Rapport n° 371 (2005-2006) de M. François-Noël BUFFET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 31 mai 2006

Disponible au format Acrobat (1,2 Moctet)

N° 371

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 31 mai 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à l' immigration et à l' intégration ,

Par M. François-Noël BUFFET,

Sénateur.

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2986 , 3058 et T.A. 576

Sénat : 362 (2005-2006)

Immigration.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 31 mai 2006 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission a examiné en première lecture, sur le rapport de M. François-Noël Buffet, rapporteur, le projet de loi n° 362 (2005-2006) relatif à l'immigration et à l'intégration, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, le 17 mai 2006.

La commission a approuvé les orientations du projet de loi qui vise à consolider la maîtrise des flux migratoires et le processus d'intégration des étrangers dans la société française, tout en rouvrant par ailleurs, dans une approche dynamique et prospective, l'immigration de travail dont la France a besoin. Elle a jugé nécessaire d'intensifier les efforts déjà menés dans la lutte contre l'immigration clandestine et de réhabiliter une vision positive de la politique d'immigration.

Elle a adopté 74 amendements tendant notamment, en premier lieu, à renforcer l'effectivité des droits accordés aux étrangers :

- en rétablissant la définition en vigueur de la condition d'intégration républicaine dans la société française ( article 5 ) ;

- en supprimant la possibilité de moduler par décret le montant des ressources nécessaires pour obtenir le bénéfice du regroupement familial et en ne le subordonnant qu'aux conditions objectives de ressources et de logement ( article 31 ) ;

- en prévoyant l'intervention de l'administrateur ad hoc dès le refus d'entrée sur le territoire opposé au mineur étranger et non au moment de son placement en zone d'attente ( article additionnel après le titre III ) ;

- en étendant le bénéfice de l'aide juridictionnelle devant la Commission des recours des réfugiés à tous les demandeurs d'asile, qu'ils soient ou non entrés régulièrement en France ( article additionnel après l'article 64 ) ;

- en fixant dans la loi à un mois le délai pour l'exercice d'un recours devant la Commission des recours des réfugiés ( article additionnel après l'article 64 ) ;

- en rétablissant pour les déboutés du droit d'asile la contestation juridictionnelle de la décision fixant le pays de renvoi ( article 47 ).

Ces amendements tendent également, en second lieu, à r enforcer l'efficacité des mécanismes juridiques créés par le projet de loi :

- en supprimant la création d'un Conseil national de l'immigration et de l'intégration, la commission s'étant interrogée sur l'articulation de ce nouvel organisme avec ceux déjà existants et estimant que la création de ce conseil national relevait du règlement ( article 1er bis ) ;

- en remplaçant le mécanisme d'autorisation préalable de travail accordée aux étudiants étrangers par un simple système déclaratif permettant des contrôles a posteriori ( article 7 ) ;

- en prévoyant que la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour exprime un simple avis sur les critères pris en compte pour cette nouvelle procédure de régularisation ( article 24 bis ) ;

- en facilitant le recours à la visioconférence lors des audiences de prolongation de la rétention administrative et de maintien en zone d'attente ( articles additionnels après le titre III ) ;

- en étendant le champ du dispositif de l'aide au retour ( article 36 ) ;

- en généralisant la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française à l'ensemble des cas d'acquisition de la nationalité française ( articles 62 quater et 62 quinquies ).

La commission a également adopté d'autres amendements confortant et sécurisant juridiquement le projet de loi.

La commission a adopté le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Lorsqu'en 2003 le Parlement commença à débattre de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, l'immigration était l'une des questions de société sur lesquelles la confiance de nos compatriotes dans l'Etat s'était le plus effondrée.

Les carences, voire l'inexistence, de notre politique migratoire devenaient un handicap lourd face à l'émergence d'un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des biens et des idées et traversé de mouvements migratoires puissants.

Le gouvernement a construit sa politique migratoire autour de quatre axes principaux : restaurer le droit d'asile, aider et inciter les étrangers à s'intégrer, lutter contre l'immigration clandestine et harmoniser les politiques européennes d'immigration.

Trois ans plus tard, des progrès significatifs ont été obtenus sur ces quatre fronts. Le propos n'est évidemment pas de conclure que tous les problèmes ont été résolus, que l'immigration clandestine a été endiguée ou que la politique d'intégration des étrangers est pleinement satisfaisante.

Mais un certain nombre de principes, voire d'évidences, ont retrouvé un sens et une réalité qu'ils avaient perdus. Ainsi avait-on oublié que le droit d'asile n'est pas un moyen parmi d'autres de se maintenir illégalement sur le territoire français.

Concernant la lutte contre l'immigration clandestine, le doublement depuis 2002 du nombre des reconduites à la frontière rappelle que l'éloignement constitue la pierre de touche des politiques de contrôle de l'immigration : sauf à renoncer en fait à tout contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers sur son territoire, l'Etat doit en effet savoir afficher sa détermination, au besoin par la contrainte mais dans le respect du droit des personnes, à mettre fin au séjour irrégulier.

De la même façon, la création d'une condition d'intégration républicaine dans la société française en vue de la délivrance d'une carte de résident consiste simplement à exiger d'une personne qui souhaite bénéficier d'un droit au séjour durable un gage de son intégration. La carte de résident concrétise la reconnaissance de cette volonté d'intégration.

Cette politique équilibrée et assumée a permis de sortir du débat stéréotypé entre « immigration zéro » et ouverture totale de nos frontières. Les conditions d'un débat de fond, rationnel et dépassionné semblent désormais réunies . C'est dans cet esprit que la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, créée le 27 octobre 2005, a mené ses travaux dans un souci d'objectivité et dans le but de faire tomber un certain nombre d'idées reçues 1 ( * ) .

Ce climat favorable est le préalable, dans une seconde étape, au passage d'une politique de maîtrise des flux à une politique de pilotage des flux.

Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration se veut l'instrument de cette nouvelle politique. Modifié par l'Assemblée nationale, il comprend cent seize articles regroupés en sept titres. Deux principaux traits le caractérisent : la continuité et la rupture.

Continuité tout d'abord avec la politique engagée depuis trois ans. Le projet de loi consolide la lutte contre l'immigration irrégulière, en métropole et outre-mer, et mène à son terme la généralisation du contrat d'accueil et d'intégration ainsi que celle de la condition d'intégration pour la délivrance de la carte de résident.

Rupture ensuite avec le tabou de l'immigration dite de travail. Depuis 1974, l'immigration de travail a pratiquement cessé dans notre pays et aucun gouvernement n'a remis en cause ce dogme depuis trente ans. Une grande partie de nos concitoyens assimile à tort, mais qui peut le leur reprocher tant le message politique est brouillé, cette fermeture de nos frontières avec « l'immigration zéro ».

Le projet de loi brise ce tabou et met en place des instruments diversifiés pour attirer les meilleurs talents en France et satisfaire des besoins ciblés de l'économie française en main d'oeuvre. A côté d'une immigration régulière « au fil de l'eau », de nature familiale essentiellement, notre pays doit pouvoir attirer également des étrangers répondant à des besoins identifiés.

Les travaux économiques démontrent que l'immigration est un moteur de la croissance, qui peut être optimisé en fonction du niveau de qualification des immigrés. En rouvrant l'immigration de travail, il s'agit de réhabiliter une vision positive de l'immigration par rapport à une représentation trop souvent malthusienne de celle-ci.

Une critique fréquente à l'encontre de cette politique d'immigration sélectionnée est qu'elle dépossèderait les pays pauvres de leurs richesses humaines. Votre rapporteur, qui fut également celui de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, est très sensible à ces remarques. Mais elles semblent exagérées car elles relèvent, en partie, d'une conception datée de l'immigration et du développement économique.

Il y a la place, sans aucun doute, pour une immigration mutuellement bénéfique.

I. UN NOUVEAU DÉFI : PASSER DE LA MAÎTRISE DES FLUX MIGRATOIRES À LEUR PILOTAGE

A. DES PROGRÈS DANS LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

1. Un préalable

La lutte contre l'immigration irrégulière est une condition nécessaire à la mise en place d'une politique migratoire crédible, quelles que soient ses orientations par ailleurs.

A cet égard, la capacité d'un Etat à éloigner les étrangers en situation irrégulière sur son territoire est primordiale. A défaut, les clandestins sont d'autant plus incités à entrer sur le territoire national, quel que soit le moyen employé, que le risque d'être éloigné est faible.

Sans une politique d'éloignement ferme, l'intérêt de distinguer entre étrangers en situation régulière et irrégulière disparaît. Et sans cette distinction, la politique d'intégration des étrangers en situation régulière se construit sur du sable.

Refuser d'éloigner, c'est s'obliger à régulariser ou à jouer le « pourrissement » en maintenant indéfiniment dans la précarité et la clandestinité les étrangers en situation irrégulière.

Tenir ce discours, ce n'est pas signifier son indifférence à de nombreux drames humains. Un clandestin n'est pas un criminel. C'est même souvent une victime. En effet, l'immigration clandestine est de plus en plus la proie de réseaux criminels.

Lutter contre l'immigration clandestine, cela signifie également lutter contre le travail illégal et la criminalité organisée et protéger des êtres humains contre des traitements contraires à la dignité humaine.

C'est enfin, dans des situations extrêmes comme en Guyane, à Mayotte ou en Guadeloupe, une nécessité pour préserver la paix civile et écarter le risque d'une déstabilisation sociale.

2. Des progrès depuis trois ans

Comme l'a montré la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, des progrès ont été accomplis depuis trois ans, bien que des incertitudes continuent à peser sur leur évaluation.

La loi du 26 novembre 2003 a offert de nouveaux instruments juridiques pour contrôler la délivrance des visas et les entrées aux frontières, pour lutter contre le travail illégal ou pour éloigner les étrangers en situation irrégulière. La loi du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile a réduit les délais d'examen des dossiers de demande d'asile et étendu la garantie des droits. Des moyens financiers et humains ont accompagné ces réformes. La mobilisation des services est sans précédent.

Les premiers résultats sont positifs, même s'il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif. Plusieurs réformes commencent seulement à porter leurs fruits, voire à être mises en oeuvre, comme par exemple le développement des visas biométriques.

3. Des efforts à amplifier

Votre commission des lois fait évidemment siennes les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine.

Tout d'abord, des efforts restent à faire pour mieux cerner le phénomène et l'ampleur de l'immigration clandestine.

Ensuite, les actions déjà entreprises ne doivent pas être interrompues. Sans les récapituler toutes, l'exemple de la lutte contre le travail illégal illustre bien l'importance de la continuité dans la mise en oeuvre d'une politique. Ainsi, les moyens alloués aux inspecteurs et contrôleurs du travail et aux directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) restent notoirement inférieurs à ceux observés dans plusieurs pays européens comparables au nôtre. Alors que l'inspection compte aujourd'hui environ 1.370 membres, ses effectifs devraient être augmentés de 700 postes pour ramener la France au niveau de la moyenne européenne. Le plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail, présenté, le 6 mars 2006, par M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à la formation professionnelle des jeunes, prévoit justement la création de 700 postes sur la période 2007-2010 ; dès 2006, le nombre de places ouvertes au concours de l'inspection du travail est porté à 231, contre 140 en 2005. Ce plan de rattrapage devra être strictement exécuté.

La répartition des postes sur le territoire devra mettre un accent particulier sur le renforcement des effectifs en Guyane et à Mayotte 2 ( * ) . Dans ces territoires, une forme d'accoutumance à l'existence, ordinaire, d'un important volet de travail clandestin, s'installe progressivement et requiert une réaction énergique des pouvoirs publics.

De manière générale, l'immigration clandestine outre-mer constitue un défi en soi. La prise de conscience de l'urgence de la situation dans plusieurs de ces territoires est encore récente et ouvre un chantier d'envergure.

L'outre-mer démontre également à l'extrême que les réponses à l'immigration irrégulière sont à trouver, à moyen-long terme, du côté de la coopération régionale et de la politique de développement avec les pays source de l'immigration. La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine s'est spécialement attachée à recenser les moyens efficaces de cette politique, plaçant beaucoup d'espoirs dans le co-développement.

En métropole, la dimension européenne de la lutte contre l'immigration irrégulière devrait s'affirmer plus fortement afin de développer la solidarité avec les Etats membres directement exposés à des flux clandestins massifs 3 ( * ) . L'Europe doit également devenir un puissant levier pour développer des partenariats avec les pays d'origine ou de transit.

B. UNE IMMIGRATION RÉGULIÈRE « AU FIL DE L'EAU »

1. Des flux élevés

Depuis 1974, l'immigration dite de travail a pratiquement cessé dans notre pays. Toutefois, cette décision confortée par chaque gouvernement depuis trente ans n'est pas synonyme « d'immigration zéro ».

Depuis 1991, à l'exception des années 1994 à 1997, le nombre annuel d'entrées pour long séjour a toujours été supérieur à 80.000 4 ( * ) .

Selon la direction de la population et des migrations du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, les entrées à caractère permanent en France ont concerné entre 2001 et 2004 respectivement 107.550, 124.800, 136.400 et 140.100 étrangers.

Ces chiffres ne prennent pas en compte les entrées à caractère temporaire comme les étudiants, les saisonniers ou les demandeurs d'asile 5 ( * ) , soit plus de 120.000 personnes en 2004.

Quelles que soient les incertitudes sur leur degré de précision 6 ( * ) , ces chiffres élevés et en hausse contredisent l'image d'une France aux frontières fermées. Ce hiatus entre la réalité et un discours affirmant que l'immigration est arrêtée depuis trente ans explique en partie l'image négative dont souffrent de nombreux étrangers en situation régulière assimilés abusivement à des clandestins. Ce décalage est également préjudiciable à l'Etat qui perd sa crédibilité et son autorité.

2. Une immigration surtout familiale

Ces flux importants se répartissent de la façon suivante selon la direction de la population et des migrations :

Entrée de ressortissants de pays tiers (1)
(flux de 1999 à 2004)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Entrées à caractère temporaire

Bénéficiaires d'une autorisation provisoire de travail

5.791

7.502

9.628

9.822

10.138

9.550

Travailleurs saisonniers

7.612

7.929

10.794

13.543

14.566

15.743

Stagiaires

709

875

915

993

1.008

535

Artistes

75

86

64

56

75

55

Etudiants

25.066

36.140

39.983

55.498

52.062

55.008

Demande d'asile

déposée à l'OFPRA

30.907

38.747

47.291

51.087

52.204

50.547 (2)

déposée au ministère de l'intérieur

n.d.

n.d.

28.953

28.372

27.751

-

Entrées à caractère permanent

Ensemble

83.550

93.000

107.550

124.800

136.400

140.100

Migrations de travail

6.300

6.400

9.250

8.000

6.900

7.050

Migrations familiales

53.850

64.250

73.250

89.550

100.150

102.650

Visiteurs

8.550

8.450

8.950

10.000

7.600

5.700

Réfugiés

4.950

5.550

7.650

9.150

11.200

11.400

Autres

9.900

8.350

8.450

8.100

10.550

13.300

Sources : ANAEM, OFPRA, ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, ministère de l'intérieur et ministère de la justice.
Champ : France entière (France métropolitaine et DOM).
(1) Pays extérieurs à l'Espace économique européen.
(2) En 2004, l'OFPRA devient le guichet unique de la demande d'asile.

Les étrangers admis au séjour au titre des migrations familiales sont toujours les plus nombreux. En 2004, ce motif a concerné 102.619 personnes, soit 75% des étrangers admis au séjour en France pour une durée d'au moins un an, après 100.150 en 2003 et 53.850 en 1999. On observe toutefois un ralentissement, confirmé en 2005, de l'augmentation des entrées pour ce motif.

Entrées au titre des migrations familiales

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Regroupement familial

21.762

21.404

23.081

27.267

26.768

25.420

Membres de famille de Français

27.396

36.012

42.567

52.995

61.489

61.625

Membres de famille de réfugiés et apatrides

943

1.120

1.422

1.475

1.249

1.628

Liens personnels et familiaux

3.314

5.093

5.564

7.123

10.643

13.989

Ensemble des migrations familiales

53.415

63.629

72.634

88.860

100.149

102.662

Source : ANAEM

A l'opposé, l'immigration de travail à caractère permanent (titre de séjour d'une durée d'au moins un an) est très marginale. Elle va d'ailleurs en s'amenuisant pour atteindre en 2004 un point bas de 5 % représentant 7.050 personnes. L'immigration de travail à caractère temporaire a même fini par la dépasser. Depuis quatre ans, les autorisations provisoires de travail plafonnent autour de 10.000 personnes. Pour être complet, il faut ajouter à ces deux catégories environ 16.000 travailleurs saisonniers par an.

Ce déséquilibre dans la composition de l'immigration en France appelle deux remarques.

En premier lieu, l'immigration pour des motifs familiaux n'est pas exclusive d'une immigration de travail, puisque la quasi-totalité des titres délivrés pour de tels motifs (carte de résident, carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ») ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

En second lieu, l'immigration familiale est une immigration de droit consacrée et protégée par des conventions internationales ainsi que par la Constitution de 1958.

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui . »

Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil constitutionnel considère qu'il résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose que « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement », que les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale. Enfin, le Conseil protège également le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, qui s'oppose notamment à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé.

La gestion de cette immigration se fait « au fil de l'eau ». Il faut entendre par là que ces immigrés ne sont pas choisis individuellement en fonction de leurs qualités, de leurs compétences, de leurs mérites ou d'un besoin particulier pour la France. Ils sont admis à séjourner en France parce qu'ils appartiennent à des catégories objectives définies par la loi , qu'il s'agisse de conjoints de Français ou de membres de famille d'un étranger autorisé à demander le regroupement familial.

Il en va de même pour les étrangers recevant le statut de réfugié. Au final, près de 85 % des entrées à caractère permanent en France chaque année sont de droit.

3. Une immigration détournée

Une des conséquences indirectes du renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine à nos frontières est le développement de stratégies de contournement. Les procédures d'immigration légale font l'objet de fraudes importantes.

Reconnue traditionnellement par le législateur comme le signe incontestable d'une intégration réussie et durable , le mariage entre un Français et un ressortissant étranger permet à ce dernier d'obtenir un titre de séjour et, s'il le souhaite, la nationalité française selon des modalités simplifiées par rapport à la procédure de naturalisation.

Chaque année, environ 270.000 mariages sont célébrés en France, dont 45.000 mariages mixtes, et 45.000 mariages célébrés à l'étranger -la quasi-totalité entre un ressortissant français et un ressortissant étranger- sont transcrits sur les registres de l'état civil français.

Selon les statistiques établies par le ministère des affaires étrangères, sur les 44.405 mariages célébrés à l'étranger et transcrits sur les registres de l'état civil français en 2004, 18.837 concernaient des ressortissants d'Etats du Maghreb, contre 8.763 en 1999 et 4.600 en 1993, soit une augmentation de plus de 300 % en dix ans. Les autres mariages mixtes concernaient principalement des ressortissants turcs (2.727), américains (2.385), suisses (1.577), britanniques (1.191), sénégalais (1.033) et allemands (1.002).

En définitive, près d'un mariage sur trois, du moins pour ceux qui sont enregistrés en France, est un mariage mixte et la moitié des titres de séjour est délivrée à des ressortissants étrangers de conjoints français.

S'il importe de ne pas jeter un doute systématique sur ces unions mixtes, celles-ci étant même une preuve forte d'intégration, la hausse très rapide du nombre de mariages mixtes célébrés à l'étranger doit nous alerter sur de possibles mariages de complaisance ou forcés.

Les reconnaissances de paternité fictive constituent une deuxième catégorie de fraudes destinées à permettre l'obtention d'un titre de séjour.

Le ministère de la justice ne dispose pas de statistiques sur les reconnaissances de paternité de complaisance. Celui des affaires étrangères souligne quant à lui qu'elles sont de plus en plus nombreuses, sans non plus véritablement étayer ce constat.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine a toutefois pu constater que ce phénomène revêtait une acuité certaine outre-mer, tout particulièrement à Mayotte où le nombre des reconnaissances de paternité a quintuplé entre 2001 et 2004, passant de 882 à 4.146. A titre de comparaison, le nombre des actes de naissance est passé de 6.619 à 7.676.

L'abus de l'utilisation de la procédure des « étrangers malades » constitue également l'un des moyens pour les étrangers de se maintenir sur le territoire français.

Les statistiques communiquées par le ministère de la cohésion sociale font en effet apparaître une véritable explosion des demandes de titres de séjour fondées sur ce motif. Ainsi, le nombre de demandes est passé, pour l'ensemble du territoire métropolitain, de 1.078 en 1998 à 28.797 en 2004, soit une multiplication par 28 en l'espace de six ans .

C. RÉHABILITER UNE VISION POSITIVE DE L'IMMIGRATION

Coincée entre la lutte contre l'immigration clandestine et une gestion purement administrative des flux migratoires, l'immigration légale en France souffre d'une image dégradée. Trop souvent perçue à tort comme une charge, elle est une chance pour notre pays à condition de l'inscrire dans un projet.

1. Renforcer l'intégration et transmettre les principes de la République française

Dans son discours prononcé à Troyes le 14 octobre 2002, le président de la République avait affirmé son attachement à l'intégration des étrangers en France: « [...] l'égalité des chances suppose de donner une nouvelle vigueur à notre modèle d'intégration. Derrière ce mot d'intégration, les réalités sont multiples. Il y a la nécessité d'accueillir dans de bonnes conditions les nouveaux arrivants, ceux qui rejoignent notre pays légalement et qu'il faut aider à mieux s'insérer dans notre société. Je souhaite ainsi, qu'à l'instar de ce qui existe chez certains de nos voisins, chaque nouvel arrivant s'engage dans un véritable contrat d'intégration comprenant notamment la possibilité d'accéder à des formations et à un apprentissage rapide de notre langue . »

Trop longtemps notre pays s'est refusé à mettre en place une politique d'intégration construite estimant que, d'une part, cela stigmatiserait les étrangers et que, d'autre part, la République française avait su le faire par le passé. Or, force est de constater que certains vecteurs puissants de l'intégration, comme le travail, ne fonctionnent plus aussi bien.

Depuis 2003, le gouvernement a engagé ce nouveau chantier en dessinant les contours d'un parcours d'intégration pour les étrangers arrivant en France. Le contrat d'accueil et d'intégration proposé à chaque primo-arrivant admis au séjour en vue d'une installation durable est aujourd'hui pratiquement généralisé à l'ensemble du territoire.

La République se contentait « d'admettre au séjour » les étrangers pour reprendre la terminologie administrative. Elle les accueille désormais. L'aspect symbolique du contrat d'accueil et d'intégration est au moins aussi important que les formations dispensées dans le cadre de ce contrat.

Conjointement aux politiques déployées pour offrir aux étrangers la possibilité de s'intégrer au sein de la République française, il convient de récompenser la réussite de cette intégration. Tel ne serait manifestement pas le cas si des étrangers ne s'exprimant pas en français ou ne connaissant ni nos institutions, ni les devoirs inhérents à leur vie en France, étaient titulaires d'une carte de résident, symbole d'une installation durable.

La loi du 26 novembre 2003 a lié la délivrance de la carte de résident, dans tous les cas où elle n'est pas délivrée de plein droit, à la satisfaction d'une condition d'intégration républicaine dans la société française. Simultanément, ce texte a restreint les cas de délivrance de plein droit de la carte de résident. En particulier, les membres de sa famille rejoignant dans le cadre du regroupement familial un étranger titulaire de la carte de résident ne bénéficient plus d'une carte de résident mais d'une carte « vie privée et familiale ».

Bouclant la boucle, la loi du 18 janvier 2005 pour la cohésion sociale a précisé que la condition d'intégration républicaine dans la société française serait appréciée, notamment, au regard du respect effectif du contrat d'accueil et d'intégration.

Enfin, la loi du 26 novembre 2003 exige que les étrangers désirant être naturalisés aient une connaissance suffisante des droits et devoirs conférés par la nationalité française.

Inciter les étrangers à s'intégrer c'est aussi nous obliger à vivifier les valeurs de la République. Ce devoir d'exemplarité passe notamment par la lutte contre les discriminations, priorité affichée du gouvernement. Cela nous pousse également à réaffirmer et à réinventer les principes universels de la République française.

2. Pour une immigration mutuellement bénéfique

La France a renoncé depuis trente ans à recourir à l'immigration de travail pour satisfaire des besoins de main d'oeuvre. Depuis 1995, le flux annuel de nouveaux travailleurs permanents ressortissants de pays tiers à l'Union européenne est compris entre 4.000 et 7.000 personnes, à l'exception d'un pic en 2001 avec près de 9.000 personnes. Depuis 2001, leur nombre a tendance à baisser. Toutefois, malgré cette baisse, il faut noter que la part des ouvriers qualifiés augmente aussi bien en valeur absolue que relative.

Ce gel s'explique principalement par la situation du marché de l'emploi, les directions départementales de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle opposant quasi-automatiquement la situation de l'emploi à toute demande d'introduction d'un travailleur salarié 7 ( * ) .

Pourtant, malgré un taux de chômage élevé 8 ( * ) , de nombreux secteurs éprouvent des difficultés de recrutement importantes et durables.

L'immigration actuelle, essentiellement familiale, ne parvient pas à satisfaire ces besoins de main d'oeuvre, comme le démontre le taux de chômage supérieur à la moyenne de ces populations. Comme l'a indiqué à votre rapporteur M. Philippe Bouyoux, directeur des politiques économiques à la direction générale du Trésor et des politiques économiques au ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, les primo-arrivants sont dans l'ensemble des travailleurs peu ou pas qualifiés.

Or, les besoins de main d'oeuvre identifiés par les services de l'Etat concerneraient plutôt des métiers moyennement qualifiés. Ainsi, la liste des métiers ouverts à l'embauche de ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne à compter du 1 er mai 2004 est composée principalement de métiers moyennement qualifiés. Selon Mme Anne Epaulard, chef du bureau des politiques de croissance au ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, n'ont été retenus dans cette liste que les métiers présentant une tension forte et durable sur le marché de l'emploi 9 ( * ) afin d'éviter des effets de substitution de main d'oeuvre ou de créer une pression à la baisse sur les salaires.

Il y a donc la place pour une immigration de travail en sus de l'immigration actuelle. Il faut cesser de se priver de cet apport bénéfique de main d'oeuvre sous le prétexte que les flux migratoires seraient déjà élevés.

Au contraire, l'immigration de travail devrait permettre de revaloriser l'image globale de l'immigration dans notre pays.

La théorie économique démontre que :

- l'immigration est a priori un facteur positif pour la croissance ;

- l'impact sur le PIB/habitant croît en fonction de la proportion d'actifs parmi les étrangers et de leur niveau de qualification.

La structure actuelle de nos flux migratoires n'est donc pas optimale du fait d'une immigration essentiellement familiale et peu ou pas qualifiée.

De nombreuses personnes entendues par votre rapporteur ont émis des critiques sur le risque d'un pillage des pays pauvres de leurs travailleurs qualifiés, pillage qui saperait les fondements de leur développement économique.

Consciente de ces risques, votre commission est toutefois convaincue que si cette immigration de travail est pilotée de manière raisonnée et modérée, les conditions d'une immigration avantageuse pour tous pourraient être réunies.

En premier lieu, l'époque où l'immigration de travail était une immigration de peuplement est partiellement révolue. Qu'il s'agisse de Polonais ou de ressortissants d'un pays du Maghreb, de plus en plus d'immigrés émigrent temporairement afin de franchir un palier social avant de revenir dans leur pays. L'immigration est à la fois mondiale et mobile, en particulier en ce qui concerne les travailleurs qualifiés. Les pays d'origine bénéficieront d'un retour d'expérience.

Si ces étrangers proviennent d'un pays lui-même en plein développement, la probabilité qu'ils retournent dans leurs pays après quelques années est encore plus forte. Tel est le cas en particulier des ressortissants des nouveaux Etats membres. Une proportion élevée de nos besoins en main d'oeuvre moyennement qualifiée devrait pouvoir être satisfait de cette façon.

Une politique plus volontariste allant dans le sens de la recommandation n° 17 de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine est aussi envisageable 10 ( * ) . Celle-ci prévoit d'inclure dans les accords de développement conclus par la France des clauses destinées à faciliter le retour des travailleurs qualifiés étrangers dans leurs pays d'origine.

En deuxième lieu, il n'est pas exclu que l'immigration de travail qualifié enclenche des dynamiques propres dans les pays d'origine. De la même façon qu'en France l'accueil d'une immigration de travail qualifiée revaloriserait la perception de l'immigration en général, l'émigration de travailleurs qualifiés, de chercheurs ou d'étudiants de haut niveau devrait relancer l'attrait des études et des formations qualifiés dans le pays d'origine. Ainsi, des travaux économiques ont montré que le recours massif de la Grande-Bretagne à des infirmières sud-africaines a eu pour effet de susciter un engouement nouveau pour cette profession en Afrique du sud.

En troisième lieu, une immigration de travail signifie des transferts d'argent vers les pays d'origine d'un montant plus important. Ces transferts pourraient devenir un levier financier important du co-développement à condition de les orienter vers des investissements.

Enfin, comme le relève le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur ce projet de loi 11 ( * ) , la critique du pillage des pays pauvres ne prend pas suffisamment en compte le fait que les diplômés de ces pays sont sur le marché mondial des diplômés. Par conséquent, s'ils ne viennent pas travailler en France, ils ne resteront pas pour autant dans leur pays d'origine. Ils partiront vers d'autres pays peut-être moins soucieux des enjeux de co-développement.

En sens inverse, il faut également prendre garde à ne pas déstabiliser notre marché de l'emploi. Lors de son audition, M. Jean-Louis Terdjman, directeur des affaires sociales et de la formation de la Fédération française du bâtiment, s'est réjoui de la réouverture du marché du travail, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics qui rencontre des difficultés de recrutement importante. Toutefois, il a attiré l'attention sur le risque potentiel que représentait l'ouverture simultanée du marché du travail aux ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne et, le cas échéant, à d'autres étrangers. Si cette ouverture n'est pas maîtrisée, le danger est en effet que les employeurs aient recours à cette main d'oeuvre, fermant ainsi les débouchés aux personnes résidant en France. Les efforts importants de toute la filière BTP pour former des personnels qualifiés et réinsérer des personnes en difficultés seraient en partie gâchés.

3. Moderniser le service public de l'immigration

Les différentes administrations chargées de mettre en oeuvre la politique d'immigration et d'intégration de notre pays exercent leur mission dans des conditions souvent difficiles, faute de moyens suffisants. Les préfectures et les autorités consulaires et diplomatiques sont particulièrement concernées. Soumises à une pression très forte, elles n'ont pas toujours les moyens d'appliquer rigoureusement la législation et se cantonnent parfois à une gestion quantitative et purement administrative des flux.

Le passage d'une politique de maîtrise des flux à une politique de pilotage de ceux-ci impose de renforcer impérativement les moyens humains et matériels de ces services.

La réhabilitation d'une vision positive de l'immigration passe nécessairement par une rénovation des administrations en charge de ces matières, surtout habituées à faire du contrôle.

II. LE PROJET DE LOI : ENTRE CONTINUITÉ ET RUPTURE

A. CONSOLIDER LA MAÎTRISE DES FLUX ET LE PROCESSUS D'INTÉGRATION

1. La lutte contre l'immigration irrégulière

La loi du 26 novembre 2003 a profondément rénové la législation applicable au contrôle des entrées en France et aux mesures d'éloignement. Le projet de loi ne bouleverse pas l'équilibre trouvé en matière de rétention et de maintien en zone d'attente. En revanche, il ouvre deux nouveaux chantiers .

? En matière de régularisation, l'article 24 du projet de loi supprime la régularisation automatique des étrangers en situation irrégulière justifiant de dix années de résidence habituelle ininterrompue en France. Le caractère automatique des régularisations peut être à l'origine d'un appel d'air en faisant miroiter l'espoir d'une régularisation de droit, sorte de prime à la persévérance dans la clandestinité. L'article 24 bis du projet de loi, introduit à l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement présenté par le gouvernement, remplace ce mécanisme de régularisation automatique par une procédure d'admission exceptionnelle au séjour. Cette procédure au champ d'application plus large que les seuls étrangers résidant en France depuis dix ans repose en revanche sur un examen au cas par cas.

Concernant les mineurs isolés, l'article 24 du projet de loi permet la délivrance d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à l'étranger qui a été confié depuis l'âge de seize ans au service social de l'aide à l'enfance sous réserve qu'il ait suivi une formation sérieuse et qu'il ait fait la preuve d'une volonté d'insertion dans la société française. Cette disposition devrait régler une partie du problème des mineurs isolés qui sont pris en charge par les conseils généraux pendant leur minorité avant d'être éloignés à leur majorité.

? Le titre III du projet de loi (articles 33 à 58 ter ) est consacré aux mesures d'éloignement. Les procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière sont simplifiées pour tenir compte de l'accroissement considérable du contentieux administratif en matière de droit des étrangers ces dernières années.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine indique dans son rapport que le contentieux des étrangers dans son ensemble (recours contre les APRF, les refus de séjour, les mesures d'expulsion, référé) représente désormais plus du quart des affaires enregistrées chaque année dans les tribunaux administratifs, trois tribunaux -Paris, Cergy-Pontoise et Marseille- totalisant à eux seuls la moitié des affaires jugées. Selon M. Patrick Mindu, président du tribunal administratif de Paris, le tribunal administratif de Paris a enregistré 10.312 requêtes concernant les étrangers en 2005 soit, sur un volume global d'entrées d'à peine plus de 20.000 requêtes, 51 % des affaires nouvelles.

Pour simplifier ce contentieux et rendre plus efficace les procédures d'éloignement sans porter atteinte aux garanties offertes aux étrangers, les articles 36 et 41 du projet de loi propose de coupler dorénavant les décisions concernant le refus d'un titre de séjour avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il existe actuellement deux décisions distinctes : la première concernant le refus de titre qui est assortie d'une simple invitation à quitter le territoire français sans valeur contraignante (IQTF), la deuxième imposant la reconduite à la frontière. Dans la mesure où les personnes qui se voient refuser le droit au séjour ont vocation à quitter le territoire, la procédure actuelle n'apporte aucune garantie supplémentaire à l'étranger mais rend le dispositif extrêmement complexe. Avec la réforme proposée une seule et même décision indiquerait à l'étranger que celui-ci ne dispose d'aucun droit au séjour et qu'il doit, en conséquence, quitter le territoire français. L'OQTF remplacerait l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

Pour autant, le nouveau mécanisme ne retirerait aucun droit à l'étranger. En effet, son droit au recours est entièrement préservé tout en simplifiant les procédures pour les préfectures et les tribunaux administratifs.

La commission d'enquête du Sénat avait exprimé certaines réserves sur la capacité de cette réforme à simplifier sensiblement le contentieux, estimant que faute de supprimer la pratique des APRF notifiés par voie postale, les effets sur le volume du contentieux resteraient fragiles.

Ce contentieux est principalement nourri par la pratique des APRF notifiés par voie postale, qui représentent 80 % de l'ensemble des arrêtés. Or, faute d'interpellations consécutives à la prise des APRF notifiés par voie postale, le taux d'exécution est inférieur à 3 %. En outre, la loi du 26 novembre 2003, prenant acte de la jurisprudence du Conseil d'Etat, a prévu qu'un étranger ne pouvait être placé en rétention sur la base d'un APRF édicté depuis plus d'un an. Les magistrats administratifs sont donc saisis de recours contre des décisions qui ne seront quasiment jamais appliquées.

Or, l'article 42 du projet de loi, modifié par un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à supprimer la possibilité de prendre des APRF notifiés par voie postale. Seuls les APRF notifiés par voie administrative, c'est-à-dire à la suite d'une interpellation, subsisteraient.

D'autres dispositions visent également à assouplir l'organisation du travail dans les juridictions. L'article 58 du projet de loi ouvre la possibilité de désigner des magistrats administratifs honoraires pour statuer sur les litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière.

? D'autres mesures concourent également à lutter contre l'immigration irrégulière.

Ainsi, la lutte contre le travail illégal est renforcée en ciblant particulièrement les employeurs. Les articles 13 et 13 bis autorisent l'échange de données entre les différentes administrations chargés de lutter contre le travail illégal. L'article 15 bis autorise les agents chargés de contrôler le respect de la réglementation du travail à faire appel à des interprètes assermentés à l'occasion de leur contrôle. L'article 14 oblige les employeurs à s'assurer auprès des administrations compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France. Les articles 11, 15 et 15 ter aggravent les sanctions à l'encontre des employeurs, notamment récidivistes, ainsi que la responsabilité des donneurs d'ordre.

2. La situation dramatique de l'outre-mer

L'outre-mer français est le premier territoire confronté au phénomène de l'immigration irrégulière , ainsi qu'en témoignent les statistiques. Le nombre des arrêtés de reconduites à la frontière exécutés dans les départements et collectivités d'outre-mer français représentent, avec 15.588 reconduites exécutées, près de la moitié du nombre total de celles-ci en 2005.

Comme l'a relevé la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, le nombre de clandestins résidant dans les territoires ultramarins -tout comme d'ailleurs en métropole- ne fait l'objet que d'estimations, tant les pouvoirs publics sont dépourvus d'instruments statistiques efficaces pour les dénombrer de manière précise.

Selon les estimations les plus couramment citées du nombre d'immigrés clandestins présents dans les départements d'outre-mer, entre 30.000 et 35.000 étrangers seraient en situation irrégulière en Guyane , ce qui représenterait de 20 % à 25 % de la population de ce département. A Mayotte , le nombre des étrangers en situation irrégulière est estimé à environ 45.000 personnes , soit plus du quart de la population . Moins concernée, la Guadeloupe compterait au minimum 5.000 étrangers en situation irrégulière, mais les chiffres réels sont sans aucun doute plus élevés 12 ( * ) .

Si de tels ratios étaient appliqués en métropole, cette dernière compterait près de 18 millions d'étrangers irréguliers.

Ce phénomène s'explique par la situation géographique, historique, culturelle et économique de ces collectivités territoriales d'outre-mer , situées hors de l'espace Schengen.

La Guyane a plus de 1.000 km de frontières terrestres avec le Surinam et le Brésil, dont la plus grande partie en forêt dense et les fleuves Maroni et Oyapock, qui délimitent les territoires d'Etats souverains, constituent des lieux d'échange entre les populations riveraines. Si ses quelque 185.000 habitants se caractérisent de longue date par leur grande diversité, les mouvements de population se sont accentués à mesure que les différences de niveaux de vie se creusaient entre cette collectivité et les Etats de la région. Le produit intérieur brut par habitant de la Guyane représente ainsi aujourd'hui treize fois celui du Surinam, quinze fois celui du Guyana et trente-neuf fois celui d'Haïti. L'attractivité du territoire guyanais tient également au développement de la pratique de l'orpaillage clandestin, lié au renchérissement du cours de l'or depuis quelques années.

La Guadeloupe , archipel rassemblant six groupes d'îles, dont la Guadeloupe dite continentale et les « Iles du Nord » -Saint-Martin et Saint-Barthélemy-, est actuellement soumise à une forte pression migratoire. Si les mouvements de population entre les îles de la Caraïbe sont anciens, ils se sont accentués à mesure que s'accroissaient les différences de niveau de vie. Ainsi, le produit intérieur brut par habitant était de 14.037 euros en Guadeloupe en 2002, alors qu'il atteignait seulement 1.610 euros à Haïti et 5.640 euros à La Dominique. Cette pression s'est récemment aggravée par la situation politique d'Haïti qui a conduit un grand nombre de ses ressortissants à présenter des demandes d'asile, dont le nombre est passé de 1.544 en 2004 à 3.611 en 2005.

La collectivité départementale de Mayotte est aujourd'hui soumise à une pression migratoire considérable due à sa géographie et son histoire, indissociable de celles de l'archipel des Comores.

Elle fut cédée à la France le 25 avril 1841, tandis que, de 1886 à 1892, la France établit son protectorat sur les trois autres îles des Comores. En décembre 1974, un référendum organisé sur l'indépendance des îles des Comores fit apparaître que 63,8 % des électeurs mahorais souhaitaient demeurer français. Lors d'une nouvelle consultation, en février 1976, 99,4 % des suffrages exprimés se prononcèrent pour le maintien de Mayotte au sein de la République française. Cet ancrage, désormais garanti par l'article 72-3 de notre loi fondamentale, n'empêche néanmoins pas l'Union des Comores de revendiquer sa souveraineté sur cette collectivité.

En outre, la création de frontières n'a pas pour autant mis fin à des mouvements de population anciens, qui reposent sur les liens économiques mais aussi familiaux entre les habitants des différentes îles de l'archipel et qui ont pris une importance considérable avec l'inversion marquée des différences de niveaux de vie et d'équipements entre Mayotte et les Comores. Ainsi, le produit national brut par habitant de cette collectivité était, en mai 2005, neuf fois supérieur à celui des Comores.

Le présent projet de loi comprendrait plusieurs dispositions spécifiquement applicables aux collectivités ultramarines.

La possibilité d'une modulation de la législation applicable outre-mer par rapport à celle prévalant en métropole est en effet autorisée tant par l'article 73 de la Constitution , s'agissant des départements d'outre-mer, dans lesquels des « adaptations » peuvent intervenir pour tenir compte de leurs « caractéristiques et contraintes particulières », que par l'article 74 qui permet, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, de doter les collectivités d'outre-mer soumises au principe de spécialité législative d'un statut « à la carte ».

Afin de tenir compte de la situation à chaque fois particulière de tel ou tel territoire, les dispositions du présent projet de loi ne concernent parfois qu'une collectivité déterminée .

a) Le renforcement des dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers outre-mer

Le projet de loi comporte tout d'abord des mesures destinées à renforcer les mesures de contrôle ainsi que les mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

? En matière de contrôle , l' article 70 renforcerait les possibilités d'effectuer une visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique , à l'exception des voitures particulières, aux fins de rechercher et constater des infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en l'étendant à certaines parties du territoire de la Guyane , de la Guadeloupe et de Mayotte . Pour ces deux dernières collectivités, le dispositif ne s'appliquerait cependant que pour une période de cinq ans.

Par ailleurs, l' article 78 autoriserait, pour une période de cinq ans, l'exercice de contrôles d'identité en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi sur certaines parties du territoire de la Guadeloupe et de Mayotte .

L' article 71 permettrait d'ordonner :

- en Guyane , la destruction des embarcations fluviales non immatriculées ayant servi à commettre les infractions d'aide à l'entrée et au séjour d'étrangers en situation irrégulière ;

- en Guyane , en Guadeloupe et à Mayotte , l'immobilisation des véhicules terrestres utilisés aux mêmes fins.

L' article 72 limiterait la validité territoriale de l'autorisation de travail liée à la délivrance d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » ou d'une carte de résident au seul département d'outre-mer dans laquelle elle a été délivrée.

? Afin d'assurer un éloignement plus effectif des étrangers en situation irrégulière, l' article 67 prévoirait l'extension temporaire à l'ensemble du département de la Guadeloupe des dispositifs dérogatoires applicables actuellement en Guyane et dans la partie française de l'île de Saint-Martin en matière d'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière et de recours contre ces derniers . Ainsi, pendant cinq ans, sur tout le territoire de la Guadeloupe, les recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière n'auront pas de caractère suspensif et l'exécution de l'arrêté pourra intervenir immédiatement à compter de sa notification.

L' article 68 permettrait l'éloignement d'office vers le Venezuela des ressortissants vénézuéliens présents sur un navire arraisonné à raison des activités de pêche illicite menées dans les eaux territoriales de la Guyane.

L' article 69 assurerait l'application à l'ensemble du territoire métropolitain ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon des mesures d'interdiction du territoire, de reconduite à la frontière et d'expulsion prononcées à Mayotte, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

b) Des dispositifs particuliers en matière de droit civil et de droit du travail dans la collectivité départementale de Mayotte

La situation extrêmement préoccupante de Mayotte, mise en évidence tant par la commission d'enquête du Sénat que par la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la situation de l'immigration à Mayotte 13 ( * ) , justifie la mise en place de dispositifs dérogatoires au droit commun. Juridiquement, cette démarche est possible compte tenu de l'appartenance actuelle de la collectivité départementale de Mayotte à la catégorie des collectivités d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution.

? Quatre articles du projet de loi tendent ainsi à prévoir des dispositifs destinés à prévenir ou sanctionner les abus liés aux reconnaissances de paternité à Mayotte. Cette institution du droit de la famille y est en effet couramment détournée de son objet aux seules fins de faire acquérir la nationalité française, un titre de séjour ou une protection contre l'éloignement.

L' article 73 prévoirait que la personne ayant reconnu un enfant naturel né à Mayotte d'une mère étrangère devrait participer aux frais médicaux liés à sa naissance.

L' article 74 limiterait l'usage de la procédure de la « dation de nom », pratiquée en vertu du statut civil de droit local, au seul cas où les deux parents relèvent effectivement de ce statut. Si l'un des parents ne relève pas de ce droit, la filiation ne pourra être établie que dans les conditions prévues par le code civil pour Mayotte.

L' article 75 instituerait une procédure d'opposition aux reconnaissances frauduleuses d'enfants , c'est-à-dire intervenues non dans l'intérêt personnel de l'enfant mais dans celui de ses parents. Il s'agirait ainsi de lutter contre les reconnaissances qui n'auraient d'autres fins que l'obtention d'un titre de séjour ou d'un obstacle à l'éloignement, ou l'acquisition de la nationalité française.

L' article 76 étendrait les sanctions pénales déjà prévues en matière de mariages de complaisance intervenus dans le seul but d'obtenir un titre ou la nationalité française aux reconnaissances d'enfants effectuées aux mêmes fins.

? Pour lutter contre le travail d'immigrés en situation irrégulière à Mayotte qui connaît, sur ce point, une situation endémique, l'article 77 autoriserait les contrôles, dans des locaux habités, du respect de la législation du travail pour les employés de maison .

? En dernier lieu, l' article 79 du projet de loi prévoirait d'allonger le délai de rétention des personnes soumises, à Mayotte, à un contrôle d'identité .

3. L'intégration, condition impérative d'un séjour durable en France

? Le projet de loi mène à leur terme les évolutions engagées par la loi du 26 novembre 2003.

D'une part, l'article 4 du projet de loi rend obligatoire le contrat d'accueil et d'intégration, son respect effectif étant pris en compte lors du premier renouvellement du titre de séjour.

D'autre part, la quasi-totalité des cartes de résident serait désormais délivrée sous condition de l'intégration républicaine dans la société française. Les articles 27 et 28 limitent le bénéfice de la délivrance de plein droit de la carte de résident à des catégories d'étrangers très restreintes, notamment les réfugiés. Les conjoints de Français justifiant de deux années de communauté de vie ainsi que les étrangers se prévalant de dix années de séjour régulier en France ne bénéficieraient plus de plein droit d'une carte de résident.

A côté de ce système incitatif, l'article 26 bis , introduit par l'Assemblée nationale, crée un mécanisme de sanction en cas de commission d'infractions révélant un défaut d'intégration (rébellion, menaces à agents publics...). Les titulaires d'une carte de résident protégés contre les mesures d'expulsion pourraient se voir retirer leur carte de résident, une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » leur étant remise en échange.

? Cette volonté de s'assurer de l'intégration de l'étranger conduit également à modifier les conditions du regroupement familial .

L' article 30 du projet de loi prévoit ainsi d'allonger à dix-huit mois le délai pour présenter une demande de regroupement familial afin que cette demande n'intervienne, en pratique, qu'une fois le renouvellement d'un titre de séjour d'un an obtenu par le demandeur.

L' article 31 imposerait d'exclure des ressources du demandeur prises en compte pour le regroupement familial divers revenus de transferts limitativement énumérés. Il prévoirait que le respect par le demandeur des principes qui régissent la République française serait désormais une condition pour obtenir le bénéfice d'une mesure de regroupement.

L' article 32 donnerait la possibilité de retirer, à certaines conditions, le titre de séjour du conjoint entré au titre du regroupement familial, en cas de rupture de la vie commune.

? Cette volonté explique aussi la modification d'un certain nombre de dispositifs permettant l'acquisition de la nationalité française .

Pour lutter contre les fraudes constatées dans le cadre des dispositifs d'acquisition de la nationalité française par mariage et renforcer le lien entre les candidats à l'acquisition de la nationalité française et la France, le projet de loi prévoit :

- d'allonger la durée de la communauté de vie entre époux pour permettre au conjoint de Français d'acquérir la nationalité française ainsi que le délai d'opposition reconnu au Gouvernement à une déclaration de nationalité à raison du mariage ( articles 59, 60 et 63 ) ;

- de supprimer certaines dispenses de stage , aujourd'hui injustifiées, pour l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique ( articles 61 et 62 ).

4. Les détournements de l'immigration légale

Les mariages et les reconnaissances de paternité frauduleuses semblent être en recrudescence.

Bien que le contrôle de la validité des mariages et de la réalité de l'intention matrimoniale fasse l'objet d'un projet de loi distinct adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le présent projet de loi durcit par ailleurs les conditions de délivrance d'un titre de séjour aux conjoints de Français.

L'article 2 du projet de loi subordonne la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la délivrance préalable d'un visa de long séjour, sauf exceptions prévues par la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En pratique, ce nouveau principe pèsera essentiellement sur les conjoints de Français qui demandent un premier titre de séjour à la suite de leur mariage.

Par ailleurs, les articles 27 et 28 précités durcissent les conditions de délivrance de la carte de résident aux conjoints de Français. L'article 26 du projet de loi étend également les possibilités de retrait d'une carte de résident à un conjoint de Français en cas de rupture de la communauté de vie dans un délai maximum d'un an à compter de la délivrance de cette carte.

Enfin, les dispositions précitées relatives à l'acquisition de la nationalité française par mariage contribuent également à lutter contre les mariages de complaisance.

En matière de lutte contre les reconnaissances de paternité frauduleuses, outre les dispositions ultramarines déjà évoquées, l'article 24 fait passer de un à deux ans la durée pendant laquelle un parent d'enfant français mineur doit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, lorsqu'il n'y a pas pourvu dès la naissance, pour obtenir une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

5. Un traitement plus efficace de la demande d'asile

La réforme du droit d'asile, opérée par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, a permis de limiter les demandes d'asile « opportunistes », motivées par des considérations de nature simplement économique et ne répondant pas aux critères de la protection statutaire prévue par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Dans le même temps, elle a renforcé l'effectivité de la protection en instituant une protection dite « subsidiaire », en instituant un « guichet unique » -l'OFPRA- pour le dépôt et l'examen des demandes d'asile.

En 2005, le nombre des demandes d'asile traitées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a ainsi atteint 59.221, en baisse de 9,7 % par rapport aux chiffres de l'année 2004. Malgré ces chiffres, la France reste le premier pays européen par le nombre de demandes d'asile déposées 14 ( * ) .

Cette baisse est en partie le résultat de la fixation, par le conseil d'administration de l'OFPRA, d'une liste de « pays d'origine sûrs ». Les demandes émanant de leurs ressortissants sont en effet soumises à une procédure d'examen prioritaire tandis que ces demandeurs d'asile ne bénéficient pas de l'admission sur le territoire et le recours qu'ils peuvent former en cas de rejet de leur demande n'est pas suspensif. En six mois, de juin à décembre 2005, la demande d'asile a, de fait, baissé de 51 %, la proportion des demandes émanant de ces pays d'origine sûrs par rapport à la demande globale d'asile ayant chuté de 11,4 % à 3,8 %.

L' article 64 du présent projet de loi prévoit de pérenniser la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA, compte tenu de l'adoption, le 1 er décembre 2005, de la directive 2005/85/CE du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres qui, tout en autorisant la constitution de listes nationales de pays d'origine sûrs , ouvre la possibilité d'une liste communautaire de pays d'origine sûrs.

En outre, si le dispositif d' accueil des demandeurs d'asile a connu des progrès notables, il est nécessaire de le rendre plus performant afin qu'il puisse mieux prendre en charge les demandeurs d'asile dans le cadre de leurs démarches tendant à obtenir le statut de réfugié.

L' article 65 vise ainsi à donner aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) un statut juridique propre , distinct de celui des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), défini par le code de l'action sociale et des familles. Il permettrait également de recentrer les CADA sur leur objet premier, qui est l'accueil des seuls demandeurs d'asile , alors qu'en pratique, ces centres accueillent un nombre important de déboutés du droit d'asile ou de personnes s'étant vues reconnaître la qualité de réfugié et qui devraient, en conséquence, être hébergées dans les conditions du droit commun.

L' article 66 favoriserait les conditions de subsistance des demandeurs d'asile en étendant le bénéfice de l'allocation temporaire d'attente aux demandeurs d'asile provenant d'un pays concerné par la clause de cessation de la convention de Genève ou considéré comme sûr en vertu de la liste fixée par l'OFPRA. Grâce à cette modification, le directeur général de l'Office aurait la possibilité, au cas par cas, et pour des motifs humanitaires, de signaler aux services sociaux les demandeurs concernés afin qu'ils puissent obtenir le versement de cette allocation.

B. ROUVRIR L'IMMIGRATION DE TRAVAIL : POUR UNE IMMIGRATION DYNAMIQUE ET PROSPECTIVE

1. La levée raisonnée de l'opposabilité de la situation de l'emploi

Pour la première fois depuis trente ans, un projet de loi rouvre la possibilité de ne pas opposer la situation de l'emploi qui bloque l'introduction de main d'oeuvre étrangère.

L'article 10 du projet de loi prévoit qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » peut être octroyée, sans que la situation de l'emploi soit opposable, pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier ou une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement.

La liste de ces métiers et de ces zones géographiques serait arrêtée par l'autorité administrative en fonction des besoins estimés de main d'oeuvre dans certains secteurs. Le texte ne précise pas s'il s'agirait d'une liste établie au niveau national ou régional.

Le gouvernement s'est engagé à présenter au Parlement chaque année une estimation prévisionnelle du nombre de cartes de séjour temporaire qui pourraient être délivrées pour ce motif.

Au cours de son audition par votre rapporteur, M. Jean Costil, président du Forum des réfugiés, bien que très critique sur de nombreux aspects de ce projet de loi, a salué la réouverture de l'immigration de travail, estimant qu'elle constituait un signal fort par rapport à l'immobilisme prévalant depuis 1974.

Votre rapporteur tient à remarquer que les conditions dans lesquelles l'immigration de travail sera rouverte seront cruciales. L'administration devra être en capacité d'identifier les secteurs ayant des besoins de main d'oeuvre forts et durables et d'apprécier le volume d'emplois nécessaire sans déstabiliser le marché du travail et les salaires. Cette réouverture raisonnée devra également prendre en compte les besoins des pays d'origine afin de proscrire des flux de main d'oeuvre trop élevés et concentrés sur un seul pays ou sur un secteur d'activité d'un de ces pays.

