TITRE II - DISPOSITIONS
RELATIVES À L'IMMIGRATION POUR DES MOTIFS DE VIE PRIVÉE ET
FAMILIALE
CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS
GÉNÉRALES
Article 23 (art. L. 111-6 du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile)
Vérifications
des actes d'état civil étrangers
Cet article tend à réécrire l'article L. 111-6 du CESEDA afin d'aligner le régime de vérification des actes d'état civil par les autorités chargées de l'application du CESEDA et par les autorités consulaires et diplomatiques sur le régime de droit commun défini à l'article 47 du code civil.
1. Le droit en vigueur
L'article L. 111-6 du CESEDA était à l'origine l'article 34 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.
• Genèse de l'article 34 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945
Avant la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à l'immigration, à l'entrée et au séjour des étrangers en France et à la nationalité française, l'article 47 du code civil prévoyait que « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fera foi, s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays 82 ( * ) ».
Toutefois, en vue de lutter contre la fraude à l'état civil dans certains pays, la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 avait introduit un article 34 bis dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée.
Dérogeant au principe de l'article 47 du code civil, le dispositif retenu donnait la possibilité aux autorités chargées de l'application de l'ordonnance précitée (services préfectoraux, services de police et des douanes, parquets, juges d'instruction et juges des libertés et de la détention) de demander aux agents diplomatiques et consulaires la légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur l'authenticité de ce document.
Toutefois, face à une augmentation très importante des fraudes à l'état civil étranger, la loi du 26 novembre 2003 précitée a réécrit l'article 47 du code civil afin de subordonner la valeur probante des actes de l'état civil étrangers rédigés dans les formes usitées localement à l'absence d'éléments établissant l'irrégularité de l'acte, sa falsification ou la preuve d'un mensonge.
En outre, elle a instauré un mécanisme de sursis administratif et de vérification judiciaire , destiné à établir la validité de l'acte. Précisée par un décret n° 2005-170 du 23 février 2005, la procédure confie la vérification de l'authenticité de l'acte aux services compétents du ministère des affaires étrangères sur réquisition du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes :
- en cas de doute sur la validité d'un acte fait à l'étranger, l'administration compétente, saisie d'une demande d'établissement, de transcription ou de délivrance d'un acte ou d'un titre, peut surseoir à la demande et informer l'intéressé de la possibilité qui lui est offerte de saisir le procureur de la République de Nantes pour vérification de l'authenticité de l'acte ;
- dans l'hypothèse où le procureur de la République estime que la demande de vérification qui lui est faite est sans fondement, il en avise l'intéressé et l'administration dans le délai d'un mois. En revanche, s'il partage les doutes de l'administration, il fait procéder à toutes investigations utiles dans un délai de six mois, renouvelable une fois au maximum, notamment par les autorités consulaires compétentes. L'intéressé et l'administration qui a sursis à la demande sont informés des résultats de l'enquête dans les meilleurs délais ;
- enfin, au vu de ces résultats, le procureur de la République a la possibilité de saisir le tribunal de grande instance de Nantes qui, après toutes mesures d'instruction utiles, statue sur la validité de l'acte.
A côté de cette réforme de l'article 47 du code civil, la loi du 26 novembre 2003 précitée a maintenu une procédure dérogatoire pour les autorités chargées de l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée et pour les autorités consulaires.
Le premier alinéa de cet article 34 bis , décrit précédemment, n'a pas été modifié. Les autorités chargées de l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 peuvent toujours saisir les autorités consulaires aux fins de légaliser ou de vérifier l'authenticité d'un acte.
En revanche, la loi du 26 novembre 2003 est venue compléter l'article 34 bis afin d'étendre le nombre des autorités susceptibles de décider de procéder à la légalisation ou à la vérification d'un acte d'état civil étranger.
Tout d'abord, les agents diplomatiques et consulaires peuvent désormais procéder à la légalisation ou à la vérification de tout acte d'état civil étranger, de leur propre initiative , en cas de doute sur son authenticité, lors d'une demande de visa ou d'une transcription d'un acte d'état civil. Cette faculté permet aux autorités consulaires de vérifier l'authenticité des actes au moment de la demande de visa de long séjour avant la phase de délivrance d'un titre de séjour par les préfectures.
Surtout, pour les vérifications des autorités diplomatiques et consulaires sur l'acte d'état civil litigieux lors d'une demande de visa, un mécanisme de sursis à statuer a été mis en place. Le sursis est de quatre mois renouvelable une fois.
