N° 194
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 2 février 2006 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de M. Nicolas ABOUT, relative au partage de la réversion des pensions militaires d' invalidité,
Par M. Nicolas ABOUT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.
Voir le numéro :
Sénat : 144 (2005-2006)
Pensions civiles et militaires de retraite. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi a pour objectif d'organiser la réversion des pensions militaires d'invalidité entre les anciens conjoints et le conjoint survivant du titulaire de la pension.
Avant de présenter les justifications de cette initiative, il convient d'évoquer en quelques mots la vocation et l'évolution générale du système des pensions militaires d'invalidité.
Les pensions militaires d'invalidité
Elles sont destinées à indemniser :
- les infirmités résultant de blessures causées par des événements de guerre ou des accidents survenus du fait ou à l'occasion du service ;
- les infirmités résultant de maladies contractées du fait ou à l'occasion du service ;
- l'aggravation, du fait ou à l'occasion du service, d'infirmités étrangères au service ;
- les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents survenus entre le début et la fin d'une mission opérationnelle.
Le montant de la pension est déterminé par un nombre de points d'indice fixé en fonction du taux d'invalidité. La valeur du point d'indice évolue dans les mêmes conditions que les rémunérations publiques. Par ailleurs, le montant tient compte du grade du pensionné et peut être complété par des allocations spécifiques pour les invalidités les plus graves.
Pour compléter ce panorama, il faut signaler qu'au 31 décembre 2004, plus de 280.000 pensions militaires d'invalidité étaient servies à des ayants droit, pour un coût de 1,23 milliard d'euros. Le montant moyen d'une pension en année pleine s'élevait à 4.377 euros, et le montant médian à 1.856 euros. A la même date, 126.069 pensions étaient servies aux veuves et aux orphelins, et 7.253 à des ascendants. Toutes catégories confondues, les crédits des pensions militaires d'invalidité représentent, en 2006, 2,143 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
Il convient enfin de mentionner que, suivant l'évolution démographique naturelle de cette catégorie de la population, l'effectif des bénéficiaires est en diminution continue : 4,75 % en 2003, - 3,56 % en 2004, - 2,80 % en 2005, la prévision étant de - 3 % en 2006.
Les objectifs de la proposition de loi
Le premier objectif de la proposition de loi est de réparer une entorse à l'équité.
En effet, le droit n'accorde pas aux anciens conjoints divorcés de titulaires de pensions militaires d'invalidité le droit à réversion que, de leur côté, le code de la sécurité sociale et le code des pensions civiles et militaires de retraite reconnaissent aux anciens conjoints divorcés des pensionnés.
Actuellement, en application des articles L. 1 er ter et L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, seuls les conjoints ou partenaires liés à un ayant droit, au moment de son décès, par le mariage ou par le pacte civil de solidarité, ont droit à une pension de réversion . Les anciens conjoints ou partenaires sont écartés. Pour s'en tenir au cas du mariage, sans doute le plus fréquent, seule la veuve est ainsi en droit de demander la réversion de la pension, quand bien même la première épouse aurait assisté le défunt pendant de très longues années, quand bien même, ayant été empêchée d'exercer une activité professionnelle du fait de sa présence auprès d'un mari invalide, elle se trouverait seule et sans ressources, après le décès de son ancien mari.
Le code de la sécurité sociale et le code des pensions civiles et militaires de retraite mettent en oeuvre des solutions plus adaptées aux réalités de la vie :
- l'article L. 353-3 du code de la sécurité sociale dispose que le conjoint divorcé est assimilé à un conjoint survivant pour l'application des dispositions relatives à la pension de réversion, et que lorsque l'assuré est remarié la pension de réversion est partagée entre le conjoint survivant et le précédent conjoint divorcé, au prorata de la durée de chaque mariage ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit, en son article L. 44, que le conjoint séparé de corps et le conjoint divorcé ont droit à la pension de réversion. L'article L. 45 dispose que lorsqu'il existe plusieurs conjoints, divorcés ou survivants, ayant droit à la pension de réversion, celle-ci est répartie entre eux au prorata de la durée de chaque mariage.
La simple équité justifierait ainsi d'aligner le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sur ces dispositions.
Mais des raisons plus urgentes que l'objectif d'alignement juridique justifient une initiative du législateur. Année après année, les rapports budgétaires sur le budget des anciens combattants rappellent la situation précaire dans laquelle se trouvent de nombreuses veuves auxquelles la réversion des pensions du code et les aides de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac) apportent une ressource indispensable.
Face à l'étendue des besoins, la loi de finances pour 2004 a augmenté de quinze points d'indice toutes les pensions de veuves à compter du 1 er juillet 2004. La mesure représentera en 2006 un coût budgétaire de 25,5 millions d'euros.
Précédemment, l'article 127 de la loi de finances pour 2002 avait augmenté la majoration des pensions servies aux veuves des grands invalides de 120 points. La mesure concernait 1.200 veuves pour un coût budgétaire de 2,29 millions d'euros.
Enfin, ressortissantes de l'Onac depuis 1991, les veuves sont bénéficiaires de près de la moitié de ses interventions sociales individuelles, devant les anciens combattants eux-mêmes. C'est ainsi qu'en 2004, les services départementaux de l'Office ont dispensé une aide financière à 16.000 veuves pour un montant global de plus de 5 millions d'euros, que 244 veuves ont reçu la même année un secours d'urgence pour un montant total de 86.200 euros, et que 4,12 millions d'euros ont été versés à plus de 9.400 veuves connaissant des difficultés financières temporaires ou exposées à des frais médicaux importants ou encore aux frais d'obsèques de leur conjoint.
S'il en est ainsi pour les veuves, que dire des conjoints divorcés, qui ne bénéficient d'aucun droit, alors que rien ne permet de supposer que leur situation soit plus favorable que celle des veuves.
Ces différents éléments justifient manifestement un alignement, dans ce domaine, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sur les dispositions des autres codes.
Un amendement avait été déposé à la loi de finances pour 2006 pour intégrer le principe du partage de la réversion entre conjoints et anciens conjoints au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. C'est parce que cet amendement a été retiré en séance, à la demande du Gouvernement et pour expertise, que la présente proposition de loi a été élaborée, afin de régler, enfin, des situations humainement difficiles.