L'administration devra également se mettre en capacité d'attirer et de séduire ces travailleurs qui ne viendront pas toujours naturellement dans notre pays.

Par ailleurs, cet article donne une base légale à la levée partielle depuis le 1 er mai 2006 des restrictions à la libre circulation des travailleurs ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne.

D'autres dispositions de l'article 10 doivent faciliter l'immigration pour motif de travail. Les travailleurs saisonniers bénéficieraient d'une carte de séjour temporaire valable trois années pendant lesquelles ils seraient autorisés à séjourner et à travailler six mois de l'année en France.

2. Attirer les talents

L'immigration est un facteur de croissance économique d'autant plus puissant que le niveau de qualification des étrangers est élevé.

Pour maintenir son rang, voire le reconquérir dans certains domaines, la France doit se doter d'instruments facilitant la venue en France d'étudiants de bon niveau et d'étrangers hautement qualifiés. Bien sûr, la modification de la réglementation sur l'entrée et le séjour en France ne peut suffire à elle seule à attirer les meilleurs talents. Toutefois, il faut s'assurer qu'elle ne devienne pas un obstacle.

Concernant les étudiants, l'article 6 du projet de loi permet la délivrance d'une carte de séjour « étudiant » d'une durée de quatre ans au lieu d'une aux étudiants admis à suivre en France une formation en vue de l'obtention d'un diplôme au moins équivalent au master.

L'article 7 prévoit que la carte de séjour « étudiant » serait délivrée de plein droit aux étudiants ayant fait l'objet d'une sélection préalable, notamment lors de la délivrance du visa de long séjour par les consulats.

A l'issue de leurs études, les étudiants titulaires d'un diplôme au moins équivalent au master se verraient délivrer une autorisation provisoire de séjour de six mois afin de leur permettre de trouver un emploi. Cette première expérience professionnelle en France complèterait leur formation. Toutefois, cette première expérience devrait s'inscrire dans la perspective d'un retour dans le pays d'origine.

Concernant les étrangers hautement qualifiés ou ayant des compétences particulières, l'article 12 du projet de loi crée un titre de séjour d'un genre nouveau, la carte « compétences et talents ». Cette carte d'une durée de trois années renouvelables serait accordée aux étrangers susceptibles de participer du fait de leurs compétences et talents, de façon significative et durable au développement de notre pays et de leur pays d'origine. Les conjoints et enfants de ces étrangers bénéficieraient de plein droit et immédiatement d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

La contrepartie de ces différents avantages est que ces étrangers ne pourraient exercer une activité professionnelle en France que dans le cadre d'un projet défini au préalable en fonction de leurs compétences et de leurs talents.

En outre, afin de nourrir la dimension partenariale entre la France et le pays d'origine précitée, un amendement adopté à l'Assemblée nationale précise que lorsque le titulaire de cette carte est ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire, il s'engage à apporter son concours à une action de coopération ou d'investissement économique définie par la France avec le pays dont il a la nationalité.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, cette procédure inédite serait réservée à un petit nombre de bénéficiaires et serait gérée par une petite structure ad hoc au ministère de l'intérieur afin de sélectionner les candidats recommandés par les consulats. Il appartiendrait au ministre de l'intérieur de délivrer cette carte.

3. Faciliter la libre circulation des travailleurs dans l'Union européenne

L'article 16 du projet de loi transpose la directive du 29 avril 2004 relative à la libre circulation des citoyens de l'Union et des membres de leur famille. Ces ressortissants seraient toujours dispensés de l'obligation d'être munis d'un titre de séjour. Toutefois, dans un souci de recensement, ils devraient se faire enregistrer dans la mairie de leur premier lieu de résidence. Au bout de cinq années de résidence ininterrompue en France, ils acquérraient un droit au séjour permanent. Ce droit au séjour bénéficierait également aux membres de leur famille, y compris aux ressortissants d'un Etat tiers à l'Union européenne.

Les articles 17 à 22 transposent pour leur part la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée. Cette directive facilite le déplacement et le droit au séjour dans l'Union européenne des ressortissants de pays tiers résidant dans un Etat membre et y ayant acquis un statut de résident de longue durée.

Il faut ajouter deux dispositions aux articles 7 et 10 qui lèvent partiellement les restrictions à la liberté de circulation des travailleurs dans l'Union européenne imposées aux ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne.

C. LES APPORTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Certaines modifications de l'Assemblée nationale ont été présentées précédemment. Celles qui suivent sont toutefois les plus importantes.

1. Mieux associer la société civile

L'Assemblée nationale a adopté trois dispositions ayant pour objet d'associer les administrations compétentes et la société civile, notamment les associations de défense des étrangers, à la définition de la politique migratoire.

En premier lieu, l'article 1er bis crée le Conseil national de l'immigration et de l'intégration. Ce conseil serait principalement chargé de participer à l'élaboration des données statistiques sur l'immigration et d'émettre un avis sur les orientations de la politique d'immigration et d'intégration.

En deuxième lieu, l'article 12 relatif à la carte de séjour « compétences et talents » prévoit la création d'une Commission nationale des compétences et des talents. Elle serait chargée de déterminer chaque année des critères afin d'aider les administrations et le ministre de l'intérieur à apprécier l'opportunité ou non de délivrer une telle carte.

En dernier lieu, l'article 24 bis relatif à la procédure d'admission exceptionnelle au séjour crée une Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour qui aurait pour mission principale de garantir l'égale application de cette procédure sur l'ensemble du territoire.

Ces trois commissions seraient composées de représentants des ministères compétents et de la société civile. Elles devraient devenir le lieu d'un dialogue entre des parties qui entretiennent aujourd'hui une relation d'affrontement. En renouant le fil du dialogue, des malentendus ou des incompréhensions mutuelles devraient être levés.

Ces organismes se situeraient tous au niveau national. Votre commission estime indispensable de diffuser ces mécanismes de concertation ou de coopération au niveau local. A ce titre, la réactivation des commissions du titre de séjour dans chaque département devrait être une des priorités du gouvernement.

2. Protéger les femmes immigrées

Par plusieurs amendements, l'Assemblée nationale a souhaité mieux protéger les femmes immigrées contre la polygamie, l'excision ou les violences conjugales.

Notons tout d'abord que le projet de loi en rendant obligatoire le contrat d'accueil et d'intégration pour chaque primo-arrivant favorise l'autonomie des femmes étrangères. La condition d'intégration pour l'obtention de la carte de résident pourra également être appréciée au regard du respect de l'égalité entre les hommes et les femmes.

A l'initiative du Sénat, la loi du 26 novembre 2003 prévoit déjà le préfet peut décider de ne pas retirer à un conjoint de Français ou d'étranger sa carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » si la rupture de la vie commune est imputable à des violences conjugales subies par lui.

Toujours dans le souci de protéger les femmes contre les mariages forcées, la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, adoptée à l'initiative du Sénat, institue un dispositif spécifique de lutte contre les mariages forcés . Il prévoit notamment le relèvement de l'âge nubile des femmes de 15 à 18 ans.

L'Assemblée nationale a prolongé les initiatives du Sénat en renforçant la protection des femmes étrangères.

A l'article 26 , elle a prévu que le retrait de la carte de résident à un conjoint de Français en raison de la rupture de la vie commune n'est pas possible si la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint.

L'article 25 bis du projet de loi interdit la délivrance d'une carte de résident à un étranger poursuivi pour avoir commis sur un mineur de quinze ans des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, ou s'être rendu complice de celles-ci. Cet article vise à réprimer la pratique de l'excision.

Enfin, l'article 29 quater permet la mise sous tutelle des prestations familiales lorsque la personne ayant la charge des enfants vit en état de polygamie.

3. Valoriser l'accession à la citoyenneté française

Par plusieurs articles additionnels ( articles 59 bis , 60 bis , 60 ter et 60 quater ), l'Assemblée nationale a rendu obligatoire l'organisation d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française . Cette célébration, faite par un représentant de l'Etat, permettra ainsi de solenniser l'acquisition de la nationalité française par déclaration ou par naturalisation ( articles 62 ter à 62 quinquies ).

4. Renforcer les dispositifs applicables outre-mer

Au cours de ses travaux, l'Assemblée nationale a complété les dispositifs prévus pour mieux lutter contre l'immigration irrégulière outre-mer en introduisant quatre articles additionnels.

L' article 72 bis permet aux autorités de relever les empreintes digitales des personnes contrôlées lors du franchissement de la frontière à Mayotte et dépourvues des titres d'entrée et de séjour requis.

L' article 72 ter crée, à l'instar du dispositif institué par la loi du 26 novembre 2003 pour la Guyane et La Réunion, un observatoire de l'immigration en Guadeloupe et en Martinique.

L' article 76 bis permet de conférer une possession d'état de Français aux personnes majeures au 1 er janvier 1994 nées à Mayotte si elles prouvent leur inscription sur une liste électorale à Mayotte au moins dix ans avant la publication de la présente loi et font la preuve d'une résidence habituelle à Mayotte.

L' article 76 ter impose la célébration des mariages des Mahorais de statut civil de droit local par l'officier d'état civil lui-même.

D. LES PROPOSITIONS DE LOI D'ORIGINE SÉNATORIALE EXAMINÉES PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS

Compte tenu de leur objet, en tout ou partie couvert par le présent projet de loi, votre commission des Lois a souhaité examiner, conjointement à celui-ci, les propositions de loi :

- n° 56 (2005-2006), émanant de notre collègue Georges Othily, tendant à modifier les conditions d'attribution de la nationalité française et à lutter contre les abus liés à l'immigration clandestine dans le département de la Guyane ;

- et n° 69 (2005-2006), présentée par notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste républicain et citoyen, pour le respect du droit à l'éducation des jeunes étrangers résidant en France.

1. La proposition de loi n° 56 (2005-2006) tendant à modifier les conditions d'attribution de la nationalité française et à lutter contre les abus liés à l'immigration clandestine dans le département de la Guyane

Comme l'a montré la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, l'entrée et le séjour des immigrés clandestins connaissent, dans les départements et collectivité d'outre-mer, une ampleur et des formes inégalées. Mayotte et la Guyane ainsi que, dans une moindre mesure, la Guadeloupe, sont concernées depuis plusieurs années par une immigration irrégulière de plus en plus importante. C'est d'ailleurs pour prendre en compte cette spécificité que le présent projet de loi comporte plusieurs dispositions spécifiquement applicables à l'immigration outre-mer.

La proposition de loi n° 56 (2005-2006) présentée par notre collègue Georges Othily, forte de 18 articles, tend à prévoir des dispositifs législatifs propres à la Guyane en matière d'immigration. Les dispositions proposées visent à différencier les règles applicables dans ce département d'outre-mer du reste du territoire français dans les domaines de la nationalité, de l'état civil et des prestations sociales.

L'article 73 de la Constitution, tel qu'il résulte de la révision constitutionnelle opérée par la loi du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, prévoit en effet que les lois et règlements sont applicables de plein droit dans les départements et régions d'outre-mer mais peuvent faire l'objet d'« adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Le Conseil constitutionnel exerce cependant un strict contrôle sur l'existence de ces contraintes et la nécessité des adaptations envisagées dans ces collectivités 15 ( * ) .

? Le titre Ier de la proposition de loi tend à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française dans le département de la Guyane , afin de « lutter contre les abus des personnes étrangères entrées irrégulièrement sur le territoire » pour, selon son exposé des motifs, « simplement accoucher et bénéficier par ricochet des avantages liés à l'enfant né sur le sol français ».

L'article 1 er définirait limitativement les modes d'acquisition de la nationalité française sur le territoire du département de la Guyane . La nationalité française ne pourrait s'acquérir que par la filiation, le mariage, la déclaration de nationalité ou la décision de l'autorité publique.

L'article 2 rendrait inapplicables à la Guyane les dispositions des articles 21-7 et 21-11 du code civil prévoyant la possibilité pour l'enfant né en France de parents étrangers d'acquérir la nationalité française :

- soit à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans ;

- soit, à partir de l'âge de seize ans, par déclaration, si, au moment de celle-ci, il a en France sa résidence et y a eu sa résidence habituelle pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans.

L 'article 3 n'autoriserait l'acquisition de la nationalité française par un enfant né sur le sol guyanais de parents étrangers que dans les trois années suivant sa majorité, à condition :

- qu'à la date de sa demande, il ait en France sa résidence principale, et y ait eu sa résidence principale pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de onze ans ;

- et que l'un de ses parents au moins ait été en situation régulière au regard des lois et accords internationaux relatifs au séjour des étrangers en France pendant la période durant laquelle il a eu sa résidence habituelle en France.

L'article 4 subordonnerait, en Guyane, la possibilité offerte par l'article 21-12 du code civil à l'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé, de réclamer la nationalité française à la condition que soit apportée par la personne qui a accueilli l'enfant la justification d'une résidence stable et régulière à la date à laquelle l'enfant a été accueilli.

L'article 5 conditionnerait la possibilité , actuellement ouverte par l'article 21-2 du code civil, pour un conjoint de Français d'acquérir par déclaration la nationalité française à la régularité de son séjour sur le territoire national.

L'article 6 permettrait d'ordonner l'expulsion de l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en Guyane, même s'il établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an.

? Le titre II de la proposition de loi prévoirait des dispositions spécifiques à la Guyane en matière d'état civil.

L' article 7 de la proposition de loi, qui modifierait l'article 47 du code civil, prévoirait un contrôle systématique de régularité des actes d'état civil ainsi qu'une « authentification » et une vérification des faits qui y sont déclarés, lorsque ces documents ont été établis en vue de déposer, dans le département de la Guyane, une demande d'acquisition de la nationalité française ou de titre de séjour ou qu'ils sont fournis à l'appui d'une demande de mariage .

Les articles 8 à 10 de la proposition de loi rendraient inapplicables dans le département de la Guyane :

- les articles 71 et 72 du code civil autorisant les futurs époux à présenter un acte de notoriété en lieu et place de leur acte de naissance ;

- l'article 21-13 du même code permettant à une personne bénéficiant depuis dix ans de la possession d'état de Français , d'acquérir la nationalité française par déclaration ;

- les dispositions du titre VII du code civil permettant l'établissement de la filiation par un acte de notoriété.

? Motivé par le fait que « la protection sociale des individus résidant sur le sol de la Guyane s'apparente désormais à une aide au développement aux États voisins », le titre III de la proposition de loi définirait des conditions particulières pour obtenir, en Guyane, le bénéfice de certaines prestations sociales.

L' article 11 de la proposition de loi conditionnerait le bénéfice des prestations familiales à une résidence stable et régulière en Guyane , depuis au moins cinq ans , des parents de nationalité étrangère. Il modifierait à cette fin l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale.

L' article 12 complèterait l'article L. 523-1 du code de la sécurité sociale. Il prévoirait, pour le département de la Guyane, que le père, la mère ou la personne physique qui assume la charge effective de l'enfant ne peuvent bénéficier de l'allocation de soutien familial que s'ils justifient d'une situation stable et régulière depuis au moins cinq ans .

L' article 13 de la proposition de loi, relatif à l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, soumettrait l'octroi de l'allocation de parent isolé aux mêmes conditions.

Les articles 14 à 16 de la proposition de loi imposeraient également une condition de résidence stable et régulière de cinq ans en Guyane pour le bénéfice :

- de la prestation d'accueil du jeune enfant , prévue à l'article L. 531-1 du code de la sécurité sociale ;

- de l'affiliation au régime général de sécurité sociale , en application de l'article L. 161-2-1 du même code ;

- de la prise en charge, sans contrepartie contributive , prévue à l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, de la participation de l'assuré aux tarifs de responsabilité des organismes de sécurité sociale pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires, du forfait hospitalier journalier ainsi que des frais exposés pour les soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale et pour les dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement.

L'article 17 rendrait inapplicable à la Guyane l'article 42 de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, qui supprimait la condition de résidence régulière pour bénéficier de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse .

L' article 18 de la proposition de loi, modifiant l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles, subordonnerait à une condition de résidence stable et régulière en Guyane le bénéfice :

- des prestations d'aide sociale à l'enfance ;

- de l'aide sociale en cas d'admission dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale ;

- de l'aide médicale de l'Etat .

2. La proposition de loi n° 69 (2005-2006) pour le respect du droit à l'éducation des jeunes étrangers résidant en France.

Comportant trois articles, la proposition de loi n° 69 (2005-2006) entend instituer un dispositif de protection spécifique à l'égard des jeunes étrangers résidant en France et qui y sont scolarisés.

Elle vise, ainsi que l'exprime son exposé des motifs, « à permettre à ces jeunes de bénéficier d'une scolarité « normale », d'autant plus qu'ils font preuve d'une grande détermination à suivre leurs études en France, et y envisagent pour la plupart leur avenir familial et professionnel. C'est pourquoi il est nécessaire de leur accorder une protection qui n'est aujourd'hui pas spécifiquement prévue par les textes. Les conditions dans lesquelles ils peuvent se voir octroyer la nationalité française ou une carte de séjour temporaire doivent être assouplies afin de stabiliser leur situation et à plus long terme leur avenir sur notre territoire . »

L'article premier de cette proposition de loi modifierait l'article 21-12 du code civil afin que puissent acquérir, par déclaration, la nationalité française les enfants :

- recueillis en France et élevés par une personne de nationalité française ou confiés au service de l'aide sociale à l'enfance ;

- recueillis en France et élevés dans des conditions leur ayant permis de recevoir une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat, soit par un étranger résidant en France depuis cinq ans au moins.

Les articles 2 et 3 modifieraient l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'autoriser la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » :

- à l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen suivre une formation française , dispensée par un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat ;

- à l'étranger qui est père ou mère d'un ou plusieurs enfants résidant en France et suivant, de manière attestée, une formation française , dispensée par un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

Votre commission approuve les orientations du projet de loi. Elle a toutefois adopté soixante-quatorze amendements tendant, notamment, à renforcer l'effectivité des droits accordés aux étrangers et à améliorer l'efficacité des dispositifs du projet de loi.

A. RENFORCER L'EFFECTIVITÉ DES DROITS ACCORDÉS AUX ÉTRANGERS

1. L'entrée et le séjour

? Concernant les visas de long séjour, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant qu'il est délivré un récépissé de demande de visa de long séjour lorsque la demande émane d'un étranger marié avec un ressortissant de nationalité française ou d'un enfant d'un ressortissant de nationalité française. Votre commission vous soumet un amendement généralisant le récépissé à l'ensemble des demandes de visa de long séjour afin de faciliter l'exercice des voies de recours ( article 2 ).

? La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine avait attiré l'attention sur la prise en charge des étrangers mineurs isolés lors de leur arrivée à la frontière, estimant que leur situation spécifique requérait des solutions adaptées. Afin de réduire le délai pendant lequel un mineur isolé peut se retrouver sans assistance, votre commission vous soumet un amendement prévoyant l'intervention de l'administrateur ad hoc dès le refus d'entrée sur le territoire opposé au mineur étranger et non au moment de son placement en zone d'attente ( article additionnel après le titre III ).

? Concernant les conditions de délivrance de la carte de résident, dans la continuité de la position qui avait été celle du Sénat lors de l'examen de la loi du 26 novembre 2003, votre commission souhaite maintenir la notion d'intégration républicaine dans la société française ( articles 4 et 5 ).

? En matière de regroupement familial , votre commission a tout d'abord souhaité supprimer la possibilité de moduler par décret le montant des ressources nécessaires pour obtenir le bénéfice du regroupement familial, possibilité qui avait été introduite par l'Assemblée nationale ( article 31 ).

Lors de la discussion de la loi du 26 novembre 2003, un amendement identique avait été adopté par l'Assemblée nationale, mais avait été rejeté par le Sénat, à l'initiative de votre commission. Elle avait en effet estimé à l'époque qu'il n'y avait pas lieu de distinguer, sur le plan des ressources, la situation des familles étrangères de celle des familles de Français. Elle maintient aujourd'hui encore cette position.

S'agissant de la condition nouvelle pour l'admission au regroupement familial tenant à ce que l e demandeur se conforme aux principes qui régissent la République française , votre commission s'est interrogée sur la subjectivité de cette notion et les difficultés pour évaluer le respect ou non de cette condition par le demandeur. Elle a souhaité la supprimer par amendement, de sorte que le regroupement familial ne soit subordonné qu'aux conditions objectives de ressources et de logement. Par coordination, elle a adopté un amendement supprimant l'article 31 bis prévoyant que le maire devait émettre un avis sur le respect de cette condition par l'étranger demandeur.

2. L'exercice du droit d'asile

Afin de rendre plus effectifs les droits des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une décision de l'OFPRA leur refusant le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, la commission a adopté deux amendements portant articles additionnels après l'article 64 , afin :

- d'étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle devant la Commission des recours des réfugiés à tous les demandeurs d'asile résidant en France , qu'ils soient ou non entrés régulièrement sur le territoire national ;

- à fixer dans la loi à un mois le délai pour l'exercice d'un recours devant cette Commission .

La commission a également souhaité rétablir la possibilité pour les personnes déboutées du droit d'asile de contester devant le juge administratif le pays de destination désigné dans l'arrêté de reconduite à la frontière, supprimée par l'Assemblée nationale ( article 47 ).

B. AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DES DISPOSITIFS DU PROJET DE LOI ET SIMPLIFIER LES PROCÉDURES

1. Supprimer le Conseil national de l'immigration et de l'intégration

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine a pointé l'urgence qu'il y avait à améliorer notre outil statistique malgré les progrès déjà accomplis.

Elle soulignait que l'amélioration de la connaissance de l'immigration irrégulière supposait de confier à un organisme externe aux producteurs de données, pour assurer une information fiable et objective, la mission de coordonner les travaux des multiples organismes et services de l'Etat produisant ou finançant des études. C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'a été installé le 2 juillet 2004, sous l'égide du Haut conseil à l'intégration, l'Observatoire statistique de l'immigration et de l'intégration. Cet observatoire a été officiellement chargé d'améliorer la connaissance statistique de l'immigration et de l'intégration à partir des données produites par les administrations et les instituts de recherche, d'éclairer les travaux et les avis du Haut conseil à l'intégration.

L'Assemblée nationale a souhaité créer une instance de dialogue permanent entre les pouvoirs publics, les élus et les représentants de la société civile compétents en matière d'immigration et d'intégration. Le Conseil national de l'immigration et de l'intégration aurait deux missions : exprimer un avis sur les données statistiques et les indicateurs chiffrés que le Gouvernement transmet annuellement au Parlement dans son rapport et présenter des observations sur les orientations de la politique d'immigration et d'intégration.

Votre commission s'est interrogée sur l'articulation de ce nouvel organisme avec ceux déjà existants. Elle a par ailleurs estimé que la création de ce conseil national relevait du décret et non de la loi.

Par conséquent, votre commission vous propose de supprimer la création de ce conseil national ( article premier bis ).

2. Simplifier les procédures

? Concernant la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour créée à l'article 24 bis , le projet de loi prévoit que les critères d'admission exceptionnelle au séjour sont précisés par celle-ci.

Il a semblé à votre commission que cette formule pouvait s'apparenter à une quasi-délégation du pouvoir réglementaire. Afin de ne pas ériger cette commission en une sorte d'autorité administrative indépendante, elle a souhaité préciser que la commission exprime simplement un avis sur ces critères, le ministre restant l'autorité compétente pour définir les critères.

? La commission a également souhaité clarifier le rôle des observatoires de l'immigration situés dans les départements d'outre-mer, tout en prévoyant la constitution d'une instance distincte propre à chaque département ( article 72 ter ).

? Concernant la carte de séjour temporaire « étudiant », celle-ci ne donne pas automatiquement droit à l'exercice d'une activité salariée à titre accessoire. Les étudiants étrangers restent soumis à un système d'autorisation préalable de travail. Un amendement de votre commission tend à substituer à cette autorisation un système déclaratif. Les étudiants auraient ainsi le droit d'exercer une activité professionnelle salariée dans la limite d'un temps partiel annualisé , à charge pour l'employeur de déclarer l'emploi d'un étudiant étranger afin de faciliter des contrôles a posteriori ( article 7 ).

3. Améliorer l'efficacité de certains dispositifs

? Concernant l'aide au retour , l'article 36 du projet de loi prévoit que l'aide au retour peut être sollicité par l'étranger au cours du délai d'un mois qui suit la prise de l'obligation de quitter le territoire français, c'est-à-dire pendant le délai où l'OQTF n'est pas exécutoire. Au delà, l'aide au retour ne pourrait plus être proposée.

La recommandation n° 39 de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine proposait d'étendre l'aide au retour aux étrangers sous le coup d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. En effet, le coût d'un retour volontaire est toujours moins élevé que celui d'une reconduite forcée.

Votre commission vous soumet donc un amendement ayant pour objet de permettre à l'étranger frappé d'une OQTF de demander l'aide au retour , même au-delà du délai d'un mois. Toutefois, il ne pourrait en bénéficier dès lors qu'il a été interpellé et placé en rétention en vue de son éloignement.

? Afin d'alléger la charge de travail résultant des opérations de transfèrements des centres de rétention administrative ainsi que des zones d'attente vers les tribunaux, la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine recommandait de recourir à la visioconférence. Cette technique pourtant permise par la loi n'a pas encore été utilisée en matière de contentieux de l'éloignement. Le confort des étrangers retenus s'en trouverait pourtant amélioré sans que leurs droits en souffrent. Par ailleurs, la technique de la visioconférence est de plus en plus utilisée dans le cadre d'autres procédures et donne entière satisfaction.

Afin de développer la visioconférence en matière de contentieux des étrangers, votre commission vous soumet deux amendements ( articles additionnels après le titre III ) ayant pour objet :

- de supprimer le consentement de l'étranger pour recourir à la visioconférence lors des audiences de prolongation de la rétention administrative ou du maintien en zone d'attente ;

- de laisser au juge l'entière liberté de recourir ou non à la visioconférence. Cette décision ne serait plus soumise à la proposition de l'autorité administrative.

Le consentement de l'étranger n'est pas nécessaire à partir du moment où l'on admet que la visioconférence préserve le droit à un procès équitable ainsi que la publicité des débats. Il convient d'ajouter que le code de procédure pénale permet déjà de recourir largement à la visioconférence sans que le consentement du prévenu ou du condamné soit requis.

? Soucieuse de solenniser l'acquisition de la nationalité française qui donne accès aux droits et devoirs du citoyen, votre commission a souhaité que la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française soit généralisée à tous les nouveaux accédants à la nationalité française, quelle que soit la procédure par laquelle ils y accèdent ( articles 62 quater et 62 quinquies ).

*

* *

Au bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS GÉNÉRALES ET DISPOSITIONS
RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTUDIANTS, DES ÉTRANGERS AYANT UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET DES RESSORTISSANTS
DE L'UNION EUROPÉENNE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS GÉNÉRALES RELATIVES À L'ENTRÉE
ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Article premier (chapitre I du titre I du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. L. 311-2 du même code)
Liste des titres de séjour

Cet article tend à tirer les conséquences de plusieurs dispositions du projet de loi. A cet égard, il est paradoxal qu'il se situe au début du projet de loi. L'Assemblée nationale a d'ailleurs réservé son examen en séance publique après l'adoption de l'article 12 du projet de loi.

Le paragraphe I tend à subdiviser le chapitre I du titre I du livre III du CESEDA en deux sections. Ce chapitre a trait aux dispositions générales applicables aux titres de séjour en France. Y sont réunies celles qui intéressent au moins deux types de titre de séjour.

Le présent article prévoit la création d'une section première intitulée « Dispositions relatives aux documents de séjour » qui comporteraient les articles de l'actuel chapitre I ainsi que de nouveaux articles introduits par les articles 2 et 3 du projet de loi.

Une seconde section intitulée « Dispositions relatives à l'intégration dans la société française » recueillerait l'article L. 311-9 nouveau créé par l'article 4 du projet de loi.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

Le paragraphe II tend à compléter l'article L. 311-2 du CESEDA de sorte à mettre à jour la liste des titres de séjour existant.

L'article L. 311-1 dispose en effet que tout étranger majeur doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée en France, être muni d'une carte de séjour. Selon l'article L. 311-2, cette carte de séjour peut être de deux sortes : soit une carte de séjour temporaire d'une durée maximale d'un an, soit une carte de résident d'une durée de dix ans. Précisons toutefois que cet article créé par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration et du séjour des étrangers en France et à la nationalité a avant tout une vertu de présentation pédagogique des titres de séjour.

Or, plusieurs dispositions du projet de loi tendent à modifier ou à compléter cette typologie binaire.

Ainsi, l'article 29 du projet de loi qui modifie l'article L. 316-1 du chapitre VI du titre I du livre III du CESEDA introduit un mode supplémentaire de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privé et familiale ». Or, le 1° de l'article L. 311-2 fait référence aux seules cartes de séjour temporaire dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont définies au chapitre III du même titre.

Le paragraphe II a) du présent article tend donc à mentionner également les cartes de séjour temporaire délivrées dans les conditions prévues par ce chapitre VI.

De la même façon, le paragraphe II b) du présent article tire les conséquences de la création par l'article 12 du projet de loi d'une nouvelle catégorie de carte de séjour portant la mention « compétences et talents » et valable pour une durée de trois ans.

En définitive, les titres de séjour se décomposeraient en trois catégories : la carte de séjour temporaire, la carte de résident et la carte de séjour « compétences et talents ».

Afin de garantir l'exhaustivité de cette liste des titres de séjour, votre commission vous propose un amendement précisant, d'une part, que certaines cartes de séjour temporaire sont délivrées pour une durée supérieure à un an, et, d'autre part, que la carte de séjour dite « retraité » constitue également une catégorie à part entière de titre de séjour.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .

Article premier bis (nouveau) (art. L. 111-11 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Création du Conseil national de l'immigration et de l'intégration

Cet article est issu d'un amendement de M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois, adopté par l'Assemblée nationale.

1. Le texte soumis au Sénat

Il tend à insérer un nouvel article L. 111-11 dans le CESEDA ayant pour objet la création d'un Conseil national de l'immigration et de l'intégration.

Selon l'exposé des motifs de cet amendement, le Conseil national de l'immigration et de l'intégration aurait vocation à être une instance de dialogue permanent entre les pouvoirs publics et les représentants de la société civile compétents en matière d'immigration et d'intégration.

Le texte adopté attribue plusieurs missions à cet organe.

Tout d'abord, il participerait à l'élaboration des données statistiques et des indicateurs du rapport annuel du gouvernement au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration prévu à l'article L. 111-10 du CESEDA.

A l'heure actuelle, l'élaboration de ce rapport est confiée au Comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) et à son secrétaire général.

Ensuite, ce conseil exprimerait un avis sur les orientations de la politique d'immigration et d'intégration.

Enfin, il serait chargé d'élaborer chaque année un rapport annexé au rapport au Parlement précité.

Le texte adopté renvoie à un décret les modalités d'application du présent article, et en particulier la composition de ce conseil. Toutefois, dans l'esprit de l'auteur de l'amendement, il comprendrait deux collèges

- un collège de représentants des ministres compétents en matière d'immigration et d'intégration ;

- un collège de personnalités qualifiées choisies par le gouvernement en raison de leurs compétences en matière d'immigration et d'intégration (dirigeants d'associations, experts, universitaires...).

En séance publique, le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a exprimé le voeu que les parlementaires y soient représentés dans toute leur diversité.

2. La position de votre commission des lois

Plusieurs remarques s'imposent au préalable.

En l'état actuel, malgré les progrès accomplis grâce au CICI, la connaissance de l'immigration régulière et irrégulière reste imparfaite. La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine a pointé l'urgence qu'il y avait à améliorer notre outil statistique.

Outre la modernisation rapide du fichier AGDREF (Application de gestion des ressortissants étrangers en France) géré par le ministère de l'intérieur et le développement d'enquêtes en population générale par l'INSEE 16 ( * ) , la commission d'enquête du Sénat soulignait que l'amélioration de la connaissance de l'immigration irrégulière supposait de confier à un organisme externe aux producteurs de données, pour assurer une information fiable et objective, la mission de coordonner les travaux des multiples organismes et services de l'Etat produisant ou finançant des études. Cette remarque vaut également pour la connaissance de l'immigration régulière.

C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'a été installé le 2 juillet 2004, sous l'égide du Haut conseil à l'intégration, l'Observatoire statistique de l'immigration et de l'intégration. Cet observatoire a été officiellement chargé d'améliorer la connaissance statistique de l'immigration et de l'intégration à partir des données produites par les administrations et les instituts de recherche, d'éclairer les travaux et les avis du Haut conseil à l'intégration, de participer aux groupes statistiques européens et internationaux sur les migrations, de favoriser la diffusion et l'accès aux informations statistiques et de proposer de nouvelles pistes d'exploration statistique.

Les membres de cet organisme proviennent de l'Insee, de l'Institut national des études démographiques (INED), de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) et des services statistiques des différents ministères. Il comporte un conseil scientifique, présidé par Mme Hélène Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuelle de l'Académie française.

La commission d'enquête regrettait que cet observatoire se refusât à étudier le sujet de l'immigration irrégulière estimant que « le sujet de l'immigration irrégulière est de la compétence du rapport au Parlement 17 ( * ) ».

En conséquence, plutôt que de créer une énième structure nouvelle, la commission d'enquête recommandait que l'étude de l'immigration irrégulière fût placée sous l'égide de l'Observatoire statistique de l'immigration et de l'intégration.

La création du Conseil national de l'immigration et de l'intégration (CNII) par le présent article pose donc la question de son positionnement par rapport à ces diverses instances. Si le Conseil national aurait la particularité d'associer des représentants de l'administration et de la société civile, il n'en reste pas moins que son articulation avec le HCI, le CICI ou l'INSEE reste à préciser.

En outre, la création d'un organe purement consultatif relève du domaine réglementaire.

Pour ces raisons, votre commission des lois vous propose de supprimer l'article premier bis .

Article 2 (art. L. 311-7 [nouveau] et L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Visa de long séjour obligatoire pour la délivrance de certains titres de séjour

Cet article tend à poser le principe selon lequel l'obtention d'un visa de long séjour 18 ( * ) est indispensable pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire ou de la carte de séjour « compétences et talents ».

1. Le droit en vigueur

L'article L. 313-2 du CESEDA dispose que, sous réserve des obligations internationales de la France, l'octroi de la carte de séjour temporaire peut être subordonné à la production par l'étranger d'un visa de long séjour d'une durée supérieure à trois mois.

La partie législative du CESEDA ne précise pas dans quel cas le visa de long séjour est nécessaire. Seul l'article L. 313-7 laisse entendre implicitement que l'octroi de la carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » est subordonné à la délivrance d'un visa de long séjour puisqu'il dispose « en cas de nécessité liée au déroulement des études, et sous réserve d'une entrée régulière en France, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour même en l'absence du visa de long séjour requis ».

En réalité, c'est le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers qui définit quelles cartes de séjour temporaire sont délivrées sur présentation d'un visa de long séjour. L'article 7 de ce décret pose le principe selon lequel l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande un visa de long séjour. En ce sens, le décret interprète extensivement la loi qui semble plutôt poser le principe inverse.

Le décret prévoit néanmoins une série de dérogations. Il s'agit notamment des étrangers entrés en France munis de visas de court séjour d'une nature un peu particulière dans la mesure où ils peuvent permettre l'établissement durable en France : le visa portant la mention « étudiant-concours » 19 ( * ) ou le visa portant la mention « carte de séjour à solliciter dès l'arrivée en France » 20 ( * ) .

Surtout, il dispense de visa de long séjour les étrangers pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » (art. L. 313-11 du CESEDA) 21 ( * ) , y compris notamment les bénéficiaires du regroupement familial ou les conjoints de ressortissants français.

En définitive, l'obtention préalable d'un visa de long séjour dans le pays de départ est exigée pour prétendre à l'octroi d'une carte de séjour temporaire portant mention « visiteur », « salarié », « commerçant », « étudiant », « scientifique » ou « profession artistique et culturelle ».

2. Le texte soumis au Sénat

Le présent article tend à abroger l'article L. 313-2 précité du CESEDA et à lui substituer un nouvel article L. 311-7. Celui-ci pose le principe selon lequel l'obtention d'un visa de long séjour est indispensable pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire ou de la carte de séjour « compétences et talents ».

Ces dispositions ne seraient donc plus insérées dans le chapitre III du titre I du livre III du CESEDA consacré à la carte de séjour temporaire mais dans le chapitre premier de ce même titre 22 ( * ) qui réunit les dispositions applicables à plusieurs catégories de titres de séjour, en l'espèce la carte de séjour temporaire et la nouvelle carte de séjour « compétences et talents » créée par l'article 12 du projet de loi.

En posant ce principe, le projet de loi s'inspire des termes du décret du 30 juin 1946 précité. Son exposé des motifs fait valoir qu'ainsi, les étrangers admis à séjourner durablement sur le territoire feraient l'objet, en amont, d'un choix par l'autorité consulaire dans leur pays d'origine.

Le projet de loi prévoit néanmoins que ce principe vaut sous réserve des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code.

Il n'appartiendrait donc plus au règlement de définir ces exceptions, mais à la loi. Le projet de loi en prévoit d'ailleurs expressément plusieurs qui ne sont pas exactement les mêmes que celles définies par le décret du 30 juin 1946 précité.

Seraient toujours dispensés :

- la majorité des étrangers pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » (art. L. 313-11 du CESEDA) 23 ( * ) ;

- les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les victimes de la traite des êtres humains 24 ( * ) ;

- les résidents de longue durée dans l'Union européenne et leurs membres de famille 25 ( * ) ;

- certains étudiants et stagiaires à titre dérogatoire 26 ( * ) .

Toutefois, ne seraient plus dispensés de visas de long séjour certaines catégories de demandeurs de carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » 27 ( * ) :

- les bénéficiaires du regroupement familial ;

- les conjoints de Français ;

- les conjoints de ressortissants étrangers titulaires d'une carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique » 28 ( * ) .

Cette nouvelle obligation doit permettre aux autorités diplomatiques et consulaires de vérifier que les conditions légales sont bien réunies.

Concernant les bénéficiaires du regroupement familial, la portée de l'obligation de visa de long séjour doit être nuancée. En effet, l'article 14 du décret n° 2005-253 du 17 mars 2005 dispose déjà que, pour être admis sur le territoire français, les membres de la famille du ressortissant étranger doivent être munis du visa d'entrée délivré par l'autorité diplomatique et consulaire après réception de la décision du préfet acceptant le regroupement familial.

Concernant les conjoints de Français, plusieurs amendements présentés par M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois, et adoptés par l'Assemblée nationale sont venus adoucir les contraintes représentées par l'obligation de visa de long séjour. En effet, la délivrance du visa de long séjour pour l'octroi d'une carte de séjour obligerait un conjoint de Français dépourvu de titre de séjour à retourner dans son pays afin d'y obtenir un visa.

Un premier amendement prévoit que lorsque la demande de visa émane d'un conjoint de Français, les autorités diplomatiques et consulaires ne peuvent refuser de le délivrer sauf en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public.

Un second amendement dispose que lorsque la demande de visa émane d'un conjoint ou d'un enfant de Français, les autorités diplomatiques et consulaires délivrent un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. Ce récépissé permettrait de prouver le dépôt de la demande de visa et, en cas d'absence de réponse de la part du consulat dans un délai de deux mois, de déposer un recours contre la décision implicite de rejet de la demande.

A l'heure actuelle, les demandes de visa de long séjour ne donnent pas lieu à la délivrance d'un récépissé et rendraient donc impossible tout recours. Au cours de son audition par votre rapporteur, M. François Barry Delongchamps, directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France au ministère des affaires étrangères, a toutefois indiqué qu'il était remis à chaque demandeur de visa un document attestant de l'acquittement des frais de dossier sur lequel était fait mention de la date du dépôt de la demande.

2. La position de votre commission des lois

Concernant l'obligation de visa de long séjour pour les conjoints de Français, plusieurs observations peuvent être faites.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine a constaté que les mariages de complaisance ou forcés pouvaient constituer un moyen d'accès au territoire français, auquel les étrangers peuvent être tentés de recourir si les voies légales leur sont fermées.

Le conjoint étranger d'un ressortissant de nationalité française bénéficie de plein droit de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français 29 ( * ) .

Chaque année, environ 270.000 mariages sont célébrés en France, dont 45.000 mariages mixtes, et 45.000 mariages célébrés à l'étranger -la quasi-totalité entre un ressortissant français et un ressortissant étranger- sont transcrits sur les registres de l'état civil français.

Encore convient-il de rappeler que tous les mariages mixtes célébrés à l'étranger ne font pas l'objet d'une demande de transcription sur les registres de l'état civil français.

Selon les statistiques établies par l'Insee, sur les 42.900 mariages mixtes célébrés en France en 2004, la moitié concernait des ressortissants d'Algérie, du Maroc ou d'un pays d'Afrique subsaharienne. Comme l'a observé M. Jean-Michel Charpin, directeur général de cet institut, lors de son audition par la commission d'enquête : « Cette évolution traduit en partie la diversification dans l'origine des migrants. Mais l'importance relative de chaque origine ne se reflète pas toujours dans les mariages mixtes. Ainsi, en 1999, les Turcs étaient trois fois plus nombreux que les Tunisiens parmi les étrangers âgés de 18 à 29 ans, mais le nombre de mariages entre Français et Turcs n'était, à la même date, que la moitié du nombre des mariages entre Français et Tunisiens . »

En définitive, près d'un mariage sur trois, du moins pour ceux qui sont enregistrés en France, est un mariage mixte et la moitié des titres de séjour est délivrée à des ressortissants étrangers de conjoints français. 36.000 acquisitions de la nationalité française ont été prononcées au titre du mariage en 2005, 95 % des demandes étant couronnées de succès. Entre 1999 et 2004, la progression de leur nombre a été de 34 %.

Bien que le doute systématique ne doive pas non plus être jeté sur l'ensemble des mariages mixtes, sous peine de remettre en cause les valeurs de la République et de compromettre l'intégration des étrangers en situation régulière, il importe de s'assurer de la réalité de l'intention matrimoniale des futurs époux.

L'obligation de visa de long séjour pour les conjoints de Français dépourvus de titre de séjour devrait notamment permettre de s'assurer de l'absence de fraude, notamment à l'état civil.

Toutefois, afin de mieux garantir les droits des demandeurs de visa de long séjour, votre commission vous propose un amendement généralisant l'obligation de délivrance d'un récépissé de demande de visa de long séjour à l'ensemble des demandeurs de visa de long séjour, quel que soit le motif. Cette obligation ne devrait pas alourdir la charge de travail des autorités consulaires et améliorer les conditions du droit de recours. Cet amendement tend également à faire figurer ces dispositions dans la partie du CESEDA relatif à l'entrée sur le territoire français.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifi é.

Article 3 (art. L. 311-8 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Condition du retrait de la carte de séjour temporaire et de la carte de séjour « compétences et talents »

Cet article prévoit que la carte de séjour temporaire et la carte de séjour « compétences et talents » sont retirées si l'une des conditions exigées pour leur délivrance n'est plus réunie. Il tend à insérer un nouvel article L. 311-8 au sein de la section première, créée par l'article premier du projet de loi, du chapitre I du titre I du livre III du CESEDA.

1. Le droit en vigueur

La partie législative du CESEDA dispose que la carte de séjour temporaire doit être retirée à un ressortissant étranger polygame qui a fait venir en France auprès de lui plus d'un conjoint, ou des enfants autres que ceux du premier conjoint (article L. 411-7). La carte de séjour temporaire doit également être retirée à l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une décision judiciaire d'interdiction du territoire.

Elle prévoit également que le titre de séjour peut être retiré, laissant ainsi au préfet une marge d'appréciation  :

- au conjoint d'un étranger admis au titre du regroupement familial en cas de rupture de la vie commune dans les deux années qui suivent la délivrance du titre (article L. 431-2) ;

- à l'étranger qui a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure de regroupement familial (article L. 431-3) ;

- à l'étranger ayant employé un étranger dépourvu d'autorisation de travail, travaillant sans y être autorisé ou passibles de poursuites pénales pour certaines infractions (article L. 313-5).

Hormis ces dispositions législatives, l'article 5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers pose le principe selon lequel une carte de séjour temporaire peut être retirée « si son titulaire cesse de remplir les conditions prévues aux articles 7 à 7-9 (dudit décret ) », c'est-à-dire les conditions de délivrance des différentes cartes de séjour temporaire.

2. Le texte soumis au Sénat

Le présent article donne une base législative au principe général selon lequel une carte de séjour temporaire est retirée lorsque l'une des conditions exigées pour sa délivrance n'est plus remplie par son titulaire. Il en serait de même pour la carte de séjour « compétences et talents » créée par l'article 12 du projet de loi.

A la différence de l'article 5 du décret du 30 juin 1946 précité, il ne s'agirait plus d'une simple faculté de retrait, mais d'une obligation.

Toutefois, un amendement de M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, prévoit une exception pour les titulaires d'une carte de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire ». Selon l'exposé des motifs de l'amendement, un licenciement pendant la durée de validité de la carte n'entraînerait pas le retrait du titre de séjour.

Si l'objet de cet amendement est totalement justifié, il ne doit pas néanmoins conduire à exclure toute possibilité de retrait notamment si la rupture du contrat de travail est à l'initiative de l'étranger.

Votre commission vous soumet donc un amendement scindant en deux alinéas distincts l'article L. 311-8 et prévoyant que la carte « salarié » ou la carte « travailleur temporaire » ne peut être retirée au motif que l'étranger a été involontairement privé d'emploi.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (art. L. 311-9 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles)
Obligation pour les primo-arrivants de signer un contrat d'accueil et d'intégration

Cet article tend à rendre obligatoire la conclusion entre les primo-arrivants et l'Etat d'un contrat d'accueil et d'intégration (CAI). Il est l'aboutissement d'une généralisation progressive du CAI depuis trois ans.

1. Le droit en vigueur

En 2002, le constat a été fait de l'insuffisance des politiques d'accueil et d'intégration des migrants. Alors que 50.000 étrangers en auraient eu besoin, seuls 8.000 avaient pu suivre un cours de français.

Dans son discours prononcé à Troyes le 14 octobre 2002, le président de la République avait affirmé son attachement à l'intégration des étrangers en France: « [...] l'égalité des chances suppose de donner une nouvelle vigueur à notre modèle d'intégration. Derrière ce mot d'intégration, les réalités sont multiples. Il y a la nécessité d'accueillir dans de bonnes conditions les nouveaux arrivants, ceux qui rejoignent notre pays légalement et qu'il faut aider à mieux s'insérer dans notre société. Je souhaite ainsi, qu'à l'instar de ce qui existe chez certains de nos voisins, chaque nouvel arrivant s'engage dans un véritable contrat d'intégration comprenant notamment la possibilité d'accéder à des formations et à un apprentissage rapide de notre langue . »

Créé, sur recommandation du Haut conseil à l'intégration, par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, le contrat d'accueil et d'intégration a tout d'abord fait l'objet d'une expérimentation dans douze départements à partir du 1er juillet avant d'être généralisé progressivement. Fin avril 2006, ce contrat était proposé dans 82 départements, une extension supplémentaire à 9 nouveaux départements étant prévue d'ici juillet. À cette date, 91 départements seront donc concernés : la généralisation sera presque totale, à l'exclusion des départements de la Corse, du Limousin et des DOM.

Le CAI est géré et proposé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) qui est en charge, sur l'ensemble du territoire, du service public de l'accueil des étrangers admis, pour la première fois, au séjour en France en vue d'une installation durable.

Issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale 30 ( * ) , l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles a donné une base législative au contrat d'accueil et d'intégration (CAI).

Le contrat d'accueil et d'intégration

Le contrat d'accueil et d'intégration (CAI) scelle les engagements réciproques du nouvel arrivant et du pays d'accueil. Le nouvel arrivant s'engage à respecter la Constitution, les lois de la République et les valeurs fondamentales de notre société ainsi qu'à suivre, si elles lui sont prescrites, les formations linguistiques et civiques proposées. L'Etat offre quant à lui une série de prestations : accueil collectif, entretien individuel avec un auditeur social et un travailleur social en vue d'un accompagnement personnalisé, formations civiques et linguistiques, formation sur la vie en France et les services publics, suivi et accompagnement vers le service public de l'emploi.

Ce CAI est l'instrument principal du service public de l'accueil des étrangers primo-arrivants. D'une durée d'un an, ce contrat est renouvelable une fois. Depuis sa création, plus de 90 % des nouveaux arrivants auxquels le CAI a été proposé l'ont signé 31 ( * ) . En 2005, plus de 66 000 contrats ont été signés. Pour 2006, l'objectif fixé dans le rapport annuel au Parlement sur les orientations de la politique de l'immigration est de proposer le CAI à l'ensemble du public cible identifié soit 110 000 personnes environ 32 ( * ) .

Le service public de l'accueil des étrangers a été réorganisé dans ces départements autour de la présentation et de la signature du CAI. Dans les départements où l'ANAEM a mis en place son dispositif de plate-forme d'accueil 33 ( * ) , la séance d'information collective y fait référence. De même, au cours de l'entretien individuel, le contrat fait l'objet d'une présentation particulière. Toujours lors de l'accueil sur la plate-forme, une première évaluation du niveau de maîtrise de la langue française est effectuée. Si l'étranger accepte le contrat, il lui est fixé un rendez-vous pour la journée de formation civique dans le mois suivant et, le cas échéant, selon ses besoins, pour la formation linguistique. L'objectif d'enchaînement des prestations sur un même lieu et dans un délai réduit semble avoir été atteint.

Concernant plus spécifiquement la formation civique, depuis mars 2004, les prestataires retenus au terme de la procédure de marchés pilotée par le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) 34 ( * ) disposent, en sus du programme de formation mis au point avec l'aide du haut Conseil à l'Intégration, d'un support de formation. Réalisé en collaboration très étroite avec le Haut Conseil à l'intégration, ce support se présente sous formes de fiches, afin de faciliter une utilisation pratique et diversifiée par les prestataires (photocopies, transparents, affichage...).

La Direction de la population et des migrations et le FASILD mènent des visites sur sites afin d'évaluer la qualité de cette formation et d'y apporter les adaptations nécessaires. La thématique de l'égalité hommes-femmes est particulièrement développée.

Le taux d'entrée en formation reste toutefois insuffisant ( seuls 72 % des signataires répondent à la convocation) pour cette formation présentée comme obligatoire. Les motifs d'absence invoqués -lorsqu'ils le sont- tiennent essentiellement à la date proposée, à la garde des enfants, à l'employeur, aux problèmes de transport, voire à la pression communautaire ou du conjoint. Compte tenu de l'enjeu que représente cette journée de formation civique, un système de relance systématique est mis en oeuvre par l'ANAEM. Les marchés préparés par le FASILD prévoient désormais un rappel par l'organisme à la personne des dates et lieux des formations une semaine avant, ainsi que deux relances (téléphonique et écrite).

Concernant la formation linguistique, plus des deux tiers des signataires de CAI reçoivent une attestation ministérielle de compétence linguistique les en dispensant. Ce pourcentage est à peu près stable depuis 2003. Des différences sont toutefois observées entre les départements.

Les entrées effectives en formation demeurent quant à elles en deçà des prévisions : le taux constaté d'entrée en formation linguistique, quoiqu'en nette progression par rapport à 2003 (il était alors de 50 %), est de l'ordre de 65 %. Les freins identifiés sont multiples et identiques à ceux déjà mentionnés s'agissant de la formation civique. Toutefois les difficultés liées à la garde des jeunes enfants, aux moyens de transport, à la situation d'emploi ou à l'inadaptation des horaires de formation proposés semblent peser d'un poids particulier. C'est pourquoi des dispositions ont été prises, au vu des enseignements tirés de la période d'expérimentation 2003, pour assurer une meilleure prise en compte des besoins différenciés des migrants.

Ainsi le cahier des charges des prestations linguistiques pour l'année 2004 a-t-il été adapté : il impose désormais aux organismes de formation une importante flexibilité de l'offre, notamment en termes de proximité géographique des prestataires, d'adaptation de la pédagogie aux besoins détectés (alphabétisation, français langue étrangère, français langue seconde), de souplesse dans l'intensité du parcours d'apprentissage (possibilité de formation extensive, semi-intensive ou intensive) ou dans le choix des horaires (des cours du soir ou du samedi doivent être proposés). Ces contraintes seront renouvelées dans les marchés ultérieurs et de nouvelles souplesses introduites.

Les formations linguistiques peuvent atteindre les 500 heures. Elles donnent lieu à l'établissement d'attestations ministérielles de compétence linguistique.

Enfin, une troisième prestation, facultative, consiste en une journée d'information sur la vie en France et destinée à sensibiliser les nouveaux arrivants au fonctionnement des services publics : santé, protection sociale, école, modes de garde, formation, emploi et logement. Un entretien avec un travailleur social est également proposé. Environ un quart des signataires demande à la suivre.

Ce bilan globalement positif doit donc être tempéré par les difficultés à assurer durant toute la durée du contrat d'accueil et d'intégration un suivi à la fois administratif et social individualisé.

Son premier alinéa prévoit qu'il est proposé à tout étranger, admis pour la première fois au séjour en France en vue d'une installation durable 35 ( * ) , de conclure avec l'Etat un contrat d'accueil et d'intégration. Il n'est pas obligatoire. Ce contrat précise « les conditions dans lesquelles l'étranger signataire bénéficie d'actions, tenant compte de sa situation et de son parcours personnel et destinées à favoriser son intégration dans le respect des lois et des valeurs fondamentales de la République française ». Lorsque le besoin en est établi, une formation linguistique sanctionnée par une validation des acquis est dispensée.

La principale innovation de cet article réside néanmoins en son deuxième alinéa, lequel dispose qu'il est tenu compte de la signature et du respect d'un CAI pour apprécier la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française prévue à l'article L. 314-2 du CESEDA, condition désormais nécessaire pour l'octroi d'une carte de résident dans un certain nombre de cas 36 ( * ) . A défaut d'être obligatoire, la signature d'un CAI est donc fortement recommandée.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de cet article et notamment les catégories d'étrangers bénéficiaires du CAI, les actions prévues au contrat et les conditions de suivi et de validation de ces actions, dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise du français 37 ( * ) .

2. Le texte soumis au Sénat

Les articles 4 et 5 du projet de loi tendent à regrouper dans le CESEDA les dispositions actuellement contenues dans l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles.

A cette fin, le paragraphe I du présent article insère un nouvel article L. 311-9 au sein de la section 2 intitulée « Dispositions relatives à l'intégration dans la société française », créée par l'article premier du projet de loi, du chapitre I du titre I du livre III du CESEDA. Cette insertion dans le CESEDA place symboliquement la politique d'intégration au coeur de la politique migratoire.