• La codification de l'article 34 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945
L'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a codifié les dispositions de l'article 34 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée au sein de l'article L. 111-6 du CESEDA.
Toutefois, seuls les deux premiers alinéas de cet article ont été codifiés dans la partie législative du code, les deux derniers relatifs au mécanisme de sursis à statuer relevant du domaine réglementaire.
L'article 5 de l'ordonnance du 24 novembre 2004 précitée précise que ces deux derniers alinéas seront abrogés à compter de la publication de la publication de la partie réglementaire du CESEDA.
2. Le texte soumis au Sénat
Le présent article tend à réécrire l'article L. 111-6 du CESEDA afin de supprimer tout régime dérogatoire et d'aligner les règles de vérification et de légalisation de tout acte d'état civil étranger par les autorités consulaires et diplomatiques sur les règles définies à l'article 47 du code civil.
L'article L. 111-6 renverrait simplement à l'article 47 du code civil.
Cet alignement sur le droit commun serait la conséquence de la réforme en cours de l'article 47 du code civil.
En effet, les moyens de contrôle de la validité des actes de l'état civil étrangers, s'ils ont été renforcés en 2003, s'avèrent inefficaces en raison de la complexité des procédures.
Lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné les limites du dispositif actuel de l'article 47 du code civil. En deux ans, le procureur de la République de Nantes n'a reçu que 29 saisines , dont aucune n'a pu aboutir en raison des conditions excessivement rigides de la procédure : soit leur auteur n'était pas compétent, soit les conditions de la saisine n'étaient pas réunies, soit la procédure n'avait pas été respectée.
Le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages , adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 22 mars 2006, tend à simplifier les modalités d'exercice du contrôle de la validité des actes de l'état civil étrangers. Il modifie en profondeur l'article 47 du code civil.
L'autorité administrative destinataire d'un acte étranger aurait la possibilité d'en décider le rejet s'il s'avérait irrégulier ou frauduleux, après avoir, le cas échéant, procédé aux vérifications nécessaires.
En cas de doute, la vérification s'effectuerait désormais selon une procédure administrative spécifique fixée par décret en Conseil d'Etat : l'absence de réponse de la part de l'autorité administrative dans un délai de huit mois vaudrait décision de rejet de l'acte litigieux, à charge pour le demandeur de saisir le tribunal pour établir sa validité.
En conséquence, la procédure dérogatoire prévue à l'article L. 111-6 du CESEDA perdrait son intérêt. Cette nouvelle procédure s'appliquerait à toutes les autorités administratives.
L'Assemblée nationale n'a adopté aucun amendement.
Afin d'éviter que le présent article n'entre en vigueur avant le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, votre commission vous soumet, après l'article 80 du projet de loi, un amendement tendant à insérer un article additionnel et à reporter l'entrée en vigueur du présent article à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et au plus tard le 1 er janvier 2007.
Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 23 sans modification .
Article 24
(art. L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile)
Délivrance de la carte de
séjour temporaire « vie privée et
familiale »
Le présent article tend à modifier les critères d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » qui est actuellement délivrée de plein droit à onze catégories de personnes définies à l'article L. 313-11 du CESEDA.
• Les étrangers séjournant en France au titre du regroupement familial
Le 1° du présent article tend à modifier le 1° de l'article L. 313-11 du CESEDA relatif à l'attribution de la carte « vie privée et familiale » aux membres de la famille d'un étranger autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial.
Le droit en vigueur prévoit que cette carte est délivrée « à l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire » qui rejoint au moins un de ses parents.
Cette rédaction est apparue en contradiction avec l'article L. 311-1 du CESEDA qui dispense les mineurs de la détention d'un titre de séjour.
En conséquence, le 1° du présent article tend à supprimer cette référence à l'étranger mineur. Toutefois, afin de tenir compte de l'article L. 311-3 du CESEDA qui prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans qui déclare vouloir exercer une activité professionnelle salariée, le présent article précise que la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est délivrée à l'enfant venant en France au titre du regroupement familial et entrant dans le cadre de l'article L. 311-3 précité.
Enfin, les bénéficiaires du regroupement familial seraient soumis à l'obligation de présenter un visa de long séjour pour obtenir leur carte de séjour temporaire. Le droit en vigueur exige déjà l'obtention d'un visa d'entrée pour rejoindre le regroupant 83 ( * ) .
