligatoirement liée à garantie incendie |
Assurance facultative pour le tournesol, le colza (y compris navette et moutarde), le maïs et les féveroles |
Calamité agricole |
Calamité agricole pour les autres cultures |
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Grêle |
Assurance facultative |
Assurance facultative (grêle sur toiture) |
Assurance facultative |
- |
Inondations |
Catastrophe naturelle |
Catastrophe naturelle |
Calamité agricole |
Calamité agricole |
Gel |
- |
- |
Calamité agricole |
- |
Autres évènements naturels exceptionnels (sécheresse, coulée de boue, tremblement de terre...) |
Catastrophe naturelle |
Catastrophe naturelle |
Calamité agricole |
Calamité agricole |
Une condition : avoir assuré ses biens |
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Deux conditions : avoir assuré ses biens et bénéficier de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ou de calamités agricoles par les pouvoirs publics |
Si le système d'indemnisation des risques naturels pour l'agriculture semble à première vue complet, il souffre en réalité de nombreuses limites et insuffisances. Le régime des « calamités » se caractérise par la longueur et la complexité de sa procédure de reconnaissance, les difficultés d'interprétation des critères d'intervention, la faiblesse des indemnités octroyées et la précarité de son équilibre financier. Le régime des « catastrophes » ne s'applique que pour des aléas tout à fait exceptionnels, de façon par conséquent peu fréquente. Enfin, le recours à l'assurance privée est encore insuffisamment développé pour prendre le relais d'un système d'indemnisation public aujourd'hui à bout de souffle.
C'est en vue d'apporter une première réponse à ces difficultés et d'initier une démarche tendant au développement d'instruments de gestion des risques appropriés que le projet de loi, dans ses articles 18 à 20, adapte le dispositif public de traitement des calamités agricoles, favorise le développement de nouveaux mécanismes assuranciels et améliore les conditions d'utilisation de la déduction pour investissement (DPI) et de la dotation pour aléas (DPA).
* 9 On notera à titre anecdotique que le mot même de calamité est issu du monde agricole puisqu'il dérive du latin calamus qui veut dire : chaume, tuyau de blé, par allusion à l'orage et à la grêle qui brise les blés et les détruit. Voir « Les mots de la science et la science des mots. Réflexions sur les catastrophes dites "naturelles" », Jean-Pierre Carbonnel, décembre 2000.