Son premier alinéa pose le principe selon lequel le primo-arrivant souhaitant se maintenir durablement en France prépare son intégration à la société française. Si cette disposition n'a pas de portée normative, elle affirme clairement que l'étranger qui souhaite se maintenir durablement en France doit s'engager dans un processus d'intégration à la société française.

A l'initiative du rapporteur de la commission des lois, l'Assemblée nationale a étendu aux mineurs âgés de 16 à 18 ans la signature d'un CAI. Dans ce cas, le CAI est cosigné par le représentant légal du mineur.

Cette préparation, première étape de l'intégration de l'étranger, passe par la conclusion avec l'Etat d'un CAI. Le deuxième alinéa prévoit en effet que chaque primo-arrivant en conclut obligatoirement un . La loi de programmation pour la cohésion sociale avait déjà généralisé le CAI lancé initialement dans quelques départements à titre expérimental ; le projet de loi devrait le rendre obligatoire.

Par ailleurs, toujours à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, l'Assemblée nationale a ouvert aux étrangers n'ayant pas conclu un CAI lors de leur première admission au séjour en France, notamment parce que le CAI n'existait pas à cette date ou n'était pas encore obligatoire, la possibilité de signer un tel contrat.

Sans remettre en cause le contenu du CAI et reprenant pour l'essentiel les termes de l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles, le projet de loi précise que le CAI se compose d'une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, d'une formation linguistique sanctionnée par un titre ou un diplôme. Le texte précise que la formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, « notamment l'égalité entre les hommes et les femmes ». Un amendement présenté par M. Brard et les membres du groupe Communistes et Républicains a ajouté à la liste de ces valeurs la laïcité.

Un amendement du rapporteur de la commission des lois a rendu obligatoire la délivrance d'un titre ou d'un diplôme à l'issu de la formation linguistique, lorsqu'elle est prescrite. Un autre du même auteur tend à inscrire dans la loi la session d'information sur la vie en France.

Un amendement de M. Patrick Braouezec dispose que le CAI et les prestations fournies sont gratuites, ce qui est déjà le cas.

Surtout, un amendement du rapporteur de la commission des lois tend à accroître l'importance du CAI et de son respect. En effet, lors du premier renouvellement de la carte de séjour, il pourrait être tenu compte du non respect par l'étranger, manifesté par une volonté caractérisée, des stipulations du CAI.

Le CAI servirait donc à la fois pour apprécier la condition d'intégration lors de la délivrance de la carte de résident et pour examiner le premier renouvellement de la carte de séjour temporaire.

Un décret en Conseil d'Etat devrait fixer les conditions d'application de cet article. Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le ministre délégué à l'aménagement du territoire, M. Christian Estrosi, a annoncé la parution de ce décret en septembre 2006.

Le rapporteur de la commission des lois a souhaité préciser que ce décret détermine la durée du CAI, les conditions de son renouvellement, les conditions de suivi et de validation des formations prescrites dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise du français et la remise à l'étranger d'un document permettant de s'assurer de l'assiduité de celui-ci aux formations prescrites. Le projet de loi reprend ainsi pratiquement à l'identique la rédaction du dernier alinéa de l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles en vigueur.

Tirant les conséquences de ces modifications, le paragraphe II du présent article tend à réécrire l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles de sorte qu'il se contente de renvoyer à l'article L. 311-9 nouveau du CESEDA la définition du CAI.

3. La position de votre commission des lois

Votre commission approuve la généralisation et le caractère obligatoire du CAI.

La portée symbolique de ce contrat d'accueil est aussi importante que les formations dispensées dans ce cadre. Par ailleurs, dans la perspective d'une relance de l'immigration de travail, le passage obligé des primo-arrivants sur les plates-formes de l'ANAEM est l'occasion unique de mieux cerner le niveau de formation de ces étrangers et leurs qualifications pour les orienter vers des filières ou des formations dont l'économie française a besoin.

Outre deux amendements rédactionnels, votre commission vous soumet un amendement substituant à la notion de préparation de « l'intégration à la société française » celle de préparation « à l'intégration républicaine dans la société française ». Il s'agit d'une coordination avec un autre amendement de votre commission à l'article 5 du projet de loi.

Un dernier amendement précise que le représentant légal qui cosigne le CAI avec le mineur âgé de seize à dix-huit ans doit être en situation régulière en France.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. L. 314-2 et L. 314-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Définition de la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française

Cet article tend à modifier la définition de la condition d'intégration républicaine dans la société française requise, dans certains cas, pour l'obtention de la carte de résident.

1. Le droit en vigueur

L'article L. 314-2 du CESEDA 38 ( * ) dispose que, lorsque le code le prévoit, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française.

L'article L. 314-10 du CESEDA 39 ( * ) décrit les différents cas où la décision d'accorder la carte de résident est subordonnée à la condition d'intégration républicaine. Si elle est satisfaite, la carte de résident d'une durée de dix années peut être délivrée :

- à l'étranger justifiant d'une résidence régulière non interrompue d'au moins cinq années en France ;

- au conjoint et aux enfants mineurs, ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, d'un étranger titulaire de la carte de résident, qui ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial et qui justifient d'une résidence d'au moins deux années en France ;

- à l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins deux années de la carte de séjour temporaire visée au 6° de l'article L. 313-11 du CESEDA dès lors qu'il remplit encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour temporaire (contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an) et qu'il ne vit pas en état de polygamie.

L'ensemble de ces dispositions sont issues de la loi n° 2003-119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

Dans tous ces cas, la circulaire du ministre de l'intérieur n° NOR/INT/D/04/00006/C du 20 janvier 2004 relative à l'application de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 indique aux préfets qu'il leur revient, dans le cadre de leur large pouvoir d'appréciation, de s'assurer du respect de la condition d'intégration. Elle doit s'apprécier sur la base d'un faisceau d'indices parmi lesquels l'apprentissage de la langue française, la connaissance et le respect des principes qui régissent la République française, la scolarisation des enfants, le suivi d'une formation professionnelle ainsi que la participation à la vie sociale locale. Cette même circulaire ajoutait que « la signature du contrat d'accueil et d'intégration sera également à terme un élément à prendre en compte pour l'appréciation de cette condition ».

Ce dernier point était la traduction des travaux préparatoires de la loi du 26 novembre 2003 précitée. Le rapport de la commission des lois du Sénat indiquait que « la création du contrat d'accueil et d'intégration, en accompagnant les primo-arrivants, (devrait) favoriser leur intégration ; il les guide(rait) dès leur entrée sur le territoire français vers un parcours qui (pourrait) les mener à la délivrance d'un titre de séjour de longue durée, concrétisation d'un désir d'installation durable » 40 ( * ) . L'exposé des motifs de cette même loi évoquait déjà le CAI comme l'un des indices devant permettre d'apprécier la condition d'« intégration républicaine de l'étranger dans la société française ».

La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a achevé de créer ce lien entre le CAI et l'appréciation de la condition d'intégration. Le deuxième alinéa de l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, pour apprécier la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française prévue à l'article L. 314-2 du CESEDA, il est tenu compte de la signature d'un CAI ainsi que du respect de ce contrat. Un relevé des présences aux formations dispensées permet notamment de contrôler l'assiduité.

Le CAI reste néanmoins qu'un élément d'appréciation parmi d'autres tout en incitant fortement les étrangers à conclure ce contrat.

D'un côté, le risque que la carte de résident ne soit pas délivrée pour non-respect ou non-signature du contrat est une menace suffisante pour donner au CAI toute sa crédibilité. De l'autre, les préfets doivent préserver leur liberté d'appréciation, sous le contrôle du juge. Le respect du contrat ne peut à lui seul décider de la délivrance ou non d'une carte de résident. Il ne s'agit pas d'un examen ouvrant des droits automatiquement. Il s'agit d'un indicateur, d'un instrument d'information à la disposition du préfet pour éclairer sa décision.

Parmi ces autres éléments d'appréciation, citons l'article L. 314-2 du CESEDA qui permet au préfet de saisir pour avis le maire de la commune de résidence de l'étranger.

2. Le texte soumis au Sénat

Le paragraphe I du présent article tend à réécrire l'article L. 314-2 du CESEDA afin :

- de modifier la définition de la condition d'intégration ;

- d'insérer dans cet article les dispositions de l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles prévoyant qu'il est tenu compte de la signature d'un CAI et de son respect pour apprécier la condition d'intégration.

Ce dernier point est cohérent avec l'article 4 du projet de loi qui vide de son contenu l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles.

La redéfinition de la condition d'intégration est double.

D'une part, le projet de loi ne parle plus d'« intégration républicaine de l'étranger dans la société française » mais d'« intégration de l'étranger de la société française ».

Rappelons qu'au cours de l'examen de la loi du 26 novembre 2003 au Sénat, un amendement du rapporteur de la commission des lois, notre collègue Jean-Patrick Courtois, avait précisément tenu à ajouter cette référence à la République.

D'autre part, le projet de loi prévoit que la condition d'intégration serait également appréciée au regard de l'engagement personnel de l'étranger à respecter les principes qui régissent la République française et du respect effectif de ces principes. La connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française ne seraient donc plus les seuls critères privilégiés retenus.

Comme l'explique l'exposé des motifs du projet de loi, « l'intégration ne serait plus uniquement jugée sur des connaissances, mais sur une implication plus forte de l'étranger ».

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications ou compléments.

Un amendement précise que l'appréciation par le préfet du respect par l'étranger du CAI tient particulièrement compte de l'obtention du titre ou du diplôme sanctionnant la formation linguistique. A l'article 4 du projet de loi, un amendement avait déjà rendu obligatoire la sanction de la formation linguistique par un titre ou un diplôme. Toutefois, les étrangers âgés de plus de soixante-cinq ans ne seraient pas soumis à la condition relative à la connaissance de la langue française.

Un amendement du rapporteur de la commission des lois tend à rendre obligatoire la saisine pour avis du maire par le préfet pour l'aider à apprécier la condition d'intégration. Cet avis serait réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois. Jusqu'à présent, cette saisine n'est qu'une faculté pour le préfet.

Le paragraphe II du présent article tend à modifier l'article L. 314-10 du CESEDA à la seule fin de coordonner sa rédaction avec la nouvelle expression d'« intégration de l'étranger dans la société française ».

3. La position de votre commission des lois

Outre un amendement rédactionnel, votre commission vous soumet un amendement rétablissant la définition en vigueur de la condition d'intégration. L'expression « intégration républicaine dans la société française » correspond mieux à la définition qui en est donnée par le projet de loi qui se réfère à plusieurs reprises aux principes de la République.

Cette définition est en outre conforme à la position du Sénat lors de l'examen de la loi du 26 novembre 2003.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 (art. L. 313-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Modification des cas d'attribution d'une carte de séjour temporaire pluriannuelle

Cet article qui tend à modifier l'article L. 313-4 du CESEDA a pour objet d'étendre aux étudiants la possibilité d'attribuer une carte de séjour temporaire pluriannuelle.

1. Le droit en vigueur

Conformément aux articles L. 311-2 et L. 313-3 du CESEDA, la carte de séjour temporaire est un titre de séjour d'une durée maximale d'un an renouvelable.

Toutefois, la loi du 26 novembre 2003 a prévu deux dérogations au principe général. L'article L. 313-4 41 ( * ) dispose que les titulaires d'une carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique » (article L. 313-8) ou la mention d'une activité salariée ou non salariée soumise à autorisation (article L. 313-10) peuvent demander, au moment du renouvellement de leur carte de séjour, que celle-ci leur soit délivrée pour une durée supérieure à un an, dans la limite de quatre ans.

Issues d'un amendement présenté par notre collègue Michel Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste et adopté par le Sénat lors de l'examen en première lecture de la loi du 26 novembre 2003, ces dispositions avaient pour but d'encourager et de simplifier l'installation en France de chercheurs et de travailleurs qualifiés étrangers en leur épargnant chaque année les démarches administratives nécessaires au renouvellement de leur titre.

Cette dérogation n'est pas accordée de plein droit. Elle tient compte de la qualification professionnelle du demandeur, de son activité et des raisons pour lesquelles le bénéfice d'un tel renouvellement est susceptible de faciliter l'exercice de cette activité.

En outre, le troisième alinéa de l'article L. 313-4 prévoit qu'en cas d'interruption de l'activité professionnelle avant la date d'expiration du titre, ce dernier est retiré.

2. Le texte soumis au Sénat

Le présent article a pour objet de modifier le champ d'application de la carte de séjour temporaire pluriannuelle.

Si elle resterait applicable aux titulaires de la carte dite « scientifique », en revanche elle ne pourrait plus être délivrée aux titulaires d'une carte « activité professionnelle ». Il semblerait que cette possibilité ouverte pour l'essentiel aux cadres étrangers de grandes entreprises n'ait pas rencontré le succès attendu. En outre, les articles 10 et 12 du projet de loi prévoient des dispositifs similaires pour ces personnels qui devraient être plus adaptés.

Selon le projet de loi, la carte « scientifique » d'une durée supérieure à un an serait accordée en tenant compte de la durée des travaux de recherche. L'autorité administrative garderait sa liberté d'appréciation.

Toutefois, la loi ne prévoirait plus le retrait de la carte en cas de fin anticipée des travaux de recherche.

Par ailleurs, les titulaires d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » bénéficieraient à leur tour de ce dispositif. Toutefois, seuls les étudiants « admis à suivre, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, une formation en vue de l'obtention d'un diplôme au moins équivalent au master » y auraient droit. Les étudiants non titulaires d'un diplôme d'un niveau équivalent à la licence en seraient exclus.

La facilité offerte par la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle doit être réservée aux étudiants ayant déjà fait la preuve de leur volonté de poursuivre des études longues.

Selon le projet de loi, la dérogation serait accordée de plein droit aux étudiants remplissant les conditions requises. L'autorité administrative n'aurait pas à apprécier son opportunité. Toutefois, cette simplification ne doit pas être surévaluée. L'autorité administrative conserverait le pouvoir d'apprécier la durée adéquate du titre de séjour, comprise entre un et quatre ans.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 6 sans modification .

Article 6 bis (nouveau) (art. L. 313-14 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pour des missions de volontariat en France

Cet article issu d'un amendement de M. Etienne Pinte tend à permettre la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à l'étranger qui souhaite effectuer une mission de volontariat en France. Il insère un nouvel article L. 313-14 dans le CESEDA.

L'exposé des motifs de l'amendement indique que « la France reçoit, dans des conditions juridiquement précaires, des jeunes gens originaires de pays divers, notamment africains et asiatiques, en particulier dans le domaine de l'action sociale et humanitaire. Ces concours s'avèrent très positifs dans la mesure où ils permettent de diffuser les méthodes françaises et, surtout, de former de futurs cadres sociaux pour les pays en voie de développement. C'est ainsi que l'Arche en France, association d'accueil de personnes handicapées mentales, essaime, chaque année, de nombreux assistants dans plusieurs des 26 pays où elle est implantée, en particulier en Afrique noire et en Amérique Latine ».

Pour éviter les détournements de cette nouvelle procédure, plusieurs conditions sont posées :

- les missions de volontariat en France doivent être réalisées auprès d'une fondation ou d'une association reconnue d'utilité publique ou d'une association adhérente à une fédération elle-même reconnue d'utilité publique. Un sous-amendement du gouvernement restreint encore ces missions de volontariat aux seules associations ou fondations agréées préalablement par l'autorité administrative dans des conditions définies par décret ;

- la mission doit revêtir un caractère social ou humanitaire ;

- le contrat de volontariat doit avoir été conclu préalablement à l'entrée en France et l'étranger doit être muni d'un visa de long séjour ;

- l'association prend en charge le demandeur qui s'engage par écrit à quitter le territoire à l'issue de sa mission.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 6 bis sans modification.

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS EN FRANCE

Le présent chapitre se compose d'un article unique. D'autres dispositions du projet de loi concernent également l'entrée et le séjour des étudiants étrangers en France, notamment l'article 6.

L'accueil des étudiants étrangers dans nos écoles et universités est un atout décisif pour le rayonnement culturel, économique et scientifique de notre pays.

En 1998, le nombre d'étudiants étrangers en France était tombé à un point bas de 150.000 faisant prendre conscience de la lente érosion de l'attractivité de nos universités dans un contexte de concurrence mondiale des universités. Le gouvernement de l'époque avait alors mis en place une politique active d'accueil. Entre 1998 et 2002, le nombre de visas « étudiants » délivré avait ainsi doublé de 29.000 à 65.000 42 ( * ) . Les gouvernements ultérieurs ont poursuivi cette politique. Le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans les établissements français d'enseignement supérieur a progressé à un rythme annuel supérieur à 10 % depuis 1998 pour s'établir à environ 250.000 en 2004-2005. La part des étudiants étrangers dans l'ensemble des effectifs universitaires n'a cessé d'augmenter comme l'indique le tableau ci-dessous.

Part des étudiants étrangers dans les effectifs universitaires (y compris IUT) par année et cycle d'études

1998-1999 (en %)

1999-2000 (en %)

2000-2001 (en %)

2001-2002 (en %)

2002-2003 (en %)

2003-2004

(en %)

1er cycle

5,9

6,4

7,2

8,3

9,2

9,7

2ème cycle

8,1

8,5

9,4

10,8

12,4

13,9

3ème cycle

19,3

19,8

20,0

21,8

23,4

24,8

Total

8,6

9,1

9,9

11,3

12,6

13,7

Source : Ministère de l'éducation nationale

Selon le rapport statistique 2002-2004 de l'observatoire statistique de l'immigration et de l'intégration, l'origine géographique des étudiants étrangers inscrits à l'université française en 2003-2004 se répartit, dans l'ordre décroissant suivant :

- plus de la moitié est originaire des pays d'Afrique (102.766), et près d'un sur trois est d'origine maghrébine. Le nombre d'étudiants des pays d'Afrique a augmenté de 73% entre la rentrée universitaire 1998 et la rentrée 2003 ;

- un étudiant étranger sur quatre est européen et un sur sept est originaire des pays de l'Union européenne. Depuis 1998-1999, à l'université, les étudiants étrangers originaires des pays d'Europe (hors Union européenne) sont de plus en plus nombreux chaque année. Leur effectif a augmenté de 93 % entre 1998-1999 et 2003-2004. A l'inverse, le nombre d'étudiants originaires de l'Union européenne est resté stable entre 1998-1999 et 2002-2003 (+0,8%), mais il s'est accru de 6% à la rentrée 2003 ;

- le nombre d'étudiants des pays d'Asie hors Moyen-Orient, d'Amérique centrale, d'Amérique du sud et du Pacifique sud a également beaucoup progressé entre 1998-1999 et 2003-2004 avec une augmentation de plus de 70%. Il est à noter que les étudiants chinois sont près de huit fois plus nombreux à la rentrée 2003 qu'à la rentrée 1998.

La politique menée depuis dix ans a atteint une partie des objectifs initialement fixés. Comme le souligne le rapport d'information de nos collègues Monique Cerisier-Ben Guiga et Jacques Blanc sur l'accueil des étudiants étrangers 43 ( * ) , « la mobilité encadrée (ce terme désigne l'ensemble des étudiants bénéficiaires d'échanges entre universités et les boursiers) atteint plus du tiers des effectifs et les étudiants étrangers sont dorénavant aussi nombreux dans les 2 ème et 3 ème cycles que dans le 1 er où ils étaient autrefois surreprésentés ».

Toutefois, il est apparu aux différents observateurs que l'importance accordée à l'augmentation du nombre des étudiants accueillis prenait trop le pas sur l'évaluation préalable des aptitudes de ceux-ci et sur la qualité de l'accueil offert par la France.

En premier cycle notamment, les étudiants étrangers sont surreprésentés en Lettres et sciences humaines. Surtout, comme l'indique le rapporteur de l'Assemblée nationale, le taux de réussite des étudiants étrangers serait « en moyenne de 40 % inférieur à celui des étudiants français, déjà faible, surtout en premier cycle ».

Certaines universités seraient peu regardantes sur la qualité des étudiants accueillis car l'importance de leurs effectifs conditionne l'importance de leur dotation budgétaire. Des faux étudiants candidats à l'immigration ont pu en profiter.

Pour éviter ces écueils, une meilleure sélection des étudiants se met en place au niveau des consulats depuis 2005.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 44 ( * ) a encouragé l'expérience des centres pour les études en France (CEF), mise en place dans cinq Etats en 2005, et étendue à une douzaine de pays en 2006. Point de passage obligé des étudiants, les CEF évaluent le niveau de l'étudiant, sa connaissance de la langue, la cohérence du projet de formation de l'étranger et la validité des titres et diplômes produits. Ils orientent les étrangers vers les formations les mieux adaptées. Ils permettent de rapprocher deux processus : la délivrance du visa « étudiant » et la pré-inscription dans un établissement d'enseignement supérieur français.

Tirant les conséquences de l'expérience des CEF, une circulaire conjointe des ministres de l'intérieur, des affaires étrangères et de l'éducation nationale, publiée le 16 janvier 2006, a été adressée aux chefs de poste diplomatique et consulaire. Comme l'explique l'exposé des motifs du projet de loi, à compter de la rentrée 2006, les visas de long séjour pour études seront délivrés selon un système multicritères prenant en compte : le projet d'études, le parcours académique et personnel, les compétences linguistiques, les relations bilatérales ainsi que les intérêts de la France et du pays de l'étudiant étranger. Ces critères s'ajouteraient aux critères actuels : ressources suffisantes, inscription dans un établissement, absence de menace à l'ordre public.

Mieux sélectionner les étudiants présente plusieurs intérêts : écarter les faux étudiants candidats à l'immigration, orienter les étudiants vers l'université et la formation qui leur conviendront le mieux et diminuer ainsi le taux d'échec, attirer les meilleurs étudiants (le sérieux de la sélection peut constituer un gage de qualité de la formation dispensée).

Plusieurs dispositions du projet de loi ont pour objet d'améliorer encore l'attractivité de notre enseignement supérieur. Les articles 6 et 7 complètent la réforme de la délivrance des visas « étudiants » par une simplification des conditions d'admission au séjour, de séjour et de travail en France.

Ces dispositions vont évidemment dans le bon sens. Toutefois, s'il est certain que l'élimination de tracasseries administratives peut éviter de détourner des étudiants de la France, les principaux facteurs pris en compte restent la qualité de l'enseignement, la réputation internationale, la prise en charge et l'encadrement des étudiants et les conditions de logement.

Article 7 (art. L. 313-7, L. 313-7-1 [nouveau], L. 313-7-2 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Entrée et séjour en France des étudiants et des stagiaires

Le paragraphe I du présent article tend à réécrire l'article L. 313-7 du CESEDA relatif à la carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » et à insérer deux nouveaux articles (paragraphe II et III) afin de permettre, d'une part, aux jeunes diplômés de compléter leur formation par une première expérience professionnelle, et d'autre part, aux étudiants étrangers de venir effectuer en France un stage non rémunéré.

Article L. 313-7 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Délivrance de la carte de séjour temporaire « étudiant »

L'article L. 313-7 du CESEDA est relatif à la carte de séjour temporaire « étudiant » délivré à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement.

Le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article L. 313-7 est similaire au premier alinéa de l'article en vigueur, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles. Sous certaines conditions inchangées, il serait toujours possible d'obtenir une carte de séjour temporaire « étudiant » sans produire un visa de long séjour 45 ( * ) .

Le second alinéa du I du texte proposé pour cet article prévoit que les étudiants étrangers pourraient être autorisés à exercer une activité professionnelle salariée à titre accessoire.

En droit positif, l'article R. 341-7 du code du travail autorise les étudiants étrangers à exercer une activité professionnelle présentant un caractère temporaire. L'étudiant qui souhaite travailler durant ses études doit obtenir au préalable une autorisation provisoire de travail auprès de la Direction départementale du travail et de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTE). La situation de l'emploi est opposable à ces demandes. Néanmoins, une circulaire du 9 juillet 1998 46 ( * ) incite les DDTE à examiner les demandes avec une extrême bienveillance et de n'opposer un refus que dans des cas exceptionnels.

Une circulaire interministérielle du 15 janvier 2002 47 ( * ) incite également les préfectures et DDTE à créer des guichets uniques pour faciliter les demandes d'autorisation de travail émanant d'étudiants étrangers.

L'activité salariée doit toujours rester accessoire aux études. En pratique, le travail est le plus souvent à temps partiel.

Le projet de loi initial tendait à donner une base législative à cette autorisation de travailler. L'accord préalable de l'administration était toujours nécessaire. La carte de séjour temporaire « étudiant » ne vaudrait donc pas autorisation de travailler.

Toutefois, à l'initiative de M. Claude Goasguen, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui, selon son exposé des motifs, substitue à ce mécanisme d'autorisation préalable un contrôle a posteriori . Le statut d'étudiant offrirait automatiquement le droit de travailler. L'amendement précise que l'activité salariée serait autorisée dans la limite d'un mi-temps annualisé. En outre, le non-respect de la réglementation du travail entraînerait le retrait de la carte de séjour « étudiant ».

Votre commission vous soumet un amendement de réécriture de l'amendement de M. Claude Goasguen. En effet, sa rédaction maintient en réalité un mécanisme d'autorisation préalable.

L'amendement de votre commission prévoit que la carte de séjour « étudiant » donne le droit d'exercer à titre accessoire une activité salariée dans la limite d'un temps partiel annualisé . D'un mécanisme d'autorisation préalable, l'on passerait à un système déclaratif. Cette mesure de simplification devrait permettre aux services des DDTEFP de développer leurs missions de contrôle ciblé.

Par ailleurs, en passant d'un mi-temps à un temps partiel annualisé, cet amendement permettrait aux étudiants de répartir de façon plus souple les périodes de travail tout au long de l'année.

Un second amendement tend à insérer un article L. 341-4-1 dans le code du travail prévoyant que l'employeur d'un étudiant étranger doit déclarer son embauche. Cette déclaration devrait faciliter la mise en place de contrôles a posteriori.

En outre, un amendement à l'article 11 du projet de loi tend à restreindre la possibilité de retirer la carte de séjour au seul cas où l'étranger ne respecte pas la condition d'un temps partiel annualisé. Il semble en effet difficile de faire peser sur l'étudiant salarié la responsabilité de toutes les infractions à la réglementation du travail.

Le II du texte proposé pour l'article L. 313-7 du CESEDA est la principale nouveauté. La carte de séjour temporaire « étudiant » pourrait être accordée de plein droit aux étudiants relevant de certaines catégories.

A ce jour, les étrangers arrivant en France pour leurs études ne sont pas en possession de leur carte de séjour. Ils doivent se rendre à la préfecture pour la solliciter. Ils présentent à l'appui de leur demande, outre leur passeport, un visa de long séjour, une attestation d'inscription ou de pré-inscription dans un établissement d'enseignement supérieur, la justification de moyens d'existence suffisants, un certificat médical et un justificatif de domicile.

Pour les étudiants, la répétition de démarches administratives déjà rencontrées lors de la demande de visa de long séjour est difficile à comprendre. Ceci est d'autant plus vrai que se met en place une sélection perfectionnée des étudiants dans leur pays d'origine.

Il ne faudrait pas donner le sentiment que leur admission à suivre des études en France n'est toujours pas acquise alors qu'ils ont passé de nombreux tests au préalable et qu'ils sont arrivés en France.

La carte de séjour temporaire étudiant serait accordée de plein droit :

- à l'étranger titulaire d'un visa de long séjour accordé dans le cadre d'une convention signée entre l'Etat et un établissement d'enseignement supérieur ;

- à l'étranger ayant satisfait aux épreuves du concours d'entrée dans un établissement d'enseignement supérieur ayant signé une convention avec l'Etat ;

- à l'étranger boursier du gouvernement français ;

- à l'étranger ressortissant d'un pays ayant signé avec la France un accord de réciprocité relatif à l'admission au séjour des étudiants.

Un décret en Conseil d'Etat devrait préciser les conditions d'application de cet article, notamment les conditions dans lesquelles les étrangers ayant réussi un concours d'entrée seraient dispensés de l'obligation de visa de long séjour. En effet, en droit positif, les étudiants venant passer un concours d'entrée en France reçoivent déjà un visa de court séjour portant la mention « étudiant-concours » qui leur permet de passer le concours et, en cas de réussite, d'obtenir une carte de séjour temporaire « étudiant » sans devoir retourner dans leur pays pour solliciter un visa de long séjour.

L'article 2 du projet de loi posant le principe de l'octroi d'un visa de long séjour avant la délivrance d'une carte de séjour temporaire, il convient de prévoir dans la loi cette exception.

Dans ce II, votre commission vous soumet un amendement de précision.

Article L. 313-7-1 [nouveau] du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Autorisation de travailler pour certains jeunes diplômés

Le projet de loi tend à insérer dans la section 2 relative aux différentes catégories de cartes de séjour temporaire du chapitre III du titre I du livre III du CESEDA une nouvelle sous-section 2 bis intitulée « Dispositions particulières applicables à certains étrangers diplômés ». Cette sous-section qui interviendrait juste après la sous-section 2 relative à la carte de séjour temporaire « étudiant » serait composée d'un article unique L. 313-7-1.

Cet article a pour objet de permettre aux étudiants ayant achevé leurs études en France et obtenu un diplôme au moins équivalent au master de bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois au cours de laquelle il serait autorisé à chercher un emploi en relation avec sa formation.

Si à l'issue de cette période de six mois, l'intéressé a trouvé un emploi ou est simplement titulaire d'une promesse d'embauche, il serait autorisé à séjourner en France pour l'exercice de cet emploi. Il recevrait à cette fin la carte de séjour temporaire portant la mention « activité soumise à autorisation » prévue à l'article L. 313-10 du CESEDA.

En droit positif, le passage du statut d'étudiant au statut de salarié n'est accordé que dans des conditions restrictives, le principe étant le retour dans le pays d'origine. Toutefois, la circulaire interministérielle du 15 janvier 2002 précitée a assoupli les conditions de délivrance d'une carte de séjour « salarié » à certaines catégories d'étudiants étrangers.

Cette circulaire affirme « la volonté du gouvernement de concilier l'objectif de co-développement des pays source d'immigration à travers la formation de leurs futures élites [...] et la satisfaction des intérêts technologiques et commerciaux des entreprises françaises qui souhaitent recruter de jeunes cadres issus des aires géographiques avec lesquelles elles entretiennent des relations économiques. Il apparaît que la validation d'un cursus universitaire [...] confortée par une première expérience professionnelle en entreprise sert à la fois les intérêts de notre pays et assure au pays d'origine un co-développement effectif en permettant le retour de jeunes professionnels. »

Par ailleurs, il est fréquent qu'un cycle de formation s'achève par un stage de fin d'études, lequel débouche souvent sur une offre d'emploi.

Un autre argument soulevé par le rapporteur de l'Assemblée nationale est le risque que ces diplômés, plutôt que de rentrer dans leur pays d'origine, partent vers d'autres pays moins restrictifs, au détriment du pays d'origine et de la France qui aura financé leur formation.

Le projet de loi s'inspire de ces pratiques pour les formaliser et les encadrer.

Seuls les étudiants titulaires d'un diplôme au moins équivalent au master (bac+5) pourraient bénéficier de cette autorisation provisoire de séjour de six mois non renouvelable. Elle serait accordée de droit, quelle que soit la filière.

L'emploi recherché devrait répondre à plusieurs critères :

- participer directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays d'origine 48 ( * ) ;

- avoir un lien avec la formation reçue ;

- être assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret.

En revanche, la situation de l'emploi ne serait pas opposable.

Le projet de loi rappelle que cette première expérience professionnelle s'inscrit « dans la perspective de son retour dans le pays d'origine ».

L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, a adopté un amendement tendant à lever pour les étudiants ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne 49 ( * ) , qui ont obtenu en France un diplôme au moins équivalent au master, les restrictions transitoires à la libre circulation des travailleurs qui pèsent sur les ressortissants de ces pays. Comme tous les autres ressortissants communautaires, ces étudiants pourraient travailler librement en France sans être soumis à la détention d'un titre de séjour.

Outre des amendements rédactionnels, votre commission vous soumet un amendement de suppression des dispositions relatives aux étudiants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne afin de les insérer, par un amendement à l'article 16 du projet de loi, dans l'article L. 121-2 du CESEDA relatif aux ressortissants communautaires. Il est en effet préférable de rassembler toutes les dispositions relatives aux ressortissants de l'Union dans un même chapitre (voir le commentaire de l'article 16 du projet de loi).

Article L. 313-7-2 [nouveau] du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Création d'une carte de séjour temporaire portant la mention « stagiaire »

Le projet de loi tend à insérer dans la section 2 relative aux différentes catégories de cartes de séjour temporaire du chapitre III du titre I du livre III du CESEDA une nouvelle sous-section 2 ter intitulée « Dispositions particulières applicables aux étrangers stagiaires ». Cette sous-section qui interviendrait juste après la sous-section 2 relative à la carte de séjour temporaire « étudiant » serait composée d'un article unique L. 313-7-2.

Cet article a pour objet de créer une nouvelle catégorie de carte de séjour temporaire portant la mention « stagiaire ».

A ce jour, les règles du séjour des étrangers stagiaires en France sont floues. Une autorisation provisoire de séjour renouvelable leur est délivrée selon des procédures peu encadrées. Une autorisation provisoire de travail délivrée par la DDTEFP est ensuite nécessaire.

Une circulaire du 14 mai 2001 50 ( * ) relative aux étudiants étrangers effectuant leurs études à l'étranger et souhaitant accomplir un stage non rémunéré en entreprise en France prévoit la délivrance d'une carte de séjour portant la mention « étudiant ». La durée du stage ne doit pas excéder un an.

Outre ces incertitudes, une directive européenne 51 ( * ) demande aux Etats membres d'encadrer les conditions de séjour des stagiaires non rémunérés. Elle prévoit notamment que la durée de validité du titre de séjour qui leur est délivré ne doit pas excéder un an.

Le projet de loi fixe un cadre clair pour les stagiaires non rémunérés. L'Assemblée nationale a étendu le bénéfice de ce dispositif aux stagiaires indemnisés. Rappelons que l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances impose l'indemnisation des stages dont la durée est supérieure à trois mois consécutifs. La gratification versée n'est pas assimilable à un salaire.

Cette carte de séjour aurait une durée de validité maximum d'un an. L'étranger devrait apporter la preuve :

- qu'il dispose de ressources suffisantes ;

- que le stage s'effectue dans le cadre d'une convention. Cette convention doit être conclue entre le stagiaire, l'employeur et l'établissement d'enseignement ou de formation du pays d'origine.

Afin d'attester la réalité et le sérieux de l'établissement d'enseignement ou de formation, un organisme intermédiaire français (établissement d'enseignement français, centre de formation, service culturel, scientifique et de coopération de l'ambassade de France) devrait viser la convention de stage. Lorsque cette fonction d'intermédiaire est assumée par une association, celle-ci devrait être agréée par arrêté ministériel.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 7 ainsi modifié .

CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Article 8 (art. L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Carte de séjour « visiteur »

Cet article tend à modifier l'article L. 313-6 du CESEDA relatif à la carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur ». L'Assemblée nationale l'a adopté sans modification.

En droit positif, l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur ». Il s'engage à n'exercer aucune activité professionnelle soumise à autorisation.

Sont soumises à autorisation préalable des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) l'ensemble des professions salariées ainsi que les activités commerciales, industrielles et artisanales.

Le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 dispose que lorsque l'étranger entend exercer une activité professionnelle non soumise à autorisation, il indique laquelle et mention en est fait sur la carte qui lui est délivrée.

Les professions non soumises à autorisation 52 ( * ) sont principalement les professions libérales réglementées (architecte, médecin...) ou les professions indépendantes non réglementées (interprète...).

Le présent article tend à restreindre l'attribution de la carte de séjour temporaire « visiteur » aux seuls étrangers apportant la preuve qu'ils peuvent vivre de leurs ressources et prenant l'engagement de n'exercer aucune activité professionnelle quelle qu'elle soit.

Désormais, comme le prévoit l'article 10 du projet de loi, les étrangers justifiant pouvoir vivre de leurs seules ressources et souhaitant exercer une activité professionnelle non soumise à autorisation relèveraient de l'article L. 313-10 du CESEDA. Ils se verraient délivrer une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, mention étant faite sur cette carte de leur activité.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 8 sans modification.

Article 9 (art. L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Carte de séjour « scientifique » et transposition d'une directive

Cet article tend à réécrire l'article L. 313-8 du CESEDA relatif à la carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique » afin de transposer la directive 2005/71/CE du Conseil du 12 octobre 2005 relative à une procédure d'admission spécifique des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique. L'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement rédactionnel.

Depuis la loi du 11 mai 1998 dite loi RESEDA, les scientifiques étrangers sont soumis à une procédure simplifiée et distincte pour venir exercer en France une activité de recherche ou d'enseignement. Ils ne relèvent plus de la procédure de droit commun.

Il suffit aux chercheurs de produire un visa de long séjour et un protocole d'accueil délivré par un organisme scientifique ou universitaire agréé à cet effet. La carte de séjour temporaire « scientifique » a une durée maximale d'un an, mais dans les conditions de l'article L. 313-4 du CESEDA, elle peut être renouvelée pour une durée comprise entre un et quatre ans 53 ( * ) .

De fait, la législation française anticipait la majeure partie des dispositions de la directive du 12 octobre 2005 (titre de séjour spécifique, convention avec un établissement agréée...).

Le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 313-8 adapte uniquement la terminologie aux termes de la directive.

Le second alinéa transpose l'article 13 de la directive relatif à la mobilité entre Etats membres. Celle-ci dispose que le chercheur admis au séjour dans un autre Etat membre conformément à la directive peut mener une partie de ses travaux en France sur la base de la convention d'accueil signée dans le premier Etat membre s'il séjourne moins de trois mois en France. Si le séjour dure plus de trois mois, la directive laisse aux Etats membres la possibilité d'exiger la conclusion d'une nouvelle convention d'accueil.

Le projet de loi fait ce choix et exige en pareil cas la conclusion d'une convention particulière avec un organisme de recherche agréé par la France.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 9 sans modification.

Article 10 (art. L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Carte de séjour autorisant l'exercice d'une activité professionnelle salariée

Cet article tend à réécrire l'article L. 313-10 du CESEDA afin de donner une base législative à la délivrance de la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à différentes catégories de travailleurs étrangers 54 ( * ) . Cette carte est délivrée à des étrangers venant en France dans le but d'y travailler.

Le paragraphe I de cet article renomme la sous-section 5 intitulée « la carte de séjour mentionnant une activité soumise à autorisation » de la section 2 du chapitre III du titre I du livre III du CESEDA, « sous-section 5 : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle ».

Ce changement d'intitulé se justifie par les dispositions ci-après qui prévoient la délivrance de cette carte aux étrangers souhaitant exercer une profession non soumise à autorisation.

Le paragraphe II a pour objet de réécrire l'article L. 313-10 du CESEDA, article unique de la sous-section 5 précitée.

• Le droit en vigueur

L'article L. 313-10 du CESEDA dispose qu'une carte de séjour temporaire est délivrée à l'étranger autorisé à exercer une activité professionnelle soumise à autorisation 55 ( * ) . La carte porte la mention de cette activité.

En application de cet article, le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié par le décret n° 99-352 du 5 mai 1999, opère plusieurs distinctions selon le type d'activité professionnelle soumise à autorisation. Il distingue les cartes de séjour temporaire portant la mention « salarié » 56 ( * ) et « profession non salariée soumise à autorisation ».

Ce décret crée par ailleurs une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire ». Comme la carte « salariée », elle autorise l'exercice d'une activité salariée, mais à titre temporaire uniquement et auprès d'un employeur déterminé. En vertu de l'article R. 341-7 du code du travail, ce titre a une durée maximale de validité de neuf mois renouvelable. Son régime s'apparente à celui des autorisations provisoires de travail.

Les travailleurs saisonniers constituent une quatrième catégorie d'étrangers venant en France aux fins d'y exercer une activité professionnelle. L'article R. 341-7-2 du code du travail dispose que le contrat d'introduction d'un travailleur saisonnier ne peut excéder une durée de six mois maximum pouvant être portée exceptionnellement à huit mois pour certaines activités de production agricole fixées par arrêté interministériel. Il permet à un étranger d'occuper un emploi salarié dans des secteurs subissant des fluctuations saisonnières d'activité fortes. Comme la carte « travailleur temporaire » précitée, le contrat d'introduction d'un travailleur saisonnier vaut pour un employeur déterminé et un emploi précis.

En pratique, les travailleurs saisonniers, au nombre de 16.000 environ en 2004 et 2005 57 ( * ) , proviennent en quasi-totalité de trois pays : la Pologne (plus de 7.000), le Maroc (plus de 7.000) et la Tunisie (près de 600). La France a en effet conclu avec ces trois Etats des accords de main d'oeuvre permettant de faire venir des travailleurs saisonniers selon une procédure simplifiée gérée par l'ANAEM. 97 % des demandes d'introduction émanent du secteur agricole.

Ces trois types d'activité salariée (salarié pour une durée supérieure à un an, salarié à durée déterminée pour un emploi déterminé et saisonnier) sont soumises aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail qui prévoit que pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, un étranger doit présenter un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. L'article L. 341-4 du code du travail dispose pour sa part qu'« un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée sans avoir obtenu au préalable l'autorisation mentionnée à l'article L. 341-2 du code du travail ».

Selon l'article R. 341-1, c'est au préfet qu'il appartient de délivrer l'autorisation de travail. En pratique, la procédure d'autorisation de travail est déclenchée à l'initiative de l'employeur potentiel qui dépose sa demande auprès de la DDTEFP.

L'article R. 341-4 du code du travail dispose que le préfet apprécie la demande en considérant les éléments suivants :

- la situation de l'emploi présente et à venir dans la profession demandée et dans la zone géographique où l'étranger compte exercer cette profession ;

- les conditions d'application par l'employeur de la réglementation du travail ;

- les conditions d'emploi et de rémunération offertes au travailleur étranger, qui doivent être identiques à celles dont bénéficient les travailleurs français ;

- les dispositions prises par l'employeur pour assurer ou faire assurer le logement du travailleur étranger.

L'opposabilité de la situation de l'emploi est le critère dirimant. L'administration refuse l'autorisation de travailler si elle estime que le niveau de chômage est trop important. L'administration doit procéder à un examen de la situation de l'emploi par rapport au métier et à la qualification précise de l'étranger. En pratique, les autorisations sont très rarement accordées.

Toutefois, par voie de circulaires ministérielles, en fonction de besoins ponctuels de main d'oeuvre, le gouvernement peut demander au DDTEFP d'examiner avec bienveillance des demandes d'autorisation de travailler pour des professions particulières (informaticiens, infirmières...). Une circulaire du 21 décembre 1984 invite également à examiner avec bienveillance les demandes adressées par des étrangers hautement qualifiés dont le salaire mensuel est supérieur à 1.300 fois le minimum horaire garanti (plus de 4.000 euros mensuel brut).

• Le texte soumis au Sénat

Le texte proposé pour l'article L. 313-10 du CESEDA prévoit qu'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle serait délivrée dans cinq cas.

Le 1° du texte proposé reprend les dispositions en vigueur relatives aux cartes de séjour temporaire « salarié » et « travailleur temporaire ». Il donnerait ainsi une base législative à la carte « travailleur temporaire ».

Le projet de loi initial disposait que la carte porterait la mention « salarié » en cas d'activité à durée indéterminée et « travailleur temporaire » en cas d'activité à durée déterminée. A la suite de deux amendements de M. Noël Mamère et de plusieurs de ses collègues, le texte prévoit désormais que la carte « salarié » est délivrée en cas d'activité exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois, la carte « travailleur temporaire » étant réservée aux contrats d'une durée inférieure à douze mois. Ces deux amendements assouplissent les conditions de délivrance de la carte « salarié ».

La délivrance de ces cartes continuerait à relever des dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. La situation de l'emploi resterait donc opposable.

Toutefois, le projet de loi tend à ouvrir une brèche en créant une dérogation au principe de l'opposabilité de la situation de l'emploi.

Pour l'exercice d'une activité salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, cette carte de séjour serait délivrée à l'étranger sans que la situation de l'emploi lui soit opposable. Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale oblige l'autorité administrative compétente à consulter les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives avant d'établir cette liste.

Le projet de loi est en revanche muet sur l'échelon administratif qui arrêterait la liste des métiers et des zones géographiques. Les débats à l'Assemblée nationale ont fait apparaître trois options : des listes établies dans chaque région (la région représente souvent un bassin d'emploi pertinent), une liste nationale laissant au préfet de région la possibilité de tenir compte de certaines spécificités locales pour écarter tel ou tel métier ou une liste établie au niveau national en tenant compte des particularités économiques de chaque région.

Le critère de la situation de l'emploi serait en quelque sorte maintenu mais en le considérant du point de vue de l'employeur. Ce dispositif évoque en partie celui en vigueur pour les travailleurs saisonniers. L'article R. 341-7-2 du code du travail prévoit en effet que l'employeur peut être autorisé à conclure des contrats saisonniers de huit mois sur douze consécutifs si :

- il apporte « la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main d'oeuvre déjà présente sur le territoire national » ;

- ces contrats concernent des activités de production agricole dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de l'agriculture.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois, ayant pour objet de donner une base légale à l'ouverture ciblée du marché de l'emploi aux ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne.

En effet, les traités d'adhésion de huit des dix nouveaux Etats membres 58 ( * ) ont prévu une période transitoire pendant laquelle les anciens Etats membres peuvent continuer de soumettre les ressortissants de ces pays à la détention d'un titre de séjour pour exercer une activité économique. D'une durée maximum de sept ans à compter du 1 er mai 2004, la période transitoire est scandée par deux clauses de rendez-vous, le 1 er mai 2006 et le 1 er mai 2009, qui doivent être l'occasion pour chaque Etat membre de réexaminer l'opportunité de maintenir des restrictions au principe de la libre circulation des travailleurs.

Lors du Comité interministériel sur l'Europe du 13 mars 2006, le gouvernement avait exprimé son souhait d'ouvrir, sous certaines conditions, le marché du travail à ces nouveaux ressortissants européens. Depuis le 1 er mai c'est chose faite pour 61 métiers répartis dans sept secteurs d'activité 59 ( * ) .

L'Assemblée nationale a donc souhaité donner une base légale à cette ouverture du marché du travail aux nouveaux Etats membres. Le mécanisme retenu est presque copié du dispositif général décrit précédemment pour les travailleurs étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne. Il prévoit que la situation de l'emploi ne sera pas opposable pour l'exercice d'une activité salariée dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie, au plan national, par l'autorité administrative.

A la différence du dispositif général précité, les ressortissants communautaires ne pourraient donc se voir opposer de limitations géographiques. L'ouverture du marché de l'emploi dans un métier vaudrait pour l'ensemble du territoire.

Le 2° du texte proposé pour l'article L. 313-10 du CESEDA dispose que les étrangers autorisés à venir en France pour exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale se voient également délivrer une carte de séjour autorisant l'exercice d'une activité professionnelle. Elle porte la mention de l'activité que le titulaire entend exercer.

Le 3° du texte proposé pour l'article L. 313-10 du CESEDA prévoit que les étrangers qui justifient pouvoir vivre de leurs seules ressources et qui souhaite exercer une profession non soumise à autorisation se voit délivrer une carte de séjour autorisant l'exercice d'une activité professionnelle.

En droit positif, cette catégorie d'étranger se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur ». Toutefois, l'article 8 du projet de loi a restreint les bénéficiaires de cette carte de séjour aux seuls étrangers s'engageant à n'exercer aucune activité professionnelle et justifiant pouvoir vivre de leurs seules ressources.

Le 4° du texte proposé pour l'article L. 313-10 du CESEDA donne une base législative au contrat d'introduction d'un travailleur saisonnier. Ces nouvelles dispositions encadrent mieux le recours à cette main d'oeuvre et diminuent la précarité du statut de travailleur saisonnier.

Le projet de loi prévoit ainsi l'octroi d'une carte portant la mention « travailleur saisonnier » aux étrangers titulaires d'un contrat de travail saisonnier conclu dans le respect du 3° de l'article L. 122-1-1 du code du travail. Un employeur ne peut donc recourir à un travailleur saisonnier étranger que pour occuper un emploi remplissant les caractéristiques de droit commun du travail saisonnier.

L'étranger doit s'engager à maintenir sa résidence habituelle hors de France, c'est-à-dire qu'il ne doit pas résider en France plus de six mois de l'année. En effet, cette carte de séjour ne lui permet d'exercer des travaux saisonniers que six mois sur douze mois consécutifs. Cette période de six mois serait calculée sur douze mois « glissants ».

En revanche, le projet de loi ne reprend pas la possibilité jusqu'à présent offerte par l'article R. 341-7-2 du code du travail d'allonger cette durée de six mois à huit mois sous certaines conditions.

La principale innovation concernant cette carte de séjour « travailleur saisonnier » est qu'elle serait accordée pour une durée maximale de trois ans renouvelable, en dérogation avec le principe selon lequel la carte de séjour temporaire est valable pour une durée maximale d'un an 60 ( * ) .

Votre rapporteur se réjouit de cette disposition qui est une réponse directe à la recommandation n° 32 de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 61 ( * ) .

Mme Sylvie Moreau, chef de service, adjointe du directeur de la population et des migrations, avait souligné devant la commission d'enquête que les travailleurs étrangers devaient, en principe, regagner leur pays d'origine à l'issue de leur contrat de travail, mais que l'administration rencontrait des difficultés pour s'assurer de leur retour effectif.

Dans la mesure où des travailleurs saisonniers peuvent être tentés de demeurer sur notre territoire de crainte de ne pouvoir revenir ultérieurement, la commission d'enquête avait estimé que la création d'une carte de séjour pluriannuelle à destination des travailleurs saisonniers constituerait une mesure utile.

Pour l'étranger, cette carte pluriannuelle présenterait également l'avantage de rompre le lien direct entre le contrat de travail saisonnier et l'autorisation de séjour, ce qui signifie qu'il pourrait changer d'employeur. Toutefois, pour revenir en France chaque année, bien que titulaire de cette carte pluriannuelle, il devra avoir conclu un contrat de travail saisonnier. Comme le relève le rapporteur de l'Assemblée nationale, ce titre de séjour n'ouvre pas un droit inconditionnel au séjour. Il assure simplement à l'étranger que s'il trouve un emploi saisonnier, il peut venir en France pendant trois années renouvelables.

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements de M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois, afin de s'assurer du respect des durées de séjour et de travail en France.

Comme le relève son rapport, « la vérification du respect de ces durées sera néanmoins difficile, bien qu'indispensable. En effet, les employeurs n'auront pas le droit de recruter un saisonnier ayant déjà travaillé six mois lors des douze derniers mois. Or, du fait du droit qui est désormais reconnu au saisonnier de changer d'employeur, l'employeur aura des difficultés à s'assurer auprès des DDTEFP du respect de cette règle, compte tenu de l'état d'avancement de l'informatisation des autorisations de travail. Il faudra en effet envisager que l'application informatique de la main-d'oeuvre étrangère, dont la mise en oeuvre effective est espérée pour 2007, prévoie une totalisation automatique et une alerte nominative pour tout travailleur enregistré comme saisonnier afin que la DDTEFP concernée ne délivre pas une autorisation de travail, c'est-à-dire ne vise pas en fait le ou les contrats saisonniers, en cas de durée supérieure à six mois, en tenant compte des périodes antérieures d'emploi. Le contrôle efficace de la durée cumulée de six mois ne pourra donc pas se faire avant l'informatisation des services de main-d'oeuvre étrangère des DDTEFP.

« Par ailleurs, il faudra vérifier que les titulaires de cette carte ne séjournent pas plus de six mois par an en France. Le pouvoir réglementaire devra prévoir des modalités de contrôle appropriées, par exemple accompagner la carte de séjour d'un document à faire viser par les services de la police aux frontières à chaque entrée et sortie du territoire ».

Le premier amendement adopté tend donc à prévoir que seraient indiquées sur la carte de séjour la ou les périodes de séjour en France. Le cumul de ces périodes ne pouvant excéder six mois par an. Les périodes de séjour seraient donc fixées à l'avance. Les six mois seraient appréciés sur une année civile et non sur une période de douze mois en glissement.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le travailleur saisonnier aurait la possibilité de modifier d'une année sur l'autre ses périodes de séjour. Elles ne seraient donc pas figées pour trois années.

Le second amendement renvoie à un décret le soin de déterminer les modalités selon lesquelles l'autorité administrative s'assure du respect des durées maximales de séjour en France et d'exercice d'une activité professionnelle.

Le 5° nouveau du texte proposé pour l'article L. 313-10 du CESEDA a été introduit par un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Il a pour objet une catégorie supplémentaire de carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle : la carte « salarié en mission ».

Elle s'adresse aux salariés étrangers détachés par un employeur établi hors de France lorsque ce détachement s'effectue entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe, conformément au 2° du I de l'article L. 342-1 du code du travail.

Cet article du code du travail, rétabli par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, définit les différents cas de travailleurs détachés. Seul le cas des étrangers détachés au sein d'une même entreprise ou d'un même groupe est ici visé.

Cela concernerait essentiellement les cadres expatriés, d'autant que le projet de loi ajoute la condition d'une rémunération brute au moins égale à 1,5 fois le SMIC.

Le texte rappelle que, conformément à l'article L. 342-3 du code du travail rétabli par la loi du 2 août 2005, les employeurs qui détachent un salarié de la sorte sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, en matière de législation du travail.

Enfin, cette carte « salarié en mission » serait valable pour une durée de trois années renouvelable. Elle permettrait à son titulaire d'entrer en France à tout moment pour y être employé dans un établissement ou une entreprise.

• La position de votre commission des lois

Concernant la carte « salarié » ou « travailleur temporaire » , votre commission vous soumet un amendement précisant que la liste définissant les métiers et les zones géographiques connaissant des difficultés de recrutement est établie « au plan national ». Au cours des débats à l'Assemblée nationale, un doute persistait sur le point de savoir si la liste serait établie au niveau national ou régional. Pour assurer la cohérence de l'ensemble du dispositif, notamment avec l'ouverture simultanée du marché du travail aux ressortissants des nouveaux Etats membres, une liste nationale semble préférable.

Concernant les ressortissants des nouveaux Etats membres , un amendement de la commission tend, de la même façon qu'à l'article 7, à supprimer les dispositions correspondantes afin de les regrouper au sein d'un même article L.121-2 du CESEDA (voir l'article 16 du projet de loi).