• L'étranger qui justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans
Le 2° du présent article tend à réécrire l'ensemble du 2° de l'article L. 313-11 du CESEDA relatif aux étrangers résidant en France depuis l'âge de treize ans.
Le droit en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée « à l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ».
Le présent article apporte plusieurs compléments.
En premier lieu , pour les mêmes raisons qu'au 1°, la référence à l'étranger mineur est supprimée.
En deuxième lieu , le bénéfice de la carte « vie privée et familiale » serait ouverte à une nouvelle catégorie de mineurs atteignant leur majorité.
Serait ainsi visé l'étranger qui a été confié, depuis qu'il a atteint l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Toutefois, plusieurs critères seraient pris en compte :
- le caractère réel et sérieux de la formation suivie par le mineur ;
- la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine ;
- l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
Ces étrangers seraient dispensés de l'obligation de visa de long séjour.
Cette disposition répond à la recommandation n° 39 de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine . Elle demandait d'admettre au séjour les jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, sous réserve d'une condition d'insertion réussie dans la société française et d'absence de liens maintenus avec le pays d'origine.
En effet, le rapport de la commission d'enquête du Sénat soulignait que le devenir des jeunes mineurs isolés qui, devenus majeurs, sont alors susceptibles d'être reconduits à la frontière était une question particulièrement difficile. Ces procédures d'éloignement sont souvent mal vécues par les personnels des conseils généraux qui se sont investis dans le suivi des adolescents, lesquels sont parfois engagés dans un parcours réussi d'intégration. Les conseils généraux accordent, le plus souvent, aux jeunes majeurs qui le souhaitent, le bénéfice du « contrat jeune majeur », qui permet la prise en charge par le département des dépenses rendues nécessaires pour l'achèvement de leur parcours d'étude ou d'apprentissage.
Jusqu'à l'adoption de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, l'article 21-12 du code civil prévoyait un accès de droit à la nationalité française pour les mineurs confiés à l'ASE, sans condition de durée. Cette disposition était exploitée par des filières qui faisaient entrer en France des jeunes proches de la majorité, afin qu'ils obtiennent rapidement la nationalité française. Depuis la réforme, une durée minimale de prise en charge par l'ASE, fixée à trois ans, est prévue ; comme la grande majorité des mineurs isolés parviennent sur le territoire après l'âge de quinze ans, fort peu peuvent prétendre à la nationalité française à leur majorité.
En mai 2005, une circulaire du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, M. Dominique de Villepin à cette époque, a invité les préfets à admettre au séjour les jeunes majeurs ayant bénéficié d'une mesure judiciaire de placement, notamment lorsque leurs perspectives de retour dans leur pays d'origine sont très faibles, si leur situation personnelle le justifie . Les préfets doivent s'assurer que le comportement du jeune ne représente pas une menace pour l'ordre public, vérifier l'absence de liens avec le pays d'origine et apprécier son degré d'insertion dans la société française. Selon les cas, le jeune majeur peut obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ou « salarié ».
L'article 28 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a par ailleurs assoupli les critères d'attribution de l'autorisation provisoire de travail requise pour que les jeunes placés à l'ASE puissent suivre une formation professionnelle. La circulaire invite les préfets à accorder aux jeunes soumis à ce régime une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire », en fonction de la durée de leur contrat.
Si la commission d'enquête s'est félicité de ces avancées, elle a observé cependant que les décisions des préfets restaient discrétionnaires et que l'incertitude qui y était attachée ne favorisait pas l'intégration des jeunes pris en charge par l'ASE.
Le projet de loi apporte une réponse forte en fixant un cadre législatif.
En troisième et dernier lieu , le 2° du présent article tend à préciser, à l'initiative d'un amendement de M. Alain Marsaud adopté par l'Assemblée nationale, les conditions dans lesquelles un mineur qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis l'âge de treize ans peut obtenir la carte « vie privée et familiale » à sa majorité.
L'étranger devrait justifier résider habituellement en France avec ses parents légitimes, naturels ou adoptifs. Dans ce dernier cas, l'enfant devrait avoir été adopté en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger.
L'objet de cet amendement est de lutter contre l'immigration clandestine d'enfants mineurs qui sont confiés par leurs parents, restés dans leur pays d'origine, à un membre de la famille établi légalement en France.