Concernant les titulaires de la carte « salarié en mission » , votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet :

- d'étendre le bénéfice de cette carte de trois ans aux étrangers détachés au sein d'un même groupe mais titulaires d'un contrat de travail établi en France. On parle alors « d'impatriation ». Afin d'aider les groupes multinationnaux français à conserver leurs meilleurs cadres étrangers en facilitant leur mobilité au sein du groupe, le contrat d'impatriation offre plusieurs avantages. Il permet une plus grande souplesse sur la durée, assurant ainsi un lien plus fort avec la société-mère qui est française. Ce type de contrat concernerait dans certaines grandes entreprises plus de 40 % des cadres étrangers ;

- de faciliter la venue en France des membres de famille de ces personnes. Comme pour la carte « compétences et talents », le conjoint et les enfants se verraient remettre une carte « vie privée et familiale » renouvelable de plein droit durant les trois années de validité de la carte « salarié en mission ».

Sous réserve de deux autres amendements rédactionnels, votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 (art. L. 313-5 et L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Interdiction d'exercer une activité professionnelle pour tout employeur étranger dont le titre de séjour a été retiré pour recours au travail illégal

Cet article tend à modifier les articles L. 313-5 et L. 314-6 du CESEDA afin d'accroître les sanctions à l'encontre des employeurs étrangers qui emploient des étrangers non munis d'un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France.

Les sanctions à l'encontre des personnes physiques employant des étrangers non autorisés à travailler sont de plusieurs ordres.

• Les sanctions pénales

Modifié par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, l'article L. 364-3 du code du travail punit cette infraction de cinq ans d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. Ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée, l'amende étant appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés.

Par ailleurs, l'article L. 364-9 du code du travail prévoit que l'interdiction du territoire français peut être prononcée pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif à l'encontre de tout étranger coupable de cette infraction.

• Les sanctions administratives

Les employeurs d'un étranger sans titre de travail doivent acquitter à l'ANAEM une contribution spéciale, visée à l'article L. 341-7 du code du travail. Son montant est égal à mille fois le taux horaire du minimum garanti mentionné à l'article L. 141-8 du code du travail, soit 3.110 euros par travailleur irrégulier.

La loi du 26 novembre 2003 a par ailleurs créé une contribution forfaitaire des frais de réacheminement de l'étranger employé dans son pays d'origine. Le décret d'application n'est malheureusement toujours pas paru.

Enfin, lorsque l'employeur est un étranger, les articles L. 313-5 et L. 314-6 du CESEDA permettent respectivement de lui retirer sa carte de séjour temporaire ou sa carte de résident.

Les 1° et 2° du présent article ont pour objet de permettre à l'administration, pendant trois années, de refuser d'accorder le droit d'exercer une activité professionnelle à un employeur s'étant vu retirer sa carte de séjour temporaire ou sa carte de résident en application des articles L. 313-5 ou L. 314-6 du CESEDA.

Cette faculté ne serait ouverte qu'à l'encontre des employeurs ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français 62 ( * ) consécutive au retrait du titre de séjour.

Le délai de trois années pendant lequel l'administration pourrait refuser d'autoriser l'employeur à exercer une activité professionnelle courrait à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français.

Cette interdiction d'exercer une activité professionnelle n'interdit pas à l'employeur de venir en France. Elle n'est pas assimilable à une peine d'interdiction judiciaire du territoire français ou à une mesure d'expulsion. Elle permet seulement à l'administration de refuser à l'employeur de lui accorder un titre de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle quelle qu'elle soit.

L'Assemblée nationale n'a adopté aucun amendement.

Afin de faire figurer dans un même article l'ensemble des cas permettant de retirer une carte de séjour temporaire, votre commission vous soumet un amendement prévoyant que la carte de séjour temporaire « étudiant » peut être retirée à l'étudiant étranger qui travaille au-delà de la limite d'un temps partiel annualisé (voir le commentaire de l'article 7).

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 11 ainsi modifié .

Article 11 bis (nouveau) (art. L. 364-8 du code du travail)
Aggravation des peines applicables aux employeurs d'étrangers sans titre de travail

Cet article a été introduit par un amendement de M. Jérôme Rivière adopté par l'Assemblée nationale. Il a pour objet d'aggraver encore les sanctions pénales à l'encontre des employeurs de main d'oeuvre irrégulière.

L'article L. 364-8 du code du travail définit les peines complémentaires encourues par les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles L. 364-3 (employer un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France) et L. 364-5 (se faire remettre ou tenter de se faire remettre des fonds, des valeurs ou des biens mobiliers en vue ou à l'occasion de l'introduction en France d'un travailleur étranger ou de son embauchage) du code du travail.

Ces peines complémentaires très diverses sont définies du 1° au 5° de l'article L. 364-8 du code du travail :

- l'interdiction, pour cinq ans maximum, d'exercer directement ou par personne interposée l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

- l'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;

- l'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

- l'affichage ou la diffusion du jugement prononcé ;

- l'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;

- la confiscation des objets ayant servi à commettre l'infraction ainsi que les objets qui en sont le produit.

Le projet de loi tend à étendre le champ d'application de l'article L. 364-8 à deux nouvelles infractions :

- la commission en récidive de l'infraction d'interdiction pour une entreprise de travail temporaire de mettre à la disposition de quelque personne que ce soit des travailleurs étrangers si la prestation de service doit s'effectuer hors du territoire français. L'article L. 364-1 du code du travail dispose que cette infraction commise en récidive est punie de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende;

- le fait de se rendre coupable de fraude ou de fausses déclarations pour obtenir, faire obtenir ou tenter de faire obtenir à un étranger un titre l'autorisant à exercer une profession salariée. L'article L. 364-2 du code du travail punit d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende cette infraction.

Sous réserve d'un amendement rédactionnel, votre commission vous propose d'adopter l'article 11 bis ainsi modifié .

Article 12 (art. L. 315-1, art. L. 315-2 à L. 315-6 [nouveaux] et art. L. 317-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Création de la carte de séjour « compétences et talents »

Cet article tend à créer un nouveau titre de séjour, assimilable ni à la carte de séjour temporaire, ni à la carte de résident 63 ( * ) .

1. Le texte soumis au Sénat

Le paragraphe I du présent article tend à déplacer les dispositions en vigueur du chapitre V du titre I du livre III du CESEDA dans un nouveau chapitre VII du même titre. L'article L. 315-1, unique article du chapitre V, deviendrait l'article L. 317-1.

Rappelons que le chapitre V en vigueur est relatif à la carte de séjour portant la mention « retraité ». Aucune disposition ne serait modifiée.

Le paragraphe II du présent article tend à insérer, dans le chapitre V précité et vidé de ses dispositions actuelles, huit articles définissant le régime et les conditions de délivrance de la carte de séjour « compétences et talents » (articles L. 315-1 à L.315-6 nouveaux). Le chapitre V serait intitulé : « La carte de séjour portant la mention « compétences et talents »

Cette carte est une des principales innovations du projet de loi. Les articles 1, 2 et 3 de celui-ci précisent également certaines des caractéristiques de ce titre de séjour original.

La carte de séjour « compétences et talents » a été conçue pour attirer en France des personnalités remarquables, à haut potentiel, et pour faciliter leur séjour. Le public visé est assez restreint en nombre mais extrêmement large du point de vue des secteurs d'excellence intéressés.

• Les critères pour sa délivrance

L'article L. 315-1 prévoit que la carte de séjour « compétences et talents » « peut être 64 ( * ) accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique et au rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif de la France ou du pays dont il a la nationalité ».

A l'initiative de l'Assemblée nationale, il a été ajouté que le rayonnement de la France ou du pays d'origine pouvait s'entendre aussi au sens du rayonnement scientifique et humanitaire.

Le nouvel article L. 315-2 tend à préciser les conditions d'attribution de cette carte lorsque les conditions précédentes sont réunies. Seraient pris en compte, outre les aptitudes de l'étranger, le contenu de son projet et la nature de l'activité qu'il entend exercer. Serait aussi examiné l'intérêt de ce projet et de cette activité pour la France et le pays dont l'étranger a la nationalité.

Le projet de loi initial faisait également référence à la personnalité de l'étranger. A la suite d'un amendement déposé par le groupe Communistes et Républicains, l'Assemblée nationale a préféré supprimer cette notion trop subjective.

Pour mieux encadrer les critères d'attribution de cette carte, les députés ont adopté un amendement de M. Claude Goasguen insérant un nouvel article L. 315-2 et tendant à créer une Commission nationale des compétences et des talents. Elle serait chargée de fixer chaque année des critères afin d'aider le ministre de l'intérieur, autorité décisionnelle, à apprécier l'opportunité d'accorder ou non la carte « compétences et talents ».

• L'examen de la demande

L'article 2 du projet de loi dispose que l'octroi de la carte « compétences et talents » est subordonnée à la production d'un visa de long séjour.

Pour simplifier la procédure de délivrance de cette carte et épargner des formalités administratives à son titulaire, un amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale prévoit que l'étranger peut déposer en même temps sa demande de carte auprès de l'autorité consulaire française territorialement compétente dans le pays où il a sa résidence habituelle.

Cet amendement dispose par ailleurs que l'autorité administrative compétente pour délivrer cette carte est le ministre de l'intérieur. Les consulats auraient une fonction de pré-sélection.

Lorsque la carte est accordée, elle est retirée si son titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour sa délivrance en application de l'article L. 311-8 du CESEDA inséré par l'article 3 du projet de loi. Il reviendra à la Commission nationale des compétences et des talents d'interpréter cette faculté de retrait.

Par ailleurs, l'article L. 315-5 créé par le présent article prévoit qu'elle peut être retirée pour les motifs et dans les conditions mentionnés à l'article L. 315-5 du CESEDA. Rappelons que cet article permet de retirer la carte de séjour temporaire à un étranger passible de poursuites pénales pour une série d'infractions. 65 ( * ) Il permet également le retrait de cette carte à un employeur employant des étrangers sans titre de travail ainsi qu'à l'étranger qui exerce une activité professionnelle sans y être autorisé.

• Les droits offerts par cette carte

Accordée pour une durée de trois ans renouvelable, cette carte permettrait à son titulaire d'exercer toute activité professionnelle de son choix (article L. 315-3 nouveau).

Toutefois, cette liberté de choix est tempérée par les articles L. 315-2 et L. 315-3-1 nouveaux. Tout d'abord, l'article L. 315-2 prévoit expressément que la carte « compétences et talents » est attribuée au vu du contenu du projet de l'étranger et de la nature de l'activité qu'il se propose d'exercer. L'intérêt de ce projet pour la France et pour le pays d'origine serait aussi pris en considération.

Par conséquent, si un titulaire de cette carte décidait d'exercer une activité professionnelle n'ayant aucun lien avec le projet ou l'activité évoqué lors de la demande de délivrance, la carte devrait être retirée au motif que les conditions exigées pour sa délivrance ne seraient plus réunies.

Par ailleurs, l'article L. 315-3-1 nouveau, issu d'un amendement de Mme Christine Boutin sous-amendé par le rapporteur de l'Assemblée nationale, tend à faire peser sur les titulaires de cette carte ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire l'obligation, pendant la durée de validité de la carte, d'apporter leur concours à une action de coopération ou d'investissement économique. Cette action de co-développement serait définie par la France avec le pays dont l'étranger a la nationalité.

La Zone de solidarité prioritaire (ZSP) a été définie par le Gouvernement français en février 1998 comme celle où l'aide publique, engagée de manière sélective et concentrée peut produire un effet significatif et contribuer à un développement harmonieux des institutions, de la société et de l'économie. Elle se compose de pays parmi les moins développés en termes de revenus, n'ayant pas accès au marché des capitaux.

La Zone de solidarité prioritaire (ZSP) dont les contours peuvent évoluer sur décision du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a été déterminée lors de la demière réunion de cette instance le 14 février 2002.

Elle regroupe désormais les pays suivants : Liban, Territoires autonomes palestiniens, Yemen, Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Gambie, Guinée, Guinée-Bissao, Guinée-Equatoriale, Kénya, Libéria, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigéria, Ouganda, R.D.du Congo, Rwanda, Sao-Tomé et Principe, Sénégal, Sierra Léone, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Zimbabwe, Cambodge, Laos, Vietnam, Cuba, Haïti, République Dominicaine, Surinam et Vanuatu.

La carte « compétences et talents » ouvrirait le bénéfice de plein droit de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pour le conjoint et les enfants de son titulaire. Le renouvellement de la carte de séjour temporaire serait aussi de plein droit durant toute la période de validité de la carte « compétences et talents ».

Enfin, rappelons que l'article premier du projet de loi dispose que cette carte permet de solliciter la délivrance d'une carte de résident dans les conditions de droit commun.

2. La position de votre commission des lois

La carte « compétences et talents » est un dispositif innovant dont la réussite dépendra autant de sa définition que de sa mise en oeuvre. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, une petite structure ad hoc devrait être constituée au sein du ministère de l'intérieur pour gérer ce dispositif.

La procédure administrative de délivrance de cette carte devra s'affranchir autant que possible des lourdeurs administratives habituelles. A cet égard, comme l'a souligné M. François Barry Delongchamps, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France au ministère des affaires étrangères, il est à ce jour difficile de savoir comment les populations de certains pays vont percevoir cette nouvelle voie d'entrée en France.

Votre commission approuve néanmoins la carte « compétences et talents » qui doit préserver les intérêts réciproques de la France et du pays d'origine. Afin de renforcer cette réciprocité, votre commission vous soumet un amendement prévoyant que lors de l'examen de la demande de renouvellement de la carte « compétences et talents », il est tenu compte du respect effectif de l'obligation de participer à une action de développement pendant la durée de validité de cette carte, lorsque le titulaire de la carte est un ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire.

Par ailleurs, l'article 30 du projet de loi prévoyant que le regroupement familial ne serait plus possible pour les conjoints mineurs, votre commission vous soumet, par cohérence , un amendement en disposant de même pour le conjoint d'un titulaire de la carte « compétences et talents ».

Sous réserve de trois autres amendements rédactionnels, votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (art. L. 341-2, L. 341-4 et L. 831-1 du code du travail)
Conditions d'attribution et de validité des autorisations de travail

Cet article tend à modifier le régime d'attribution et de validité des autorisations de travail délivrées aux travailleurs étrangers salariés prévu par le code du travail.

Les paragraphes I et II de cet article tendent à supprimer la référence au certificat médical dans l'article L. 341-2 du code du travail pour la déplacer dans l'article L.341-4 du même code.

L'article L. 341-2 du code du travail qui concerne les seuls étrangers entrant en France pour y exercer une profession salariée prévoit que, pour entrer en France, un étranger doit présenter, outre les visas exigés et un contrat de travail visé par l'autorité administrative, un certificat médical.

L'article L. 341-4 du même code est lui relatif à l'ensemble des étrangers exerçant ou désirant exercer une activité professionnelle salariée en France. Outre les étrangers venant en France pour travailler, il s'applique aux étrangers résidant déjà régulièrement en France mais n'étant pas autorisés à exercer une profession salariée et souhaitant l'être.

Si cet article ne prévoit pas de certificat médical, en revanche l'article R. 341-3 du code du travail dispose que l'étranger qui séjourne régulièrement en France peut être autorisé à travailler sous la condition, entre autres, d'être reconnu médicalement apte au travail par l'ANAEM.

Le premier alinéa du texte proposé par le paragraphe II du présent article pour l'article L. 341-4 du code du travail a donc pour objet de donner une base législative à l'obligation générale d'être reconnu apte médicalement par l'ANAEM à exercer une profession salariée en France. De manière générale, un étranger ne pourrait exercer une activité professionnelle salariée en France sans s'être fait délivrer un certificat médical.

Selon la même logique, le texte prévoit que les étudiants exerçant à titre accessoire une profession salariée (voir l'article 7 du projet de loi) devraient dans les mêmes conditions obtenir une autorisation préalable de travailler ainsi qu'un certificat médical.

Toutefois, par coordination avec un amendement à l'article 7 du projet de loi tendant à substituer au mécanisme de l'autorisation préalable de travailler un système déclaratif, votre commission vous soumet un amendement supprimant la référence dans le présent article à l'autorisation de travail délivrée aux étudiants étrangers.

Les autres dispositions du paragraphe II réécrivent les alinéas deux, trois et quatre de l'article L. 341-4 du code du travail.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 341-4 du code du travail a pour objet de préciser que l'autorisation de travail délivrée pour une activité professionnelle salariée peut être limitée à certaines activités professionnelles ou zones géographiques. Ceci vaudrait pour l'ensemble des autorisations de travail délivrées pour une activité salariée 66 ( * ) . Le troisième alinéa de l'article L. 341-4 en vigueur permet déjà de telles restrictions, mais seulement pour la carte de séjour temporaire « salarié ».

Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 341-4 du code du travail tend à prévoir que l'autorisation de travail délivrée en France métropolitaine ne vaudrait qu'en France métropolitaine.

D'ores et déjà, l'article L. 341-4 du code du travail ainsi que l'article L. 314-4 du CESEDA disposent que l'autorisation de travail délivrée sous la forme d'une carte de résident donne le droit de travailler « sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine ». En outre, l'article R. 341-1 du code du travail dispose que l'autorisation d'exercer une activité salariée est valable soit dans un ou plusieurs départements, soit sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cela signifie en creux qu'elle ne peut valoir dans les départements d'outre-mer.

Le présent article donne donc une base législative à ce principe général selon lequel une autorisation délivrée en métropole n'est pas valable dans les DOM. Cette disposition doit être rapprochée de l'article 72 du projet de loi qui prévoit symétriquement qu'une autorisation délivrée dans un DOM ne vaut que dans celui-ci.

Le quatrième alinéa du texte proposé pour l'article L. 341-4 du code du travail a pour objet d'autoriser les services instructeurs des autorisations de travail, c'est-à-dire les DDTEFP, à échanger tous renseignements ou documents avec :

- les organismes concourant au service public de l'emploi mentionnés à l'article L. 311-1 du code du travail, c'est-à-dire pour l'essentiel les services de l'Etat chargés de l'emploi, l'Agence nationale pour l'emploi, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes et les agences de placement privées et les entreprises de travail par intérim ;

- les organismes gérant un régime de protection sociale ;

- le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale prévu à l'article L. 767-1 du code de la sécurité sociale qui assure le rôle d'organisme de liaison entre les institutions de sécurité sociale françaises et les institutions de sécurité sociale étrangères ;

- les caisses assurant le service des congés payés mentionnés au livre VII (partie réglementaire-décrets simples) du code du travail. Ces caisses gèrent le service des congés payés dans certaines professions, comme celles du bâtiment et des travaux publics, par dérogation au principe selon lequel l'employeur règle les congés payés à ses salariés.

Ces échanges d'informations ne seraient autorisés que pendant la phase d'instruction de la demande d'autorisation de travail. Au cours des débats, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a expliqué que ces échanges d'informations aideraient à identifier les besoins de main d'oeuvre et l'état du marché de l'emploi avant d'accorder une autorisation de travail. Il a ajouté qu'il s'agirait de données non nominatives relatives aux activités professionnelles.

Le paragraphe III du présent article tend à compléter l'article L. 341-4 du code du travail par un alinéa prévoyant qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application.

Le paragraphe IV , ajouté par l'Assemblée nationale, est une coordination avec l'article L. 831-1 du code du travail.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 13 ainsi modifié .

Article 13 bis (nouveau) (art. L. 325-7 [nouveau] du code du travail)
Accès aux fichiers des autorisations de travail et des titres de séjour

Cet article, issu d'un amendement de M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à insérer un nouvel article L. 325-7 dans le code du travail afin de permettre :

- aux agents chargés de la délivrance des titres de séjour, c'est-à-dire les agents des préfectures, de consulter le fichier des autorisations de travail tenu par les DDTEFP ;

- et, réciproquement, aux inspecteurs du travail, contrôleurs du travail et fonctionnaires assimilés de consulter le fichier des titres de séjour des étrangers tenu par les préfectures, dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le présent article limite ces consultations au seul objectif de la lutte contre le travail illégal. Il n'autorise pas l'interconnexion des fichiers.

Un sous-amendement a précisé que seuls des agents individuellement désignés et dûment habilités pourraient consulter ces fichiers.

Selon l'auteur de cet amendement, cette consultation réciproque est indispensable pour vérifier la validité, non seulement de l'autorisation de travail, mais aussi du titre de séjour de l'étranger. En effet, Si l'étranger est titulaire d'une autorisation spécifique de travail, celle-ci relève d'abord des services du ministère de l'emploi (DDTEFP), alors que si l'autorisation de travail est la conséquence de la détention d'un titre de séjour - carte de résident ou carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » -, elle figure au fichier des titres de séjour du ministère de l'intérieur.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 13 bis sans modification .

Article 14 (art. L. 341-6 du code du travail)
Obligation pour les employeurs de vérifier la validité de l'autorisation de travail

Cet article tend à obliger l'employeur à s'assurer directement auprès des administrations compétentes que l'étranger qu'il embauche est autorisé à exercer l'emploi considéré.

L'article L. 341-6 du code du travail dont la rédaction en vigueur est issue de la loi n° 89-488 du 10 juillet 1989 dispose que « nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ».

De la même façon, il est interdit d'employer un étranger dans une profession ou une zone géographique autre que celles mentionnées, le cas échéant, par l'autorisation de travail.

Lorsque le salarié est de nationalité étrangère, les employeurs ont déjà l'obligation de s'assurer de la détention d'une autorisation de travailler. L'article R. 620-3 du code du travail 67 ( * ) dispose que le registre du personnel tenu dans chaque établissement employant des salariés doit comporter notamment : la nationalité des salariés et,« pour les travailleurs étrangers assujettis à la possession d'un titre autorisant l'exercice d'une activité salariée, le type et le numéro d'ordre du titre valant autorisation de travail ».

Pour lutter contre les faux titres de séjour, les employeurs peuvent déjà consulter les services des préfectures ou du ministère de l'emploi afin de vérifier l'authenticité des titres.

Toutefois, il ne s'agit que d'une faculté.

Le présent article complète donc l'article L. 341-6 du code du travail par un alinéa tendant à rendre obligatoire pour l'employeur la vérification auprès de l'administration compétente de l'existence de l'autorisation de travail. Le projet de loi initial demandait la vérification de la validité du titre au lieu de sa simple existence. Il semble en effet moins lourd pour l'employeur de s'assurer uniquement de son existence. C'est aux services compétents d'assurer de la validité des titres qu'ils délivrent.

Le présent article dispense toutefois les employeurs de cette obligation lorsque l'étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'ANPE. Cet organisme s'assure déjà obligatoirement de la validité de l'autorisation de travail.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 14 sans modification.

Article 15 (art. L. 341-6-4 du code du travail)
Extension des obligations à la charge des donneurs d'ordre aux fins de la lutte contre l'emploi d'étranger sans titre de travail

Cet article étend la responsabilité des donneurs d'ordre afin de mieux les responsabiliser vis-à-vis de leurs cocontractants et sous-traitants.

Créée en 1976, la contribution spéciale due à l'ANAEM, visée à l'article L. 341-7 du code du travail, est une amende administrative à la charge des entreprises qui emploient des étrangers dépourvus d'autorisation de travail. Son montant est égal à mille fois le taux horaire du minimum garanti mentionné à l'article L. 141-8 du code du travail, soit 3.110 euros par travailleur irrégulier.

Les donneurs d'ordre peuvent être également redevables de cette amende administrative. En effet, l'article L. 341-6-4 du code du travail les oblige à s'assurer, dès lors que l'objet du contrat porte sur une obligation d'un montant supérieur à 3.000 euros, que leur cocontractant se conforme bien aux dispositions de l'article L. 341-6 du même code, interdisant l'emploi d'étrangers sans titre. A défaut, ils sont tenus solidairement responsables avec l'employeur de l'étranger du paiement de la contribution spéciale due à l'ANAEM.

Le projet de loi accroît la responsabilité des donneurs d'ordre à trois égards.

En premier lieu, le 1° du présent article prévoit que le donneur d'ordre doit s'assurer tous les six mois, et non uniquement lors de la conclusion du contrat, que le cocontractant n'emploie pas d'étrangers sans titre de travail.

Si cette mesure responsabilise encore plus les donneurs d'ordre, sa portée ne doit pas être surestimée.

En effet, en application de l'article R. 341-36 du code du travail, les donneurs d'ordre peuvent s'exonérer de leur responsabilité s'ils fournissent, ce qu'ils manquent rarement de faire, une attestation sur l'honneur, remise par leur cocontractant, certifiant que les salariés étrangers auxquels il sera fait appel pour l'exécution du contrat seront en situation régulière au regard de la législation du travail.

En deuxième lieu, le 2° du présent article prévoit d'étendre aux particuliers cette obligation de vérification 68 ( * ) , le deuxième alinéa de l'article L. 341-6-4 en vigueur exonérant de cette obligation « le particulier qui conclut un contrat pour son usage personnel, celui de son conjoint, de ses ascendants ou descendants ». Toutefois, ils n'auraient à s'en acquitter que lors de la conclusion du contrat au lieu de tous les six mois.

Selon le projet de loi initial, les particuliers n'auraient été soumis à cette obligation qu'à partir d'un seuil fixé à 30.000 euros, contre 3.000 euros pour les professionnels.

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale a aligné le seuil sur celui des professionnels estimant que le seuil de 30.000 euros retenu pour les particuliers reviendrait à les dispenser la plupart du temps de l'obligation de vérifier le respect de ses obligations par le cocontractant en matière d'emploi de main-d'oeuvre étrangère.

Les particuliers devraient s'acquitter de cette obligation par le moyen d'une attestation sur l'honneur demandée au cocontractant.

Le renforcement des sanctions contre les donneurs d'ordre est souhaitable, mais ne servira à rien si des progrès notables ne sont pas réalisés pour recouvrer la contribution spéciale due à l'ANAEM.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 69 ( * ) a attiré l'attention sur le difficile recouvrement de la contribution spéciale relevant que « si cette amende peut, en théorie, avoir un effet dissuasif, sa mise en oeuvre s'est révélée peu effective depuis plusieurs années. Le taux de recouvrement de la contribution est particulièrement faible, puisqu'il n'excède pas 20 %. [...] Peu de procédures pénales établies par les agents de contrôle, et qui servent incidemment de support au recouvrement de la contribution spéciale, contiennent les informations de base permettant d'engager la solidarité financière des donneurs d'ordre ».

La recommandation n° 39 de la commission d'enquête invitait à systématiser la mise en oeuvre des procédures de recouvrement de la contribution due à l'ANAEM et la recherche de la responsabilité des donneurs d'ordre.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur de la commission des lois insérant un bis au présent article et prévoyant que les donneurs d'ordre seraient également tenus solidairement responsables du paiement de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement. Cette nouvelle obligation, qui s'ajouterait à la contribution spéciale due à l'ANAEM, pèserait également sur les particuliers.

Cette contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du CESEDA a été créée par la loi du 26 novembre 2003. Elle est à la charge de l'employeur de l'étranger sans titre de travail qui est reconduit vers son pays d'origine.

Malheureusement, les mesures réglementaires nécessaires à sa mise en oeuvre n'ont pas encore été publiées. Votre commission veut croire que le fait que cette contribution soit issue d'un amendement parlementaire n'est pas une des explications de ce retard. A l'Assemblée nationale, le gouvernement a néanmoins annoncé que le décret d'application était inscrit au calendrier du Conseil d'Etat pour le 30 mai.

Au cours de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, avait indiqué que le montant de la contribution forfaitaire pourrait varier entre 5.000 et 10.000 euros par travailleur en situation irrégulière.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 15 sans modification.

Article 15 bis (nouveau) (art. L. 325-2-1 [nouveau] du code du travail)
Recours à des interprètes par les agents chargés de contrôler le respect de la réglementation sur la main d'oeuvre étrangère

Cet article, issu d'un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à insérer un nouvel article L. 325-2-1 dans le code du travail.

Il a pour objet de permettre aux différents agents chargés du contrôle de la réglementation du travail de faire appel à des interprètes assermentés si cela s'avère nécessaire à l'occasion d'un contrôle. Le contrôle de travailleurs étrangers est souvent compliqué par des difficultés de compréhension.

Les agents de contrôle qui bénéficieraient de cette faculté seraient ceux mentionnées à l'article L. 325-1 du code du travail qui renvoie lui-même à l'article L. 324-12 du code du travail. Il s'agit « des officiers et agents de police judiciaire, des agents de la direction générale des impôts et de la direction générale des douanes, les agents agréés à cet effet et assermentés des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole, les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et fonctionnaires de contrôle assimilés, les inspecteurs et les contrôleurs de travail maritime, les officiers et les agents assermentés des affaires maritimes, les fonctionnaires des corps techniques de l'aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés ainsi que les fonctionnaires ou agents de l'Etat chargés du contrôle des transports terrestres placés sous l'autorité du ministre chargé des transports ».

Ces agents pourraient donc faire appel à des interprètes assermentés inscrits sur l'une des listes prévues à l'article 157 du code procédure pénale. Il peut s'agir soit de la liste nationale dressée par la Cour de cassation, soit de l'une des listes dressées par les cours d'appel. Ces experts sont ceux auxquels peuvent faire appel toutes les juridictions d'instruction ou de jugement.

Le recours à des interprètes assermentés est indispensable, puisque les agents de contrôle précités peuvent constater de nombreuses infractions à la réglementation du travail au moyen de procès-verbaux transmis directement au parquet. Ces procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire. Ils sont également habilités à demander à toute personne se trouvant sur le lieu de travail de justifier de son identité et de son adresse.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 15 bis sans modification .

Article 15 ter (nouveau) (art. L. 341-7 du code du travail)
Aggravation du montant de la contribution spéciale à l'ANAEM en cas de récidive de l'employeur

Le présent article, issu d'un amendement du député Richard Mallié adopté par l'Assemblée nationale, tend à modifier l'article L. 341-7 du code du travail. Il a pour objet d'augmenter en cas de récidive le montant de la contribution spéciale due à l'ANAEM par l'employeur qui emploie des étrangers sans titre de travail.

Créée en 1976, la contribution spéciale due à l'ANAEM, visée à l'article L. 341-7 du code du travail, est une amende administrative à la charge des entreprises qui emploient des étrangers dépourvus d'autorisation de travail. Son montant est égal 70 ( * ) à mille fois le taux horaire du minimum garanti mentionné à l'article L. 141-8 du code du travail, soit 3.110 euros par travailleur irrégulier.

Dans le cadre du renforcement de la lutte contre le travail des étrangers non titulaires d'une autorisation de travail promu par le projet de loi, le présent article tend à prévoir qu'en cas de récidive, le montant minimum de cette contribution spéciale passerait de 500 à 5.000 fois le taux horaire du minimum garanti, ce qui équivaudrait à plus de 15.000 euros.

Sous réserve d'un amendement rédactionnel, votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 15 ter ainsi modifié .

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES RESSORTISSANTS DE L'UNION EUROPÉENNE ET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLE

Ce chapitre est composé d'un article unique.

Article 16 (art. L. 121-1, L. 121-2 à L. 121-5 [nouveaux] et L. 122-1 à L. 122-3 [nouveaux] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Droit au séjour en France des ressortissants communautaires et des membres de leur famille

Cet article a pour objet de transposer la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union ainsi que des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres.

Intitulé « Entrée et séjour des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen et des ressortissants suisses », le titre II comporte un chapitre unique, lui-même composé d'un article unique L. 121-1.

L'article L. 121-1 du CESEDA, issu de l'article 14 de la loi du 26 novembre 2003, pose le principe général selon lequel les ressortissants communautaires « ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour ». Toutefois, demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour les ressortissants des nouveaux États membres 71 ( * ) qui souhaitent exercer en France une activité économique.

Le détail du régime d'entrée et de séjour de ces ressortissants est actuellement précisé au niveau réglementaire, par le décret n° 94-211 du 11 mars 1994, modifié par le décret n° 2005-1332 du 24 octobre 2005.

Le présent article a pour objet de transposer au niveau législatif, au sein du titre II du livre premier du CESEDA, les grands principes dégagés par la directive. La date-limite de transposition a été fixée au 30 avril 2006.

Le paragraphe I du présent article tend à modifier l'intitulé du titre II précité afin d'y ajouter la mention des membres de la famille des ressortissants communautaires.

Le paragraphe II du présent article tend à remplacer le chapitre unique du titre II précité par deux chapitres : un chapitre premier intitulé « droit au séjour » composé des articles L. 121-1 à L. 121-5 et un chapitre II intitulé « droit au séjour permanent » composé des articles L. 122-1 à L. 122-3.

Ces deux chapitres distinguent le droit au séjour ordinaire de plus de trois mois reconnu, sous certaines conditions, aux ressortissants communautaires ou assimilés, d'une part, et le « droit au séjour permanent » reconnu plus largement à ces ressortissants après cinq années de présence légale en France.

Hormis l'obligation d'enregistrement des ressortissants communautaires prévue à l'article L. 121-2 ci-dessous et la création d'un droit au séjour permanent après cinq ans de présence légale, les dispositions ci-dessous sont pour l'essentiel identiques au droit en vigueur.

CHAPITRE PREMIER : DROIT AU SEJOUR
Article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Droit des ressortissants communautaires et des membres de leur famille à séjourner plus de trois mois en France

Cet article tend à transposer l'article 7 de la directive du 29 avril 2004. Il précise les conditions ouvrant droit, pour les ressortissants de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, à un séjour de plus de trois mois sur le territoire national 72 ( * ) . Lesdits ressortissants doivent donc relever de l'une des catégories suivantes :

-- exercer une activité professionnelle en France ;

-- disposer en France à la fois d'une assurance maladie et de « ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale » ;

-- être inscrit dans un établissement d'enseignement pour y suivre en France à titre principal des études, y compris une formation professionnelle tout en garantissant disposer de l'assurance et des ressources précitées ;

-- être le conjoint ou l'enfant à charge d'un ressortissant relevant de l'une des catégories précédentes ;

-- être l'ascendant ou le descendant direct à charge, l'ascendant ou le descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant relevant des deux premières catégories énumérées ci-dessus.

Les membres de famille relevant des deux dernières catégories ci-dessus peuvent aussi bien être des ressortissants communautaires ou extracommunautaires.

Toutefois, les autorités administratives peuvent opposer à ce droit au séjour une menace pour l'ordre public. La directive le permet, ainsi que pour des raisons de santé publique. Toutefois, la menace pour l'ordre public doit être particulièrement importante et caractérisée (article 27 de la directive). Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.

Votre commission vous soumet trois amendements rédactionnels ou de clarification à cet article.

Article L. 121-2 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Obligation d'enregistrement des ressortissants communautaires

Depuis la loi du 26 novembre 2003, les ressortissants communautaires ne sont plus tenus de détenir un titre de séjour.

Toutefois, cette mesure utile de simplification administrative ne permet plus de connaître le nombre de ressortissants communautaires établis en France.

L'article 8 de la directive du 29 avril 2004 autorise les Etats membres, s'ils le souhaitent, à imposer aux citoyens de l'Union de se faire enregistrer auprès des autorités compétentes. A l'occasion de cet enregistrement, il peut être exigé la présentation d'un titre d'identité, une promesse d'embauche, une inscription dans un établissement agréé... Pour les membres de la famille de citoyens de l'Union, peut être demandé un document attestant de l'existence d'un lien de parenté. La directive dispose que le non respect de cette obligation peut être passible de sanctions non discriminatoires et proportionnées.

Le présent article retient ce mécanisme d'enregistrement. Les citoyens de l'Union disposeraient de trois mois à compter de leur arrivée pour se faire enregistrer. L'enregistrement se ferait auprès du maire de la commune de résidence. Le projet de loi initial ne précisait pas auprès de quelle autorité administrative elle se ferait.

Le projet de loi ne précise toutefois pas, si les documents exigibles le seront effectivement lors de l'enregistrement.

En revanche, le second alinéa du présent article reprend les termes du troisième alinéa de l'article L. 121-1 en vigueur qui dispose que les ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union qui souhaitent exercer une activité professionnelle en France demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour pendant la durée de validité des mesures transitoires.

Votre commission vous soumet un amendement regroupant au sein de cet article l'ensemble des dispositions relatives au séjour de ces ressortissants des nouveaux Etats membres. Sont ainsi transférées des dispositions figurant aux articles 7 et 10 du projet de loi.

Article L. 121-3 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Obligation de détention d'un titre de séjour pour les membres de la famille, ressortissants d'un Etat tiers

Le présent article dispose que le membre de la famille, ressortissant extracommunautaire, doit être muni d'une carte de séjour s'il a plus de dix-huit ans ou plus de seize ans lorsqu'il désire travailler.

La carte ainsi délivrée ne peut avoir une durée de validité inférieure à cinq ans. Si la durée du séjour envisagée du citoyen de l'Union est inférieure à cinq ans, la carte peut avoir une durée correspondante. La carte ainsi délivrée porte la mention « carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ». Elle donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle sur l'ensemble du territoire.

Ces dispositions sont conformes aux articles 9 et 10 de la directive précitée.

Article L. 121-4 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Refus de séjour et éloignement des ressortissants communautaires et des membres de leur famille

Cet article prévoit que les ressortissants communautaires ou les membres de leur famille peuvent faire l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de la carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement :

- s'ils ne peuvent pas justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ci-dessus ;

- s'ils constituent une menace à l'ordre public.

Votre commission a adopté un amendement supprimant une mention inutile.

Article L. 121-5 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Décret en Conseil d'Etat

Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du chapitre premier. Les quatre articles précédents ne font que reprendre les grands principes de la directive.

CHAPITRE II : DROIT AU SEJOUR PERMANENT

Ce chapitre transpose les articles 16 à 18 de la directive du 29 avril 2004.

Article L. 122-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Droit au séjour permanent

Cet article prévoit l'acquisition par les ressortissants communautaires ou assimilés et les membres de leur famille, bénéficiant déjà du droit au séjour en France en vertu des dispositions du précédent chapitre, d'un droit permanent à séjourner sur le territoire national, à une double condition :

- avoir résidé en France depuis au moins cinq ans sans interruption et en toute légalité. Il est en outre exigé des membres de leur famille, ressortissants d'un Etat tiers, qu'ils aient résidé en France de manière ininterrompue et légale pendant les cinq années précédentes avec le ressortissant communautaire précité ;

- ne pas menacer l'ordre public.

Le droit au séjour permanent est plus favorable que le droit au séjour ordinaire :

- le ressortissant ayant acquis un droit au séjour permanent en France ne peut plus le perdre s'il cesse de remplir les conditions prévues au chapitre précédent, notamment s'agissant des conditions de ressources et de l'obligation de disposer d'une assurance maladie ;

- les membres de la famille du ressortissant, ayant la nationalité d'un État tiers, bénéficient d'une carte de séjour valable dix ans renouvelable de plein droit.

Par ailleurs, l'article 28 de la directive protège les bénéficiaires du droit au séjour permanent contre les décisions d'éloignement, sauf pour des motifs graves d'ordre public ou de sécurité publique. Cette disposition n'est toutefois pas reprise par le présent article.

Article L. 122-2 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Perte du droit au séjour permanent

Cet article prévoit, conformément à la directive, qu'une absence du territoire français pendant une période de plus de deux années consécutives fait perdre à son titulaire le bénéfice du droit au séjour permanent.

Toutefois, il peut toujours bénéficier du droit au séjour « ordinaire » défini au chapitre premier.

Article L. 122-3 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Décret en Conseil d'Etat

Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent chapitre.

Il déterminera en particulier les cas dans lesquelles le droit au séjour permanent est acquis dans des conditions dérogatoires au délai de cinq ans fixé à l'article L. 122-1 ci-dessus. En effet, l'article 17 de la directive prévoit une série de dérogations permettant aux travailleurs ayant cessé leur activité dans l'Etat membre d'accueil et aux membres de leur famille d'obtenir un droit au séjour permanent avant l'écoulement d'une période ininterrompue de cinq ans.

Il semble nécessaire de préciser dans la loi de quelle sorte de dérogation il est question. A défaut, le législateur n'assumerait pas toute sa compétence. Votre commission vous soumet un amendement en ce sens.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 16 ainsi modifié.

CHAPITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTRANGERS BÉNÉFICIANT DU STATUT DE RÉSIDENT DE LONGUE DURÉE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

Ce chapitre tend à transposer la directive n° 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée. La date-limite de transposition était fixée au 23 janvier 2006.

Ce chapitre se compose de six articles. Les articles 17, 18 et 19 du projet de loi précisent le régime applicable au séjour en France des étrangers ayant obtenu, dans un autre État membre de l'Union européenne, le statut de résident de longue durée-CE (RLD-CE) ; les articles 20, 21 et 22 définissent les conditions d'attribution du statut de RLD-CE en France.

Article 17 (art. L. 313-4-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Conditions applicables aux étrangers ayant obtenu le statut de RLD-CE dans un autre Etat membre pour bénéficier du droit au séjour en France

Cet article tend à insérer un nouvel article L. 313-4-1 au sein d'une section du CESEDA consacrée aux dispositions générales applicables à la carte de séjour temporaire.

Le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 313-4-1 dispose qu'un étranger titulaire de la carte RLD-CE 73 ( * ) délivrée par un autre Etat membre de l'Union peut se voir accorder un droit au séjour en France :

- s'il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille. Le septième alinéa du texte proposé pour l'article L. 313-4-1 précise que les ressources sont appréciées indépendamment des prestations familiales et de diverses allocations 74 ( * ) 75 ( * ) . Le projet de loi initial disposait que ces ressources, celles du demandeur et, le cas échéant, celles du conjoint, devaient être au moins égales au salaire minimum de croissance mensuel. Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé la référence au caractère mensuel du SMIC, indiquant que les ressources du demandeur étaient calculées sur une base annuelle. Cet amendement précise également que les ressources « sont appréciées au regard des conditions de logement ». Bien que la rédaction n'en soit pas très claire, cette précision a pour objet de moduler le niveau de ressources exigé en fonction de la taille du logement nécessaire pour héberger l'ensemble de la famille. Enfin, un amendement présenté par M. Georges Mothron prévoit que le maire de la commune de résidence de l'étranger émet un avis simple sur l'appréciation du niveau de ressources de celui-ci au regard des conditions de logement. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois 76 ( * ) ;

- s'il justifie d'une assurance maladie ;

- s'il en fait la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France.

L'obligation de visa de long séjour prévue à l'article L. 311-7 du CESEDA n'est toutefois pas exigée.

Si ces conditions sont réunies, l'étranger a droit aux cartes de séjour temporaire portant les mentions « visiteur », « étudiant », « scientifique » ou « profession artistique et culturelle ».

Il peut également bénéficier d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle prévue aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10 du CESEDA modifié par l'article 10 du projet de loi. Il s'agit respectivement de la carte « salarié », de la carte autorisant l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale et de la carte délivrée à l'étranger qui vient exercer une activité professionnelle non soumise à autorisation.

Dans tous les cas précités, l'étranger RLD-CE peut obtenir la carte de séjour temporaire seulement s'il remplit les conditions normales de sa délivrance.

Cela signifie notamment que pour l'obtention de la carte de séjour temporaire « salarié », la situation de l'emploi lui est opposable. Remarquons que l'article 14 de la directive autorise les Etats membres à appliquer ce genre de restrictions à ces étrangers. Toutefois, la directive ne l'impose pas. Le projet de loi fait donc le choix de rendre la situation de l'emploi opposable.

L'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 313-4-1 exclut du bénéfice du droit au séjour en France les étrangers RLD-CE y séjournant en tant que travailleur salarié détaché par un prestataire de services dans le cadre d'une prestation transfrontalière ou en tant que prestataire de services transfrontaliers. Cette exclusion est prévue par l'article 14 de la directive du 25 novembre 2003.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 17 sans modification .

Article 18 (art. L. 313-11-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Délivrance d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux membres de la famille d'un étranger ayant obtenu le statut de RLD-CE dans un Etat membre et séjournant en France

Cet article tend à insérer un nouvel article L. 313-11-1 dans la sous-section 6 du chapitre III du titre I du livre III du CESEDA relative à la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Il crée un nouveau cas de délivrance de cette carte.

Il prévoit que les conjoints et enfants d'un étranger ayant le statut de RLD-CE et résidant en France sous le couvert de l'une des cartes de séjour temporaire fixées par l'article L. 313-4-1 nouveau créé par l'article 17 du projet de loi peuvent bénéficier d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » selon des modalités allégées par rapport à celles applicables en matière de regroupement familial.

Le paragraphe I du texte proposé pour l'article L. 313-11-1 est relatif au conjoint de l'étranger.

La carte « vie privée et familiale » lui serait accordée à condition :

- qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France ;

- qu'il justifie avoir résidé légalement dans l'autre Etat membre avec le résident de longue durée-CE ;

- qu'il dispose de ressources stables et suffisantes ainsi que d'une assurance maladie. Cette condition peut avoir déjà été appréciée dans le cas où le conjoint entre en France en même temps que le RLD-CE. Selon l'article 17 du projet de loi, ce dernier doit, pour obtenir son titre de séjour, justifier de conditions de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille.

Comme le RLD-CE, le conjoint n'est pas tenu d'obtenir un visa de long séjour pour demander la délivrance d'une carte de séjour temporaire. C'est une dérogation à l'article L. 311-7 du CESEDA créé par l'article 2 du projet de loi.

Par rapport à la procédure de regroupement familial, on notera que ne sont pas exigés ni une durée minimale de séjour en France du demandeur, ni un visa d'entrée. La demande se fait sur place.

Le paragraphe II du texte proposé pour l'article L. 313-11-1 fixe les conditions d'obtention de cette même carte par les enfants du RLD-CE. Il doit :

- être entré mineur en France 77 ( * ) ;

- en faire la demande dans les trois mois qui suivent son dix-huitième anniversaire 78 ( * ) ;

- avoir résidé légalement avec le RLD-CE dans l'autre Etat membre ;

- disposer d'une assurance maladie ;

- disposer de ressources stables et suffisantes ou être pris en charge par le RLD-CE.

Comme le conjoint, il n'est pas soumis à l'obligation de visa de long séjour.

Le projet de loi permet donc aux seuls enfants mineurs et au conjoint de venir rejoindre un RLD-CE séjournant en France. La directive du 25 novembre 2003 laisse la possibilité aux Etats membres d'étendre ce droit aux autres membres de famille (ascendants en ligne directe, enfants majeurs...).

Le paragraphe III du texte proposé pour l'article L. 313-11-1 précise les modalités selon lesquelles la condition de ressources prévue au I et II est appréciée. Sont prises en compte les ressources propres du demandeur et, le cas échéant, celles de son conjoint ou parent. Les règles retenues sont identiques à celles fixées par le nouvel article L. 313-4-1 créé par l'article 17 du projet de loi. Les ressources sont notamment appréciées au regard des conditions de logement. Un amendement de M. Georges Mothron, identique à un autre amendement du même auteur adopté à l'article 17 du projet de loi, prévoit que le maire de la commune de résidence de l'étranger émet un avis simple sur l'appréciation du niveau de ressources de celui-ci au regard des conditions de logement. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois

Le paragraphe IV du texte proposé pour l'article L. 313-11-1 prévoit que la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » délivrée au conjoint et aux enfants du ressortissant ayant obtenu dans un autre État membre le statut de RLD-CE ne peut expirer avant celle délivrée à celui-ci.

Le paragraphe IV du texte proposé pour l'article L. 313-11-1 prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.

Sous réserve d'un amendement rédactionnel, votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 18 ainsi modifié .

Article 19 (art. L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Droit à l'exercice d'une activité professionnelle par le titulaire d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » membre de la famille d'un étranger ayant le statut de RLD-CE

Cet article tend à insérer au sein de l'article L. 313-12 du CESEDA un nouvel alinéa, précisant les conditions dans lesquelles le titulaire d'une carte de séjour « vie privée et familiale », membre de famille d'un ressortissant de pays tiers ayant obtenu le statut de RLD-CE dans un premier État-membre, peut exercer en France une activité professionnelle.

Il prévoit que cette carte ne donne pas le droit de travailler à son titulaire, dans l'année suivant sa première délivrance.

Toutefois, lorsque le titulaire de la carte est l'enfant de l'étranger ayant le statut de RLD-CE, il peut exercer immédiatement une activité professionnelle s'il séjourne depuis au moins un an en France. Par exemple, un enfant mineur qui rejoindrait l'un de ses parents à la date de son dix-septième anniversaire pourrait travailler dès l'âge de dix-huit ans.

L'article 21 de la directive du 25 novembre 2003 précitée permet d'imposer des restrictions à l'exercice d'activités salariées dans la limite d'une période de douze mois.

En dépit de ces restrictions, les membres de la famille bénéficieraient d'une plus grande liberté pour exercer une activité professionnelle que l'étranger ayant le statut RLD-CE qu'ils ont rejoint. L'étranger RLD-CE serait en effet titulaire d'une carte de séjour temporaire ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle déterminée (scientifique, salarié, profession culturelle ou artistique...).

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 19 sans modification .

Article 20 (art. L. 314-1-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Règles applicables à la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-CE »

Cet article tend à étendre le régime général applicable à la carte de résident à la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-CE » (carte RLD-CE). A cette fin, il insère au sein du CESEDA un nouvel article L. 314-1-1.

Les articles 21 et 22 du projet de loi ci-après définissent les critères d'attribution de cette carte RLD-CE à un étranger séjournant sur le territoire français 79 ( * ) . Le présent article aligne son régime sur celui de la carte de résident en rendant applicable à la carte de résident portant la mention « RLD-CE » l'ensemble des dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre I du livre III du CESEDA relative aux dispositions générales applicables à la carte de résident.

Cela signifie notamment que la carte RLD-CE :

- est valable dix ans et renouvelable de plein droit ;

- est délivrée, le cas échéant, au regard de la condition d'intégration dans la société française ;

- peut être refusée en cas de menace pour l'ordre public ;

- ne peut être délivrée à un ressortissant étranger vivant en état de polygamie.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 20 sans modification .

Article 21 (art. L. 314-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Péremption de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-CE »

Cet article tend à préciser les modalités de péremption de la carte de résident portant la mention « RLD-CE », celles-ci différant de celles de la carte de résident ordinaire.

Le premier alinéa de l'article L. 314-7 du CESEDA en vigueur dispose que la carte de résident d'un étranger qui réside hors de France pendant plus de trois années consécutives est périmée.

Le 1° du présent article 80 ( * ) complète le premier alinéa de l'article L. 314-7 du CESEDA afin de prévoir que la carte de résident « RLD-CE » est également périmée au bout de trois années consécutives de résidence dans un Etat tiers à l'Union européenne. Une première différence est ainsi introduite, puisque dans le cas de la carte de résident ordinaire, un séjour de trois années consécutives dans un pays de l'Union européenne suffit à la périmer.

Le 3° du présent article ajoute un alinéa à l'article L. 314-7 du CESEDA. Il prévoit que la carte « RLD-CE » accordée par la France est périmée :

- soit lorsque son titulaire a acquis, depuis sa délivrance, ce même statut de résident longue durée-CE dans un autre Etat membre ;

- soit lorsque son titulaire a résidé hors de France pendant six années consécutives.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 21 sans modification .

Article 22 (art. L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Conditions de délivrance en France de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-CE »

Le présent article tend à réécrire l'article L. 314-8 du CESEDA afin de préciser les conditions de délivrance en France de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-CE ».

1. Le droit en vigueur

L'article L. 314-8 en vigueur dispose que tout étranger qui justifie d'une résidence non interrompue et légale d'au moins cinq années en France, peut obtenir une carte de résident, compte tenu de son activité professionnelle, de ses ressources et des faits démontrant son intention de s'établir durablement en France. La délivrance de la carte de résident est également subordonnée à l'appréciation de la condition d'intégration dans la société française.

Pour sa part, le chapitre II de la directive n° 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée définit le statut de résident de longue durée-CE.

Les Etats membres accordent ce statut aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l'introduction de la demande de délivrance.

Pour le calcul de cette durée, la directive précise que, notamment, les périodes passées comme étudiants, réfugiés, saisonniers ou travailleurs salariés détachés par un prestataire de services ne peuvent pas être prises en compte.

Par ailleurs, la directive impose aux Etats membres de s'assurer que l'étranger dispose de ressources stables, régulières et suffisantes pour lui et les membres de sa famille sans recourir au système d'aide sociale ainsi que d'une assurance maladie. Les Etats membres peuvent également exiger que ces étrangers satisfassent à des conditions d'intégration.

2. Le texte soumis au Sénat

Le présent article tend à substituer à la carte de résident ordinaire délivrée en application de l'article L. 314-8 du CESEDA la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-CE ». Cette carte RLD-CE serait identique à l'actuelle carte de résident délivrée aux étrangers justifiant de cinq ans de résidence en France, mais elle offrirait en plus des facilités pour s'établir dans un autre pays de l'Union européenne avec sa famille 81 ( * ) .

Les étrangers titulaires d'une carte de résident ordinaire délivrée sur le fondement d'un autre article du CESEDA (ex : délivrance de plein droit au conjoint de Français après deux ans de mariage) peuvent avoir intérêt à demander à convertir leur carte de résident en carte « RLD-CE ».

Le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 314-8 du CESEDA prévoit que la carte « RLD-CE » pourrait être délivrée à tout étranger justifiant d'une résidence ininterrompue et légale de cinq années en France sous couvert :

- d'une carte de séjour temporaire « visiteur » ;

- ou d'une carte de séjour temporaire « scientifique » ;

- ou d'une carte de séjour temporaire « profession artistique et culturelle » ;

- ou d'une carte de séjour temporaire « salarié » ;

- ou d'une carte de séjour temporaire « travailleur temporaire » ;

- ou d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ;

- ou d'une carte de séjour temporaire délivrée à une étranger venant exercer une profession non soumise à autorisation et justifiant pouvoir vivre de ses seules ressources ;

- ou d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » ;

- ou d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » délivrée au conjoint ou à l'enfant d'un ressortissant de pays tiers ayant obtenu le statut de RLD-CE dans un autre Etat membre et résidant en France (voir l'article 18 du projet de loi) ;

- ou d'une carte de résident accordée au conjoint ou à l'enfant, venu dans le cadre du regroupement familial, d'un étranger titulaire de la carte de résident (article L. 314-9-1° du CESEDA) ;

- ou d'une carte de résident accordée aux parents d'un enfant français (article L. 314-9-2° du CESEDA) ;

- ou d'une carte de résident délivrée de plein droit en application de l'article L. 314-11 du CESEDA) ;

- ou d'une carte de séjour « compétences et talents ».

Ne seraient donc plus comptabilisées, conformément à la directive, les années passées sous couvert d'une carte de séjour temporaire « étudiant », « saisonnier » ou « salarié détaché en mission » ou d'une carte de résident délivrée en raison de l'obtention du statut de réfugié.

Les autres conditions restent quasi-identiques à celles de l'article L. 314-8 en vigueur : intention de s'établir durablement en France, ressources suffisantes, respect de la condition d'intégration dans la société française ( alinéa 2 du texte proposé ; voir également l'article 20 du projet de loi).

Les troisième et quatrième alinéas du texte proposé pour l'article L. 314-8 précisent les modalités pour apprécier le caractère stable et suffisant des ressources : exclusion des prestations familiales et de certaines allocations, niveau au moins égal au SMIC, prise en compte des conditions de logement.

Comme le prévoient déjà les articles 17 et 18 du projet de loi pour les étrangers ayant le statut de RLD-CE délivré par un autre Etat membre et souhaitant séjourner en France, le présent article permet au maire de la commune de résidence du demandeur de donner son avis sur le caractère suffisant des ressources au regard des conditions de logement. Comme dans les deux articles précités, cette disposition a été introduite à l'Assemblée nationale sur l'initiative de M. Georges Mothron.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 22 sans modification .

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION POUR DES MOTIFS DE VIE PRIVÉE ET FAMILIALE
CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 23 (art. L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Vérifications des actes d'état civil étrangers

Cet article tend à réécrire l'article L. 111-6 du CESEDA afin d'aligner le régime de vérification des actes d'état civil par les autorités chargées de l'application du CESEDA et par les autorités consulaires et diplomatiques sur le régime de droit commun défini à l'article 47 du code civil.

1. Le droit en vigueur

L'article L. 111-6 du CESEDA était à l'origine l'article 34 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.

• Genèse de l'article 34 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945

Avant la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à l'immigration, à l'entrée et au séjour des étrangers en France et à la nationalité française, l'article 47 du code civil prévoyait que « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fera foi, s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays 82 ( * ) ».

Toutefois, en vue de lutter contre la fraude à l'état civil dans certains pays, la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 avait introduit un article 34 bis dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée.

Dérogeant au principe de l'article 47 du code civil, le dispositif retenu donnait la possibilité aux autorités chargées de l'application de l'ordonnance précitée (services préfectoraux, services de police et des douanes, parquets, juges d'instruction et juges des libertés et de la détention) de demander aux agents diplomatiques et consulaires la légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur l'authenticité de ce document.

Toutefois, face à une augmentation très importante des fraudes à l'état civil étranger, la loi du 26 novembre 2003 précitée a réécrit l'article 47 du code civil afin de subordonner la valeur probante des actes de l'état civil étrangers rédigés dans les formes usitées localement à l'absence d'éléments établissant l'irrégularité de l'acte, sa falsification ou la preuve d'un mensonge.

En outre, elle a instauré un mécanisme de sursis administratif et de vérification judiciaire , destiné à établir la validité de l'acte. Précisée par un décret n° 2005-170 du 23 février 2005, la procédure confie la vérification de l'authenticité de l'acte aux services compétents du ministère des affaires étrangères sur réquisition du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes :

- en cas de doute sur la validité d'un acte fait à l'étranger, l'administration compétente, saisie d'une demande d'établissement, de transcription ou de délivrance d'un acte ou d'un titre, peut surseoir à la demande et informer l'intéressé de la possibilité qui lui est offerte de saisir le procureur de la République de Nantes pour vérification de l'authenticité de l'acte ;

- dans l'hypothèse où le procureur de la République estime que la demande de vérification qui lui est faite est sans fondement, il en avise l'intéressé et l'administration dans le délai d'un mois. En revanche, s'il partage les doutes de l'administration, il fait procéder à toutes investigations utiles dans un délai de six mois, renouvelable une fois au maximum, notamment par les autorités consulaires compétentes. L'intéressé et l'administration qui a sursis à la demande sont informés des résultats de l'enquête dans les meilleurs délais ;

- enfin, au vu de ces résultats, le procureur de la République a la possibilité de saisir le tribunal de grande instance de Nantes qui, après toutes mesures d'instruction utiles, statue sur la validité de l'acte.

A côté de cette réforme de l'article 47 du code civil, la loi du 26 novembre 2003 précitée a maintenu une procédure dérogatoire pour les autorités chargées de l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée et pour les autorités consulaires.

Le premier alinéa de cet article 34 bis , décrit précédemment, n'a pas été modifié. Les autorités chargées de l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 peuvent toujours saisir les autorités consulaires aux fins de légaliser ou de vérifier l'authenticité d'un acte.

En revanche, la loi du 26 novembre 2003 est venue compléter l'article 34 bis afin d'étendre le nombre des autorités susceptibles de décider de procéder à la légalisation ou à la vérification d'un acte d'état civil étranger.

Tout d'abord, les agents diplomatiques et consulaires peuvent désormais procéder à la légalisation ou à la vérification de tout acte d'état civil étranger, de leur propre initiative , en cas de doute sur son authenticité, lors d'une demande de visa ou d'une transcription d'un acte d'état civil. Cette faculté permet aux autorités consulaires de vérifier l'authenticité des actes au moment de la demande de visa de long séjour avant la phase de délivrance d'un titre de séjour par les préfectures.

Surtout, pour les vérifications des autorités diplomatiques et consulaires sur l'acte d'état civil litigieux lors d'une demande de visa, un mécanisme de sursis à statuer a été mis en place. Le sursis est de quatre mois renouvelable une fois.

• La codification de l'article 34 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945

L'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a codifié les dispositions de l'article 34 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée au sein de l'article L. 111-6 du CESEDA.

Toutefois, seuls les deux premiers alinéas de cet article ont été codifiés dans la partie législative du code, les deux derniers relatifs au mécanisme de sursis à statuer relevant du domaine réglementaire.

L'article 5 de l'ordonnance du 24 novembre 2004 précitée précise que ces deux derniers alinéas seront abrogés à compter de la publication de la publication de la partie réglementaire du CESEDA.

2. Le texte soumis au Sénat

Le présent article tend à réécrire l'article L. 111-6 du CESEDA afin de supprimer tout régime dérogatoire et d'aligner les règles de vérification et de légalisation de tout acte d'état civil étranger par les autorités consulaires et diplomatiques sur les règles définies à l'article 47 du code civil.

L'article L. 111-6 renverrait simplement à l'article 47 du code civil.

Cet alignement sur le droit commun serait la conséquence de la réforme en cours de l'article 47 du code civil.

En effet, les moyens de contrôle de la validité des actes de l'état civil étrangers, s'ils ont été renforcés en 2003, s'avèrent inefficaces en raison de la complexité des procédures.

Lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné les limites du dispositif actuel de l'article 47 du code civil. En deux ans, le procureur de la République de Nantes n'a reçu que 29 saisines , dont aucune n'a pu aboutir en raison des conditions excessivement rigides de la procédure : soit leur auteur n'était pas compétent, soit les conditions de la saisine n'étaient pas réunies, soit la procédure n'avait pas été respectée.

Le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages , adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 22 mars 2006, tend à simplifier les modalités d'exercice du contrôle de la validité des actes de l'état civil étrangers. Il modifie en profondeur l'article 47 du code civil.

L'autorité administrative destinataire d'un acte étranger aurait la possibilité d'en décider le rejet s'il s'avérait irrégulier ou frauduleux, après avoir, le cas échéant, procédé aux vérifications nécessaires.

En cas de doute, la vérification s'effectuerait désormais selon une procédure administrative spécifique fixée par décret en Conseil d'Etat : l'absence de réponse de la part de l'autorité administrative dans un délai de huit mois vaudrait décision de rejet de l'acte litigieux, à charge pour le demandeur de saisir le tribunal pour établir sa validité.

En conséquence, la procédure dérogatoire prévue à l'article L. 111-6 du CESEDA perdrait son intérêt. Cette nouvelle procédure s'appliquerait à toutes les autorités administratives.

L'Assemblée nationale n'a adopté aucun amendement.

Afin d'éviter que le présent article n'entre en vigueur avant le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, votre commission vous soumet, après l'article 80 du projet de loi, un amendement tendant à insérer un article additionnel et à reporter l'entrée en vigueur du présent article à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et au plus tard le 1 er janvier 2007.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 23 sans modification .

Article 24 (art. L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Délivrance de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale »

Le présent article tend à modifier les critères d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » qui est actuellement délivrée de plein droit à onze catégories de personnes définies à l'article L. 313-11 du CESEDA.

• Les étrangers séjournant en France au titre du regroupement familial

Le 1° du présent article tend à modifier le 1° de l'article L. 313-11 du CESEDA relatif à l'attribution de la carte « vie privée et familiale » aux membres de la famille d'un étranger autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial.

Le droit en vigueur prévoit que cette carte est délivrée « à l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire » qui rejoint au moins un de ses parents.

Cette rédaction est apparue en contradiction avec l'article L. 311-1 du CESEDA qui dispense les mineurs de la détention d'un titre de séjour.

En conséquence, le 1° du présent article tend à supprimer cette référence à l'étranger mineur. Toutefois, afin de tenir compte de l'article L. 311-3 du CESEDA qui prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans qui déclare vouloir exercer une activité professionnelle salariée, le présent article précise que la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est délivrée à l'enfant venant en France au titre du regroupement familial et entrant dans le cadre de l'article L. 311-3 précité.

Enfin, les bénéficiaires du regroupement familial seraient soumis à l'obligation de présenter un visa de long séjour pour obtenir leur carte de séjour temporaire. Le droit en vigueur exige déjà l'obtention d'un visa d'entrée pour rejoindre le regroupant 83 ( * ) .

• L'étranger qui justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans

Le 2° du présent article tend à réécrire l'ensemble du 2° de l'article L. 313-11 du CESEDA relatif aux étrangers résidant en France depuis l'âge de treize ans.

Le droit en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée « à l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ».

Le présent article apporte plusieurs compléments.

En premier lieu , pour les mêmes raisons qu'au 1°, la référence à l'étranger mineur est supprimée.

En deuxième lieu , le bénéfice de la carte « vie privée et familiale » serait ouverte à une nouvelle catégorie de mineurs atteignant leur majorité.

Serait ainsi visé l'étranger qui a été confié, depuis qu'il a atteint l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Toutefois, plusieurs critères seraient pris en compte :

- le caractère réel et sérieux de la formation suivie par le mineur ;

- la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine ;

- l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

Ces étrangers seraient dispensés de l'obligation de visa de long séjour.

Cette disposition répond à la recommandation n° 39 de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine . Elle demandait d'admettre au séjour les jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, sous réserve d'une condition d'insertion réussie dans la société française et d'absence de liens maintenus avec le pays d'origine.

En effet, le rapport de la commission d'enquête du Sénat soulignait que le devenir des jeunes mineurs isolés qui, devenus majeurs, sont alors susceptibles d'être reconduits à la frontière était une question particulièrement difficile. Ces procédures d'éloignement sont souvent mal vécues par les personnels des conseils généraux qui se sont investis dans le suivi des adolescents, lesquels sont parfois engagés dans un parcours réussi d'intégration. Les conseils généraux accordent, le plus souvent, aux jeunes majeurs qui le souhaitent, le bénéfice du « contrat jeune majeur », qui permet la prise en charge par le département des dépenses rendues nécessaires pour l'achèvement de leur parcours d'étude ou d'apprentissage.

Jusqu'à l'adoption de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, l'article 21-12 du code civil prévoyait un accès de droit à la nationalité française pour les mineurs confiés à l'ASE, sans condition de durée. Cette disposition était exploitée par des filières qui faisaient entrer en France des jeunes proches de la majorité, afin qu'ils obtiennent rapidement la nationalité française. Depuis la réforme, une durée minimale de prise en charge par l'ASE, fixée à trois ans, est prévue ; comme la grande majorité des mineurs isolés parviennent sur le territoire après l'âge de quinze ans, fort peu peuvent prétendre à la nationalité française à leur majorité.

En mai 2005, une circulaire du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, M. Dominique de Villepin à cette époque, a invité les préfets à admettre au séjour les jeunes majeurs ayant bénéficié d'une mesure judiciaire de placement, notamment lorsque leurs perspectives de retour dans leur pays d'origine sont très faibles, si leur situation personnelle le justifie . Les préfets doivent s'assurer que le comportement du jeune ne représente pas une menace pour l'ordre public, vérifier l'absence de liens avec le pays d'origine et apprécier son degré d'insertion dans la société française. Selon les cas, le jeune majeur peut obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ou « salarié ».

L'article 28 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a par ailleurs assoupli les critères d'attribution de l'autorisation provisoire de travail requise pour que les jeunes placés à l'ASE puissent suivre une formation professionnelle. La circulaire invite les préfets à accorder aux jeunes soumis à ce régime une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire », en fonction de la durée de leur contrat.

Si la commission d'enquête s'est félicité de ces avancées, elle a observé cependant que les décisions des préfets restaient discrétionnaires et que l'incertitude qui y était attachée ne favorisait pas l'intégration des jeunes pris en charge par l'ASE.

Le projet de loi apporte une réponse forte en fixant un cadre législatif.

En troisième et dernier lieu , le 2° du présent article tend à préciser, à l'initiative d'un amendement de M. Alain Marsaud adopté par l'Assemblée nationale, les conditions dans lesquelles un mineur qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis l'âge de treize ans peut obtenir la carte « vie privée et familiale » à sa majorité.

L'étranger devrait justifier résider habituellement en France avec ses parents légitimes, naturels ou adoptifs. Dans ce dernier cas, l'enfant devrait avoir été adopté en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger.

L'objet de cet amendement est de lutter contre l'immigration clandestine d'enfants mineurs qui sont confiés par leurs parents, restés dans leur pays d'origine, à un membre de la famille établi légalement en France.

Toutefois, il est apparu au cours des auditions de votre rapporteur que la rédaction de l'Assemblée nationale exigeait que l'enfant ait résidé avec ses deux parents. Votre commission vous soumet un amendement précisant qu'il suffit que l'enfant ait résidé avec au moins un de ses parents, afin de réserver les situations de divorce ou de séparation.

En outre, cet amendement offre une présentation plus claire de ces différents dispositifs

• Les étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France

Le 3° du présent article tend à réécrire l'ensemble du 3° de l'article L. 313-11 du CESEDA relatif aux étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France.

Le droit en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte. »

Le 3° du présent article a pour objet d'abroger ce dispositif qui, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « consiste paradoxalement à récompenser une violation prolongée de la loi de la République ».

L'origine de cette disposition est la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, dite loi Debré, qui rendait automatique la délivrance d'une carte de séjour temporaire aux étrangers ayant leur résidence habituelle en France depuis plus de 15 ans. La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, dite loi RESEDA, a abaissé cette condition de durée de résidence à dix ans.

Depuis 1999, première année pleine de mise en oeuvre de ce mécanisme de régularisation, le nombre de bénéficiaires a toujours été compris entre 2.500 et 3.000, à l'exception de l'année 2003 avec 3.658 régularisations en application du 3° de l'article L. 313-11 du CESEDA.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine soulignait dans son rapport le maniement délicat des procédures de régularisations individuelles ou « au cas par cas ».

Existant sous des formes diverses dans la plupart des pays, ces procédures s'avèrent souvent indispensables et ne présentent pas, dans un espace communautaire ouvert, les mêmes risques de déstabilisation et de transferts de population que les régulations collectives.

Elles peuvent néanmoins constituer un signal d'encouragement à l'immigration irrégulière, voire une véritable prime à la clandestinité.

Par ailleurs, ce dispositif de régularisation à l'issue de dix années de résidence irrégulière et continue sur notre territoire a probablement été à l'origine de bien des espoirs déçus, en raison de la difficulté concrète de faire valoir le « droit » qu'elle définit.

Les dispositions en vigueur du 3° de l'article L. 313-11 du CESEDA sont par conséquent abrogées. Le 3° abriterait désormais les dispositions relatives à la délivrance de la carte « vie privée et familiale » au conjoint et aux enfants d'un titulaire de la carte « compétences et talents » créée par l'article 12 du projet de loi. Ces personnes seraient soumises à l'obligation de visa de long séjour. Par coordination avec un amendement à l'article 10 du projet de loi et relatif aux membres de famille des titulaires de la carte « salarié en mission », votre commission vous soumet un amendement prévoyant que la carte « vie privée et familiale » leur est également délivrée.

• Le conjoint étranger d'un ressortissant français

Le 4° du présent article tend à modifier le 4° de l'article L. 313-11 du CESEDA relatif aux conjoints étrangers de ressortissants français. Un amendement rédactionnel du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a été adopté.

Le droit en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ».

Le 4° du présent article ne dispense pas cette catégorie d'étrangers de l'obligation de visa de long séjour posée par l'article 2 du projet de loi.

Rappelons qu'à ce même article, deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale prévoient, d'une part, que la délivrance d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande de visa lorsque cette demande émane d'un conjoint de Français et, d'autre part, que la délivrance d'un visa de long séjour à un conjoint de Français ne peut être refusée sauf en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public.

Cette obligation pour les conjoints de Français de retourner dans leur pays d'origine afin d'y obtenir un visa de long séjour doit notamment permettre aux autorités consulaires de vérifier dans de meilleures conditions que les autorités situées en métropole l'authenticité des actes d'état civil présentés par l'étranger.

Votre rapporteur tient à souligner que cette obligation de visa de long séjour en vue de l'obtention d'une carte « vie privée et familiale » sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du CESEDA ne s'appliquerait évidemment qu'au conjoint étranger dépourvu de titre de séjour. L'étranger titulaire d'une carte de séjour à un autre titre n'aurait pas à s'y soumettre.

Par coordination, le 4° du présent article tend donc à supprimer la référence à l'entrée régulière en France pour se voir délivrer cette carte « vie privée et familiale ». L'obligation de visa de long séjour implique l'entrée régulière en France.

En outre, ce même 4° tend à préciser que la communauté de vie ne doit pas avoir cessé « depuis le mariage ».

• Le conjoint d'un titulaire de la carte de séjour temporaire « scientifique »

A la suite d'un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, un 4° bis (nouveau) a été introduit dans le présent article.

De la même manière que pour le conjoint étranger d'un ressortissant français (voir ci-dessus) et par coordination avec l'obligation de visa de long séjour qui s'imposerait au conjoint d'un titulaire de la carte « scientifique », le présent article tend à supprimer la référence à l'entrée régulière du conjoint étranger pour pouvoir bénéficier de la carte « vie privée et familiale ».

• L'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France

Le 6° de l'article L. 313-11 en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ».

L'article 371-2 du code civil impose que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur ».

Les 4° ter (nouveau) et 5° du présent article tendent à modifier ces dispositions.

Le 5° a pour objet d'exonérer cette catégorie d'étrangers de l'obligation de visa de long séjour.

Le 4° ter (nouveau) a été introduit par l'Assemblée nationale, à la suite d'un amendement de M. Jérôme Rivière. Il a pour objet de relever de un à deux ans la durée de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant français.

Avant le vote de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, sauf si sa présence constituait une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire était délivrée de plein droit à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui était père ou mère d'un enfant français mineur, résidant en France à la condition d'exercer, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou de subvenir effectivement à ses besoins.

Toutefois, lorsque la qualité de père ou de mère d'un enfant français résultait d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire n'était délivrée à l'étranger que s'il subvenait à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an.

Afin de renforcer la lutte contre les reconnaissances de paternité de complaisance sans remettre en cause le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), la loi du 26 novembre 2003 précitée a modifié les critères de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux étrangers parents d'enfants français : désormais, ceux-ci doivent établir qu'ils « contribuent effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil ». 84 ( * )

Selon l'auteur de l'amendement, le relèvement de un à deux ans de la durée de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant français doit permettre de mieux caractériser l'intensité du lien filial et de s'assurer que l'étranger n'a pas pour unique objectif d'obtenir un titre de séjour par ce moyen.

Rappelons que cette durée de deux années ne vaudrait que si l'étranger n'a pas contribué à l'entretien et l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci.

• L'étranger ayant des liens personnels et familiaux en France et n'entrant pas dans le champ des autres catégories visées à l'article L. 313-11

Le 7° de l'article L. 313-11 en vigueur dispose que la carte « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».

Issu de la loi du 11 mai 1998 dite RESEDA, cette disposition est une référence directe à l'article de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), afin de permettre la régularisation des étrangers ne relevant d'aucune des catégories ouvrant droit à un titre de séjour, mais ne pouvant être éloignées en application de l'article 8 de la CEDH et du principe constitutionnel du droit de mener une vie familiale normale.

Depuis 1999, première année pleine d'application de cet article, le nombre de bénéficiaires a plus que doublé, cette hausse étant particulièrement nette à partir de 2003.

Le 6° du présent article tend, d'un part, à dispenser de l'obligation de visa de long séjour ces étrangers, et d'autre part, à préciser la notion de « liens personnels et familiaux en France ». Plusieurs critères non exhaustifs sont avancés :

- l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de ces liens ;

- les conditions d'existence de l'intéressé ;

- son insertion dans la société française ;

- la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine.

Ces critères sont une sorte de synthèse de la jurisprudence en cette matière. En les inscrivant dans la loi, ils devraient offrir un cadre de lecture plus aisé pour les administrations et les tribunaux, afin d'assurer un traitement suffisamment homogène des demandes.

Ces critères n'enferment pas pour autant les magistrats dans une lecture restrictive du droit à une vie familiale normale. L'article 8 de la CEDH est d'application directe.

• Les autres catégories d'étrangers bénéficiaires de la carte « vie privée et familiale »

Les 7°, 8° et 9° du présent article ont pour objet d'exonérer de l'obligation de visa de long séjour en vue de l'octroi d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » les étrangers relevant des catégories visées aux 8°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 313-11.

Les autres conditions d'attribution de cette carte restent inchangées.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 24 ainsi modifié .

Article 24 bis (nouveau) (art. L. 313-14 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Création d'une procédure d'admission exceptionnelle au séjour

Le présent article tend à créer une nouvelle sous-section 7 intitulée « L'admission exceptionnelle au séjour » au sein de la section 2 du chapitre III du titre I du livre III du CESEDA. Cette sous section, qui s'insérerait après celle relative à la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », comporterait un article unique L. 313-14.

Introduit par un amendement du gouvernement déposé au cours de la discussion en séance publique, cet article a pour objet :

- de créer une nouvelle procédure de régularisation qui soit réellement « au cas par cas » ;

- d'homogénéiser les pratiques préfectorales en matière de régularisation en précisant les critères à prendre en compte.

1. Le droit en vigueur

Plusieurs dispositifs permettent de régulariser des étrangers en situation irrégulière en France.

L'article L. 313-11 du CESEDA permet la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », sous diverses conditions :

- aux mineurs résidant habituellement en France depuis l'âge de treize ans ;

- aux étrangers en situation illégale conjoints de Français ;

- aux étrangers en situation illégale parents d'enfant français mineur ;

- aux étrangers nés en France qui ont résidé au moins huit ans en France de façon continue et qui y ont suivi au moins cinq ans de scolarité après l'âge de dix ans ;

- aux étrangers en situation illégale gravement malades.

Hormis ces cas particuliers, trois principales procédures permettent au préfet de procéder à des régularisations.

Tout d'abord, le 3° de l'article L. 313-11 du CESEDA permet de délivrer une carte « vie privée et familiale » aux étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France. Il ne s'agit pas d'une procédure de régularisation « au cas pas cas » à proprement parler puisque la délivrance de la carte est de droit dès lors que dix années de résidence sont établies.

Ensuite, le 7°  du même article autorise la délivrance d'une carte « vie privée et familiale » aux étrangers ne relevant d'aucune autre catégorie du CESEDA, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels qu'une décision d'éloignement serait contraire à l'article 8 de la CEDH. Il a pour objet de mettre fin aux situations d'étrangers ni régularisables, ni expulsables.

Enfin , chaque préfet conserve un pouvoir d'appréciation dont il peut user dans des situations particulièrement dignes d'intérêt, pour admettre au séjour des étrangers en dehors des critères légaux, sur la base de considérations humanitaires.

Le ministère de l'intérieur diffuse régulièrement des circulaires aux préfectures afin de préciser les modalités d'instruction des demandes d'admission au séjour des étrangers en situation irrégulière, à la lumière notamment de l'évolution de la jurisprudence administrative, et de recommander l'instauration d'un dialogue avec les associations de défense des étrangers.

Ainsi, deux circulaires du 19 décembre 2002 et du 30 octobre 2004 ont donné des exemples de situations pouvant justifier l'usage de ce pouvoir d'appréciation. Elles concernent :

- les étrangers accompagnant des personnes malades ou handicapées de nationalité française ou régulièrement installées en France ;

- les femmes victimes de violences conjugales, de mariage forcé ou de répudiation ;

- les situations humanitaires de familles démontrant une volonté forte d'intégration au regard notamment de l'ancienneté de leur séjour habituel sur le territoire français, de leur niveau d'insertion dans la société française et de la scolarisation des enfants.

2. Le texte soumis au Sénat

En premier lieu, il faut mentionner que l'article 24 du projet de loi tend à abroger la procédure de régularisation des étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France. Cette procédure ne consiste pas à régulariser « au cas par cas » mais à créer un droit à la régularisation 85 ( * ) .

En second lieu, le présent article a pour objet de mieux formaliser le pouvoir de régularisation de l'autorité administrative, aujourd'hui laissé pour une large part à l'appréciation des préfets. Elle donne une base légale à des régularisations accordées au vu de situations individuelles.

L'article L. 313-14 créé par le présent article prévoit qu'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pourrait être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir.

Les critères ainsi retenus sont volontairement très larges pour embrasser des situations très diverses ne se confondant pas avec celles relevant du 7° de l'article L. 313-11 du CESEDA et allant bien au-delà de la catégorie des étrangers justifiant de dix ans de résidence habituelle.

Toutefois, pour réduire l'imprécision de ces critères sans figer pour autant la procédure d'admission exceptionnelle au séjour dans un cadre trop rigide, il serait confié à une Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour le soin de les préciser. Il s'agirait d'une sorte de délégation de pouvoir par l'autorité administrative.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale ne détaille pas la composition de cette commission, mais elle pourrait être composée de responsables des administrations compétentes et de représentants de la société civile.

Sur la base de ces critères, les préfets continueraient d'être compétents pour examiner seuls les demandes de régularisation.

Toutefois, dans le cas où la demande serait formée par un étranger justifiant par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans, l'avis de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour serait obligatoirement requis.

Cette dernière disposition tend à placer dans une position privilégiée les étrangers relevant à ce jour de la procédure de régularisation automatique prévue à l'article L. 313-11 du CESEDA. Cela est d'autant plus le cas que les années durant lesquelles l'étranger se serait prévalu de documents d'identités falsifiés ou d'une identité usurpée pourraient être prises en compte pour le décompte des dix années. Rappelons que, selon le droit en vigueur, les étrangers demandant à être régularisés en justifiant de dix années de résidence ne peuvent prendre en compte ces années.

Par ailleurs, cette commission nationale pourrait être également saisie par le ministre de l'intérieur, saisi d'un recours hiérarchique contre un refus d'admission exceptionnelle au séjour. Il reviendrait à un décret en Conseil d'Etat de préciser les conditions dans lesquelles le ministre de l'intérieur saisirait la commission.

Enfin, cette commission présenterait chaque année un rapport évaluant les conditions d'application en France de l'admission exceptionnelle au séjour.

Au bout du compte, la Commission nationale d'admission exceptionnelle au séjour aurait une double fonction :

- rompre pour une part la situation d'affrontement entre pouvoirs publics et associations de défense des étrangers en les associant au sein de la commission ;

- résorber les divergences d'application de la loi entre les préfectures en matière de régularisation des étrangers, la commission ayant pour mission de définir les critères généraux, d'émettre un avis sur des dossiers individuels et d'évaluer la mise en oeuvre du dispositif.

3. La position de votre commission des lois

Le présent article prévoit que la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour précise les critères d'admission exceptionnelle au séjour.

Toutefois, il est apparu à votre commission que cette formule pouvait s'apparenter à une quasi-délégation du pouvoir réglementaire. Afin de ne pas ériger cette commission en une sorte d'autorité administrative indépendante, elle a souhaité préciser par un amendement que la commission nationale exprimait un avis simple sur ces critères, le ministre restant l'autorité compétente pour définir les critères.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 24 bis ainsi modifié .

Article 25 (art. L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Conditions pour bénéficier de la protection subsidiaire

Cet article a pour objet de préciser certaines conditions pour l'octroi de la carte « vie privée et familiale » aux bénéficiaires de la protection subsidiaire par cohérence avec d'autres dispositions du projet de loi, notamment l'article 24.

L'article L. 313-13 du CESEDA dispose que la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire. Cette carte est également délivrée au conjoint et à l'enfant du bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Rappelons que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, la France accorde la protection subsidiaire aux personnes directement menacées dans leur pays de certaines menaces (peine de mort, torture, conflit armé...) mais qui ne peuvent bénéficier du statut de réfugié en application de la convention de Genève 86 ( * ) .

Le 1° du présent article tend à dispenser de l'obligation de visa de long séjour le bénéficiaire de la protection subsidiaire. Il semble en effet difficile de demander à une personne menacée dans son pays d'y retourner pour avoir son visa.

Le 2° du présent article tend à supprimer la référence à l'étranger mineur pour la délivrance de la carte de séjour temporaire. En effet, les mineurs ne sont pas soumis à l'obligation de détenir un titre de séjour. Par ailleurs, afin de tenir compte de l'article L. 311-3 du CESEDA qui prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans qui déclare vouloir exercer une activité professionnelle salariée, le présent article précise que la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est délivrée à l'enfant venant en France rejoindre un parent bénéficiaire de la protection subsidiaire et entrant dans le cadre de l'article L. 311-3 précité.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à dispenser le conjoint et les enfants d'un étranger bénéficiaire de la protection subsidiaire de l'obligation de visa de long séjour pour obtenir une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». En effet, il est impossible de demander à des membres de la famille d'un étranger menacé dans son pays de retourner dans celui-ci pour obtenir un visa.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 25 ainsi modifié .

Article 25 bis (nouveau) (art. L. 314-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Cas de refus de délivrance ou de retrait de la carte de résident

Cet article tend à compléter l'article L. 314-5 du CESEDA afin d'interdire la possession d'une carte de résident par un étranger poursuivi pour avoir commis sur un mineur de quinze ans des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. Il a été introduit à l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement de Mme Chantal Brunel.

L'article L. 314-5 du CESEDA en vigueur dispose que la carte de résident ne peut être délivrée à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie ainsi qu'à son conjoint. Si la carte a été délivrée par erreur à de telles personnes, elle doit être retirée.

Le présent article ajouterait à ce motif de refus de délivrance ou de retrait, le cas d'un étranger poursuivi pour avoir commis sur un mineur de quinze ans l'infraction définie à l'article 222-9 du code pénal, ou s'être rendu complice de celle-ci.

L'article 222-9 du code pénal punit de dix ans d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. Lorsque cette infraction est commise sur un mineur de quinze ans, elle est punie de quinze ans de réclusion criminelle 87 ( * ) .

En ajoutant la condition que ces violences aient été commises sur un mineur de quinze ans, le présent article cible tout particulièrement le drame des excisions.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 25 bis sans modification .

Article 26 (art. L. 314-5-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Retrait de la carte de résident délivrée à un conjoint de Français en cas de rupture de la vie commune

Le présent article tend à insérer un nouvel article L. 314-5-1 dans le CESEDA. Il a pour objet de permettre le retrait d'une carte de résident à un étranger conjoint de Français en cas de rupture de la vie commune au cours des quatre premières années de mariage.

Cet article est un élément d'un dispositif plus général 88 ( * ) mis en place aux fins de lutter contre les mariages de complaisance conclus dans l'unique but d'obtenir un droit au séjour et, le cas échéant, la nationalité française.

L'article L. 313-11 du CESEDA dispose qu'un étranger conjoint de Français a droit à une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » sous réserve, notamment, que la communauté de vie n'ait pas cessé. L'article 24 du projet de loi tend à préciser que cette communauté de vie ne doit pas avoir cessé depuis le mariage.

En vertu de l'article L. 314-11 en vigueur, le conjoint de Français se voit délivrer de plein droit une carte de résident au bout de deux années de mariage sous réserve, notamment, que la communauté de vie n'ait toujours pas cessé.

Le projet de loi modifie en profondeur l'ensemble de ce dispositif.

En premier lieu, l'article 28 du projet de loi tend à supprimer la délivrance de plein droit de la carte de résident à l'issu de deux années de mariage. En lieu et place, selon l'article 27 du projet de loi, le conjoint de Français pourrait bénéficier d'une carte de résident au bout de trois années de mariage si la communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage.

Cette carte ne serait plus délivrée de plein droit. Par conséquent, il appartiendrait au préfet d'apprécier sa délivrance au regard notamment de la condition d'intégration dans la société française prévue à l'article L. 314-10 du CESEDA.

Le présent article tend donc à préciser les conditions dans lesquelles cette carte de résident délivrée au bout de trois années de mariage au minimum pourrait être retirée en cas de rupture de la vie commune postérieure à sa délivrance.

Le retrait ne pourrait intervenir que dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage, c'est-à-dire dans l'année suivant l'octroi de la carte de résident.

Toutefois, cette règle serait modérée par deux garde-fous. Le retrait serait impossible :

- si un ou des enfants sont nés de cette union et si l'étranger contribue effectivement, depuis, la naissance à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants. Cette disposition est issue de deux amendements identiques présentés par M. Etienne Pinte et les membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale. Le gouvernement a toutefois souhaité le sous-amender en ajoutant la condition d'entretien et d'éducation de l'enfant ;

- lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en situation en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint français. Cette disposition est issue de deux amendements identiques présentés par M. Etienne Pinte et Mme Nadine Morano.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 26 sans modification.

Article 26 bis (nouveau) (art. L. 314-6-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Retrait de la carte de résident délivrée à un étranger protégé contre les mesures d'expulsion

Le présent article, issu d'un amendement de M. Jacques Myard adopté par l'Assemblée nationale, tend à insérer un nouvel article L. 314-6-1 dans le CESEDA.

La réforme de la « double peine » par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 protège certaines catégories de personnes prévues aux articles L. 521-2 et L. 521-3 du CESEDA contre les mesures d'expulsion. La force de la protection accordée varie selon l'intensité du lien tissé par l'étranger avec la France.

Les étrangers appartenant aux catégories prévues à l'article L. 521-2 du CESEDA ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ou si l'étranger a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans.

Les étrangers appartenant aux catégories prévues à l'article L. 521-3 du CESEDA ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion « qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».

Les étrangers titulaires d'une carte de résident mais ne relevant pas des catégories protégés contre les mesures d'expulsion peuvent se voir retirer leur carte de résident :

- s'ils font l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une interdiction judiciaire du territoire français ;

- s'ils ont employé un étranger en situation illégale (article L. 314-6).

Cette carte est automatiquement retirée si son titulaire vit en état de polygamie. L'article 25 bis du projet de loi ajouterait le cas où l'étranger est poursuivi pour des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente commises sur un mineur de quinze ans.

Le présent article tend à ajouter de nouveaux cas de retrait de la carte de résident. Il prévoit que les étrangers protégés contre des mesures d'expulsion précités pourraient se voir retirer néanmoins leur carte de résident en cas de condamnation définitive sur le fondement des articles 433-3, 433-4 ou 433-6 du code pénal.

L'article 433-3 du code pénal définit l'ensemble des infractions relatives aux menaces et actes d'intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique. Les peines encourues sont comprises entre deux à dix ans d'emprisonnement et 30.000 à 150.000 euros d'amende.

L'article 433-4 du code pénal punit de sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende le fait de détruire, de soustraire ou de détourner des biens contenus dans un dépôt public.

L'article 433-6 du code pénal définit l'infraction de rébellion.

Ces trois séries d'infractions ont en commun de témoigner d'une atteinte à l'autorité publique ou au service public.

Les étrangers qui se verraient retirer pour ces motifs leur carte de résident se verraient néanmoins délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Ils restent en effet inexpulsables.

Notons toutefois que les peines encourues pour certaines des infractions précitées rendent possibles, en théorie, le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. Dans un tel cas, les étrangers relevant de l'article L. 521-2 pourraient faire l'objet d'une mesure d'expulsion.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 26 bis sans modification .

Article 27 (art. L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Allongement des durées de séjour pour la délivrance de la carte de résident

Le présent article tend à modifier l'article L. 314-9 du CESEDA.

Les conditions de délivrance de la carte de résident sont définies par les articles L. 314-8 à L. 314-12 du CESEDA. La délivrance de plein droit de cette carte est réservée aux catégories d'étrangers entrant dans le champ de l'article L. 314-11 du CESEDA.

Dans les autres cas, l'octroi de la carte est une simple possibilité. La satisfaction de la condition d'intégration dans la société française, renforcée par l'article 5 du projet de loi, est exigée. L'article L. 314-8 prévoit que la carte de résident peut être délivrée aux étrangers justifiant d'une résidence non interrompue de cinq ans en France. Cette durée de cinq années de résidence souffre néanmoins plusieurs exceptions fixées à l'article L. 314-9 en vigueur.

Le 1° du présent article est une coordination avec l'article 22 du projet de loi qui tend à supprimer la carte de résident prévue à l'article L. 314-8 et délivrée après cinq ans de résidence pour lui substituer une carte de résident de longue durée-CE, délivrée elle aussi après cinq ans de résidence en France, mais qui ouvre des droits au séjour améliorés dans l'ensemble de l'Union européenne. L'article 22 transpose la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003.

Les cartes de résident délivrées en application de l'article L. 314-9, c'est-à-dire en dérogation à la durée de résidence de cinq ans sont des cartes d'un type différent de la carte de résident « RLD-CE ».

Le 2° du présent article tend à modifier le 1° de l'article L. 314-9.

Le droit en vigueur dispose qu'une carte de résident peut être délivrée « au conjoint et aux enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire d'un étranger titulaire de la carte de résident, qui ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au livre IV et qui justifient d'une résidence non interrompue, conforme aux lois et règlements en vigueur, d'au moins deux années en France ».

Cette rédaction est issue de la loi du 26 novembre 2003. Auparavant, les regroupés bénéficiaient immédiatement d'un titre de même nature et de même durée que celui du regroupant.

Le présent article tend à faire passer de deux à trois ans la durée de résidence nécessaire pour qu'un conjoint ou un enfant d'un étranger titulaire de la carte de résident qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial puisse demander une carte de résident.

Le 3° du présent article tend à modifier le 2° de l'article L. 314-9.

Le droit en vigueur dispose qu'une carte de résident peut être délivrée « à l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins deux années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l'article L. 313-11 89 ( * ) , sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour temporaire et qu'il ne vive pas en état de polygamie ».

Le présent article tend à faire passer le délai de deux ans précité à trois ans.

Le 4° du présent article tend à insérer un 3° à l'article L. 314-9.

Il prévoit que les étrangers mariés avec un Français depuis au moins trois ans, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé la nationalité française, pourront demander une carte de résident. Si le mariage a été célébré à l'étranger, il devra avoir été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français.

Cette disposition est la conséquence de la suppression par l'article 28 du projet de loi de la délivrance de plein droit de la carte de résident au conjoint de Français marié depuis au moins deux années.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 27 sans modification.

Article 28 (art. L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Conditions de délivrance de plein droit de la carte de résident

Le présent article tend à modifier l'article L. 314-11 du CESEDA qui détermine les catégories d'étranger bénéficiant de plein droit de la carte de résident sans que la condition d'intégration républicaine dans la société française soit exigée.

Le 1° du présent article tend à abroger le 1° de l'article L. 314-11 du CESEDA qui accorde la carte de résident à l'étranger marié avec un Français depuis au moins deux ans. L'article 27 du projet de loi remplace cette délivrance de plein droit par une délivrance laissée à l'appréciation de l'autorité administrative. Par ailleurs, trois années de mariage seraient désormais requises.

Le 2° du présent article tend à modifier le 2° de l'article L. 314-11 du CESEDA.

Celui-ci dispose qu'une carte de résident est délivrée de plein droit « à l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant a moins de vingt-et-un ans ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge ».

Le présent article apporte simplement deux précisions.

D'une part, les mineurs n'étant pas tenus d'être muni d'un titre de séjour, le projet de loi précise que la carte de résident est délivrée à l'enfant lorsqu'il est âgé de dix-huit à vingt-et-un ans afin d'éviter tout malentendu.

D'autre part, l'ensemble des personnes entrant dans le champ du 2° de l'article L. 314-11 du CESEDA seraient soumises à l'obligation de produire un visa de long séjour.

Le 3° du présent article tend à modifier le 8° de l'article L. 314-11 du CESEDA.

Celui-ci dispose qu'une carte de résident est délivrée de plein droit « à l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux ».

Pour les mêmes raisons qu'au 2° du présent article, le 3° supprime la référence à l'étranger mineur.

Par ailleurs, serait ajouté à la liste des bénéficiaires de la carte de résident les ascendants directs au premier degré si le bénéficiaire du statut de réfugié est un mineur non accompagné.

Le 4° du présent article supprime, toujours pour les raisons décrites ci-dessus, la référence aux étrangers mineurs au 9° de l'article L. 314-11 du CESEDA relatif aux apatrides.

Enfin, le 5°  du présent article tend à abroger le 10° de l'article L. 314-11 du CESEDA.

Celui-ci dispose qu'une carte de résident est délivrée de plein droit « à l'étranger qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ».

Cette abrogation est le symétrique de la suppression par l'article 24 du projet de loi de la régularisation automatique des étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle ininterrompue en France. Le critère de dix années et son automaticité n'apparaissent pas plus pertinent en l'espèce.

Au final, on constate que le présent article réduit considérablement le champ d'application de la délivrance de plein droit de la carte de résident puisque subsistent surtout des catégories de bénéficiaires représentant des effectifs marginaux, qu'il s'agisse par exemple des légionnaires ou d'étranger ayant servi dans une unité combattante de l'armée française ou dans une armée alliée. Restent pour l'essentiel les réfugiés.

De la sorte, l'immense majorité des étrangers souhaitant obtenir une carte de résident devra s'inscrire dans un processus d'intégration défini par l'article 5 du projet de loi.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 28 sans modification .

Article 29 (art. L. 316-1 et L. 316-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger qui témoigne ou porte plainte contre un proxénète

Le chapitre VI du titre I du livre III du CESEDA s'intitule « Dispositions applicables aux étrangers ayant déposé plainte pour certaines infractions ou témoigné dans une procédure pénale ». Il se compose de deux articles L. 316-1 et L. 316-2.

Ces dispositions sont issues de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (article 76) qui a créé une procédure spécifique de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à l'étranger en situation irrégulière qui porte plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions de traite des êtres humains (articles 225-4-1 à 225-4-6 du code pénal) ou de proxénétisme (articles 225-5 à 225-10 du code pénal) ou qui témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. L'autorisation provisoire de séjour est accordée sous réserve que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace à l'ordre public. Elle ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

A la suite d'un amendement de notre collègue M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat sur la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, la loi prévoit qu'en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné.

Depuis l'adoption de cette loi, est intervenue la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes.

Or, l'article 8 de cette directive précise que les personnes qui coopèrent doivent se voir délivrer un titre de séjour valable pendant une période minimale de six mois. Or, l'autorisation provisoire de séjour délivrée en application de l'article L. 316-1 a une durée variable, qui peut être inférieure à six mois.

Par conséquent, le paragraphe I du présent article tend à remplacer l'autorisation provisoire par une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d'une durée d'un an. Ces étrangers qui sont avant tout des victimes de réseaux criminels bénéficieront d'une carte de droit commun qui leur permettra de s'engager dans un processus d'intégration.

Sa délivrance n'est évidemment pas subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour.

Le paragraphe II du présent article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions de la délivrance, du renouvellement et du retrait de cette carte de séjour temporaire.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 29 sans modification.

Article 29 bis (nouveau) (art. L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Document de circulation délivré aux mineurs étrangers

Cet article est issu d'un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

L'article L. 321-4 du CESEDA dispose que les étrangers mineurs reçoivent, sur leur demande, un document de circulation. Ce document fait office de titre de séjour et permet, notamment, à ces mineurs de se déplacer à l'étranger 90 ( * ) .

L'article L. 324-1 du CESEDA énumère de façon exhaustive l'ensemble des articles et paragraphes où il est fait mention d'étrangers mineurs pouvant bénéficier d'une carte de séjour.

En réalité, ces mentions sont des abus de langage. Les mineurs ne peuvent pas, à proprement parler, détenir un titre de séjour. Ils bénéficient en revanche d'un droit au séjour. Lorsqu'ils atteignent leur majorité, ce droit au séjour se matérialise par la détention d'un titre de séjour.

Pour mettre fin à cette confusion, de nombreux articles du projet de loi, notamment les articles 24, 27 et 28, suppriment la référence aux étrangers mineurs lorsqu'il est question de la délivrance d'un titre de séjour.

Par coordination, le présent article tend à modifier l'article L. 321-4 du CESEDA. Il ne renvoie plus aux articles faisant référence aux étrangers mineurs, puisque celles-ci ont été supprimées par le projet de loi. A la place, il fait référence aux étrangers mineurs « dont au moins l'un des parents appartient aux catégories mentionnées aux articles... ».

Sous réserve d'un amendement de coordination, votre commission vous propose d'adopter l'article 29 bis ainsi modifié .

Article 29 ter (nouveau) (art. L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Les immunités et le délit d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement de Mme Chantal Brunel adopté à l'unanimité des suffrages exprimés. Il a pour objet d'exclure les étrangers vivant en état de polygamie du champ des immunités contre le délit d'aide au séjour irrégulier.

L'article L. 622-4 du CESEDA en vigueur prévoit que le délit d'aide au séjour irrégulier 91 ( * ) d'un étranger ne peut donner lieu à des poursuites pénales lorsqu'il est le fait de trois catégories de personnes :

- des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et soeurs de l'étranger ou de leur conjoint, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément ;

- du conjoint de l'étranger, sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;

- de toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte.

Cette immunité ne concerne que le délit « d'aide au séjour irrégulier » , et non celui d'aide à l'entrée irrégulière ou à la circulation. En outre, elle n'empêche pas la poursuite de ces personnes pour complicité d'entrée et de séjour irréguliers au titre de l'article L. 621-1 du CESEDA ou pour mariage de complaisance.

Le débat sur les immunités est apparu dès 1994, à l'occasion des débats sur la loi n°94-136 du 27 décembre 1994 92 ( * ) . Le débat s'est poursuivi lors de la discussion de la loi n°96-647 du 22 juillet 1996 tendant à la répression du terrorisme. Fut alors votée, l'immunité familiale au bénéfice des ascendants et des descendants de l'étranger ainsi que du conjoint de l'étranger, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément. La loi RESEDA du 11 mai 1998 a étendu ces immunités au conjoint des descendants ou des ascendants, aux frères et soeurs et à leur conjoint, ainsi qu'à la personne qui vit notoirement en situation maritale avec l'étranger. La condition de n'être pas séparés de corps ou de n'être pas autorisés à résider séparément a été supprimée.

La loi du 26 novembre 2003 a rétabli les conditions de communauté de vie, de non séparation de corps ou de partage d'un domicile commun, à défaut desquelles les conjoints des divers membres de la famille et de l'étranger ne peuvent bénéficier de l'immunité. Les liens familiaux qui confèrent l'immunité doivent être forts et actuels.

A l'initiative d'un amendement déposé par le groupe socialiste, la loi du 26 novembre 2003 a ajouté l'immunité dite « humanitaire » pour protéger les associations venant en aide aux étrangers en situation irrégulière.

Le présent article ne modifie pas cet équilibre. Il tend uniquement à préciser que les membres de la famille (conjoint, ascendant, descendant, frère et soeur...) ne bénéficient pas de l'immunité lorsque l'étranger bénéficiaire de l'aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie en France ou lorsque cet étranger est le conjoint d'une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

Il sanctionne ainsi les étrangers qui font venir plus d'une épouse, voire un autre membre de leur famille facilitant ainsi par son aide une situation de polygamie. Selon l'exposé des motifs de l'amendement, le retrait de cette immunité familiale est compatible avec le droit européen, notamment avec les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à la protection de la famille. Un arrêt de la Cour européenne (décision n°19628/92 du 29 juin 1992 « Rabia Bibi c/ Royaume-Uni ») a reconnu que ces mesures de protection ne s'appliquaient pas aux étrangers polygames.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 29 ter sans modification .

Article 29 quater (nouveau) (art. L. 552-6 du code de la sécurité sociale)
Mise sous tutelle des prestations familiales versées à un étranger vivant en état de polygamie

Le présent article est issu d'un amendement de Mme Chantal Brunel adopté par l'Assemblée nationale à l'unanimité des suffrages exprimés.

Issu de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, l'article L. 552-6 en vigueur du code de la sécurité sociale prévoit que, par décision du juge des enfants, les prestations familiales peuvent être versées, non pas aux parents, mais à une personne dite tuteur aux prestations familiales.

Cette faculté est actuellement prévue dans deux cas :

- lorsque les enfants donnant droit aux prestations familiales sont élevés dans des conditions d'alimentation, de logement et d'hygiène manifestement défectueuses ;

- lorsque le montant des prestations n'est pas employé dans l'intérêt des enfants.

Le présent article a pour objet d'y ajouter le cas où la personne ayant la charge des enfants est reconnue comme vivant en état de polygamie.

Selon l'exposé des motifs de cet amendement, la mise sous tutelle doit préserver les intérêts des enfants des familles polygames en empêchant les maris d'entretenir un lien de dépendance envers ses femmes et ses enfants.

Bien que depuis 1993 toute situation de polygamie soit proscrite en France, il faut toutefois distinguer selon que les familles sont - ou non - entrées avant ou après cette date.

Dans le premier cas, elles sont protégées contre les mesures d'éloignement et peuvent prétendre aux prestations familiales pour les enfants à charge. Dans le cas contraire, les familles se trouvent en situation irrégulière, sauf lorsque des considérations humanitaires ont plaidé en faveur de leur admission à titre exceptionnel.

La mise sous tutelle des prestations familiales pourrait servir à faire sortir de l'état de polygamie des familles contre lesquelles des mesures d'éloignement ne sont pas juridiquement possibles.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 29 quater sans modification .

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AU REGROUPEMENT FAMILIAL

Le regroupement familial est l'une des modalités par lesquelles des ressortissants étrangers peuvent être admis au séjour en France pour des motifs familiaux. En 2004, près de 15.000 familles ont bénéficié du regroupement familial, conduisant à l'admission au séjour de 25.420 personnes .

Ce chiffre témoigne d'une augmentation depuis 1999, mais est en légère diminution depuis deux ans, après un pic de 27.767 personnes admises au titre du regroupement familial en 2002. Selon des données provisoires, le regroupement familial aurait concerné 22.978 personnes en 2005.

Etrangers ayant obtenu un titre de séjour dans le cadre
du regroupement familial selon l'origine géographique
(Ressortissants de pays tiers - Flux de 1999 à 2004)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Europe
(hors EEE et CEI)

720

514

621

706

760

801

Nouveaux Etats membres

220

160

205

168

191

101

Autre Europe

500

354

416

538

569

700

CEI

213

145

175

251

272

326

CEI d'Europe

173

120

144

196

223

275

CEI d'Asie

40

25

31

55

49

51

Asie

4 805

4 606

4 863

4 993

4 772

4 583

Sud-Est asiatique

52

41

44

85

101

131

Autre Asie

4 753

4 565

4 819

4 911

4 671

4 452

Afrique

14 131

14 249

15 461

19 474

19 014

17 967

Maghreb

11 569

12 238

13 137

16 755

16 210

15 234

Afrique subsaharienne

1 439

1 410

1 556

2 029

2 089

2 139

Autre Afrique

1 123

601

768

690

715

594

Amérique

1 850

1 856

1 902

1 765

1 880

1 684

Amérique du Nord

1126

966

944

848

866

819

Amérique Centrale et du Sud

724

890

958

917

1014

865

Océanie

43

34

56

69

68

54

Non ventilés et apatrides

0

0

3

9

2

5

ENSEMBLE

21 762

21 404

23 081

27 267

26 768

25 420

Source : ANAEM

Article 30 (art. L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Personnes bénéficiaires du regroupement familial

Cet article tend à modifier l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'allonger le délai au terme duquel un étranger peut solliciter, pour les membres de sa famille, le bénéfice du regroupement familial tout en excluant de ce regroupement son conjoint mineur .

1. Les conditions actuelles du regroupement familial

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un titre d'une durée de validité d'au moins un an, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans 93 ( * ) .

Cette possibilité de regroupement familial consacre un véritable droit reconnu à la fois en tant que principe général du droit par le Conseil d'Etat 94 ( * ) et comme un principe constitutionnel par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 13 août 1993, ce dernier a en effet indiqué, sur le fondement du dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 95 ( * ) , que « les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale » et que « ce droit comporte en particulier la faculté pour ces étrangers de faire venir auprès d'eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs sous réserve de restrictions tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la santé publique lesquelles revêtent le caractère d'objectifs de valeur constitutionnelle » 96 ( * ) .

Au niveau européen, le droit au regroupement familial se fonde sur les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protège le droit de toute personne « au respect de sa vie privée et familiale » 97 ( * ) .

En outre, la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial impose aux Etats membres, en son article 4, d'autoriser l'entrée et le séjour du conjoint du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf exceptions limitativement énumérées.

Une fois admis au titre du regroupement familial, les membres de la famille du demandeur reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » s'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour. Ce titre leur confère le droit d'exercer, en France, une activité professionnelle 98 ( * ) .

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

? Les modifications proposées par le présent article tendraient, en premier lieu, à allonger le délai au terme duquel un étranger peut solliciter le bénéfice du regroupement familial .

La raison d'être de l'institution d'un délai pour obtenir le regroupement des membres de la famille d'un étranger est de s'assurer de son implantation durable en France.

Ce délai a déjà varié plusieurs fois. Ainsi, la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, l'avait fixé à deux années. Dans sa décision précitée du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel, par une réserve d'interprétation, avait jugé cette durée conforme au bloc de constitutionnalité, sous réserve « que la demande de regroupement puisse être formulée avant l'expiration de ce délai pour que ce droit soit effectivement susceptible d'être ouvert à son terme ».

La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile a ensuite abaissé cette durée à douze mois, l'autorité administrative devant statuer sur la demande de regroupement familial dans un délai de six mois à compter de la remise d'un dossier complet par le demandeur.

Le présent article tendrait désormais à étendre ce délai à dix-huit mois .

Cette modification a suscité une forte opposition exprimée, devant votre rapporteur, par les associations ainsi que par les représentants des Eglises.

Votre commission relève toutefois que ce délai respecte tant les prescriptions de la directive 2003/86/CE dont l'article 8 dispose que « les États membres peuvent exiger que le regroupant ait séjourné légalement sur leur territoire pendant une période qui ne peut pas dépasser deux ans, avant de se faire rejoindre par les membres de sa famille » que la jurisprudence susmentionnée du Conseil constitutionnel. En effet, compte tenu du délai de six mois avant l'expiration duquel l'administration doit statuer sur la demande 99 ( * ) , le regroupement pourra intervenir dans les deux ans suivant la date du début du séjour régulier du demandeur.