Toutefois, il est apparu au cours des auditions de votre rapporteur que la rédaction de l'Assemblée nationale exigeait que l'enfant ait résidé avec ses deux parents. Votre commission vous soumet un amendement précisant qu'il suffit que l'enfant ait résidé avec au moins un de ses parents, afin de réserver les situations de divorce ou de séparation.
En outre, cet amendement offre une présentation plus claire de ces différents dispositifs
• Les étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France
Le 3° du présent article tend à réécrire l'ensemble du 3° de l'article L. 313-11 du CESEDA relatif aux étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France.
Le droit en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte. »
Le 3° du présent article a pour objet d'abroger ce dispositif qui, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « consiste paradoxalement à récompenser une violation prolongée de la loi de la République ».
L'origine de cette disposition est la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, dite loi Debré, qui rendait automatique la délivrance d'une carte de séjour temporaire aux étrangers ayant leur résidence habituelle en France depuis plus de 15 ans. La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, dite loi RESEDA, a abaissé cette condition de durée de résidence à dix ans.
Depuis 1999, première année pleine de mise en oeuvre de ce mécanisme de régularisation, le nombre de bénéficiaires a toujours été compris entre 2.500 et 3.000, à l'exception de l'année 2003 avec 3.658 régularisations en application du 3° de l'article L. 313-11 du CESEDA.
La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine soulignait dans son rapport le maniement délicat des procédures de régularisations individuelles ou « au cas par cas ».
Existant sous des formes diverses dans la plupart des pays, ces procédures s'avèrent souvent indispensables et ne présentent pas, dans un espace communautaire ouvert, les mêmes risques de déstabilisation et de transferts de population que les régulations collectives.
Elles peuvent néanmoins constituer un signal d'encouragement à l'immigration irrégulière, voire une véritable prime à la clandestinité.
Par ailleurs, ce dispositif de régularisation à l'issue de dix années de résidence irrégulière et continue sur notre territoire a probablement été à l'origine de bien des espoirs déçus, en raison de la difficulté concrète de faire valoir le « droit » qu'elle définit.
Les dispositions en vigueur du 3° de l'article L. 313-11 du CESEDA sont par conséquent abrogées. Le 3° abriterait désormais les dispositions relatives à la délivrance de la carte « vie privée et familiale » au conjoint et aux enfants d'un titulaire de la carte « compétences et talents » créée par l'article 12 du projet de loi. Ces personnes seraient soumises à l'obligation de visa de long séjour. Par coordination avec un amendement à l'article 10 du projet de loi et relatif aux membres de famille des titulaires de la carte « salarié en mission », votre commission vous soumet un amendement prévoyant que la carte « vie privée et familiale » leur est également délivrée.
• Le conjoint étranger d'un ressortissant français
Le 4° du présent article tend à modifier le 4° de l'article L. 313-11 du CESEDA relatif aux conjoints étrangers de ressortissants français. Un amendement rédactionnel du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a été adopté.
Le droit en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ».
Le 4° du présent article ne dispense pas cette catégorie d'étrangers de l'obligation de visa de long séjour posée par l'article 2 du projet de loi.
Rappelons qu'à ce même article, deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale prévoient, d'une part, que la délivrance d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande de visa lorsque cette demande émane d'un conjoint de Français et, d'autre part, que la délivrance d'un visa de long séjour à un conjoint de Français ne peut être refusée sauf en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public.
Cette obligation pour les conjoints de Français de retourner dans leur pays d'origine afin d'y obtenir un visa de long séjour doit notamment permettre aux autorités consulaires de vérifier dans de meilleures conditions que les autorités situées en métropole l'authenticité des actes d'état civil présentés par l'étranger.
Votre rapporteur tient à souligner que cette obligation de visa de long séjour en vue de l'obtention d'une carte « vie privée et familiale » sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du CESEDA ne s'appliquerait évidemment qu'au conjoint étranger dépourvu de titre de séjour. L'étranger titulaire d'une carte de séjour à un autre titre n'aurait pas à s'y soumettre.
Par coordination, le 4° du présent article tend donc à supprimer la référence à l'entrée régulière en France pour se voir délivrer cette carte « vie privée et familiale ». L'obligation de visa de long séjour implique l'entrée régulière en France.
En outre, ce même 4° tend à préciser que la communauté de vie ne doit pas avoir cessé « depuis le mariage ».
• Le conjoint d'un titulaire de la carte de séjour temporaire « scientifique »
A la suite d'un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, un 4° bis (nouveau) a été introduit dans le présent article.