En outre, selon les informations recueillies par votre rapporteur, le fait de retenir un délai de dix-huit mois permettrait, en pratique, de n'autoriser à déposer une demande de regroupement qu'après qu'un premier titre de séjour d'une validité d'un an a été renouvelé. Actuellement, l'hypothèse du non renouvellement du titre de séjour du demandeur ne peut pas toujours être prise en compte par les services préfectoraux lors de l'instruction de la demande de regroupement familial.

Ce nouveau délai permettrait donc de n'accueillir en France, au titre du regroupement familial, que les personnes qui sont membres de famille d'un étranger dont le droit au séjour a été confirmé par l'autorité administrative et qui, par sa demande de renouvellement de son titre et l'obtention de celui-ci, a un projet d'établissement durable en France.

? A la suite d'un amendement présenté par Mme Nadine Morano auquel la commission et le Gouvernement ont donné un avis favorable, l'Assemblée nationale, le regroupement familial du conjoint mineur du demandeur ne serait plus possible.

Cette restriction tend à tenir compte du relèvement de 15 à 18 ans de l'âge nubile de l'épouse, opéré par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, adopté à l'initiative du Sénat afin de lutter contre les mariages forcés qui s'exercent éventuellement sur des mineures.

Cette mesure est par ailleurs conforme aux dispositions de la directive 2003/86/CE précitée qui, « afin d'assurer une meilleure intégration et de prévenir les mariages forcés », autorise les Etats membres à demander que le demandeur et son conjoint aient un âge minimal, qui ne peut être supérieur à 21 ans, avant que le conjoint ne puisse bénéficier de la mesure de regroupement 100 ( * ) .

Votre commission approuve cette mesure de coordination et vous propose d'adopter l'article 30 sans modification.

Article 31 (art. L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Conditions de logement, de ressources et de respect des principes qui régissent la République française

Cet article tend à modifier les conditions de ressources et de logement exigées par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'une mesure de regroupement familial. Il prévoit également d'imposer une condition nouvelle relative au respect, par le demandeur, des principes qui régissent la République française .

Actuellement, la demande de regroupement familial peut être refusée dans deux hypothèses : l'absence de ressources stables et suffisantes ; l'absence de logement normal pour accueillir l'ensemble de la famille.

1. La condition de ressources

Aux termes de l'article L. 411-5, le regroupement familial peut être refusé si « le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille . » Il doit s'agir de ressources personnelles, c'est-à-dire appartenant à l'étranger ou à son conjoint. Selon l'article 8 du décret n° 2005-253 du 17 mars 2005, les ressources prises en compte sont celles qui alimenteront de manière stable le budget de la famille.

La loi du 26 novembre 2003 a en outre prévu que les ressources dont doit justifier le demandeur doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel, sans qu'il soit tenu compte des des prestations familiales éventuellement perçues. L'article 6 du décret précité prévoit ainsi que le demandeur doit accompagner sa demande des « justificatifs [de ses] ressources [...] et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ».

Afin d'assurer une prise en compte des seuls revenus du demandeur provenant de son activité ou de son patrimoine, le du présent article exclurait expressément des ressources prises en compte, outre les prestations familiales éventuellement versées au demandeur, certains revenus de remplacement, limitativement énumérés :

- le revenu minimum d'insertion , visé à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ;

- l'allocation de solidarité aux personnes âgées , prévue à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale ;

- l'allocation temporaire d'attente , mentionnée à l'article L. 351-9 du code du travail 101 ( * ) .

- l'allocation supplémentaire d'attente , visée à l'article L. 351-10 du même code ;

- l'allocation équivalent retraite , mentionnée à l'article L. 351-10-1 du même code.

Cette exclusion s'inscrit parfaitement dans les termes et l'esprit de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial qui prévoit que les Etats membres peuvent exiger du demandeur qu'il fournisse la preuve qu'il dispose « de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre concerné ».

L'Assemblée nationale a, à la suite d'un amendement présenté par M. Jean-Claude Lagarde ayant reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement, prévu au bis du présent article que le seuil minimum de ressources actuellement prévu pourrait être « modulé par décret selon la composition de la famille » .

Votre commission souligne qu'un amendement identique avait été adopté par l'Assemblée nationale lors de la discussion de la loi du 26 novembre 2003 mais avait été rejeté par le Sénat, à son initiative. Elle avait en effet estimé à l'époque qu'il n'y avait pas lieu de distinguer, sur le plan des ressources, la situation des familles étrangères de celle des familles de Français. Comme l'avait souligné notre excellent collègue Jean-Patrick Courtois, « dans la mesure où le montant du salaire minimum de croissance mensuel est considéré comme assurant un niveau de vie suffisant pour les Français, il semble raisonnable de considérer que les étrangers atteignant ce niveau ont des ressources suffisantes . » 102 ( * )

Au surplus, votre commission constate qu'une telle modulation des conditions de ressources ne serait pas exigée par l'article L. 311-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel qu'il résulterait de l'article 18 du présent projet de loi, pour l'admission au séjour du conjoint ou de l'enfant mineur de l'étranger titulaire d'une carte de résident longue durée-CE obtenue dans un autre Etat membre de l'Union européenne 103 ( * ) . Or, un traitement différencié en la matière entre l'étranger ressortissant d'un Etat tiers titulaire d'un titre communautaire et un étranger également ressortissant d'un Etat tiers titulaire d'un titre délivré par les autorités françaises sur la base du seul droit national ne répondrait à aucune justification.

Bien que, juridiquement, la directive 2003/86/CE autorise effectivement les Etats membres à tenir compte, dans l'appréciation des ressources, « du nombre de membres que comporte la famille », votre commission maintient la position qui avait été la sienne en 2003 et vous propose, par amendement , de supprimer cette possibilité de modulation des ressources.

2. La condition de logement

Le 2° de l'article L. 411-5 prévoit actuellement que le regroupement familial peut également être refusé s'il apparaît que le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France.

Cette exigence résulte de la volonté que les conditions actuelles ou à venir du logement de l'étranger soient suffisantes pour qu'il puisse, dans des conditions décentes et normales, accueillir les membres de sa famille afin que tous puissent mener une existence en France non précaire.

Cette condition de logement est explicitée par le décret précité du 17 mars 2005. Son article 9 prévoit ainsi que le logement dont disposera la famille doit :

- « présenter une superficie habitable globale au moins égale à 16 m 2 pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 9 m 2 par personne jusqu'à huit personnes et de 5 m 2 par personne supplémentaire au-delà de huit personnes » ;

- « répondre aux autres conditions minimales de confort et d'habitabilité fixées en application des articles 2 et 6 de la loi du 6 juillet 1989 visée ci-dessus dans leur rédaction issue de l'article 187 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ».

A l'initiative de la commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a inséré un alinéa ter au sein du présent article du projet de loi, prévoyant que la condition de logement ne s'apprécierait plus au niveau national mais dans un contexte local . Le logement devrait donc désormais être considéré comme normal « pour une famille de taille comparable dans la même région ».

Cette modification permettrait donc de prendre en compte les caractéristiques locales du logement. En effet, la situation du logement des familles dans les grandes agglomérations diffère de beaucoup de celle que connaissent les familles vivant dans d'autres parties du territoire.

Votre commission estime que cette nouvelle rédaction permettra de mieux adapter le dispositif aux réalités du terrain et, en tout état de cause, d'écarter les critères de superficie actuels qui ne semblent pas à même d'assurer un logement dans des conditions correctes.

3. Une condition nouvelle : le respect par le demandeur des principes qui régissent la République française

Le du présent article instituerait une nouvelle condition pour l'admission d'une mesure de regroupement familial. Le demandeur devrait se conformer aux principes qui régissent la République française pour que sa demande puisse être acceptée.

Cette exigence reprendrait celle présente, depuis la loi du 26 novembre 2003, pour la délivrance d'une première carte de résident. Dans sa version actuelle, l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit en effet que la condition « d'intégration républicaine dans la société française » est appréciée, en particulier, au regard « des principes qui régissent la République française . » Il s'agit des règles fondatrices du pacte républicain, telles que le respect du principe d'égalité entre l'homme et la femme ou le principe de laïcité. Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, l'article 5 du présent projet de loi conserverait cette notion, en prévoyant que la condition d'intégration serait appréciée par l'autorité administrative au regard, notamment, « du respect effectif » des principes qui régissent la République française.

La nouvelle condition exigée du demandeur d'un regroupement familial n'exigerait donc pas que soit démontrée la réunion d'un faisceau d'indices comportant notamment la connaissance suffisante de la langue française. Cette dernière circonstance ne saurait en effet interdire à l'étranger résidant régulièrement en France de voir sa famille le rejoindre.

Elle aurait pour conséquence, en revanche, de ne pas faire bénéficier de ce droit les personnes qui, par leur comportement au cours de leur séjour sur le territoire de la République, ont démontré leur absence d'adhésion au pacte républicain.

Si l'appréciation de cette condition par l'autorité administrative ne pourra s'exercer, en tout état de cause, que sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, votre commission estime toutefois qu'elle ne revêt pas un caractère adéquat dans le cadre du regroupement familial, bien qu'elle puisse être considérée comme conforme à l'option ouverte aux Etats membres par la directive du 22 septembre 2003 104 ( * ) .

Elle est convaincue qu'il est nécessaire de soumettre l'exercice du regroupement familial à des conditions objectives -ce que sont effectivement l'existence de ressources et d'un logement suffisants pour l'accueil des membres de famille. Or, elle estime que la condition relative au respect par le demandeur des principes qui régissent la République est de nature trop subjective et n'a, en conséquence, pas à s'appliquer en cette matière .

Votre commission vous soumet, en conséquence, un amendement tendant à supprimer cette condition nouvelle.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 31 ainsi modifié .

Article 31 bis (nouveau) (art. L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Avis du maire sur la condition tenant au respect par le demandeur des principes qui régissent la République française

Cet article, issu d'un amendement de M. Alain Cortade auquel la commission des lois et le Gouvernement ont donné un avis favorable, tend à prévoir que le maire donne un avis sur le respect, par le demandeur d'une mesure de regroupement familial, des principes qui régissent la République française , condition qui serait introduite à l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu de l'article 31 du présent projet de loi. Il modifierait en conséquence l'article L. 421-1 de ce même code.

Le maire est déjà invité à donner un avis sur les conditions de ressources et de logement d'ores et déjà instituées par l'article L. 411-5. Par analogie, il pouvait sembler légitime de lui permettre de se prononcer également sur le respect par le demandeur de la condition relative à son comportement au regard des principes régissant notre République. Toutefois, le dispositif proposé ne prévoirait pas le délai applicable pour donner cet avis. Par ailleurs, il ne permettrait pas d'envisager l'hypothèse, qui peut être courante en pratique, dans laquelle le maire s'abstiendrait de communiquer son avis à l'autorité administrative.

Toutefois, votre commission ayant souhaité supprimer la condition relative au respect des principes régissant la République française, elle vous propose de supprimer par amendement le présent article, devenu sans objet .

Votre commission vous propose de supprimer l'article 31 bis .

Article 32 (art. L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Retrait du titre de séjour en cas de rupture de la vie commune

Cet article tend à prévoir la possibilité pour l'autorité administrative de retirer un titre de séjour, quel qu'il soit, délivré au conjoint d'un étranger entré en France au bénéfice du regroupement familial en cas de rupture de la vie commune . Il modifierait à cette fin l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

1. Le droit en vigueur

L'étranger qui, membre de la famille d'un étranger résidant régulièrement en France, est entré en France au titre du regroupement familial se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire lui donnant la possibilité d'exercer une activité professionnelle 105 ( * ) .

En cas de détournement de procédure, si l'étranger résidant en France a contracté un mariage de complaisance, l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorise l'autorité administrative à retirer ou à refuser le renouvellement de la carte de séjour temporaire qui a été remise au conjoint d'un étranger pendant les deux années suivant sa délivrance, en cas de rupture de la vie commune. Lorsque cette rupture est antérieure à la délivrance du titre, l'autorité administrative, a l'obligation de refuser de délivrer ce titre.

Toutefois, l'autorité peut accorder le renouvellement du titre lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger entré au titre du regroupement familial, en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint.

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Sans remettre en cause l'économie globale de ce dispositif, le présent article procéderait à certains aménagements.

En premier lieu, le retrait ou le refus de renouvellement concernerait, de manière générale, le « titre de séjour » délivré au conjoint.

Cette modification prendrait en compte l'allongement de la durée requise pour l'obtention par le conjoint d'un étranger bénéficiant du regroupement familial d'une carte de résident 106 ( * ) qui passerait de deux ans à trois ans de résidence ininterrompue en France, en application de l'article 27 du présent projet de loi. Elle permettrait ainsi, dès la publication de la loi, le retrait de la carte de résident en cas de rupture de la vie commune pendant la troisième année suivant leur arrivée en France. Il s'agirait néanmoins d'une disposition n'ayant qu'un effet transitoire, à l'égard des seules personnes ayant acquis leur carte de résident sous l'empire de l'article L. 314-9 dans sa rédaction issue de la loi du 26 novembre 2003.

En deuxième lieu, ce retrait ou refus pourrait intervenir dans un délai de trois années à compter de l'autorisation à séjourner sur le territoire national au titre du regroupement familial. Il s'agirait, ici encore, de prendre en compte l'allongement de la durée de délivrance d'une carte de résident au conjoint entré en France au titre du regroupement familial.

En troisième lieu, à la suite d'un amendement de M. Etienne Pinte et de Mme Christine Boutin, sous-amendé par la commission des lois avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que le retrait du titre de séjour ou le refus de son renouvellement ne pouvait être opposé par l'administration en cas de rupture de la vie commune lorsque trois conditions sont réunies :

- l'étranger qui a fait venir son conjoint est titulaire d'une carte de résident ;

- un ou plusieurs enfants sont nés en France de son union avec son conjoint ;

- l'étranger justifie contribuer, depuis la naissance, à l'entretien ou à l'éducation de ces enfants .

Votre commission est favorable à cette exception apportée au dispositif, qui permettrait de garantir que des enfants nés d'une union puissent être effectivement élevés par leurs père et mère. Elle correspond d'ailleurs aux engagements de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, à laquelle la France est partie, qui stipule notamment que « les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant ».

En quatrième lieu, à la suite de deux amendements identiques de M. Etienne Pinte et de Mme Christine Boutin, d'une part, et de Mme Nadine Morano, d'autre part, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu que lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait de son titre de séjour .

Cette disposition complèterait le texte actuel de l'article L. 431-2 qui, à l'initiative du Sénat lors de l'examen de la loi du 26 novembre 2003, permet, dans un tel cas, à l'autorité administrative de renouveler le titre de séjour de l'étranger. Elle permettrait ainsi de mieux garantir les droits de l'époux maltraité par son conjoint.

En dernier lieu, à l'initiative de M. Patrick Braouzec, l'Assemblée nationale a, avec l'accord de la commission et du Gouvernement, précisé que le décès de l'un des conjoints ne pouvait s'assimiler à une rupture de la vie commune au sens du présent article . Cette mention évitera donc qu'un étranger devenu veuf voit sa situation modifiée au regard de son droit au séjour.

Favorable aux modifications apportées à l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, votre commission vous propose néanmoins un amendement de réécriture globale de cette disposition afin de lui donner une plus grande cohérence rédactionnelle .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 32 ainsi modifié .

TITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES AUX MESURES D'ÉLOIGNEMENT

Article additionnel après le titre III (art. L. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Favoriser le recours à la visioconférence pour l'audience de prolongation de la rétention

Afin d'alléger la charge de travail résultant des opérations de transfèrements des centres de rétention administrative vers les tribunaux, la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine recommandait de recourir à la visioconférence. Cette technique pourtant permise par la loi n'a pas encore été utilisée en matière de contentieux de l'éloignement. Le confort des étrangers retenus s'en trouverait pourtant amélioré sans que leurs droits en souffrent. Par ailleurs, la technique de la visioconférence est de plus en plus utilisée dans le cadre d'autres procédures et donne entière satisfaction.

Afin de développer la visioconférence en matière de contentieux des étrangers, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet :

- de supprimer le consentement de l'étranger pour recourir à la visioconférence lors des audiences de prolongation de la rétention administrative ;

- de laisser au juge l'entière liberté de recourir ou non à la visioconférence. Cette décision ne serait plus soumise à la proposition de l'autorité administrative.

Le consentement de l'étranger n'est pas nécessaire à partir du moment où l'on admet que la visioconférence préserve le droit à un procès équitable ainsi que la publicité des débats. Il convient d'ajouter que le code de procédure pénale permet déjà de recourir largement à la visioconférence sans que le consentement du prévenu ou du condamné soit requis.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel ainsi rédigé .

Article additionnel après le titre III (art. L. 222-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Favoriser le recours à la visioconférence pour l'audience de maintien en zone d'attente

Cet amendement est relatif aux conditions d'utilisation de la visioconférence à l'occasion des audiences de prolongation du maintien en zone d'attente.

De la même façon que l'amendement précédent créant un article additionnel après le titre III, cet amendement supprime le consentement de l'étranger. Les raisons sont identiques.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel ainsi rédigé .

Article additionnel après le titre III (art. L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Intervention de l'administrateur ad hoc

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine avait attiré l'attention sur la prise en charge des étrangers mineurs isolés lors de leur arrivée à la frontière, estimant que leur situation spécifique requérait des solutions adaptées.

Afin de réduire le délai pendant lequel un mineur isolé peut se retrouver sans assistance, votre commission vous soumet un amendement prévoyant l'intervention de l'administrateur ad hoc dès le refus d'entrée sur le territoire opposé au mineur étranger et non plus au moment de son placement en zone d'attente.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel ainsi rédigé .

Article 33 (art. L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Nouveau cas de refus d'entrée en France

Le présent article qui modifie l'article L. 213-1 du CESEDA a pour objet de permettre de refuser l'entrée sur le territoire français aux étrangers qui, moins d'un an auparavant, ont été sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière édicté au cours d'un séjour de moins de trois mois. L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Selon les termes de l'article L. 213-1 du CESEDA, le refus d'entrée peut être opposé à un étranger qui, soit constitue une menace pour l'ordre public, soit fait l'objet d'une interdiction du territoire français ou d'un arrêté d'expulsion. Un étranger muni de tous les documents exigés, notamment un visa, peut donc se voir refuser l'accès au territoire français pourvu que la décision de non-admission soit spécialement motivée. Depuis un arrêt récent, le juge administratif exerce un contrôle normal sur ces décisions (Conseil d'Etat, 3 mars 2003, M. Rakhinov).

Le présent article permettrait d'ajouter à ces cas celui d'un étranger ayant fait l'objet moins d'un an auparavant d'un arrêté de reconduite à la frontière édicté sur le fondement du 8° du II de l'article L. 511-1 du CESEDA 107 ( * ) .

L'article L. 511-1 du CESEDA, anciennement article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, énumère les différents cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'un APRF. Le 8° de cet article dispose que l'étranger qui représente une menace pour l'ordre public 108 ( * ) ou qui travaille sans être pourvu d'une autorisation de travail 109 ( * ) (article L. 341-4 du code du travail) pendant la durée de validité de son visa court séjour ou pendant les trois mois à compter de son entrée sur le territoire français sans être titulaire d'un premier titre de séjour pourra être reconduit à la frontière . Cette dernière mesure répond notamment au développement de filières de travail clandestin qui profitent des visas touristiques pour organiser des allers et retours répétés. L'étranger muni de son visa de touriste vient travailler trois mois, repart dans son pays puis revient trois mois plus tard.

Le présent article permettrait donc de refuser plus facilement l'entrée à un étranger qui a fait l'objet d'un APRF pour ce motif moins d'un an auparavant. La menace pour l'ordre public n'aurait pas à être spécialement établie. Cette faculté ne vaudrait que pour les APRF édictés après la promulgation de la présente loi.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 33 sans modification.

Articles 34 et 35 (chapitre I du titre I du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Intitulé-coordination

Le présent article tend à modifier l'intitulé du chapitre premier du titre I du livre V du CESEDA ainsi que celui dudit titre I.

Ce titre intitulé « La reconduite à la frontière » au sein du livre V relatif aux mesures d'éloignement serait désormais intitulé « L'obligation de quitter le territoire français et la reconduite à la frontière ». De la même façon, le chapitre premier dudit titre intitulé « Cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière » serait renommé « Cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière ».

Ces changements d'intitulé sont des coordinations avec l'article 36 du projet de loi qui crée une nouvelle mesure d'éloignement, l'obligation de quitter le territoire français, distincte de l'arrêté de reconduite à la frontière ordinaire.

Votre commission des lois vous propose d'adopter les articles 34 et 35 sans modification.

Article 36 (art. L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Création d'une obligation de quitter le territoire français délivrée à l'occasion d'une décision de refus de titre de séjour

Le présent article qui tend à modifier l'article L. 511-1 du CESEDA a pour objet de simplifier le contentieux devant le juge administratif après un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour.

1. Le droit en vigueur

• Refus de titre et arrêté de reconduite à la frontière

Tout étranger qui souhaite séjourner en France au-delà d'un délai de trois mois doit être muni d'une carte de séjour.

Lorsqu'un étranger se voit refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour ou lorsque ce titre de séjour lui est retiré 110 ( * ) , il dispose généralement d'un délai d'un mois pour quitter volontairement le territoire français. Ce délai court à compter de la notification du refus ou du retrait.

La décision du préfet peut faire l'objet des recours habituels, notamment un recours hiérarchique devant le ministre de l'intérieur et un recours contentieux devant le tribunal administratif territorialement compétent dans les deux mois de la notification. Ces recours ne sont pas suspensifs.

La notification de la décision de refus de titre de séjour ou de retrait du titre indique la date à laquelle l'étranger devra avoir quitté le territoire français. C'est cette notification qui est également appelée invitation à quitter le territoire français (IQTF). En réalité, elle ne constitue pas une mesure distincte du refus de séjour. Elle est dépourvue de force exécutoire et ne fait donc pas grief.

A l'issue d'un mois, si l'administration constate que l'étranger n'a pas quitté le territoire français, il s'expose à des sanctions pénales ainsi qu'à une mesure d'éloignement forcé du territoire, en pratique un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF).

L'APRF est la mesure d'éloignement ordinaire utilisée à l'encontre des étrangers en situation irrégulière 111 ( * ) . L'article L. 511-1 du CESEDA détermine les différentes hypothèses dans lesquelles un étranger est susceptible d'être reconduit à la frontière. Les 3° et 6° de cet article prévoient expressément la faculté pour le préfet de prendre un APRF à l'encontre des étrangers s'étant vu retirer un titre de séjour ou refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour.

Le régime de l'APRF est particulier.

L'APRF peut être pris à la suite d'une interpellation. Il est alors notifié « par voie administrative », c'est-à-dire en main propre. L'APRF peut également être notifié par voie postale, sous pli recommandé. Ce cas de figure est le plus fréquent. Les APRF sont le plus souvent notifiés par voie postale lorsqu'à l'issue du délai d'un mois après une décision de refus ou de retrait de titre, l'étranger n'a pas quitté le territoire français.

L'APRF comporte également la mention du pays de destination vers lequel l'administration envisage d'éloigner l'étranger. La fixation du pays de renvoi constitue une décision distincte (article L. 513-3 du CESEDA).

Enfin, la notification de l'APRF ouvre la faculté pour l'administration de placer l'étranger en rétention. La décision de placement en rétention est encore une décision distincte.

L'intéressé peut alors déposer un recours en annulation contre l'APRF dans les quarante-huit heures suivant la notification par voie administrative ou dans les sept jours lorsque l'APRF est notifié par voie postale (article L. 512-2 du CESEDA). Pendant le délai de recours, l'APRF ne peut être exécuté (article L. 512-3 du CESEDA).

Le recours contre l'APRF est lui aussi suspensif. Si l'étranger souhaite attaquer la décision fixant le pays de renvoi, ce recours n'est suspensif que s'il est formé en même temps que le recours contre l'APRF.

Le caractère suspensif du recours n'empêche pas l'administration de placer l'étranger en rétention administrative (article L. 551-1 du CESEDA) 112 ( * ) .

Le président du tribunal administratif ou un magistrat délégué par lui statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine 113 ( * ) . L'audience se déroule sans conclusions du commissaire du gouvernement. L'APRF ne peut être exécuté avant que le juge n'ait statué. Ce jugement est susceptible d'appel dans un délai d'un mois, mais il n'est pas suspensif 114 ( * ) .

• Un contentieux de masse

Le contentieux des étrangers représente une part croissante de l'activité des juridictions administratives. Cette évolution est principalement le fait du contentieux de la reconduite à la frontière.

Lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, M. Patrick Mindu, président du tribunal administratif de Paris, a relevé que la politique volontariste de lutte contre l'immigration clandestine mise en oeuvre à partir de la fin de l'année 2003 s'était traduite par une forte augmentation des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) et, mécaniquement, par une multiplication des recours devant les tribunaux administratifs. Il a ajouté que le contentieux des reconduites à la frontière avait désormais toutes les caractéristiques d'un contentieux de masse, auquel les juridictions du premier degré et les cours administratives d'appel sont toutefois très inégalement exposées.

En 2004, 16.952 requêtes ont été enregistrées devant les tribunaux métropolitains et 17.921 en 2005. Si les tribunaux administratifs de Bastia ou Limoges ont enregistré quelques dizaines de recours, ceux de Paris ou de Cergy-Pontoise ont été saisis respectivement de 6.000 et 1.975 requêtes en 2004, puis de 4.826 et 2.412 requêtes en 2005. Ces deux dernières juridictions totalisent à elles seules près de la moitié des affaires portées devant les juridictions métropolitaines en 2004 et 40 % en 2005.

Le contentieux des étrangers dans son ensemble (recours contre les APRF, les refus de séjour, les mesures d'expulsion, référé) représenterait désormais plus du quart des affaires enregistrées chaque année dans les tribunaux administratifs, trois tribunaux -Paris, Cergy-Pontoise et Marseille- totalisant à eux seuls la moitié des affaires jugées. Le tribunal administratif de Paris a enregistré 10.312 requêtes concernant les étrangers en 2005 soit, sur un volume global d'entrées d'à peine plus de 20.000 requêtes, 51 % des affaires nouvelles.

Ce contentieux est principalement nourri par les APRF, et plus particulièrement par les APRF notifiés par voie postale, qui en représentent la majorité. Le caractère suspensif du recours explique que le taux de recours contre ces décisions est particulièrement élevé : selon le Syndicat de la justice administrative entendu par votre rapporteur, ce taux avoisinerait 38 %.

Or, faute d'interpellations consécutives à la prise des APRF notifiés par voie postale, le taux d'exécution est inférieur à 3 %. En outre, la loi du 26 novembre 2003, prenant acte de la jurisprudence du Conseil d'Etat, a prévu qu'un étranger ne pouvait être placé en rétention sur la base d'un APRF édicté depuis plus d'un an. Les magistrats administratifs sont saisis de recours contre des décisions qui ne seront quasiment jamais appliquées, mais qu'ils doivent, en théorie, examiner dans un délai de soixante-douze heures.

A l'occasion de ce recours, le juge peut être amené à se prononcer par voie d'exception sur la légalité de la décision de refus ou de retrait du titre de séjour, à la condition que le délai de recours contre cette décision ne soit pas éteint ou qu'elle ait déjà fait l'objet d'un recours dans les délais.

Le juge administratif a le plus souvent à connaître de l'accessoire, l'APRF, avant le principal, le refus de séjour.

Face à cette situation absurde qui engorge de nombreux tribunaux, une réforme du contentieux administratif de l'éloignement des étrangers était nécessaire avec une triple exigence : diminuer le volume du contentieux, préserver l'efficacité des mesures d'éloignement et maintenir des garanties équivalentes pour les étrangers.

2. Le texte soumis au Sénat

Le présent article tend à rassembler les dispositions en vigueur de l'article L. 511-1 dans un paragraphe II et à créer un paragraphe I nouveau.

Ce paragraphe propose d'assortir les refus de titre de séjour, refus de renouvellement et retraits de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). L'invitation à quitter le territoire, qui n'a aucune valeur contraignante, serait remplacée par cette obligation laquelle ferait office d'APRF et fixerait le pays de renvoi.

L'autorité administrative n'aurait plus à prendre un APRF distinct un mois après la notification du refus ou du retrait du titre du séjour.

L'étranger disposerait d'un délai d'un mois pour satisfaire à l'OQTF. Rien ne changerait par rapport à la procédure actuelle qui ménage un délai d'un mois à l'étranger pour partir avant que le préfet ne prenne un APRF. L'OQTF serait une sorte d'APRF assorti d'un sursis à exécution d'un mois. Durant ce même délai, l'étranger ne pourrait faire l'objet d'un placement en rétention.

A l'initiative de M. Patrick Braouezec, l'Assemblée nationale a précisé que durant ce délai d'un mois, l'étranger a la possibilité de solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations. Cela est déjà le cas pendant le mois qui suit le refus ou le retrait du titre de séjour.

Les requérants attaqueraient simultanément trois décisions (le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire et le choix du pays de renvoi).

Cette réforme devrait alléger les tâches administratives dévolues aux services des préfectures et devrait réduire le nombre des contentieux, dès lors que l'OQTF et le refus de séjour ne feront plus l'objet de contentieux distincts (voir le commentaire de l'article 41 du projet de loi qui définit les règles applicables au contentieux de l'OQTF).

Cette nouvelle procédure d'OQTF devrait se substituer aux APRF pris sur le fondement des 3° et 6° de l'article L. 511-1 du CESEDA en vigueur. Elle ne trouverait pas à s'appliquer à l'APRF pris à la suite d'un retrait ou d'un refus de titre de séjour prononcé en raison d'une menace à l'ordre public (cas visé par le 7° de l'article L. 511-1 du CESEDA en vigueur). En effet, en cas de menace à l'ordre public, l'éloignement doit être immédiat ; l'étranger ne dispose pas d'un mois pour quitter le territoire.

Par conséquent, par coordination, le présent article supprime les 3° et 6° de l'article L. 511-1 du CESEDA.

Enfin, le présent article précise que cette procédure serait applicable, le cas échéant, aux ressortissants de l'Union européenne ne justifiant d'aucun droit au séjour en application de l'article L. 121-1 du CESEDA (voir le commentaire de l'article 16 du projet de loi).

3. La position de votre commission des lois

Cette simplification des procédures est une bonne initiative. Dans son rapport, la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine remarquait néanmoins que l'impact sur l'activité des juridictions ne serait peut-être pas aussi important qu'espéré.

En effet, à ce jour, le taux de recours contre les refus de séjour ou les retraits de titre de séjour n'est pas aussi élevé que le taux de recours contre les APRF, les étrangers choisissant plutôt d'attaquer l'APRF en raison du caractère suspensif du recours.

Comme l'ont également remarqué les syndicats de magistrats administratifs entendus par votre rapporteur, cette réforme pourrait inciter les requérants à attaquer plus systématiquement la décision de refus de séjour.

La commission d'enquête appelait donc à mener cette réforme utile à son terme en engageant une réflexion sur la pratique des APRF notifiés par voie postale que cette réforme ne supprime pas.

Selon la police aux frontières, ces arrêtés présentent malgré tout plusieurs avantages, notamment la possibilité d'inscrire l'étranger au fichier des personnes recherchées. Un autre argument parfois invoqué est qu'une partie des APRF notifiés par voie postale ne fait pas l'objet d'un recours pendant le délai de sept jours prévu par la loi. En cas d'interpellation de l'étranger et d'exécution forcée de l'arrêté, l'étranger ne peut le contester. Mais cet argument, outre le fait qu'il est moralement indéfendable, pèse peu puisque le taux d'exécution est très faible.

Une solution envisagée et préconisée par de nombreux juges administratifs était donc de supprimer les APRF notifiés par voie postale et de ne conserver que les APRF pris et notifiés après interpellation.

Si le projet de loi initial n'a pas retenu cette solution, un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoit, à l'article 42 du projet de loi, la suppression des APRF notifiés par voie postale.

Votre rapporteur se réjouit évidemment de cette modification qui complète judicieusement la création de l'OQTF.

Toutefois, pour que la réforme du contentieux de l'éloignement soit réellement efficace, il semble à votre rapporteur que les services de police et de gendarmerie devront se donner les moyens d'exécuter rapidement les OQTF. A défaut, ils risquent d'être exécutés aussi rarement que les APRF notifiés par voie postale.

Une expérience menée par la préfecture du Bas-Rhin devrait être étendue et appliquée aux OQTF. Les services de la police aux frontières y sont informés par la préfecture de l'adresse à laquelle la notification de l'APRF a été envoyée afin de permettre la mise en oeuvre des investigations appropriées. Sur 204 dossiers, 58 ont eu une suite favorable soit un taux d'exécution de 28,43 %.

Concernant l'aide au retour , votre commission vous soumet un amendement prévoyant que l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut solliciter l'aide au retour au-delà du délai d'un mois, sauf s'il a été placé en rétention. Cet amendement s'inspire de la recommandation n° 39 de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine qui estimait que l'aide au retour devait pouvoir être proposée à tout moment aux étrangers en situation irrégulière, le coût d'une reconduite forcée étant bien supérieure à celui de l'aide au retour.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 36 ainsi modifié .

Article 37 (art. L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination - obligation de quitter le territoire français

Cet article modifie une référence dans l'article L. 511-2 afin de tenir compte de la nouvelle structure de l'article L. 511-1 du CESEDA tel que modifié par l'article 36 du projet de loi.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 37 sans modification.

Article 38 (art. L. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination - obligation de quitter le territoire français

Cet article modifie une référence dans l'article L. 511-3 afin de tenir compte de la nouvelle structure de l'article L. 511-1 du CESEDA tel que modifié par l'article 36 du projet de loi.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 38 sans modification.

Article 39 (art. L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination en matière de protection contre la reconduite à la frontière

Le présent article tend à modifier l'article L. 511-4 du CESEDA qui définit les catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.

Depuis la réforme de la « double peine » par la loi du 26 novembre 2003, bénéficient de cette protection contre les mesures de reconduites à la frontière l'ensemble des catégories d'étrangers faisant l'objet d'une protection absolue ou relative contre les mesures d'expulsion. La liste de l'article L. 511-4 est la synthèse de celles des articles L. 521-2 et L. 521-3 du CESEDA.

Le présent article procède à plusieurs coordinations ou tire les conclusions de certaines évolutions de la législation sur le séjour par le présent projet de loi.

Le 1° du présent article tire les conséquences de la création de l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) et précise que ces étrangers ne peuvent pas non plus faire l'objet d'une OQTF.

Le 2° du présent article tend à abroger le 3° de l'article L. 511-4 qui protège contre les mesures d'éloignement « l'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de quinze ans sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ».

L'article 24 du projet de loi supprime le 3° de l'article L. 313-11 qui permet de régulariser de plein droit les étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France. Cette suppression se justifie notamment par le souci de ne pas accorder de prime à l'illégalité et de laisser à l'autorité administrative sa liberté d'appréciation.

Si cette protection contre les mesures de reconduite à la frontière était maintenue, cela reviendrait de facto à devoir délivrer de plein droit un titre de séjour aux étrangers justifiant de quinze ans de séjour irrégulier en France.

Le 2° bis du présent article , issu d'un amendement du député M. Jérôme Rivière, tend à modifier le 6° de l'article L. 511-4 qui protège contre les mesures d'éloignement « l'étranger [...] qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [...] depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an . »

Par coordination avec un amendement du même auteur à l'article 24 du projet de loi, le présent article fait passer de un à deux ans la durée de la condition de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant.

L'article 24 du projet de loi tend en effet à modifier l'article L. 313-11 de sorte qu'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » ne puisse être délivrée, dans les mêmes conditions, qu'après deux années d'entretien et d'éducation de l'enfant, contre une année selon le droit en vigueur.

Le 3° du présent article tend à modifier le 7° de l'article L. 511-4 qui protège contre les mesures d'éloignement « l'étranger marié depuis au moins deux ans avec un conjoint de nationalité française [...] ».

Par coordination avec l'article 27 du projet de loi qui fait passer de deux à trois années la durée de mariage et de communauté de vie nécessaire pour qu'un conjoint de Français obtienne une carte de résident, le présent article allonge aussi cette durée pour bénéficier de la protection.

L'intérêt de renforcer les conditions de délivrance d'une carte de résident s'évanouirait en partie si l'étranger concerné était protégé contre les mesures d'éloignement avant même d'obtenir cette carte.

Le 4° du présent article qui tend à modifier le 8° de l'article L. 511-4 est également une coordination.

Le 5° du présent article a pour objet de créer une nouvelle catégorie d'étrangers protégés contre les mesures d'éloignement : les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ainsi que les membres de leur famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent. Ce droit s'acquiert dans les conditions définies à l'article L. 122-1 nouveau du CESEDA créé par l'article 16 du projet de loi.

En outre, le 6° du présent article tend à protéger également les membres de la famille, ressortissant d'un pays tiers, d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. Toutefois, le projet de loi ne les protège que contre les mesures de reconduite à la frontière et non contre les obligations de quitter le territoire français.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 39 sans modification .

Articles 40 et 41 (art. L. 512-1 et L. 512-1-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Contentieux de l'obligation de quitter le territoire français

L'article 40 du projet de loi tend à transférer au sein d'un article L. 512-1-1 nouveau les dispositions de l'article L. 512-1 en vigueur du CESEDA.

De la sorte, l'article 41 du projet de loi fait figurer au sein de l'article L. 512-1, vidé de ses dispositions actuelles, l'ensemble des règles relatives au contentieux de l'obligation de quitter le territoire français (OQTF).

L'article 36 du projet de loi tend en effet à créer une nouvelle procédure permettant d'assortir une décision de refus ou de retrait d'un titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. L'étranger sous le coup de ces décisions disposerait d'un mois pour mettre à exécution volontairement la mesure d'éloignement. Pendant ce délai, il ne peut être placé en rétention (voir le commentaire sous l'article 36 du projet de loi).

Le présent article précise la procédure administrative et contentieuse applicable.

Dans un délai d'un mois 115 ( * ) à compter de la notification du refus de séjour, du refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour assorti de l'OQTF mentionnant le pays de renvoi, l'étranger pourrait demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif .

Les requérants attaqueraient simultanément trois décisions : le refus de séjour ou assimilé, l'obligation de quitter le territoire et le choix du pays de renvoi.

Le délai d'un mois est un compromis entre les différents délais de recours en vigueur applicables à ces trois décisions : deux mois pour le refus de séjour, 48h ou sept jours pour les APRF selon qu'ils sont notifiés par voie administrative ou postale.

Le recours contre ces trois décisions suspendrait l'exécution de la seule obligation de quitter le territoire français . Cette dichotomie s'inspire directement de l'état du droit. Le recours contre le refus de séjour n'est pas suspensif alors que celui contre l'APRF l'est.

Par ailleurs, l'effet suspensif du recours contre l'OQTF ne ferait pas obstacle au placement en rétention administrative . Cette règle devrait être combinée avec l'article L. 511-1 dans sa rédaction issue de l'article 36 du projet de loi qui prévoit que l'étranger ne peut être mis en rétention pendant le délai d'un mois suivant la notification de l'OQTF. Ce délai d'un mois ne souffrirait aucune exception.

Ainsi, un étranger qui déposerait son recours le 25 ème jour suivant la notification de l'OQTF ne pourrait être placé en rétention à la suite d'une interpellation qu'à partir du 31 ème jour.

Le tribunal administratif disposerait de trois mois pour statuer sur les trois décisions en même temps . Jusqu'à ce que le tribunal statue, l'OQTF ne pourrait être exécutée.

Toutefois, en cas de placement en rétention de l'étranger avant que le tribunal n'ait rendu sa décision, la procédure est accélérée.

Le tribunal administratif statuerait en soixante-douze heures sur la légalité de l'OQTF et de la décision fixant le pays de renvoi . Il ne serait pas statué sur la décision de refus de séjour, sauf par voie d'exception.

La procédure contentieuse suivie est celle applicable aux mesures de reconduite à la frontière définies à l'article L. 512-2 du CESEDA. C'est donc une formation à juge unique sans commissaire du gouvernement qui se prononcerait sur l'OQTF et le pays de renvoi.

En cas d'annulation de l'OQTF, il serait mis fin à la rétention. Une autorisation provisoire de séjour serait remise à l'étranger le temps nécessaire pour que le tribunal administratif statue sur le principal, c'est-à-dire la décision de refus de séjour, dans le délai de trois mois précité.

Un amendement du député M. Jérôme Rivière, adopté par l'Assemblée nationale avec un avis de sagesse du gouvernement, prévoit en outre que la clôture de l'instruction est prononcée à l'audience ou au terme des débats. Son auteur souhaite ainsi souligner l'importance de l'oralité dans ce contentieux et la nécessité qu'il y a à maintenir la possibilité de présenter à l'audience des éléments nouveaux. Toujours selon l'auteur, une tendance à vouloir prononcer la fin de l'instruction avant l'audience se dessinerait dans certains tribunaux administratifs.

Votre commission vous soumet un amendement de suppression des dispositions introduites par l'amendement précité adopté par l'Assemblée nationale en raison de leur nature réglementaire.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 40 sans modification et l'article 41 ainsi modifié .

Article 42 (art. L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Recours à des magistrats honoraires - Suppression des arrêtés de reconduite notifiés par voie postale

Le présent article tend à modifier l'article L. 512-2 du CESEDA relatif à la procédure contentieuse des arrêtés de reconduite à la frontière.

Le 1° A (nouveau) du présent article a été introduit à l'initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Il modifie le premier alinéa de l'article L. 512-2 afin de supprimer les APRF notifiés par voie postale (voir le commentaire de l'article 36 du projet de loi). Cette suppression tire les conclusions, d'une part, de l'inutilité de ces APRF et, d'autre part, de la création de l'obligation de quitter le territoire français.

Les règles du recours contre les APRF notifiés par voie administrative resteraient inchangées. Le recours en annulation devrait toujours être formé dans les quarante-huit heures et serait suspensif.

Le 1°  du présent article prévoit que le président du tribunal administratif pourrait désigner des magistrats honoraires pour statuer sur la légalité des APRF notifiés par voie administrative ainsi que sur celle des obligations de quitter le territoire français en cas de procédure accélérée 116 ( * ) .

En droit positif, l'article L. 512-2 permet au président du tribunal de désigner un délégué. Le tribunal administratif statue en formation de juge unique et non en formation collégiale. L'urgence de cette procédure explique cette entorse au principe de la collégialité.

Le présent article devrait faciliter l'organisation du travail dans les tribunaux administratifs en permettant d'utiliser des magistrats honoraires « inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative ». L'article 58 du projet de loi crée ce nouvel article du code de justice administrative et précise les modalités de désignation de ces magistrats.

Ces magistrats devraient permettre de soulager pour une partie la charge de travail des tribunaux administratifs. Ces magistrats expérimentés ont la compétence nécessaire pour connaître du contentieux complexe des APRF.

Le 2° du présent article est une coordination avec les dispositions du 1°.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 42 sans modification .

Article 43 (art. L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination

Le présent article tend à opérer plusieurs coordinations au sein de l'article L. 512-3 du CESEDA afin de tenir compte de la suppression des APRF notifiés par voie postale (article 42 du projet de loi), de la création de l'OQTF (article 36 du projet de loi) et de la faculté de recourir à des magistrats honoraires pour statuer sur le contentieux des APRF (article 42 du projet de loi).

Sous réserve d'un amendement rédactionnel, votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 43 ainsi modifié .

Article 44 (art. L. 512-5, L. 513-1, L. 514-1 et L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Déclassement des dispositions en matière d'appel des jugements des mesures de reconduite à la frontière

Le présent article tend à abroger l'article L. 512-5 du CESEDA en raison de sa nature réglementaire.

Cet article dispose que les mesures de reconduite à la frontière sont susceptibles d'appel dans un délai d'un mois devant le Conseil d'Etat, l'appel n'étant pas suspensif. Toutefois, l'article L. 512-5 prévoit qu'à compter d'une date fixée par décret en Conseil d'Etat, cet appel sera interjeté devant la cour administrative d'appel.

A la suite du décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004, les cours administratives d'appel et non plus le Conseil d'Etat sont compétentes depuis le 1 er janvier 2005 pour juger les appels des jugements des tribunaux administratifs statuant sur la légalité des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière. Le taux d'appel a augmenté de 23% au premier semestre 2005 par rapport au premier semestre 2004.

Le Conseil d'Etat aurait considéré que ces dispositions relevaient de la partie réglementaire du CESEDA, celui-ci renvoyant selon la méthode du code suiveur aux articles R. 776-1 à R.776-29 du code de justice administrative.

Toutefois, la partie réglementaire du CESEDA n'a toujours pas été publiée. Elle devrait l'être dans le courant du second semestre 2006, la commission de codification en ayant déjà été saisie.

Rappelons que l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du CESEDA procède déjà au déclassement de plusieurs dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et du séjour des étrangers en France. Elle dispose que l'abrogation de ces dispositions ne prendra effet qu'à compter de la publication de la partie réglementaire du CESEDA.

Pour éviter un décalage dans le temps entre la suppression de l'article L. 512-5 et l'adoption des dispositions réglementaires équivalentes, l'article 82 du projet de loi renvoie l'entrée en vigueur du présent article à la date de publication du décret en Conseil d'Etat modifiant le code de justice administrative et au plus tard au 1 er juillet 2007.

A l'Assemblée nationale, un amendement de coordination du rapporteur de la commission des lois a été adopté afin de supprimer dans trois articles du CESEDA la référence à l'article L. 512-5.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 44 sans modification .

Article 45 (chapitre III du titre I du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination - obligation de quitter le territoire français

Cet article tend à modifier, par coordination avec la création de l'obligation de quitter le territoire français par l'article 36 du projet de loi, l'intitulé du chapitre III du titre I du livre V du CESEDA. Il s'intitulerait « Exécution des obligations de quitter le territoire français et des mesures de reconduite à la frontière ».

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 45 sans modification .

Article 46 (art. L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination - possibilité de recourir à des magistrats honoraires

Cet article tend à modifier l'article L. 513-1 pour effectuer une coordination avec l'article 42 du projet de loi qui permet de faire appel à des magistrats honoraires pour connaître du contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière ou de l'obligation de quitter le territoire français.

Notons que l'article 44 du projet de loi tend également à modifier l'article L. 513-1 pour une autre coordination.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 46 sans modification.

Article 47 (art. L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Suppression de la faculté pour les déboutés du droit d'asile de contester la décision fixant le pays de renvoi

L'article L. 513-2 du CESEDA est relatif aux conditions dans lesquelles la décision fixant le pays de renvoi est prise.

Le paragraphe I du présent article est une simple coordination avec la création de l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) par l'article 36 du projet de loi. Il tend à rendre l'article L. 513-2 applicable à cette nouvelle procédure d'éloignement. Rappelons que l'OQTF fixe le pays dans lequel l'étranger doit être renvoyé.

Le paragraphe II du présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement du député M. Jérôme Rivière.

En vertu de l'article L. 513-2, l'étranger peut être éloigné :

- à destination du pays dont il a la nationalité, sauf si le statut de réfugié lui a été accordé ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;

- ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ;

- ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible.

Le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

Il est donc fondé à contester la décision fixant le pays de renvoi pour ce motif. En cas d'annulation, l'arrêté de reconduite à la frontière est inapplicable. L'administration doit trouver une autre destination si elle souhaite l'éloigner.

En adoptant cet amendement avec un avis de sagesse du gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité rendre irrecevable la contestation de la légalité de la décision fixant le pays de renvoi, lorsque ce pays est celui dont l'étranger a la nationalité, si celui-ci a été débouté de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié 117 ( * ) ou du bénéfice de la protection subsidiaire 118 ( * ) .

La contestation du pays de renvoi redeviendrait possible si l'étranger invoquait des éléments postérieurs aux décisions de rejet des demandes d'asile.

Selon les auteurs de l'amendement, la suppression de cette voie de recours se justifierait par le fait que depuis la réforme de l'asile par la loi du 10 décembre 2003, les instances chargées d'examiner les demandes d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la commission des recours des réfugiés (CRR), sont également compétentes pour apprécier l'opportunité de la protection subsidiaire et se trouvent dès lors apprécier la situation des requérants à l'aune de l'article 3 de la CEDH. Il serait donc superfétatoire que cette question puisse à nouveau être examinée par le juge de la reconduite, la voie de recours normale contre les décisions de la CRR étant le Conseil d'État.

Votre commission vous propose un amendement de suppression du paragraphe II du présent article.

Si dans de nombreux cas la contestation du pays de renvoi par des déboutés du droit d'asile peut sembler redondante, il reste néanmoins indispensable de préserver le droit à un recours effectif. De jurisprudence constante, le Conseil d'Etat considère que la décision de rejet définitif de l'OFPRA et de la CRR ne dispense pas l'administration de l'obligation qui lui incombe de vérifier lorsqu'elle désigne le pays de renvoi si le choix de ce pays n'expose pas l'intéressé à un risque au titre de l'article 3 de la CEDH.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 47 ainsi modifié .

Article 48 (art. L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination - caractère suspensif du recours contre la décision fixant le pays de renvoi

L'article L. 513-3 du CESEDA dispose que la décision fixant le pays de renvoi est une décision distincte de la décision d'éloignement elle-même. Cependant, le deuxième alinéa précise que cette décision n'est suspensive d'exécution que pour autant qu'elle a été attaquée en même temps que le recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière. Dans cette hypothèse, le juge statuant dans les 72 heures sur l'APRF, statue également dans ce délai sur la décision fixant le pays de renvoi.

En revanche, un recours uniquement formé contre la décision de renvoi relève des règles procédurales traditionnelles.

En ce qui concerne la nouvelle mesure d'obligation de quitter le territoire qui peut assortir une décision de refus de titre de séjour, l'article 36 du projet de loi prévoit qu'elle fixe également le pays de renvoi. L'article 41 du projet de loi ajoute que le juge statue obligatoirement en même temps sur ces deux décisions.

Il convient par conséquent de préciser que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 513-3 du CESEDA sont uniquement applicables aux décisions fixant le pays de renvoi visant à exécuter une mesure de reconduite à la frontière. Le présent article clarifie la rédaction afin d'éliminer toute ambiguïté.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 48 sans modification .

Article 49 (art. L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination - assignation à résidence

Le présent article a pour objet de donner une base législative, dans l'article L. 513-4 du CESEDA, à l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et justifiant d'une impossibilité de quitter le territoire français.

L'article L. 513-4 du CESEDA permet en effet d'assigner à résidence les étrangers sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière qui ne peuvent être éloignés en raison de l'impossibilité de trouver un pays de destination.

Le présent article étend ce dispositif à l'OQTF.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 49 sans modification .

Article 50 (art. L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination - caractère non suspensif du recours contre l'obligation de quitter le territoire français en Guyane et à Saint-Martin

L'article L. 514-1 du CESEDA prévoit des règles spécifiques en matière de reconduite à la frontière en Guyane et à Saint-Martin (Guadeloupe). En particulier, le recours contre les APRF dans ces collectivités n'a pas de caractère suspensif. Les APRF sont exécutoires d'office et les règles de procédure définies aux articles L. 512-2 à L. 512-5 ne s'appliquent pas. Les APRF relèvent des règles de droit commun de la procédure administrative 119 ( * ) .

L'article 67 du projet de loi étend d'ailleurs ce dispositif dérogatoire à l'ensemble des communes de la Guadeloupe.

Le présent article tend à soumettre au même régime les obligations de quitter le territoire français, édictées dans ces collectivités ultramarines. Cela signifie que l'étranger placé, le cas échéant, en rétention à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'OQTF pourrait être éloigné immédiatement (voir les commentaires des articles 36 et 41 du projet de loi).

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 50 sans modification.

Article 51 (art. L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination - protections relatives contre les mesures d'expulsion

L'article L. 521-2 du CESEDA dispose que certaines catégories d'étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion sauf si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ou si l'étranger a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme de cinq années. Cette protection relative contre les mesures d'expulsion est notamment issue de la réforme de la « double peine » opérée par la loi du 26 novembre 2003.

L'article 39 du projet de loi tend à modifier la définition de plusieurs catégories d'étrangers protégées contre les mesures de reconduite à la frontière afin de tirer les conclusions des modifications apportées par le projet de loi aux règles du séjour en France (voir le commentaire de cet article).

Le présent article procède à des coordinations similaires en ce qui concerne les catégories protégées contre l'expulsion.

Ainsi, le 1° du présent article fait passer de deux à trois ans la durée de mariage et de communauté de vie nécessaire pour qu'un étranger marié avec un ressortissant français soit protégé contre les mesures d'expulsion. Cette modification est une conséquence de l'article 27 du projet de loi qui fait passer de deux à trois ans la durée nécessaire de mariage pour qu'un conjoint de Français obtienne une carte de résident. L'article 39 du projet de loi en dispose de la même façon en matière de protection contre les reconduites à la frontière.

Le 2° du présent article supprime la catégorie des étrangers justifiant résider habituellement en France depuis quinze ans par coordination avec la suppression de la régularisation de plein droit des étrangers justifiant résider depuis dix ans en France (article 24 du projet de loi). L'article 39 du projet de loi en dispose de la même façon en matière de protection contre les reconduites à la frontière.

En revanche, le 3° du présent article ajoute une nouvelle catégorie : les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la Confédération suisse qui séjournent régulièrement en France depuis dix ans.

L'ajout de cette catégorie résulte de la transposition de l'article 28 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres 120 ( * ) . En effet, l'article 28 de la directive interdit d'éloigner un de ces ressortissants qui justifie résider depuis dix ans dans un Etat membre, sauf nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 51 sans modification.

Article 52 (art. L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Coordination - protections absolues contre les mesures d'expulsion

L'article L. 521-3 du CESEDA dispose que certaines catégories d'étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion sauf si cette étranger a commis un acte d'une gravité exceptionnelle révélant son refus d'intégration dans la République française (terrorisme, espionnage, provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence). Cette protection dite absolue contre les mesures d'expulsion est issue de la réforme de la « double peine » opérée par la loi du 26 novembre 2003.

Le présent article tend à modifier le périmètre de la catégorie bénéficiant de cette protection absolue et définie au 3° de l'article L. 521-3.

Le 3° de l'article L. 521-3 concerne « l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ».

Le présent article fait passer de trois à quatre ans la durée de mariage et de communauté de vie exigée pour bénéficier de la protection absolue.

Rappelons que l'article 27 du projet de loi fait passer de deux à trois années la durée de mariage et de communauté de vie nécessaire pour la délivrance d'une carte de résident à un conjoint de Français.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 52 sans modification .

Article 53 (art. L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Réadmission des résidents de longue durée-CE

L'article L. 531-2 du CESEDA est relatif à la procédure dite de réadmission qui permet, dans certaines circonstances, de remettre aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne un étranger, le plus souvent en situation irrégulière.

Les articles 17 à 22 du projet de loi transposent la directive n° 2003/109/CE relative au statut des ressortissants des pays tiers résidents de longue durée. Cette directive prévoit notamment qu'un étranger ayant acquis dans un Etat membre le statut de résident de longue durée-CE 121 ( * ) peut, selon des conditions simplifiées par rapport au droit commun, s'installer dans un autre Etat membre avec les membres de sa famille.

Le présent article est relatif à l'éloignement du territoire français de cette catégorie d'étrangers. Il prévoit que le résident de longue durée-CE est remis aux autorités de l'Etat membre qui lui ont accordé ce statut. La procédure de réadmission a notamment pour particularité de ne pas avoir d'effet suspensif contrairement à celle de la reconduite à la frontière.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 53 sans modification.

Article 53 bis (nouveau) (art. L. 531-4 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Assistance au transit en cas d'éloignement par voie aérienne

Cet article est issu d'un amendement de M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il vise à transposer la directive 2003/110/CE du Conseil du 25 novembre 2003 qui organise les procédures d'assistance au transit dans le cadre de mesures d'éloignement par la voie aérienne. A cette fin, il tend à créer un article L. 531-4 au sein du chapitre premier du titre III du livre V du CESEDA relatif aux mesures d'éloignement prises dans le cadre de l'Union européenne et de la convention de Schengen.

Le présent article prévoit que l'escorte de l'étranger éloigné par un autre Etat membre est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur lorsque cette escorte est amenée à transiter par un aéroport métropolitain.

Durant toute cette phase, les prérogatives de l'escorte sont limitées à la légitime défense. Elle ne dispose en aucun cas du pouvoir d'interpellation. En contrepartie, c'est à l'Etat membre de transit qu'il revient d'assister l'escorte afin que l'éloignement se déroule normalement.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 53 bis sans modification.

Article 54 (art. L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Etrangers susceptibles d'être placés en rétention

L'article L. 551-1 du CESEDA définit les différentes catégories d'étrangers pouvant être placées en rétention en vue de leur éloignement.

Le 1° du présent article apporte une clarification à l'article L. 551-1 qui ne prévoit pas actuellement explicitement le placement en rétention d'un étranger condamné à une peine d'interdiction du territoire français.

En effet, l'article 131-30 du code pénal prévoit que cette peine « entraîne de plein droit la reconduite à la frontière ». L'exécution de cette peine ne nécessite donc pas la prise d'un arrêté de reconduite à la frontière préalable en application de l'art L. 511-1 du CESEDA qui définit les catégories d'étrangers à l'encontre desquels un arrêté de reconduite à la frontière peut être pris.

Faute d'APRF, une ambiguïté pouvait naître sur le point de savoir si le placement en rétention était possible pour l'exécution de la peine d'interdiction du territoire français. En effet, le 3° de l'article L. 551-1 du CESEDA dispose que peuvent être placés en rétention les étrangers faisant l'objet d'un APRF édicté moins d'un an auparavant.

Afin de lever cette ambiguïté, le présent article prévoit explicitement que peuvent être placés en rétention les étrangers devant être reconduits à la frontière en exécution d'une interdiction du territoire français.

Le 2° du présent article est une coordination avec la création de l'obligation de quitter le territoire français (voir l'article 36 du projet de loi).

Il prévoit que les étrangers faisant l'objet d'une OQTF prise moins d'un an auparavant peuvent être placés en rétention à compter de l'expiration du délai d'un mois accordé à l'étranger pour quitter volontairement le territoire français.

La condition que l'OQTF ait été prise moins d'un an auparavant est la reprise exacte de celle applicable à l'APRF. Introduite par la loi du 26 novembre 2003, cette condition légale est la reprise de la jurisprudence du Conseil d'Etat 122 ( * ) selon laquelle une mesure d'éloignement non exécutée pendant une durée anormalement longue doit être réexaminée au vu des éventuels changements de circonstances intervenus depuis l'édiction de la mesure.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 54 sans modification.

Article 55 (art. L. 552-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Assignation à résidence

L'article L. 552-4 du CESEDA dispose que, lors de l'audience de prolongation du placement en rétention administrative, le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger si celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou de gendarmerie de l'original du passeport ou de tout document justificatif de son identité. L'assignation est une alternative à la prolongation du placement en rétention.

L'article L. 552-5 du CESEDA précise que, dans un tel cas, l'étranger est astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par le juge et doit se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement.

L'assignation à résidence a pour avantage de ne pas surcharger les centres de rétention administrative et d'être moins contraignante ou traumatisante pour les étrangers.

Toutefois, de nombreux étrangers en abusent pour se soustraire à l'exécution de la mesure d'éloignement. En 2005, sur 5.819 échecs à l'éloignement après placement en rétention, 452 sont imputables à un non respect de l'assignation à résidence.

Par conséquent, le présent article tend à modifier l'article L. 552-5 afin de renforcer le régime de l'assignation à résidence. Il prévoit en particulier que l'étranger devra se présenter quotidiennement aux services de police ou de gendarmerie.

Par ailleurs, il appartiendra à l'étranger de justifier, à la demande du juge, que le lieu proposé pour l'assignation satisfait aux exigences de garanties de représentation effectives.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 55 sans modification .

Article 56 (art. L. 624-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Sanction en cas de méconnaissance d'une mesure d'éloignement

Le présent article modifie l'article L. 624-1 du CESEDA qui définit les peines dont est passible l'étranger se soustrayant à l'exécution d'une mesure d'éloignement ou ayant pénétré de nouveau en France alors qu'il a fait l'objet d'une interdiction du territoire ou d'une mesure d'expulsion 123 ( * ) .

Le 1° du présent article précise par coordination que ces peines sont également applicables à l'étranger se soustrayant à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français.

Le 2° du présent article a pour objet de rendre passible de ces mêmes peines l'étranger qui pénètre de nouveau en France sans autorisation alors qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris moins d'un an avant sur le fondement du 8° de l'article L. 511-1 du CESEDA. Cette disposition ne vaudrait que pour les APRF notifiés après la promulgation de la loi.

L'article L. 511-1 du CESEDA, anciennement article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, énumère les différents cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'un APRF. Le 8° de cet article dispose que l'étranger qui représente une menace pour l'ordre public 124 ( * ) ou qui travaille sans être pourvu d'une autorisation de travail 125 ( * ) (article L. 341-4 du code du travail) pendant la durée de validité de son visa court séjour ou pendant les trois mois à compter de son entrée sur le territoire français sans être titulaire d'un premier titre de séjour pourra être reconduit à la frontière . Cette dernière mesure répond notamment au développement de filières de travail clandestin qui profitent des visas touristiques pour organiser des allers et retours permanents. L'étranger muni de son visa de touriste vient travailler trois mois, repart dans son pays puis revient trois mois plus tard.

Le présent article vient compléter le dispositif de l'article 33 du projet de loi qui permet de refuser l'entrée sur le territoire français à un étranger ayant fait l'objet d'un tel APRF moins d'un an auparavant.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 56 sans modification .

Article 56 bis (nouveau) (art. L. 821-1 et L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Transports des personnes en rétention administrative ou en zone d'attente

Le présent article a été introduit à la suite d'un amendement de M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il tend à pérenniser l'expérimentation autorisée par la loi du 26 novembre 2003 concernant la passation de marchés publics pour le transport des personnes retenues en centre de rétention administrative ou maintenues en zone d'attente.

En effet, la loi du 26 novembre 2003 a prévu qu'à titre expérimental, l'Etat pouvait confier à des personnes publiques ou privées le transport de personnes retenues en centres de rétention ou maintenues en zone d'attente. Ces dispositions ont été codifiées au sein des articles L. 821-1 à L. 821-6 du CESEDA.

Une telle expérimentation apparaissait utile pour évaluer si policiers et gendarmes pouvaient être dégagés de ces missions qui ne sont pas strictement liées à la sécurité.

L'annexe 1 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure fixe, parmi les orientations de la politique de la sécurité intérieure, la nécessité de recentrer les forces de gendarmerie et de police sur leurs véritables missions de sécurité . Ainsi, il y est affirmé que l'efficacité de ces forces « impose qu'elles se consacrent à leurs métiers et ne soient pas immobilisées par des tâches administratives. Les dispositions nécessaires seront prises pour que les tâches administratives et techniques actuellement remplies par des policiers et des gendarmes soient confiées à des agents relevant d'autres statuts. Certaines de ces tâches techniques telles que l'entretien du parc automobile, seront, à chaque fois que possible, transférées au secteur privé. » De plus, il a été affiché à plusieurs reprises la volonté de limiter le nombre de policiers et gendarmes chargés du transfèrement des détenus.

L'article L. 821-1 permet donc à l'Etat de passer, à titre expérimental, des marchés publics avec des personnes publiques ou privées agréées afin de leur confier le transport de personnes retenues en centres de rétention ou maintenues en zone d'attente. Lors de l'examen de la loi du 26 novembre 2003, il était convenu que la réussite de cette expérimentation conditionnerait la pérennisation de ce dispositif, voire sa généralisation à d'autres transfèrements.

Ces marchés ne peuvent porter que sur la conduite des véhicules. En aucun cas, la surveillance proprement dit des personnes transportées ne peut faire partie du marché. Dans sa décision n° 2003-484 du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel avait émis une réserve d'interprétation afin de préciser que les agents chargés du transport ne pouvaient être armés que dans un but de protection personnelle.

A l'initiative du Sénat, il avait été décidé d'encadrer cette expérimentation dans des conditions de délais strictement définies, conformément à la pratique usuelle en matière d'expérimentation.

L'expérimentation devant être conciliée avec certains principes constitutionnels comme le principe d'égalité ou l'indivisibilité du territoire, elle doit, en vertu de l'article 37-1 de la Constitution avoir une durée et un objet limités.

L'article L. 821-6 du CESEDA a donc prévu que ces marchés pouvaient être passés dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi du 26 novembre 2003 et pour une durée n'excédant pas deux ans.

Enfin, l'expérimentation devant avoir pour objectif une généralisation du dispositif , il était également prévu que le gouvernement présente au Parlement un rapport dressant le bilan de l'expérimentation avant l'expiration d'un délai de deux ans 126 ( * ) .

Toutefois, le décret d'application de ces dispositions n'est intervenu que tardivement le 30 mai 2005 127 ( * ) . Votre rapporteur n'a pu obtenir d'informations sur un premier bilan de cette expérimentation .

Votre commission vous soumet par conséquent un amendement rétablissant un dispositif d'expérimentation pour une durée de deux années, les contrats conclus pendant ce délai ne pouvant excéder deux ans.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 56 bis ainsi modifié .

Article 57 (art. 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal)
Coordinations relatives au régime de protection contre la peine d'interdiction du territoire français

La réforme de la « double peine » comprenait deux volets indissociables correspondant aux deux moyens, administratif et judiciaire, d'éloigner un étranger pour des raisons liées à son comportement. La réforme de 2003 s'est donc traduite par une double modification symétrique des dispositions concernant l'expulsion, d'une part, et l'interdiction du territoire français, d'autre part.

Les articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal définissent les catégories d'étrangers à l'encontre desquels une interdiction du territoire français ne peut être prononcée que sous des conditions très strictes, calquées très exactement sur les catégories d'étrangers bénéficiant d'une protection relative ou absolue contre l'expulsion.

Le présent article modifie donc ces deux articles du code pénal afin d'aligner la définition des catégories protégées contre les interdictions du territoire français sur celle des catégories protégées contre l'expulsion telle qu'elles ont été modifiées par les articles 51 et 52 du projet de loi.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 57 sans modification.

Article 58 (art. L. 222-2-1 [nouveau] et L. 776-1 du code de justice administrative)
Compétence des magistrats honoraires pour statuer sur les arrêtés de reconduite à la frontière et les obligations de quitter le territoire français

Le présent article tend à apporter quelques modifications au code de justice administrative.

Le paragraphe I de cet article insère un nouvel article L. 222-2-1 dans la partie du code de justice administrative relative au fonctionnement des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Ce nouvel article ouvre au président du tribunal administratif la possibilité de désigner un magistrat administratif honoraire choisi parmi les magistrats inscrits, pour une durée de trois ans renouvelable, sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d'Etat.

Ces magistrats seraient compétents pour statuer sur les arrêtés de reconduite à la frontière ainsi que sur les obligations de quitter le territoire français lorsqu'elles sont examinées selon la procédure accélérée 128 ( * ) .

Les modalités de désignation de ces magistrats offrent toutes les garanties nécessaires quant à leur compétence. Par ailleurs, comme le rappelle le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi, il ne s'agit pas d'une innovation ; il est fait appel à de nombreux magistrats administratifs honoraires dans le cadre de juridictions administratives spécialisés. C'est notamment le cas à la Commission des recours des réfugiés (CRR) qui se prononce sur la légalité des décisions de l'OFPRA concernant l'attribution du statut de réfugié.

Cette réforme devrait permettre de soulager la charge de travail des magistrats administratifs.

Le paragraphe II du présent article modifie l'intitulé du chapitre VI du titre VII du livre VII du CESEDA par coordination avec la création de l'obligation de quitter le territoire français (OQTF). L'intitulé en vigueur : « Le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière » deviendrait : « Le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière et des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ».

Le paragraphe III tend à réécrire l'article L. 776-1 du code de justice administrative afin de tenir compte, par coordination, de la création de l'OQTF.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 58 sans modification .

Article 58 bis (nouveau) (art. L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 131-30-2 du code pénal)
Exception à la protection absolue contre les mesures d'expulsion et les peines d'interdiction du territoire français

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement du député M. Jean-Pierre Nicolas.

L'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 131-30-2 du code pénal définissent les différents catégories d'étrangers bénéficiant d'une protection quasi-absolue contre les mesures d'expulsion et les peines d'interdiction du territoire français.

Ces deux articles constituent le socle de la réforme de la « double peine » opérée par la loi du 26 novembre 2003.

Les 3° et 4° des deux articles précités protègent les étrangers qui, sous réserve d'autres conditions qui ne seront pas développées, sont mariés depuis au moins trois ans avec un ressortissant français ou sont parent d'un enfant français. Ces étrangers tirent leur protection de leurs liens avec leur conjoint ou leurs enfants.

Par conséquent, la loi du 26 novembre 2003 a prévu que cette protection contre les mesures d'éloignement ne s'appliquait pas dans les cas visés aux 3° et 4° des articles L. 521-3 et 131-30-2 précités lorsque les faits à l'origine de la mesure d'éloignement ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants.

Il serait anormal que l'étranger commettant un acte pénalement répréhensible sur la personne de son conjoint ou de ses enfants puisse se prévaloir du lien qu'il aurait avec eux pour échapper à une mesure d'éloignement.

Le présent article a pour objet de retirer le bénéfice de la protection absolue lorsque les faits à l'origine de la mesure d'éloignement ont été commis à l'encontre de tout enfant sur lequel l'étranger exerce l'autorité parentale.

Selon l'auteur de l'amendement, le problème se pose lorsque l'étranger exerce l'autorité parentale sur les enfants français de son conjoint. La question en cause étant celle du lien familial, il ne pourrait subsister deux régimes juridiques différents selon que l'étranger est le parent de l'enfant, ou qu'il exerce sur lui l'autorité parentale. Dans les deux cas de figure, les actes commis à l'encontre de l'enfant devraient être sanctionnés de la même façon.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 58 bis sans modification .

Article 58 ter (nouveau) Abrogation de mesures d'expulsion- règlement des situations antérieures

Cet article est issu d'un amendement du député M. Etienne Pinte adopté par l'Assemblée nationale.

Le II de l'article 86 de la loi n° 2003-119 du 23 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité avait pour objet de permettre à des étrangers ayant déjà fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, qui auraient pu, en vertu des règles instaurées par cette loi, bénéficier d'une protection absolue contre cette mesure, et qui justifient vivre par tout moyen résider en France au 30 avril 2003, de voir leur situation régularisée. Les demandes de relèvement des mesures d'expulsion devaient être déposées avant le 31 décembre 2004. Les bénéficiaires de cet article se sont vus délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Cet article a permis notamment à plus d'un millier d'étrangers de déposer une demande d'abrogation d'arrêté d'expulsion.

Toutefois dans un nombre significatif de cas, l'application stricte de la condition de résidence habituelle n'a pas permis d'abroger les mesures d'expulsion.

Par conséquent, le présent article tend à modifier la condition de résidence habituelle, de sorte que les étrangers qui ont présenté leur demande avant le 31 décembre 2004 verraient la condition de résidence habituelle réputée satisfaite s'ils établissent qu'ils n'ont pas quitté le territoire français pendant une période de trois ans durant les dix années précédant le 30 avril 2003.

A compter de la promulgation du projet de loi, ces étrangers disposeraient de six mois pour déposer une nouvelle demande d'abrogation.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 58 ter sans modification .

TITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES À LA NATIONALITÉ

Le titre IV du présent projet de loi renforce les conditions d'acquisition de la nationalité française par mariage où par naturalisation précédemment modifiées par la loi précitée du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

Les dernières années ont été marquées par un accroissement des ressortissants étrangers acquérant la nationalité française . En 2004, ces acquisitions de nationalité ont concerné 165.121 personnes 129 ( * ) .

Nouveaux Français selon leur origine géographique
(Flux de 1999 à 2004, à l'exception des acquisitions non enregistrées)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

EUROPE (HORS CEI)

23.932

22.085

17.909

17.146

18.953

20.593

Union européenne

17.547

14.948

12.267

11.642

12.444

13.470

Nouveaux Etats membres

1.527

1.539

1.236

1.146

1.381

1.421

Autre Europe

4.858

5.598

4.406

4.358

5.128

5.702

CEI

930

1.181

1.162

1.328

1.639

2.189

CEI d'Europe

795

1.000

969

1.114

1.315

1.761

CEI d'Asie

135

181

193

214

324

428

ASIE

25.418

27.859

22.325

21.747

22.661

27.332

Sud-Est asiatique

6.958

7.265

5.209

4.719

4.323

4.818

Autre Asie

18.460

20.594

17.116

17.028

18.338

22.514

AFRIQUE

80.404

84.112

74.941

76.410

89.196

106.500

Maghreb

66.508

68.185

60.671

59.634

68.532

82.402

Afrique subsaharienne

9.271

10.579

9.679

11.803

14.453

16.453

Autre Afrique

4.625

5.348

4.591

4.973

6.211

7.645

AMERIQUE

5.012

5.820

5.086

5.972

7.105

8.032

Amérique du Nord

989

1.048

944

916

1.050

1.197

Amérique Centrale et du Sud

4.023

4.772

4.142

5.056

6.055

6.835

OCEANIE

68

87

68

76

128

168

Non Ventilés et apatrides

671

312

140

155

248

307

ENSEMBLE

136.435

141.456

121.631

122.834

139.930

165.121

Sources : Ministère de l'emploi et de la cohésion sociale ; ministère de la justice.

Ces acquisitions de la nationalité française interviennent selon trois modalités distinctes : l'acquisition sans formalité, l'acquisition par déclaration et l'acquisition par décision de l'autorité publique. Cette dernière est prépondérante, avec 99.368 décrets de naturalisation pris en 2004.

Acquisitions de la nationalité française selon la modalité d'acquisition
(y compris les effets collectifs) - Flux de 1999 à 2004

1999

2000

2001

2002

2003

2004

ACQUISITIONS ENREGISTRÉES

136.435

141.456

121.631

122.834

139.930

165.121

Par décret

67.569

77.478

64.595

64.081

77.102

99.368

Naturalisations

59.836

68.750

57.627

56.942

67.326

87.497

Réintégrations

7.733

8.728

6.968

7.139

9.776

11.871

Par déclaration

68.866

63.978

57.036

58.753

62.828

65.753

Par mariage (1 )

24.091

26.057

23.994

26.351

30.922

34.440

Déclarations anticipées

42.433

35.883

31.071

30.282

29.419

29.872

Autres déclarations

2.342

2.038

1.971

2.121

2.487

1.441

ACQUISITIONS
SANS FORMALITÉ (3)

11.087

8.570

5.917

5.258

4.710

3.705

ENSEMBLE
DES ACQUISITIONS

147.522

150.026

127.548 (2)

128.092

144.640

168.826

Source : Ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et de logement et ministère de la justice.

(1) Depuis 2001, les données relatives aux déclarations par mariage incluent les « effets collectifs » liés à cette procédure. Avant cette date, la notion d'effets collectifs pour les acquisitions de nationalité par mariage n'était pas utilisée. Des mineurs étaient néanmoins comptabilisés au titre des « procédures résiduelles ».
(2) Sur les 127.548 acquisitions de nationalité en 2001, 121.631 ont été comptabilisées (64.595 par décret et 57.036 par déclaration) et 5.917 ont été estimées.

(3) Essentiellement, enfants nés en France et devenus français à 18 ans.

Les modifications apportées par les articles 59 à 63 ter visent à lutter contre les acquisitions de nationalité résultant de manoeuvres frauduleuses , en aménageant certaines dispositions du code civil et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 59 (art. 21-2 du code civil)
Acquisition de la nationalité française à raison du mariage

Cet article tend à réécrire l'article 21-2 du code civil afin de renforcer les conditions de l'acquisition de la nationalité française à raison du mariage d'un ressortissant étranger avec un Français .

1. Les dispositions en vigueur

Issues de la loi du 26 novembre 2003, les dispositions de l'article 212 du code civil subordonnent l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger d'un Français à quatre conditions :

- une déclaration de nationalité effectuée « dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants » du code civil, c'est-à-dire, auprès du juge d'instance ou de l'autorité consulaire. Cette déclaration est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations , sous réserve que la déclaration satisfasse aux conditions légales. En outre, un droit d'opposition est reconnu au ministère public, dans le délai d'un an si les conditions légales pour l'enregistrement n'étaient pas satisfaites 130 ( * ) , ou dans le délai de deux ans à compter de leur découverte en cas de mensonge ou de fraude 131 ( * ) .

Toutefois, la déclaration ne peut être présentée qu'après un délai de trois ans à compter du mariage si l'étranger, au moment de la déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue en France pendant au moins un an à compter du mariage . Cette différence de traitement s'explique par le souci d'assurer une assimilation et une intégration réelle du conjoint dans la société française, ce qui résulte en particulier d'une durée minimum de résidence sur le territoire national ;

- une communauté de vie « tant affective que matérielle » entre les époux. Il s'agit de s'assurer de la réalité de la situation matrimoniale des intéressés.

Cette communauté ne doit, au jour de la déclaration, pas avoir cessé . Cependant, aux termes de la jurisprudence antérieure à 2003, il a été jugé que l'interruption de la vie commune suivie de sa reprise avant la déclaration ne fait pas perdre au conjoint de Français son droit à l'acquisition de la nationalité 132 ( * ) . En outre, il a été jugé que le seul dépôt d'une requête en divorce lors de la souscription de la déclaration n'implique pas la rupture de la vie commune 133 ( * ) .

La durée minimale de cette communauté de vie doit être, en principe, de deux ans . Cette exigence est issue de l'article 65 de la loi du 26 novembre 2003 qui a restauré le délai prévu initialement par la loi n°93-933 du 22 juillet 1993, ce dernier ayant été remplacé par un délai d'un an par la loi n° 98-170 du 16 mars 1998. Cette durée est portée à trois ans si le conjoint de Français ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue en France pendant au moins un an à compter du mariage ;

- la conservation par le conjoint français de la nationalité française . Un ressortissant français peut en effet perdre sa nationalité soit de manière volontaire 134 ( * ) , soit par suite de sa déchéance prononcée, dans des cas limitativement énumérés, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat 135 ( * ) ;

- la connaissance suffisante, par le conjoint étranger, selon sa condition, de la langue française . Cette condition, introduite par la loi du 26 novembre 2003, permet de s'assurer de l'intégration véritable du conjoint de Français dans la société française. L'article 15 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 prévoit qu'un rapport d'enquête est établi en préfecture, une circulaire du 27 juillet 2005 relative aux déclarations souscrites à raison du mariage en précisant les modalités.

L'analyse du droit comparé fait apparaître que, malgré les conditions nouvelles introduites par la loi du 26 novembre 2003, l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger reste globalement plus aisée par rapport à la situation qui lui est reconnue dans les droits de plusieurs Etats membres de l'Union européenne.

Ainsi, selon une étude récemment menée par le service de législation comparée du Sénat, au Danemark, en Espagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les étrangers conjoints de nationaux ne peuvent obtenir la nationalité du pays que dans les mêmes conditions que les autres étrangers. Aux Pays-Bas, ils doivent réussir l'épreuve de naturalisation, qui permet de tester leurs connaissances en matière linguistique ou sur les institutions politiques et sociales nationales. Il en va de même au Royaume-Uni, où la condition relative à la connaissance suffisante de la langue vient d'être étendue aux conjoints de ressortissants britanniques. Toutefois, dans ce cas, les durées minimales de séjour dans le pays sont raccourcies.

De ce point de vue, le droit français de la nationalité est assez proche de celui de l'Italie et du Portugal. La loi italienne prévoit que le conjoint étranger peut présenter une demande de naturalisation après qu'il a résidé au moins six mois de façon régulière dans le pays ou après trois ans de mariage s'il réside à l'étranger. La nationalité italienne ne peut être refusée que pour les raisons indiquées dans la loi, à savoir l'existence de condamnations pénales ou de risques pour la sécurité de la République.

Au Portugal, l'étranger marié à un citoyen portugais depuis trois ans peut acquérir la nationalité portugaise par simple déclaration enregistrée par les services de l'état civil, dès lors que la communauté de vie entre les époux n'a pas cessé. Toutefois, lorsque l'étranger ne remplit pas les conditions requises pour obtenir la nationalité portugaise, les services de l'état civil doivent prévenir le ministère public qui peut introduire une action en justice visant à s'opposer à l'acquisition de la nationalité pendant l'année qui suit l'enregistrement de la déclaration 136 ( * ) .

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article tend à renforcer les conditions requises pour acquérir, à raison du mariage, la nationalité française afin de contrer des détournements de procédure qui peuvent apparaître de plus en plus nombreux . Il a fait l'objet d'un amendement rédactionnel adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement.

Les statistiques communiquées à votre rapporteur font apparaître une forte croissance des acquisitions de nationalité par déclaration consécutivement à un mariage entre un étranger et un Français. Cette évolution est particulièrement marquée pour certains pays .

Nombre d'accédants à la nationalité française à raison du mariage

Pays

Année 1999

Année 2004

Evolution

Algérie

4.638

7.389

+ 59,3 %

Maroc

3.375

5.832

+ 72,8 %

Tunisie

1.102

1.949

+ 76,8 %

Portugal

1.304

1.076

- 17,5 %

Madagascar

751

1.026

+ 36,6 %

Cameroun

506

871

+ 72,1 %

Sénégal

522

789

+ 51,1 %

Suisse

880

489

- 44,5 %

Turquie

357

748

+ 109,5 %

Côte d'Ivoire

443

706

+ 59,4 %

Source : 2ème rapport au Parlement sur les orientations de la politique de l'immigration
(février 2006)

Ainsi, entre 1994 et 2004, le nombre d'acquisitions de la nationalité à raison du mariage a connu une augmentation de 65,7 %, passant de 19.493 à 34.440 acquisitions . Si la progression semble avoir ralenti, elle reste forte pour la seule période 1999-2004, avec une augmentation de 34 %, bien que les conditions de délai et d'assimilation linguistique résultant de la loi précitée du 26 novembre 2003 aient conduit à une baisse relative.

Sans doute cette évolution est-elle en partie la conséquence de l'augmentation régulière et importante du nombre des mariages célébrés entre un ressortissant étranger en un Français. Sur quelque 270.000 mariages célébrés chaque année par les autorités françaises -qu'il s'agisse, sur le territoire national, des autorités de l'état civil, ou, à l'étranger, des autorités diplomatiques et consulaires françaises-, près de 90.000 constituent des mariages mixtes. Les travaux de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, constituée par le Sénat en octobre 2005, ont ainsi permis de comptabiliser, en 2004, l'existence de 44.405 mariages célébrés à l'étranger et transcrits sur les registres de l'état civil français et de 42.900 mariages mixtes célébrés en France 137 ( * ) .

Toutefois, l' institution du mariage ne saurait être détournée de sa finalité qui est la vie maritale et il convient de prévenir les mariages qui n'auraient d'autre but que d'acquérir ou faire acquérir la nationalité française. Or, comme l'a souligné notre collègue député Thierry Mariani, dans son rapport sur l'application de la loi du 26 novembre 2003, malgré les dispositifs prévus par cette dernière, le mariage mixte est « devenu un moyen privilégié d'acquisition de la nationalité française » 138 ( * ) .

S'il convient de s'assurer de l'absence de fraude et de la réalité de l'intention matrimoniale des futurs époux, il ne faut pas pour autant mettre en doute systématiquement tout mariage mixte. Raisonner de la sorte serait, comme l'a souligné la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, « remettre en cause les valeurs de la République et (...) compromettre l'intégration des étrangers en situation régulière . » 139 ( * )

De ce point de vue, le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture paraît assurer un équilibre satisfaisant entre une lutte résolue contre la fraude et le droit à l'acquisition de la nationalité française par le seul effet du mariage.

Procédant à une réécriture complète des deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil, le présent article apporte des modifications ne remettant pas en cause l'économie du dispositif issu de la loi du 26 novembre 2003. Il vise avant tout à s'assurer de la réalité de la situation matrimoniale des époux.

Les modifications apportées consistent d'abord en un allongement général des délais actuellement définis pour le dépôt de la déclaration de nationalité et la communauté de vie des époux.

Dans le cas général, le délai actuellement prévu pour présenter une déclaration de nationalité et apprécier l'existence d'une communauté de vie serait porté de deux à quatre ans. De ce fait, la réalité de la situation matrimoniale serait véritablement assurée. Ce nouveau délai apparaît cohérent avec les dispositions de l'article 26 du présent projet de loi qui permettraient, dans un délai de quatre ans à compter du mariage, de retirer au conjoint de Français sa carte de résident en cas de rupture de la vie commune 140 ( * ) .

Par ailleurs, la communauté de vie devrait désormais ne pas avoir cessé entre les époux depuis le mariage . Cette nouvelle exigence remettrait en cause la jurisprudence antérieure qui avait reconnu que la communauté de vie pouvait avoir cessé pendant un temps et être reprise par la suite pourvu qu'elle existât à la date de la déclaration. En définitive, cette communauté de vie devrait donc être désormais ininterrompue depuis le mariage.

Dans le cas particulier de l'époux étranger qui ne justifierait pas d'une résidence ininterrompue en France , trois modifications serait apportées au texte initial du projet de loi.

D'une part, la résidence en France devrait désormais être à la fois ininterrompue et régulière . En l'état actuel du droit, la régularité du séjour de l'intéressé sur le territoire français n'est pas exigée à peine d'irrecevabilité de la déclaration de nationalité. Cette nouvelle exigence devrait conduire l'administration à refuser l'enregistrement des déclarations faite par un époux qui ne justifierait pas d'une régularité continue de son séjour depuis son mariage.

D'autre part, la durée de cette résidence serait portée d'un à trois ans.

Enfin, lorsque l'époux étranger ne peut justifier qu'il satisfait à la condition de résidence sur le territoire français, il ne pourrait dorénavant acquérir la nationalité que si la communauté de vie avec son conjoint français dure depuis au moins cinq ans . Cet allongement s'explique logiquement par le fait que le délai de droit commun a été porté à quatre ans.

Votre commission considère que ces mesures devraient permettre de limiter véritablement les détournements de la procédure du mariage aux fins de la seule acquisition de la nationalité. En outre, en renforçant les conditions d'acquisition de la nationalité française pour les conjoints de Français, elles complètent utilement le dispositif prévu par le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, adopté par l'Assemblée nationale, en première lecture, le 22 mars 2006 141 ( * ) , et renvoyé pour son examen au fond à votre commission.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 59 sans modification .

Article 59 bis (nouveau) (art. 21-2-1 nouveau du code civil)
Transmission au maire et aux parlementaires de l'adresse des personnes ayant acquis la nationalité par mariage - Organisation d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française

Cet article prévoirait la transmission au maire ainsi qu'aux parlementaires de l'adresse des ressortissants étrangers ayant acquis la nationalité française par mariage ainsi que la célébration d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. Issu d'un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, il introduirait à cet effet un article 21-2-1 dans le code civil.

Cette disposition reprendrait, en des termes proches, un dispositif créé par l'article 146 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales à l'article 21-14-2 du code civil, qui prévoit une obligation de transmission similaire concernant les ressortissants ayant fait l'objet d'une mesure de naturalisation. 142 ( * )

L'utilité d'instituer une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française est apparue récemment en France alors qu'elle est pratiquée de longue date dans d'autres Etats, comme au Québec, en particulier, et qu'elle tend à se généraliser. Il importe en effet que l'accession d'un étranger à la nationalité française ne se résume pas à une mesure administrative accordée sans solennité. La nationalité française permet en effet d'accéder à des prérogatives détenues par les seuls citoyens français comme le fait de participer à l'ensemble des élections et votations politiques françaises, de bénéficier de la protection diplomatique de l'Etat français ou de transmettre à ses propres enfants la nationalité française.

Aussi est-il important d'attacher une force symbolique toute particulière au moment où l'étranger devient un ressortissant français, titulaire de droits mais également de devoirs envers la République. C'est ce à quoi l'organisation d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française tend à répondre.

1. L'obligation de transmission

Pour permettre l'organisation d'une telle cérémonie qui, en vertu des articles 62 ter à 62 quinquies du présent projet de loi, serait organisée par principe par le préfet ou, sur leur demande, par les maires, il faut permettre à ces derniers de connaître les personnes qui, domiciliées dans leur commune, ont accédé à la nationalité française à raison du mariage.

Le présent article mettrait donc une obligation de transmission de l'adresse des étrangers ayant acquis la nationalité française par le mariage à la charge du représentant de l'Etat dans le département . Pour prendre en compte la situation administrative particulière de Paris, cette obligation y incomberait au préfet de police.

Le maire serait rendu destinataire de cette information « en sa qualité d'officier d'état civil ». La légitimité du maire de recueillir ces informations puis de célébrer la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française lui vient en effet de sa qualité d'officier de l'état civil, c'est-à-dire de représentant de l'Etat, puisque c'est l'Etat qui confère effectivement la nationalité française à l'étranger.

L'information sur l'adresse des nouveaux Français devrait être communiquée « à l'issue du délai prévu à l'article 26-3 du code civil. » Cette dernière disposition, relative aux décisions de refus d'enregistrement des déclarations de nationalité, prévoit en réalité deux délais pour refuser l'enregistrement :

- un délai de principe de six mois ;

- un délai spécifique d'un an, lorsque la déclaration de nationalité se fonde sur le mariage.

En conséquence, ce serait au terme du délai d'un an à compter de la délivrance du récépissé du dépôt de la déclaration de nationalité, que le préfet ou le préfet de police devrait informer le maire.

A la suite d'un sous-amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde ayant reçu un avis défavorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également institué l'obligation de communiquer aux « parlementaires nationaux en leur qualité de représentants de la Nation » l'adresse des ressortissants étrangers ayant acquis la nationalité française à raison du mariage.

Cette information ne serait pas liée à l'organisation proprement dite de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française, les parlementaires n'y prenant aucune part. Elle a néanmoins été justifiée par l'auteur de l'amendement par le fait qu'en tant que représentants de la Nation, les députés et sénateurs sont en droit d'en connaître les nouveaux membres résidant dans leur circonscription.

Votre commission estime cependant que cette obligation d'information est, à ce stade, difficilement praticable. Cette information pourrait plutôt intervenir au moment de la célébration de la cérémonie d'accueil : le représentant de l'Etat ou le maire qui l'organise pourrait ainsi informer les parlementaires de la circonscription concernée de la date de celle-ci et de l'identité et de l'adresse des personnes ayant acquis la nationalité par le mariage qui y seraient conviées. Elle vous proposera d'ailleurs un dispositif en ce sens à l'article 62 quater du présent projet de loi.

2. L'organisation obligatoire d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française

Actuellement, la cérémonie d'accueil n'est prévue, au niveau législatif, que pour l'acquisition de la nationalité par l'effet d'une décision de l'autorité publique portant naturalisation. Au surplus, l'organisation de cette cérémonie ne revêt pas un caractère obligatoire.

Aux termes du dispositif proposé, l'organisation d'une cérémonie d'accueil pour les étrangers ayant acquis la nationalité française à raison du mariage serait rendue obligatoire . Elle interviendrait « dans les conditions prévues au paragraphe 7 de la présente section », c'est-à-dire en application des articles 21-28 et 21-29 du code civil tels qu'ils seraient créés par les articles 62 quater et 62 quinquies du présent projet de loi.

Cette extension de la cérémonie d'accueil au cas particulier des conjoints de Français ainsi que le caractère obligatoire de cette célébration répond aux préconisations faites dans un rapport sur les cérémonies célébrant l'acquisition de la nationalité française, remis en avril 2006 à Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité 143 ( * ) .

En effet, il n'y a aucune justification à réserver la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française aux seuls étrangers naturalisés par décret. La nationalité étant indivisible, il convient de la célébrer quelles que soient les modalités dans lesquelles a été acquise. Par ailleurs, l'obligation d'organiser une telle cérémonie permettrait de mettre fin aux disparités existant actuellement, les cérémonies d'accueil n'étant pas pratiquées dans tous les départements.

Votre commission est donc favorable à ce que l'accès à la nationalité française soit solennisé.

Elle vous proposera néanmoins, par deux amendements aux articles 62 quater et 62 quinquies du présent projet de regrouper, au sein de la nouvelle division créée au sein du code civil par l'article 62 ter, l'ensemble des dispositifs relatifs à la cérémonie d'accueil. Elle vous soumet, en conséquence, un amendement de suppression du présent article.

Votre commission vous propose donc de supprimer l'article 59 bis .

Article 60 (art. 21-4 du code civil)
Opposition à l'acquisition de la nationalité française à raison du mariage

Cet article tend à porter d'un à deux ans le délai d'opposition ouvert au Gouvernement pour s'opposer à l'acquisition de la nationalité française par un conjoint de Français et à prévoir expressément cette opposition en cas de polygamie ou de violence ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de quinze ans . Il modifierait à cette fin l'article 21-4 du code civil.

1. Le droit positif

Aux termes de l'article 21-4 du code civil, le Gouvernement peut s'opposer, par décret en Conseil d'Etat, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger. Cette opposition ne peut être soulevée que pour deux motifs :

- l'indignité, caractérisée, par exemple, par l'existence de condamnations pénales 144 ( * ) ou de faits d'une particulière gravité 145 ( * ) ;

- ou le défaut d'assimilation, caractérisé notamment par le fait de répandre des thèses extrémistes manifestant un rejet des valeurs essentielles de la société française 146 ( * ) . En revanche, depuis la loi du 26 novembre 2003, le défaut d'assimilation pour des raisons linguistiques n'est plus une cause d'opposition dans la mesure où elle est devenue, en vertu de l'article 21-2 du code civil, une cause d'irrecevabilité de la déclaration.

L'opposition est ouverte dans un délai d'un an à compter de la date du récépissé de la déclaration ou, si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée.

L'opposition produit des effets rétroactifs puisque le conjoint de Français est alors réputé n'avoir jamais acquis la nationalité française. Toutefois, la validité des actes passés entre la déclaration et le décret d'opposition ne pourra être contestée au motif que l'auteur n'a pu acquérir la nationalité française.

Dans la pratique, il est apparu que le délai d'opposition actuel était trop court. La révélation de causes d'indignité ou d'un défaut d'assimilation peut en effet souvent intervenir au delà d'un an à compter de la déclaration de nationalité. Selon l'exposé des motifs du présent projet de loi, ce délai ne permettrait donc pas « au ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement d'engager en temps utile certaines procédures d'opposition ».

2. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Tirant les conséquences de la situation constatée en pratique, le du présent article porterait le délai d'opposition d'un à deux ans.

Cette mesure devrait mettre l'administration en mesure de mieux connaître les éléments qui démontreraient l'inaptitude juridique du conjoint étranger à accéder à la nationalité française.

Le de cet article, introduit à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, précise que seraient, de façon expresse, constitutives d'un défaut d'assimilation au sens de l'article 21-4 du code civil :

- la situation effective de polygamie du conjoint étranger ;

- la condamnation du conjoint étranger pour l'infraction prévue à l'article 222-9 du code pénal, c'est-à-dire pour des violences sur une personne physique ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente , à condition que celles-ci aient été commises sur un mineur de moins de quinze ans. Il s'agirait ainsi de viser notamment les cas d'excision dont le conjoint étranger serait l'auteur ou le complice.

Ces pratiques sont, à l'évidence, contraires aux valeurs de la République et doivent effectivement être interprétées comme des faits faisant apparaître sans ambiguïté un défaut d'assimilation.

Au demeurant, votre commission constate que des faits d'excision et de polygamie sont d'ores et déjà considérés par le juge administratif comme témoignant d'un défaut d'assimilation 147 ( * ) et autorisant, en conséquence , l'administration à pratiquer une opposition à l'acquisition de la nationalité française par le mariage. Sur ce point, le dispositif proposé ne ferait donc que consacrer dans la loi, sur ces deux points précis, l'état actuel de la jurisprudence.

Elle vous propose d'adopter l'article 60 sans modification.

Article 60 bis (nouveau) (art. 21-11-1 nouveau du code civil)
Transmission au maire de l'adresse des enfants mineurs nés en France de parents étrangers ayant acquis la nationalité française par déclaration - Organisation d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française

Cet article, introduit à l'initiative de la commission des lois et de M. Jean Leonetti avec l'avis favorable du Gouvernement, prévoirait la transmission au maire de l'adresse des enfants mineurs nés en France de parents étrangers ayant acquis la nationalité française par déclaration et d'organiser une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française pour ceux-ci. Il créerait à cet effet un article 21-11 dans le code civil.

Par coordination avec la démarche adoptée à l'article 59 bis du présent projet de loi, le présent article consacrerait :

- l'obligation de transmission au maire de l'adresse des « ressortissants étrangers visés à l'article 21-11 ».

Il s'agirait donc de permettre au maire, en sa qualité d'officier de l'état civil, de connaître l'adresse des enfants mineurs nés en France de parents étrangers qui réclameraient, à partir de l'âge de seize ans, la nationalité française, ou des enfants mineurs nés en France de parents étrangers lorsque ces derniers demandent, à partir de l'âge de treize ans, la nationalité française pour leur enfant.

On rappellera que l'acquisition de la nationalité française est conditionnée, dans ces deux hypothèses, par une condition de résidence. Dans les deux cas, l'enfant doit, au moment de la déclaration, avoir sa résidence en France. Il doit également avoir eu en France sa résidence habituelle pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans, en cas de demande à partir de l'âge de seize ans, ou d'au moins cinq ans à partir de l'âge de huit ans, lorsque la demande est formulée par les parents à partir de l'âge de seize ans.

L'information devrait intervenir « à l'issue du délai prévu à l'article 26-3 », c'est-à-dire en l'occurrence à l'issue d'un délai de six mois à compter de la délivrance du récépissé de la déclaration de nationalité.

Toutefois, aucune obligation de transmission ne serait prévue à l'égard des parlementaires ;

- l'organisation obligatoire d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté pour ces mineurs.

L'organisation d'une telle cérémonie est cohérente avec la volonté de célébrer solennellement l'acquisition de la nationalité française quelle que soit la procédure suivie.

Votre commission soutient l'initiative de l'Assemblée nationale, tout en vous soumettant un amendement de suppression du présent article par coordination avec le regroupement aux articles 62 quater et 62 quinquies du projet de loi de l'ensemble des dispositions concernant cette cérémonie d'accueil.

Votre commission vous propose en conséquence de supprimer l'article 60 bis .

Article 60 ter (nouveau) (art. 21-12-1 nouveau du code civil)
Transmission au maire et aux parlementaires de l'adresse des enfants mineurs nés en France de parents étrangers ayant acquis la nationalité française par déclaration - Organisation d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française

Cet article, résultant d'un amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde ayant recueilli un avis défavorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement, prévoirait la transmission au maire et aux parlementaires de l'adresse des ressortissants étrangers ayant acquis la nationalité française par déclaration ainsi que l'organisation, à leur intention, d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. Il créerait un article 21-12-1 au sein du code civil.

Cette disposition s'inscrit une nouvelle fois dans la volonté de généraliser la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française.

Comme les dispositions précédentes, l'article 21-12-1 prévoirait deux obligations.

? D'une part, il imposerait une communication au maire de l'adresse des ressortissants étrangers ayant acquis la nationalité française « par déclaration de nationalité »

Il semble résulter de l'intention des auteurs de l'amendement que seraient visés les étrangers mentionnés à l'article 21-12, c'est-à-dire les enfants qui :

- ont fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française. Ces enfants peuvent en effet, jusqu'à leur majorité, déclarer qu'ils réclament la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de leur déclaration ils résident en France 148 ( * ) .

- depuis au moins cinq années, sont recueillis en France et élevés par une personne de nationalité française ou qui, depuis au moins trois années, sont confiés au service de l'aide sociale à l'enfance , pourvu qu'à l'époque de leur déclaration ils résident en France ;

- sont recueillis en France et élevés dans des conditions leur ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française , soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat, pourvu qu'à l'époque de leur déclaration ils résident en France.

Néanmoins, le texte adopté semble faire référence au titre du paragraphe 4 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre premier du code civil qui mentionne « les acquisitions de la nationalité française par déclaration de nationalité ». Dans ces conditions, ce dispositif pourrait également concerner les étrangers visés à l'article 21-13, c'est-à-dire les personnes qui ont joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français, pendant les dix années précédant leur déclaration .

Mais, votre commission constate que, de façon plus générale, la référence à la déclaration de nationalité englobe en réalité bien d'autres situations, puisque acquièrent également la nationalité française par déclaration les conjoints de Français ainsi que les enfants mineurs nés en France de parents étrangers. Or, pour ces derniers cas les articles 59 bis et 60 bis du présent projet de loi ont déjà exigé la communication des adresses de ces personnes.

En outre, l'adresse des personnes ayant acquis la nationalité française devraient également être communiquée aux « parlementaires nationaux en leur qualité de représentants de la Nation ».

? D'autre part, le présent article rendrait obligatoire l'organisation d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté .

En raison du regroupement aux articles 62 quater et 62 quinquies de l'ensemble des mesures relatives à la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française, votre commission vous soumet un amendement de suppression du présent article.

Elle vous propose donc de supprimer l'article 60 ter .

Article 60 quater (nouveau)(art. 21-14-2 du code civil)
Organisation obligatoire d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française pour les étrangers naturalisés par décret

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à rendre obligatoire l'organisation d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française pour les étrangers naturalisés. Il modifierait à cet effet l'article 21-14-2 du code civil.

L'article 146 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a expressément reconnu aux maires la possibilité d'organiser une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française à l'intention des ressortissants étrangers naturalisés par décret.

Toutefois, ce dispositif ne serait plus compatible, d'une part, avec la généralisation du caractère obligatoire de l'organisation de cette cérémonie, et, d'autre part, avec l'adoption, par l'Assemblée nationale, des articles 62 ter à 62 quinquies qui donneraient au représentant de l'Etat dans le département la compétence de principe pour la célébrer.

Par cohérence, le présent article prévoirait donc qu'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté serait obligatoirement organisée à l'égard des ressortissants étrangers naturalisés par décret .

Compte tenu de la position, retenue par votre commission, de regrouper aux articles 62 quater et 62 quinquies l'ensemble des dispositions relatives à la cérémonie d'accueil, elle vous propose d'abroger purement et simplement l'article 21-14-2 du code civil. Elle vous soumet en conséquence un amendement en ce sens.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 60 quater ainsi modifié.

Article 61 (art. 21-19 du code civil)
Suppression de certaines dispenses de stage aux fins de naturalisation

Cet article tend à supprimer certaines dispenses de stage actuellement prévues par la loi dans le cadre des procédures de naturalisation . Il modifierait à cette fin l'article 21-19 du code civil.

1. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article 21-15 du code civil, un étranger peut, sur sa demande 149 ( * ) , acquérir la nationalité française par une décision expresse de l'autorité publique. Celle-ci intervient par le biais d'un décret de naturalisation, signé du Premier ministre, hors le cas spécifique applicable à l'étranger engagé dans les armées françaises et blessé en mission en cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel 150 ( * ) .

L'octroi d'une mesure de naturalisation est soumis au respect de plusieurs conditions de fond :

- une condition d'âge . En principe, nul ne peut en effet être naturalisé avant l'âge de dix-huit ans, à l'exception de l'étranger mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française 151 ( * ) ;

- une condition tenant aux bonnes moeurs et à l'absence de certaines condamnations visées à l'article 21-27 du code civil 152 ( * ) . Des condamnations prononcées à l'étranger peuvent néanmoins ne pas être prises en compte, le décret de naturalisation devant alors intervenir après avis conforme du Conseil d'Etat ;

- une condition d'assimilation à la communauté française . Aux termes de l'article 21-24 du code civil, le respect de cette condition est déterminé notamment par la connaissance suffisante par l'intéressé, selon sa condition, de la langue française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française. La condition de connaissance de la langue française n'est cependant pas exigée du réfugié ou de l'apatride résidant habituellement et régulièrement en France depuis au moins quinze ans et âgé de plus de soixante-dix ans 153 ( * ) . L'état de santé de l'étranger est également pris en compte lors de l'instruction de la demande de naturalisation.

Le respect de cette condition d'assimilation est examiné par l'administration lors d'un entretien individuel auquel est convoqué l'impétrant 154 ( * ) ;

- une condition de résidence sur le territoire français . La notion de résidence, qui ne se confond pas avec celle du simple domicile, doit, aux termes de la jurisprudence, être effective, stable, permanente et coïncider avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles de l'intéressé 155 ( * ) . L'existence de ressources provenant d'une activité exercée en France ou de biens situés en France est en particulier prise en compte 156 ( * ) , le seul statut d'étudiant étant jugé insuffisant 157 ( * ) .

Cette condition de résidence est en réalité double.

D'une part, l'étranger doit avoir sa résidence en France au moment de la signature du décret de naturalisation 158 ( * ) . La jurisprudence a cependant interprété cette exigence comme impliquant que l'intéressé ait eu sa résidence habituelle en France à l'époque de la demande et pendant son instruction 159 ( * ) .

D'autre part, l'étranger doit, aux termes de l'article 21-17 du code civil, justifier d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande . Ce délai constitue ainsi une période de stage dont le non respect entraîne l'irrecevabilité de la demande de naturalisation. Cette exigence subit néanmoins un tempérament et une exception.

Deux catégories d'étrangers bénéficient d'un stage d'une durée réduite à deux ans : l'étranger qui a accompli avec succès deux années d'études supérieures en vue d'acquérir un diplôme délivré par une université ou un établissement d'enseignement supérieur français, et celui qui a rendu ou qui peut rendre, par ses capacités et ses talents, des services importants à la France 160 ( * ) .

En outre, en vertu de l'article 21-19 du code civil, six catégories d'étrangers bénéficient d'une dispense totale de stage :

- l'enfant mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française ;

- le conjoint et l'enfant majeur d'une personne acquérant ou ayant acquis la nationalité française ;

- l'étranger qui a effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée française ou qui, en temps de guerre, a contracté un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées ;

- le ressortissant ou ancien ressortissant des territoires et des Etats sur lesquels la France a exercé soit la souveraineté, soit un protectorat, un mandat ou une tutelle ;

- l'étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou celui dont la naturalisation présente pour la France un intérêt exceptionnel ;

- l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié accordé par l'OFPRA ou la Commission des recours des réfugiés.

Cette dispense de stage s'applique également à une dernière catégorie d'étranger, visée à l'article 21-20 du code civil, satisfaisant à deux conditions cumulatives :

- d'une part, l'appartenance à l'entité culturelle et linguistique française, lorsque l'intéressé est ressortissant d'un territoire ou d'un Etat dont la langue officielle ou l'une des langues officielles est le français ;

- d'autre part, lorsque le français est la langue maternelle de l'étranger ou que celui-ci justifie d'une scolarisation minimale de cinq années dans un établissement enseignant en langue française.

Dans les différents cas susvisés, la dispense de stage se justifie par le fait que les étrangers concernés ont montré, par une situation de fait qui leur est propre, un attachement particulier à la France.

2. Les dispositions du projet de loi

Le présent article supprimerait la dispense de stage aujourd'hui accordée à trois catégories d'étrangers. Cette suppression impliquerait que ces étrangers devraient donc désormais effectuer une période de stage de cinq ans en France avant de pouvoir bénéficier, le cas échéant, d'une mesure de naturalisation.

En premier lieu, serait supprimée la dispense applicable à l'enfant mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française, prévue par le 1° de l'article 21-19 du code civil.

Ce cas de dispense vise les mineurs étrangers qui n'auraient pas bénéficié de l'effet collectif de l'acquisition de la nationalité française par l'un de leurs parents. En effet, aux termes de l'article 22-1 du code civil, l'enfant mineur célibataire dont l'un des deux parents acquiert par décision de l'autorité publique la nationalité française devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent -ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce-, à la condition que son nom soit mentionné dans le décret ou dans la déclaration. Dès lors, cette suppression ne viserait que l'hypothèse d'un mineur célibataire dont le nom de figurerait pas dans le décret de naturalisation ou la déclaration de nationalité.

En effet, comme le relève l'exposé des motifs du projet de loi, dans ce cas de figure, la dispense de stage « ne permet pas de s'assurer des conditions d'intégration et d'assimilation de cet enfant à la communauté française alors que celui-ci a pu résider depuis sa naissance dans un pays étranger. »

En second lieu, la dispense dont bénéficient le conjoint et l'enfant majeur d'une personne acquérant ou ayant acquis la nationalité française, mentionnée au 2° de l'article 21-19, serait également supprimée.

La difficulté soulevée par le dispositif actuel est qu'il peut concerner indifféremment : l'enfant devenu majeur résidant à l'étranger qui n'a pas été saisi par l'effet collectif de l'article 22-1 du code civil, le conjoint étranger d'une personne ayant elle-même acquis la nationalité française par mariage, le conjoint d'un étranger acquérant la nationalité française postérieurement au mariage, sans pour autant que les bénéficiaires de cette mesure aient eu un lien réel et effectif avec la France, faute d'y avoir séjourné. Or, il semble à tout le moins nécessaire qu'un tel lien existe.