De la même manière que pour le conjoint étranger d'un ressortissant français (voir ci-dessus) et par coordination avec l'obligation de visa de long séjour qui s'imposerait au conjoint d'un titulaire de la carte « scientifique », le présent article tend à supprimer la référence à l'entrée régulière du conjoint étranger pour pouvoir bénéficier de la carte « vie privée et familiale ».
• L'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France
Le 6° de l'article L. 313-11 en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ».
L'article 371-2 du code civil impose que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur ».
Les 4° ter (nouveau) et 5° du présent article tendent à modifier ces dispositions.
Le 5° a pour objet d'exonérer cette catégorie d'étrangers de l'obligation de visa de long séjour.
Le 4° ter (nouveau) a été introduit par l'Assemblée nationale, à la suite d'un amendement de M. Jérôme Rivière. Il a pour objet de relever de un à deux ans la durée de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant français.
Avant le vote de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, sauf si sa présence constituait une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire était délivrée de plein droit à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui était père ou mère d'un enfant français mineur, résidant en France à la condition d'exercer, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou de subvenir effectivement à ses besoins.
Toutefois, lorsque la qualité de père ou de mère d'un enfant français résultait d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire n'était délivrée à l'étranger que s'il subvenait à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an.
Afin de renforcer la lutte contre les reconnaissances de paternité de complaisance sans remettre en cause le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), la loi du 26 novembre 2003 précitée a modifié les critères de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux étrangers parents d'enfants français : désormais, ceux-ci doivent établir qu'ils « contribuent effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil ». 84 ( * )
Selon l'auteur de l'amendement, le relèvement de un à deux ans de la durée de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant français doit permettre de mieux caractériser l'intensité du lien filial et de s'assurer que l'étranger n'a pas pour unique objectif d'obtenir un titre de séjour par ce moyen.
Rappelons que cette durée de deux années ne vaudrait que si l'étranger n'a pas contribué à l'entretien et l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci.
• L'étranger ayant des liens personnels et familiaux en France et n'entrant pas dans le champ des autres catégories visées à l'article L. 313-11
Le 7° de l'article L. 313-11 en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».
Issu de la loi du 11 mai 1998 dite RESEDA, cette disposition est une référence directe à l'article de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), afin de permettre la régularisation des étrangers ne relevant d'aucune des catégories ouvrant droit à un titre de séjour, mais ne pouvant être éloignées en application de l'article 8 de la CEDH et du principe constitutionnel du droit de mener une vie familiale normale.
Depuis 1999, première année pleine d'application de cet article, le nombre de bénéficiaires a plus que doublé, cette hausse étant particulièrement nette à partir de 2003.
Le 6° du présent article tend, d'un part, à dispenser de l'obligation de visa de long séjour ces étrangers, et d'autre part, à préciser la notion de « liens personnels et familiaux en France ». Plusieurs critères non exhaustifs sont avancés :
- l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de ces liens ;
- les conditions d'existence de l'intéressé ;
- son insertion dans la société française ;
- la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine.
Ces critères sont une sorte de synthèse de la jurisprudence en cette matière. En les inscrivant dans la loi, ils devraient offrir un cadre de lecture plus aisé pour les administrations et les tribunaux, afin d'assurer un traitement suffisamment homogène des demandes.
Ces critères n'enferment pas pour autant les magistrats dans une lecture restrictive du droit à une vie familiale normale. L'article 8 de la CEDH est d'application directe.
• Les autres catégories d'étrangers bénéficiaires de la carte « vie privée et familiale »
Les 7°, 8° et 9° du présent article ont pour objet d'exonérer de l'obligation de visa de long séjour en vue de l'octroi d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » les étrangers relevant des catégories visées aux 8°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 313-11.
Les autres conditions d'attribution de cette carte restent inchangées.
Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 24 ainsi modifié .
* 82 La Cour de cassation refusait cependant de considérer la force probante des actes d'état civil étrangers comme irréfragable et admettait qu'elle puisse être combattue par des preuves contraires - Cour de cassation, chambre criminelle, 13 octobre 1986.
* 83 Article 14 du décret n° 2005-253 du 17 mars 2005.
* 84 Voir le rapport n° 1 (Sénat 2003-2004) de notre collègue M. Jean-Patrick Courtois au nom de la commission des lois du Sénat.