En dernier lieu, le présent article supprimerait la dispense applicable au ressortissant ou ancien ressortissant des territoires et des Etats sur lesquels la France a exercé soit la souveraineté, soit un protectorat, un mandat ou une tutelle , en vertu du 5° de l'article 21-19.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les personnes acquérant la nationalité française par décret sont aujourd'hui, très majoritairement, âgées de moins de cinquante ans. Ceci implique qu'elles ont donc, dans la majeure partie des cas, été élevées dans ces pays après leur indépendance, sans jamais avoir eu un lien direct avec la France. Il peut donc apparaît utile de fixer à leur égard une obligation de résidence sur le sol français d'au moins cinq ans.

La jurisprudence administrative a en effet reconnu le bénéfice de cette dispense à tous les ressortissants de ces Etats, même ceux nés postérieurement à leur indépendance 161 ( * ) . Le bénéfice de cette disposition ne permet donc pas de s'assurer de la bonne intégration de l'étranger dans la société française.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 61 sans modification.

Article 62 (art. 21-22 du code civil)
Coordination

Cet article a pour objet d'assurer une coordination avec la suppression, prévue par l'article 61 du présent projet de loi, de la dispense de stage applicable à l'enfant mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française. Il modifierait en conséquence l'article 21-22 du code civil.

L'article 21-22 du code civil pose le principe selon lequel seules les personnes ayant atteint l'âge de dix-huit ans peuvent bénéficier d'une mesure de naturalisation. Toutefois, il réserve le cas de l'enfant mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française, évoqué par le 1° de l'article 21-19 du code civil.

Or, dans la mesure où l'article 61 du présent projet de loi supprimerait, dans cet article, la référence à cet enfant mineur, il convient d'en tirer la conséquence logique à l'article 21-22 du code civil.

Cependant, votre commission relève que cette suppression aurait pour conséquence d'empêcher l'acquisition de la nationalité française par des enfants mineurs restés étrangers bien que l'un de leurs parents ait acquis la nationalité française . Ces enfants devraient alors attendre leur majorité pour acquérir la nationalité.

Votre commission vous soumet donc un amendement prévoyant que ces enfants peuvent, malgré leur minorité, acquérir la nationalité française par décret s'ils justifient avoir résidé avec ce parent durant les cinq années précédant le dépôt de la demande , ce qui permet de s'assurer de l'existence d'un lien effectif avec la France. La condition de stage de cinq années s'appliquera également à eux.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 62 ainsi modifié.

Article 62 bis (nouveau) (art. 21-25-1 du code civil)
Réduction du délai de réponse de l'autorité publique à une demande de naturalisation à l'égard des étrangers ayant en France leur résidence habituelle depuis dix ans

Cet article, issu d'un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde auquel la commission des lois et le Gouvernement ont donné un avis favorable, tend à réduire le délai de réponse à une demande d'acquisition de la nationalité française par déclaration à l'égard d'étrangers ayant leur résidence habituelle en France depuis au moins dix ans . Il modifierait à cette fin l'article 21-25-1 du code civil.

Aux termes de cette dernière disposition, la réponse de l'autorité publique à une demande d'acquisition de la nationalité française par naturalisation doit intervenir dix-huit mois au plus tard après la date à laquelle a été délivré au demandeur le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la constitution d'un dossier complet. Toutefois, ce délai peut être prolongé une seule fois de trois mois par décision motivée.

Or, à l'heure actuelle, on constate en pratique que les décisions de l'administration n'interviennent pas dans les délais requis, même dans l'hypothèse où une prolongation de trois mois du délai initial de dix-huit mois intervient.

L'absence de réponse de l'administration dans ce délai vaut refus par application de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration.

Afin de réduire ces délais de réponse, l'Assemblée nationale a donc prévu de distinguer le traitement des demandes selon la qualité de l'auteur de la demande de naturalisation. En vertu de la rédaction adoptée :

- les demandes devraient, en principe, donner lieu à une décision dans un délai de dix-huit mois à compter du récépissé de remise ;

- par exception, les demandes présentées par un étranger justifiant d'une résidence habituelle en France depuis dix années au moins .

Ces deux délais pourraient être prolongés une fois pour une période de trois mois par décision motivée.

Votre commission souhaite effectivement que l'instruction des demandes de naturalisation puisse intervenir le plus rapidement possible et elle estime opportun de prévoir un traitement prioritaire des demandes des étrangers résidant en France depuis une longue période. Elle vous soumet néanmoins un amendement d'amélioration rédactionnelle de cet article.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 62 bis ainsi modifié.

Article 62 ter (nouveau) (paragraphe 7 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre premier du code civil)
Insertion d'une division relative à la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française

Inséré à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, cet article créerait au sein de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre premier du code civil un paragraphe 7 comportant des dispositions relatives à la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. Cette division nouvelle comporterait les articles 21-28 et 21-29 qui seraient créés par les articles 62 quater et 62 quinquies du présent projet de loi.

L'institution d'une division spécifique permet de mieux faire apparaître le fait que la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française s'appliquerait désormais à toutes les hypothèses de naturalisation.

La nécessité d'une généralisation de cette cérémonie ainsi que l'obligation d'y procéder a été mise en lumière par le récent rapport remis à la ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité 162 ( * ) .

Comme le relève le rapport, l'institution d'une telle cérémonie permettrait de donner corps à un « consensus républicain », soulignant l'idée que « le rituel de l'accueil républicain est bénéfique, à la fois pour les personnes concernées et pour la collectivité, que les moments sont sans doute trop rares dans la vie publique de célébrer à la fois la diversité des origines et l'unité autour du vivre ensemble, et qu'un moment de solennité et de convivialité mêlée peut être ressenti comme une fierté, à partager entre les nouveaux citoyens et les représentants de l'autorité publique » 163 ( * ) .

De fait, la célébration de l'acquisition de la nationalité est pratiquée dans des Etats de plus en plus nombreux.

Aux Etats-Unis et au Canada, des cérémonies sont systématiquement organisées par le représentant du ministre de la justice dans un cadre solennel en vertu d'un protocole précis et rigoureux. Les nouveaux citoyens y prêtent en particulier serment de manière collective.

Parmi les Etats membres de l'Union européenne, une tendance s'affirme à l'organisation de telles cérémonies. Ainsi, le Royaume-Uni a institué en 2002 les « citizenship ceremonies » permettant aux nouveaux ressortissants britanniques de manifester leur adhésion aux valeurs de la démocratie d'outre-Manche. Mises en oeuvre en février 2004, ces cérémonies ont permis la réunion, jusqu'à juillet 2005, de 77.900 adultes nouvellement admis comme citoyens britanniques.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 62 ter sans modification .

Article 62 quater (nouveau) (art. 21-28 nouveau du code civil)
Compétence du représentant de l'Etat dans le département ou du préfet de police pour l'organisation de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française

Inséré à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, cet article donnerait au représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, au préfet de police, la compétence pour organiser la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française.

Le choix de donner la compétence au représentant de l'Etat dans le département ou au préfet de police de Paris permet d'assurer une continuité avec la pratique actuelle. En effet, aujourd'hui, les cérémonies d'accueil sont avant tout organisées par les préfectures.

La reconnaissance expresse de cette compétence ainsi que l'obligation d'organiser une cérémonie d'accueil devrait ainsi mettre fin aux multiples disparités constatées aujourd'hui. En effet, une série de départements ne connaissent aucune cérémonie d'accueil, qu'elle soit d'ailleurs organisée par le préfet ou par les maires. D'autres organisent de telles cérémonies dans certaines sous-préfectures du département. Dans d'autres cas, enfin, la cérémonie en préfecture ou en sous-préfecture se double d'une cérémonie en mairie.

Votre commission souhaite que l'organisation de ces cérémonies puisse ainsi être harmonisée au plan national, tant en ce qui concerne leur contenu que leur déroulement.

Selon le texte adopté, cette cérémonie devrait être organisée dans l'année qui suit l'acquisition de la nationalité française . Il importe en effet que la célébration de l'entrée dans la citoyenneté intervienne relativement rapidement après l'acquisition de la nationalité française.

Votre commission juge que, dans la mesure où les cérémonies d'accueil devaient célébrer l'accession à la nationalité française quelle que soit la procédure suivie, il est préférable et sans doute plus lisible de regrouper l'ensemble des dispositions relatives à l'obligation d'organiser une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française . Elle vous propose en conséquence un amendement de réécriture globale de cet article.

Cet amendement permettrait par ailleurs d'imposer la célébration de l'acquisition de la nationalité française dans des cas qui ne sont aujourd'hui pas prévus par le texte adopté par l'Assemblée nationale , à savoir :

- les étrangers nés en France de parents étrangers accédant à la nationalité française à leur majorité, sauf refus de leur part exprimé dans un délai de six mois avant ou de douze mois après qu'ils ont atteint leur majorité (articles 21-7 et 21-8 du code civil). Dans ce cas, la cérémonie devrait être organisée dans les six mois suivant la délivrance d'un certificat de nationalité française attestant formellement de leur statut, dès lors que leur accession à la nationalité française ayant un caractère automatique, les autorités administratives n'ont pas connaissance auparavant de leur qualité de citoyen français ;

- les personnes réintégrées dans la nationalité française (articles 24-1, 24-2 et 32-4).

En définitive, seuls les étrangers bénéficiant de la possession d'état de Français depuis au moins dix ans (article 21-13 du code civil) seraient exclus du dispositif, dans la mesure où ces personnes doivent s'être, tout au long de cette période, considérées comme des ressortissants français. Une cérémonie n'aurait donc pas de justification à leur égard.

Ce même amendement prévoirait que le préfet tient les parlementaires informés de l'organisation de cette cérémonie et leur communique l'identité et l'adresse des personnes ayant acquis la nationalité française y participant . Cette cérémonie devrait par ailleurs intervenir dans un délai de six mois.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 62 quater ainsi modifié.

Article 62 quinquies (nouveau) (art. 21-29 nouveau du code civil)
Possibilité pour le maire d'organiser la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française

Inséré à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, cet article donnerait au maire la possibilité d'organiser, à sa demande, la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté .

Le maire, représentant de l'Etat dans la commune et exécutif local élu, est incontestablement le plus proche de la population. Aussi faut-il lui permettre d'organiser, s'il le souhaite, la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. Il s'agirait donc d'étendre le dispositif actuellement prévu à l'article 21-14-2 du code civil qui se limite aux seules naturalisations par décret.

Selon la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, l'organisation de cette cérémonie devrait intervenir « dans les conditions prévues à l'article 21-28 », c'est-à-dire dans le délai d'un an à compter de l'acquisition de la nationalité et à l'égard de l'ensemble des personnes visées par cette dernière disposition. De même, il conviendra que le déroulement et le contenu de la cérémonie d'accueil célébrée par le maire soit identique ou, à tout le moins fortement similaire, à celle qui intervient en préfecture.

Aux termes de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, il faudrait qu'il soit « autorisé » à cet effet par le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police . Il semble par ailleurs résulter de cette rédaction que le préfet aurait, dans un tel cas, compétence liée pour accorder une telle autorisation dès lors que la demande lui en a été formulée par tout maire du département.

Or, votre commission estime que la possibilité pour le maire d'organiser une telle cérémonie ne relève pas de sa qualité d'exécutif local mais de sa qualité d'officier de l'état civil dans la commune . Aussi est-il nécessaire de prévoir que le préfet, supérieur hiérarchique du maire agissant en qualité de représentant de l'Etat, conserve une faculté d'appréciation sur l'opportunité de déléguer aux maires l'organisation de cette cérémonie . En tout état de cause, une seule cérémonie serait organisée, soit par le préfet, soit par le maire.

Elle vous soumet donc un amendement en ce sens qui prévoirait également l'obligation pour le préfet de communiquer au maire l'identité et l'adresse des personnes résidant dans sa commune susceptibles de bénéficier de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 62 quinquies ainsi modifié.

Article 63 (art. 26-4 du code civil)
Délai de contestation de l'enregistrement d'une déclaration de nationalité

Cet article tend à porter d'un à deux ans le délai pendant lequel l'administration peut contester l'enregistrement d'une déclaration de nationalité. Il modifierait à cette fin l'article 26-4 du code civil.

L'article 26-4 du code civil dispose qu'à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.

L'enregistrement de la déclaration de nationalité est en effet une condition de sa validité puisqu'à défaut, elle est entachée de nullité 164 ( * ) . Il ne peut valablement y être procédé qu'à la condition que la déclaration de nationalité satisfasse aux « conditions légales ». Il s'agit notamment de s'assurer que les conditions de situation matrimoniale 165 ( * ) , de résidence sur le territoire français 166 ( * ) ou de non condamnation pour certaines infractions 167 ( * ) sont effectivement remplies par l'étranger.

Pour autant, l'administration ne peut refuser de procéder à l'enregistrement d'une déclaration que dans les six mois -ou, pour les déclarations fondées sur le mariage avec un Français, dans les douze mois- à compter de la délivrance du récépissé prévu lors du dépôt de la déclaration 168 ( * ) . Au delà ce cette période, l'enregistrement est de droit.

Toutefois, deux possibilités de contestation de cet enregistrement sont offertes au ministère public.

D'une part, l'enregistrement peut être contesté en cas de mensonge ou de fraude, dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue d'ailleurs, à cet égard, une présomption de fraude. Cette présomption est toutefois simple et peut, en conséquence, être renversée par toute preuve contraire.

D'autre part, l'enregistrement peut également être contesté dans le délai d'un an suivant la date à laquelle il a été effectué, « si les conditions légales ne sont pas satisfaites ». Cette hypothèse, instituée par l'article 71 de la loi du 26 novembre 2003, vise à sanctionner les déclarations qui n'auraient pas fait l'objet d'un refus d'enregistrement alors qu'elles ne répondraient pas aux exigences légales susmentionnées. De telles hypothèses ayant été constatées en effet en pratique, le législateur a ainsi souhaité s'inspirer du dispositif déjà applicable en matière de naturalisation, d'acquisition ou de réintégration dans la nationalité française 169 ( * ) .

Cependant, les autorités administratives et judiciaires ont constaté que, en pratique, le délai de contestation d'un an ouvert au ministère public s'avérait insuffisant dans la mesure où les faits révélant que les conditions de recevabilité de certaines déclarations de nationalité n'étaient pas réunies étaient découverts souvent postérieurement à l'expiration de ce délai, privant ainsi le ministère public de tout recours.

Pour mieux assurer l'exercice, le cas échéant, d'un tel recours, le présent article porterait le délai du recours en contestation à deux ans, en l'alignant ainsi sur le délai prévu pour la contestation d'enregistrement en cas de mensonge ou de fraude.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 63 sans modification.

Article 63 bis (art. 68 du code civil)
Amende applicable en cas de célébration d'un mariage malgré une opposition

Cet article, issu d'un amendement du rapporteur de la commission des lois ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, relèverait le montant de l'amende applicable en cas de célébration d'un mariage malgré une opposition. Il modifierait à cette fin l'article 68 du code civil.

Aux termes de cette dernière disposition, le fait pour l'officier d'état civil de célébrer le mariage faisant l'objet d'une opposition avant qu'on lui en ait remis la mainlevée de celle-ci, est puni de 4,5 euros d'amende, nonobstant les dommages et intérêts qui pourraient être également demandés.

Le montant dérisoire de cette amende ne constituant, à l'évidence, pas une sanction réellement dissuasive, le présent article prévoirait de le porter à 3.000 euros.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 63 bis sans modification.

Article 63 ter (chapitre III du titre II du livre VI et art. L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Sanctions pénales applicables en cas de reconnaissance d'enfant effectuée aux seules fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité française

Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Gabrielle Louis-Carabin et de M. Joël Beaugendre avec l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, cet article tend à sanctionner pénalement les reconnaissances d'enfants pratiquées dans le seul but d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité française.

Le premier paragraphe (I) de cet article modifierait l'intitulé actuel du chapitre III du titre II du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'y introduire les cas de reconnaissance de paternité.

Le second paragraphe (II) de cet article, modifiant l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rendrait applicables aux reconnaissances d'enfant effectuées aux seules fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité française les sanctions prévues à l'encontre des mariages de complaisance.

En conséquence, ces reconnaissances seraient désormais sanctionnées par une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende . En outre, l'organisation ou la tentative d'organisation de telles reconnaissances serait punie des mêmes peines.

Cette mesure aura un caractère réellement dissuasif et permettra de sanctionner des détournements de la procédure de reconnaissance d'enfants qui se rencontrent, de plus en plus souvent, en particulier dans les départements d'outre-mer, comme l'a récemment relevé la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 170 ( * ) .

Par cohérence avec le dispositif prévu par l'article 76 du projet de loi concernant la sanction de ces infractions à Mayotte, votre commission vous soumet un amendement prévoyant que la reconnaissance d'enfant ayant pour seul objet d'assurer à son auteur une protection contre l'éloignement est également punie de cinq années d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. Serait ainsi notamment visé le cas d'une reconnaissance ayant pour but de conférer à l'étranger une protection contre l'expulsion en application de l'article 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile 171 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 63 ter ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 63 ter (art. 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation)
Absence d'effet de la réforme du droit de la filiation sur la nationalité des personnes majeures

Votre commission vous soumet un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 63 ter afin de préciser que la réforme du droit de la filiation opérée par l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est sans effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur .

L'ordonnance du 4 juillet 2005, prise sur le fondement de l'article 4 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, a simplifié les modes d'établissement de la filiation en prévoyant notamment que la seule mention de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant permet d'établir la filiation maternelle.

Or, cette mesure est, en application de l'article 20 de l'ordonnance, applicable aux personnes nées avant comme après son entrée en vigueur.

Cette application ratione personae pourrait être interprétée, à tort, comme permettant à des personnes majeures d'établir un lien de filiation avec une personne de nationalité française -ce qu'elles n'auraient pu faire, le cas échéant, sous l'empire du droit antérieur à cette ordonnance. Un tel lien leur donnerait en effet vocation à se prévaloir des dispositions de l'article 18 du code civil aux termes duquel « est Français l'enfant, légitime ou naturel, dont l'un des parents au moins est français ».

Cette interprétation remettrait en cause le principe, mentionné à l'article 20-1 du code civil, selon lequel la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité.

Aussi, pour prévenir tout contentieux ultérieur, votre commission vous propose de préciser que, conformément à ce dernier principe, les dispositions de l'ordonnance sont sans effet sur la nationalité des personnes ayant acquis leur majorité à la date de l'entrée en vigueur de cette ordonnance, fixée au 1 er juillet 2006.

Votre commission vous propose, en conséquence, d' insérer cet article additionnel après l'article 63 ter .

TITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ASILE

En 2005, la France est restée, comme les années précédentes, la première destination européenne des demandeurs d'asile avec 59.221 demandes déposées . Ce chiffre marque une baisse de 9,7 % par rapport à 2004, qui s'explique essentiellement par une chute de 15,8 % des premières demandes d'asile, compensée par une hausse de 34,2 % des demandes de réexamen présentées devant l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Le présent projet de loi modifierait de manière marginale les dispositions actuelles concernant le droit d'asile qui ont faire l'objet d'une réforme profonde par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. L'article 64 pérennise la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA pour fixer la liste des pays d'origine sûrs. Les articles 65 et 66 confèrent un statut juridique propre aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA).

CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX PAYS D'ORIGINE SÛRS

Article 64 (art. L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile)
Compétence du conseil d'administration de l'OFPRA pour fixer la liste des pays d'origine sûrs

Cet article pérennise la compétence actuelle du conseil d'administration de l'OFPRA pour fixer la liste des pays d'origine sûrs. A cette fin, il modifie l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

La loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile a en effet institué en droit français la notion de « pays d'origine sûr » 172 ( * ) .

Cette notion est définie par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile comme le pays qui « veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit ».

La directive 2005/85/CE du Conseil du 1 er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, postérieure à l'adoption de la loi du 10 décembre 2003, autorise en effet les Etats membres à « maintenir les dispositions législatives qui sont en vigueur le 1er décembre 2005, qui leur permettent de désigner comme pays d'origine sûrs, au niveau national, des pays tiers autres que ceux qui figurent sur la liste commune minimale à des fins d'examen de demandes d'asile lorsqu'ils se sont assurés que les personnes dans les pays tiers concernés ne sont généralement pas soumises:

a) à des persécutions au sens de l'article 9 de la directive 2004/83/CE, ni

b) à la torture ou à des traitements ou des peines inhumains ou dégradants » 173 ( * ) .

Une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays d'origine sûr est soumise à un régime dérogatoire .

D'une part, à l'instar des nationaux des pays relevant de la clause de l'article 1 er C 5 de la Convention de Genève 174 ( * ) , les demandeurs d'asile ressortissants de ces pays ne bénéficient pas de l'admission sur le territoire et le recours qu'ils peuvent former en cas de rejet de leur demande n'est pas suspensif 175 ( * ) .

D'autre part, les demandes d'asile émanant des ressortissants de ces pays sont traitées selon une « procédure prioritaire » 176 ( * ) . L'Office français de protection des réfugiés et apatrides est alors tenu d'examiner ces demandes dans un délai de 15 jours, lorsque le demandeur est laissé en liberté, et de 96 heures, lorsqu'il est placé en rétention administrative 177 ( * ) . En tout état de cause, cet examen prioritaire impose un examen individuel de chaque demande par les services de l'OFPRA.

En application du deuxième alinéa de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la compétence pour définir la liste des pays d'origine considérés comme « sûrs » est confiée au conseil d'administration de l'OFPRA. Celui-ci a adopté, le 30 juin 2005, une liste de 12 pays d'origine sûrs comprenant : le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, la Géorgie, le Ghana, l'Inde, le Mali, Maurice, la Mongolie, le Sénégal et l'Ukraine. Le Conseil d'Etat, saisi d'un recours en annulation contre la décision de l'Office, a validé cette liste au regard des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de protection des libertés fondamentales 178 ( * ) .

Selon les données recueillies par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, « la publication de la liste des pays d'origine sûrs a fait chuter de plus de 66 %, entre le 1er juillet et le 31 décembre 2005, le nombre des premières demandes d'asile émanant de leurs ressortissants : du même coup, la demande d'asile originaire de ces pays, qui représentait 11,4 % de la demande d'asile totale au 30 juin 2005, n'en représentait plus que 3,9 % au 31 décembre 2005 » 179 ( * ) .

Ces seules statistiques font apparaître la réussite de cette mesure dont l'objet est de dissuader la présentation de demandes d'asile « opportunistes » qui n'émaneraient, en réalité, que de candidats à l'immigration pour des motifs ne rentrant pas dans le champ de la protection organisée par la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou par la protection subsidiaire visée par le chapitre II du titre premier du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le 3 mai 2006, le conseil d'administration de l'OFPRA a d'ailleurs complété la liste des pays d'origine sûrs par l'adjonction de cinq nouveaux pays : l'Albanie, la Macédoine, Madagascar, le Niger et la Tanzanie.

Toutefois, aux termes de la rédaction actuelle de l'article L. 722-1, le conseil d'administration de l'OFPRA ne reçoit cette compétence que « pour la période comprise entre la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 et l'adoption de dispositions communautaires en cette matière . »

Les dispositions communautaires ayant été aujourd'hui définitivement adoptées et étant par ailleurs entrées en vigueur, le présent article du projet de loi tend à pérenniser la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA. Ce dernier serait désormais, sans aucune restriction temporelle, compétent « dans les conditions prévues par les dispositions communautaires en cette matière ».

La liste des pays d'origine sûrs prise en application de l'article L. 722-1 coexistera avec celle qui devrait être fixée par les institutions communautaires et qui s'appliquera à l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, en vertu de l'article 29 de la directive précitée du 1 er décembre 2005.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 64 sans modification.

Article additionnel après l'article 64 (art. 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique)
Octroi du bénéfice de l'aide juridique aux recours devant la Commission des recours des réfugiés

Votre commission vous soumet un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 64 afin de permettre à tous les étrangers ayant reçu notification d'une décision de l'Office de protection des réfugiés et apatrides de bénéficier de l'aide juridictionnelle en cas de recours devant la Commission des recours des réfugiés .

Actuellement, les demandeurs d'asile ne bénéficient de l'aide juridictionnelle devant la Commission de recours des réfugiés (CRR) que dans des conditions restrictives. L'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique limite le bénéfice de cette aide financière de l'Etat, destinée à prendre en charge les frais liés à la défense de l'étranger devant cette commission, aux seuls étrangers qui résident habituellement et sont entrés régulièrement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée de validité au moins égale à un an.

Cette condition d'entrée et de séjour réguliers en France limite, en pratique, le nombre des demandeurs d'asile pouvant obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle, la majorité d'entre eux arrivant sur le territoire national sans avoir pu au préalable bénéficier d'un visa.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine avait d'ailleurs jugé cette restriction « un peu surprenante dans la mesure où la Convention de Genève prévoit expressément le droit des réfugiés d'entrer sans autorisation sur le territoire des pays d'accueil » et estimé qu'elle « devra être levée en application de l'article 15 de la directive du 1er décembre 2005 » 180 ( * ) . Elle avait ainsi préconisé d'étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux personnes entrées irrégulièrement sur le territoire français.

Si une telle mesure s'impose dans le souci d'assurer un droit effectif au recours des demandeurs d'asile devant la Commission des recours des réfugiés, elle est également, pour la France, une obligation juridique dès lors que l'article 15 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1 er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres prévoit qu'« en cas de décision négative de l'autorité responsable de la détermination [de la qualité de réfugié], les États membres veillent à ce que l'assistance judiciaire et/ou la représentation gratuites soient accordées sur demande ».

Sans doute la directive prévoit-elle que les Etats membres peuvent limiter le bénéfice de cette assistance gratuite. Néanmoins, ces limitations ne concernent pas la situation régulière ou irrégulière du demandeur d'asile au regard de son entrée ou de son séjour sur le territoire des Etats membres.

C'est la raison pour laquelle le dispositif proposé par le présent amendement supprimerait toute condition de régularité de l'entrée ou du séjour du demandeur d'asile pour lui permettre de solliciter l'aide juridictionnelle devant la CRR. Seule une condition de résidence habituelle en France serait exigée.

Votre commission vous propose toutefois de ne prévoir l'entrée en vigueur de cette mesure qu'à compter du 1er décembre 2007 , tant pour permettre au bureau d'aide juridictionnelle de la CRR de se préparer matériellement à l'accroissement des demandes consécutives à cette mesure qu'en référence au terme du délai de transposition de la directive, fixé à cette même date.

Votre commission vous propose d'insérer le présent article additionnel après l'article 64.

Article additionnel après l'article 64 (art. L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés

Votre commission vous soumet un amendement tendant à préciser au niveau législatif le délai dans lequel le demandeur d'asile peut contester, devant la Commission des recours des réfugiés, la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le concernant, en le fixant à un mois à compter de la notification de la décision de l'Office .

L'article L. 721-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile détermine les décisions de l'OFPRA qui peuvent faire l'objet d'un recours devant la Commission des recours des réfugiés (CRR), sans fixer le délai dans lequel ces recours doivent être introduits.

En effet, en application du 6° de l'article L. 751-2 de ce code, la détermination de ce délai a été confiée à un décret en Conseil d'Etat, alors même que, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, ce délai figurait à l'article 5 de cette loi.

Le décret n° 2004-814 du 14 août 2004 relatif à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Commission des recours des réfugiés a maintenu le délai d'un mois pour l'exercice des recours devant la CRR.

Toutefois, le comité interministériel de contrôle de l'immigration a adopté, en juillet 2005, le principe d'une réduction du délai de recours à 15 jours.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine s'est inquiétée de cet éventuel raccourcissement estimant qu'il serait « souhaitable de renoncer à faire peser sur les demandeurs d'asile la charge de la réduction des délais de procédure, sauf à prendre le risque de paraître leur marchander les moyens de faire valoir leurs droits dans un système juridique complexe et qui leur est, somme toute, sans doute moins favorable que ceux qui font une plus large place à l'oralité » 181 ( * ) . Elle avait recommandé le maintien du délai actuel.

Compte tenu de l'importance de ce délai, votre commission estime qu'il convient de fixer à nouveau ce délai d'un mois dans la loi .

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel après l'article 64.

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE

Article 65 (art. L. 111-2, L. 111-3-1, L. 121-7, L. 131-2, L. 311-9, L. 312-1, L. 312-5, L. 313-9, L. 313-19, L. 314-4, L. 314-11, L. 315-7, L. 345-1, et L. 348-1 à L. 348-4 nouveaux du code de l'action sociale et des familles)
Centres d'accueil pour demandeurs d'asile

Cet article tend à conférer un statut législatif spécifique aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) . Il modifierait à cet effet plusieurs dispositions du code de l'action sociale et des familles. L'Assemblée nationale y a apporté, à l'initiative de sa commission des lois avec l'avis favorable du Gouvernement, plusieurs modifications ponctuelles, dont la plupart sont de précision ou de nature rédactionnelle.

1. L'accueil des demandeurs d'asile en CADA

Les centres d'accueil pour demandeurs d'asile sont destinés à assurer l'hébergement des demandeurs d'asile présents sur le territoire français ainsi qu'un accompagnement et un suivi social adaptés à leur situation.

Selon les données recueillies par votre rapporteur, au 31 décembre 2005, les 245 CADA présents sur le territoire français accueillaient 16.148 personnes, parmi lesquelles seuls 9.612 étaient des demandeurs d'asile, le solde étant constitué de 3.228 réfugiés et de 3.308 personnes ayant fait l'objet d'une décision définitive de rejet de leur demande d'asile par la commission de recours des réfugiés. Pour l'année 2005, le nombre total de personnes ayant été hébergées en CADA s'est élevé, selon des données provisoires de l'ANAEM, à 25.288, pour une capacité de 17.470 places.

Depuis 2002, l'effort de l'Etat a été considérable , puisque 9.000 places de CADA ont été créées. A ce jour, tous les départements, à l'exception de la Corse, disposent d'au moins un centre. Néanmoins, l'ampleur de la demande d'asile conduit encore aujourd'hui à héberger les demandeurs d'asile dans des dispositifs d'hébergement d'urgence spécifiques. Ainsi, selon les informations communiquées par le ministère de la cohésion sociale, 6.300 places leur sont offertes en centres d'hébergement d'urgence et 10.700 en chambres d'hôtels.

2.000 places supplémentaires en CADA devraient toutefois être créées en 2006, doublant ainsi le nombre de places prévues, en 2005, dans le cadre du plan de cohésion sociale.

On constate actuellement un accès assez inégalitaire des demandeurs d'asile en CADA, cinq nationalités occupant près de 53 % de l'hébergement. Ces cinq nationalités sont la Fédération de Russie (17,1%), la Géorgie (9,5%), la Serbie Monténégro (9,3%), l'Arménie (8,7%) et l'Angola (7,7%), selon les chiffres provisoires de l'ANAEM pour 2005. La grande majorité des personnes hébergées en CADA y résident avec plusieurs membres de leur famille. La moitié d'entre eux sont mineurs.

Actuellement, les CADA ne constituent pas des structures juridiquement distinctes des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) , au nombre de 735 sur l'ensemble du territoire et offrant une capacité de 31.300 places, alors même que ces centres ont un objet beaucoup plus large. Les CADA constituent seulement aux termes de l'article L. 111-3-1 du code de l'action sociale et des familles des « centres d'hébergement et de réinsertion sociale spécialisés dans l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés ».

Cette situation ne permet pas aux CADA d'assumer pleinement leur mission qui doit être l'accueil des seuls demandeurs d'asile en attente d'une décision de l'OFPRA ou, le cas échéant, d'une décision de la Commission des recours des réfugiés (CRR) en cas de contestation de la décision de l'OFPRA.

2. Les modifications proposées par le projet de loi

Plusieurs modifications ponctuelles seraient apportées au code de l'action sociale et des familles. Elles sont liées à l'individualisation des CADA par rapport aux CHRS, qui serait opérée par le quinzième paragraphe (XV) du présent article.

Le premier paragraphe (I) de cet article modifierait le 2° de l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles afin de préciser que les personnes de nationalité étrangère bénéficient de l'aide sociale, tant en cas d'admission dans un CHRS -ce qui est actuellement le cas- qu'en cas d'admission dans un CADA.

Il en résulterait qu' aucune condition de régularité de l'entrée et du séjour de l'étranger ne serait exigée.

L'admission à l'aide sociale des demandeurs d'asile en CADA serait donc ouverte :

- aux demandeurs bénéficiaires d'un titre provisoire de séjour délivré en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette situation est, en principe, la plus fréquente, le demandeur se voyant délivrer en principe un tel titre ;

- aux demandeurs dont le séjour aurait été refusé sur la base des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En effet, l'admission au séjour d'un demandeur d'asile est refusée dans quatre hypothèses limitativement énumérées : si l'examen de sa demande relève d'un autre Etat en vertu de la Convention de Dublin II du 18 février 2003, s'il relève d'un pays d'origine sûr ou concerné par la clause de cessation de la Convention de Genève ; si sa présence sur le territoire constitue une menace à l'ordre public, ou si sa demande repose sur une fraude ou constitue un détournement de procédure.

Toutefois, la décision d'accueillir et d'admettre à l'aide sociale à l'hébergement serait, comme à l'heure actuelle, encadrée et limitée tant par la capacité du centre que par la convention obligatoire qui lie l'établissement d'accueil à l'Etat. En effet, en vertu de l'article R. 345-4 du code de l'action sociale et des familles la décision d'accueillir ou pas à l'aide sociale tient compte « de la capacité du centre, des catégories de personnes qu'il est habilité à recevoir ainsi que des activités d'insertion qu'il est habilité à mettre en oeuvre et qui sont mentionnées dans la convention citée à l'article L. 345-1 ». Cette disposition serait d'ailleurs maintenue, selon les indications fournies à votre rapporteur par le Gouvernement.

Le deuxième paragraphe (II) de cet article tirerait, dans son , la conséquence de la soumission des CADA à un régime juridique propre en supprimant , à l'article L. 111-3-1 du code de l'action sociale et des familles, la notion de « centres d'hébergement et de réinsertion sociale spécialisés dans l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés ».

En outre, le de cet article alignerait le régime d'admission à l'aide sociale en CADA sur celui applicable aux CHRS .

En effet, actuellement, cette admission est prononcée par le représentant de l'Etat dans le département, après avis d'une commission nationale présidée par le ministre chargé de l'intégration ou son représentant. L'intervention de cette commission n'est en revanche pas prévue pour l'admission en CHRS. Dans cette dernière hypothèse, le représentant de l'Etat dans le département décide seul, sa décision étant réputée acquise soit à défaut de réponse expresse dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'admission, soit en tout état de cause, si la durée d'accueil prévisible n'excède pas cinq jours.

L'intervention pour avis de la commission nationale ne serait donc plus requise pour l'attribution de l'aide sociale en CADA .

Le troisième paragraphe (III) préciserait, en complétant l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles, que l'Etat prendrait en charge, au titre de l'aide sociale, les frais d'accueil et d'hébergement des étrangers dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile. Cette mention est en effet nécessaire afin de maintenir l'état du droit, puisque les frais en CADA sont actuellement pris en charge par l'Etat en vertu du 8° de cet article qui vise les « mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 » du code de l'action sociale et des familles, c'est à dire en CHRS.

Par coordination également, le quatrième paragraphe (IV) du présent article modifierait l'article L. 231-1 du code de l'action sociale et des familles afin de maintenir le pouvoir de décision du représentant de l'Etat dans le département pour l'admission d'un étranger en CADA .

Cette précision ne modifierait en rien la compétence actuelle, le représentant de l'Etat dans le département décidant en effet déjà de l'admission en CHRS et, par voie de conséquence, en CADA.

Le cinquième paragraphe (V) apporterait une coordination au sein de l'article L. 311-9 du code de l'action sociale et des familles afin d'éviter la séparation des membres d'une même famille en cas d'hébergement en CADA .

Cet article prévoit, en effet, que les établissements ou services sociaux ou médico-sociaux prenant en charge des mineurs ou des majeurs de moins de 21 ans au titre de l'aide sociale à l'enfance et ceux assurant l'accueil, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active ou l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse -dont font notamment partie les CHRS- « doivent rechercher une solution évitant la séparation de ces personnes ou, si une telle solution ne peut être trouvée, établir, de concert avec les personnes accueillies, un projet propre à permettre leur réunion dans les plus brefs délais, et assurer le suivi de ce projet jusqu'à ce qu'il aboutisse . »

La modification apportée permettrait ainsi de préserver la situation actuelle.

Le sixième paragraphe (VI) tirerait, en son , les conséquences de la création d'une catégorie juridique propre aux CADA.

L'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles définit actuellement la liste des établissements et services sociaux ou médico-sociaux. Douze catégories d'établissements sont actuellement répertoriées, dont les « établissements ou services comportant ou non un hébergement, assurant l'accueil, notamment dans les situations d'urgence, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active ou l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse », c'est-à-dire, pour l'essentiel, les CHRS dont les CADA ne constituent qu'une catégorie particulière.

Désormais, les CADA formeraient donc une catégorie spécifique et à part entière des établissements sociaux et médico-sociaux visés par le I du code de l'action sociale et des familles .

Une coordination formelle serait par ailleurs opérée par le du présent paragraphe afin de prévoir que les prestations délivrées par les CADA sont réalisées par des équipes pluridisciplinaires qualifiées et que ces centres sont dirigés par des professionnels dont le niveau de qualification est fixé par décret après consultation de la branche professionnelle ou, à défaut, des fédérations ou organismes représentatifs des organismes gestionnaires d'établissements et services sociaux et médico-sociaux concernés.

Le septième paragraphe (VII) tend à donner au représentant de l'Etat dans la région la compétence pour arrêter un « schéma régional » relatif aux CADA. Ce schéma serait arrêté après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale.

Ces comités régionaux comprennent, en vertu de l'article L. 312-3 du code de l'action sociale et des familles, des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, des gestionnaires, des personnels et des usagers d'établissements et de services sociaux et médico-sociaux, des travailleurs sociaux et des professions, ainsi que des personnes qualifiées et des représentants du comité régional de l'organisation sanitaire. Ils sont présidés par un magistrat du corps des conseillers des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs ou du corps des conseillers de chambres régionales des comptes.

La création d'un tel schéma serait une nouveauté. A l'heure actuelle, une telle organisation au niveau régional n'existe pas, seul un schéma départemental s'appliquant aux CHRS. Le choix de l'échelon régional devrait permettre de mieux équilibrer, entre les différents CADA d'une même région, la charge de l'hébergement des demandeurs d'asile, les décisions d'admission continuant toutefois de relever de la compétence du représentant de l'Etat dans le département.

Le huitième paragraphe (VIII) comporterait une mesure de coordination modifiant le b) de l'article L. 213-3 du code de l'action sociale et des familles, afin de préciser que l'autorisation de création, de transformation ou d'extension d'un CADA serait délivrée par l'autorité compétente de l'Etat .

Cette précision n'induirait aucune modification du droit positif puisqu'elle est déjà applicable aux autorisations de création, transformation et extension des CHRS. En vertu de l'article R. 313-2 du code de l'action sociale et des familles l'autorité compétente de l'Etat est le préfet.

Modifiant l'article L. 313-9 du code de l'action sociale et des familles, le neuvième paragraphe (IX) du présent article, qui a fait l'objet de deux corrections d'erreurs matérielles à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, prévoirait, outre certaines coordinations, un cas spécifique de retrait de l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale lorsque celle-ci a été délivrée à un CADA .

Aux termes de l'article L. 313-9, les établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent se voir retirer leur habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale 182 ( * ) pour quatre motifs :

- l'évolution des besoins ;

- la méconnaissance d'une disposition substantielle de l'habilitation ou de la convention ;

- la disproportion entre le coût de fonctionnement et les services rendus ;

- la charge excessive qu'elle représente pour la collectivité publique ou les organismes assurant le financement.

En qualité d'établissements et services sociaux et médico-sociaux, les CADA seraient donc soumis à l'ensemble de ces motifs de retrait.

Toutefois, le du présent paragraphe créerait un motif supplémentaire de retrait de l'habilitation délivrée à un CADA, à savoir « la méconnaissance des dispositions de l'article L. 348-1 et du I de l'article L. 348-2 relatives aux personnes pouvant être accueillies dans ces centres ». En conséquence, il incombera à chaque gestionnaire de CADA de s'assurer que son établissement n'accueille que les seuls étrangers justifiant d'un document provisoire de séjour délivré lors du dépôt de leur demande d'asile en préfecture et, en principe, pour la seule durée de l'instruction de cette demande . A défaut, il pourrait donc faire l'objet d'une sanction administrative prenant la forme d'un retrait de son habilitation.

Le de ce paragraphe prévoirait néanmoins que, pour pouvoir prononcer cette sanction sur ce fondement spécifique, l'autorité compétente de l'Etat devra, au préalable, mettre en demeure, de façon motivée, le CADA de prendre les mesures nécessaires pour respecter « l'habilitation ou la convention ou réduire les coûts ou charges au niveau moyen ». Cette mise en demeure doit préciser le délai, qui ne peut être inférieur à six mois, dans lequel le centre est tenu de prendre les dispositions requises.

Le du présent paragraphe prévoirait, pour l'ensemble des établissements ou services nécessitant une habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, que cette dernière peut être retirée en tout ou partie .

Le du dixième paragraphe (X) modifie l'article L. 313-19 du code de l'action sociale et des familles afin de prévoir qu' en cas de fermeture définitive d'un établissement ou d'un service social ou médico-social géré par une personne morale de droit public ou de droit privé, celle-ci reverse à une collectivité publique ou à un établissement privé poursuivant un but similaire certaines sommes, limitativement énumérées, affectées à l'établissement ou service fermé, qui auraient été apportées par l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ou par les organismes de sécurité sociale .

Cette mesure ne concernerait pas les seuls CADA puisque l'article L. 313-9 concerne l'ensemble des établissements et services définis à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Elle apporterait une certaine novation au droit positif actuel qui prévoit que seule la fermeture d'établissements ou services gérés par des associations privées donne lieu à un tel reversement. Cette généralisation est bienvenue ; elle permettra que les fonds publics apportés initialement au gestionnaire de l'établissement soient réaffectés à un autre gestionnaire.

Dans sa rédaction initiale, la personne gestionnaire pouvait être une personne physique ou morale. A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité limiter l'application de ce dispositif aux seules personnes morales, au motif que les CADA n'avaient pas vocation à être gérés par des personnes physiques. Il peut en effet sembler souhaitable de ne confier qu'à des personnes morales la gestion des CADA, ce qui peut présenter davantage de garanties, notamment compte tenu des liens financiers et conventionnels entretenus avec l'Etat.

Le apporterait une simple coordination au texte pour prendre en compte l'élargissement à l'ensemble des personnes de droit privé de l'obligation de reversement.

Le onzième paragraphe (XI) assurerait une coordination à l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles afin de maintenir l'état du droit dans le cadre du calcul du montant total annuel des dépenses des CADA, imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat, et du montant total annuel des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations globales de ces centres .

Le douzième paragraphe (XII) assurerait une coordination du même type à l'article L. 314-11 du code de l'action sociale et des familles afin de prévoir que les dépenses de soins paramédicaux dispensés par des professionnels de statut libéral ou salarié dans le cadre d'une action de maintien à domicile effectuée par un CADA peuvent être prises en charge par les organismes d'assurance maladie suivant une formule forfaitaire et, dans ce cas, réglées directement par ces organismes aux institutions. Cette prise en charge étant déjà prévue pour les CHRS, la présente disposition ne ferait que maintenir le droit positif.

Le treizième paragraphe (XIII) de cet article, modifiant l'article L. 315-7 du code de l'action sociale et des familles, donnerait aux CADA le caractère d'établissements publics , caractère déjà reconnu aux CHRS. La qualité d'établissement public d'un CADA n'empêcherait néanmoins aucunement, comme à l'heure actuelle, sa gestion par une personne de droit privé.

Le quatorzième paragraphe (XIV) de cet article compléterait l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles afin d'autoriser l'accueil dans les CHRS d'étrangers s'étant vus reconnaître la qualité de réfugiés ou le bénéfice de la protection subsidiaire en application du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'article L. 345-1 ouvre actuellement, de manière générale, le bénéfice de l'admission en CHRS « aux personnes et aux familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale ».

Toutefois, le texte actuel de l'article L. 345-1 prévoit déjà l'accès d'un public spécifique dans les CHRS -les victimes de la traite des êtres humains- qui doivent y être accueillies « dans des conditions sécurisantes ».

Le présent paragraphe permettrait donc l'admission d'un nouveau public spécifique en CHRS : les étrangers s'étant vus reconnaître la qualité de réfugiés ou le bénéfice de la protection subsidiaire. Cette possibilité est directement liée au fait que, en vertu des articles L. 348-1 et L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles, nouvellement introduits par le paragraphe XV du présent article, n'accueilleraient plus désormais que les étrangers dont la demande d'asile est en cours d'examen. Elle est, en tout état de cause, justifiée, dans la mesure où les réfugiés statutaires ou les personnes bénéficiaires de la protection subsidiaire peuvent être dans une situation difficile justifiant leur admission en CHRS.

Néanmoins, l'accueil des réfugiés se feraient dans des CHRS spécialisés qui seraient dénommés « centres provisoires d'hébergement », les CPH. En l'absence de précision quant au régime juridique applicable à ces CPH, les conditions d'admission et de fonctionnement de ces centres seraient celles définies à l'égard des CHRS par les articles R. 345-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles.

En particulier, la décision d'accueillir, à sa demande, les réfugiés serait prononcée par le responsable du CHRS en tenant compte de la capacité du centre pour une durée déterminée, après évaluation de la situation de la personne ou de la famille. Un bilan devrait être fait au moins tous les six mois. La décision d'accueil devrait, enfin, être transmise sans délai au préfet, accompagnée de la demande d'admission à l'aide sociale signée par l'intéressé et des documents qui la justifient, cette demande étant réputée acceptée en l'absence de réponse dans le délai d'un mois à compter de la réception en préfecture.

Selon les indications données à votre rapporteur, 27 CPH sont déjà créés et offrent une capacité totale 1.023 places. La consécration législative de ces centres permettra d'offrir, en pratique, des conditions d'hébergement et d'accueil mieux adaptées aux besoins des réfugiés statutaires et des bénéficiaires de la protection subsidiaire.

Coeur du dispositif du présent article, le quinzième paragraphe (XV) préciserait le nouveau régime juridique désormais applicable aux CADA , en créant quatre nouveaux articles prenant place au sein d'un nouveau chapitre VIII institué au sein titre IV du livre III du code de l'action sociale et des familles.

- Article L. 348-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles : Bénéficiaires de l'aide sociale pour être accueillis en CADA

Le bénéfice de l'admission à l'aide sociale pour être accueilli dans un CADA serait dorénavant exclusivement réservé « aux étrangers en possession d'un des documents de séjour mentionnés à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile . » Cette dernière disposition prévoit en effet que l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'OFPRA. L'octroi de ce document est cependant subordonné à la condition que l'étranger ait été admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre.

Or, si l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que l'admission au séjour ne peut être refusée au seul motif que l'étranger est démuni des documents lui permettant d'entrer régulièrement sur le territoire français, l'article L. 741-4 du même code prévoit, par exception, que l'admission peut être refusée à l'étranger dans l'une des quatre hypothèses suivantes :

- si l'examen de sa demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement dit « Dublin II » 183 ( * ) établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques avec d'autres Etats ;

- s'il a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre la clause de cessation de la convention de Genève ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr 184 ( * ) ;

- si sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ;

- si sa demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente 185 ( * ) .

En conséquence, l'admission à l'aide sociale pour être accueilli en CADA serait désormais mécaniquement refusée dans ces quatre hypothèses .

Cette situation est nouvelle puisque, actuellement, une telle condition de régularité du séjour n'est pas exigée.

Toutefois, elle permettra d'éviter que des personnes soient admises en CADA alors qu'elles n'ont pas déposé de demande d'asile à l'OFPRA 186 ( * ) ou que les demandeurs d'asile dont la demande sera très vraisemblablement rejetée, le cas échéant dans le cadre de la procédure d'examen prioritaire de l'OFPRA y soient accueillis, et que, de ce fait, les CADA soient occupés par une forte proportion de demandeurs d'asile déboutés.

- Article L. 348-2 nouveau du code de l'action sociale et des familles : Mission et conditions de fonctionnement et de financement des CADA

Aux termes du I de l'article L. 348-2, introduit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les CADA recevraient à la fois une mission d' hébergement et une mission d' accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile. De fait, par rapport à la pratique existante, il n'y aurait aucune novation, si ce n'est l'attribution d'une mission formelle et claire à ces centres.

Dans les CADA sont en effet d'ores et déjà présents des personnels compétents et disponibles qui assurent l'accompagnement social des demandeurs et leur procure une aide cruciale pour l'établissement des dossiers de demandes d'asile. Grâce à cet accompagnement spécifique, on constate que le taux d'accord est de deux à quatre fois plus important pour les demandeurs résidant en CADA que pour les autres demandeurs d'asile, le taux d'accord au plan national ne s'élevant toutefois qu'à 8,4 % en 2005.

Par souci de coordination avec l'article L. 348-1 nouveau, et à l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que la mission des CADA ne concernait que les étrangers ayant reçu une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 742-1.

En outre, la mission confiée aux CADA connaîtrait désormais une limite temporelle puisqu'elle ne couvrirait que la durée de l'instruction de leur demande par l'OFPRA.

L'article L. 348-2 précise que cette mission prend fin à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'OFPRA ou à la date de la notification de la décision de la commission de recours des réfugiés (CRR). Votre rapporteur rappelle que la durée moyenne de traitement des dossiers par l'OFPRA s'est élevée à trois mois et demi en 2005, 50 % des dossiers ayant donné lieu à une décision dans un délai de deux mois et demi. Le délai d'exercice du recours devant la CRR est d'un mois à compter de la notification de la décision de l'OFPRA. Le délai moyen d'examen du recours est de quatre mois et demi. En conséquence, la durée moyenne d'hébergement en CADA devrait être de 9 à 10 mois.

Le but de cette mesure serait de favoriser un meilleur taux de rotation dans les CADA tout en faisant diminuer la durée moyenne d'hébergement dans ces centres qui s'élève aujourd'hui à 18 mois, dont 3 à 6 mois de maintien postérieurement à la clôture de l'instruction des demandes.

La difficulté rencontrée actuellement en pratique est l'engorgement des CADA, lié en partie au fait qu'ils continuent d'héberger, après la clôture de l'instruction de leur demande, tant des demandeurs déboutés que des personnes ayant reçu la protection statutaire. Ainsi, devant la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, Mme Catherine Vautrin, ministre délégué à la cohésion sociale et à la parité, a indiqué qu'en 2005, 40 % des personnes hébergés en CADA n'étaient plus demandeurs d'asile : 18 % étaient des déboutés ; 22 % étaient des réfugiés 187 ( * ) .

Toutefois, le texte proposé prévoirait la possibilité de maintenir « à titre exceptionnel et temporaire » en CADA des demandeurs après l'instruction de leur demande -qu'ils aient accédé ou pas à la qualité de réfugié ou à la protection subsidiaire. Un décret en Conseil d'Etat déterminerait les conditions dans lesquelles ce maintien pourrait être décidé.

Il convient en effet de prévoir un tel maintien dans des cas où, faute d'un hébergement en CADA, le débouté du droit d'asile ou le réfugié statutaire se trouverait dans une situation de dénuement. Pour autant, votre commission estime que ce maintien devra être limité dans le temps. A défaut, il conviendrait que ces personnes puissent faire l'objet d'une admission à l'aide sociale pour être accueillies dans un établissement plus adapté à leur situation, à savoir un CHRS, comme l'autoriserait du reste l'article L.345-1 dans sa rédaction issue du XV du présent article.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, un délai de maintien en CADA distinct pourrait être prévu par voie réglementaire, selon que l'étranger concerné s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou admis au bénéfice de la protection subsidiaire, ou qu'il a été débouté de sa demande d'asile.

Le II de l'article L. 348-3 prévoirait qu'un décret en Conseil d'Etat déterminerait les conditions de fonctionnement et de financement des CADA, ainsi que les modalités de la participation financière des personnes accueillies à leurs frais d'hébergement, de restauration et d'entretien, formulation reprise du troisième alinéa de l'article L. 345-1 applicable aux CHRS. Le dispositif réglementaire pris sur cette base devrait être proche de celui fixé par l'article R. 345-7 du code de l'action sociale et des familles 188 ( * ) .

- Article L. 348-3 nouveau du code de l'action sociale et des familles : Décision d'admission en CADA

En vertu du I de l'article L. 348-3, la décision d'admission en CADA serait prise par le gestionnaire du centre « avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat ».

Le texte ne prévoirait ainsi aucune intervention d'une commission. En effet, aux termes de l'article R. 345-5 du code de l'action sociale et des familles, la décision d'accueillir, à sa demande, une personne ou une famille en centre spécialisé dans l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés est prise par le gestionnaire du centre avec l'accord exprès ou implicite du préfet, sur proposition d'une commission nationale présidée par le directeur de la population et des migrations ou son représentant.

A l'heure actuelle, pour être admis en CADA, le demandeur d'asile remplit, avec l'aide du gestionnaire de premier accueil 189 ( * ) , une demande d'hébergement en CADA. Cette demande est ensuite transmise à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS). Une commission locale d'admission, le plus souvent départementale mais parfois régionale, présidée par le préfet ou son représentant, est chargée d'assurer l'adéquation entre la demande et l'offre d'hébergement disponible. Son président propose, après discussion collégiale, une offre d'hébergement, mais la décision formelle d'admission dans le centre relève du gestionnaire de CADA.

A l'exception des régions Ile de France et Rhône-Alpes, la DRASS ne participe pas directement à la gestion de l'hébergement en CADA. Son représentant préside toutefois un comité de coordination qui détermine le partage entre les départements du contingent régional de places de CADA, dont la gestion relève du niveau local. La DRASS gère également, en cas de crise, les mécanismes de solidarité interdépartementale.

Au niveau national, une commission d'admission, présidée par le représentant de la direction de la population et des migrations et dont le secrétariat est assuré par l'ANAEM, assure une mission de péréquation nationale, à partir d'un contingent de places à sa disposition qui s'élève à 30 % des places de CADA de chaque région, sauf en Ile-de-France et en Rhône-Alpes. A ce titre, elle organise le desserrement de Paris- Ile de France (plus de 40 % des demandes d'asile) et répond à des situations d'urgence signalées, à partir des listes de demandeurs d'asile en attente d'hébergement en Ile-de-France, ainsi que des demandes individuelles particulières de départements en difficultés. Elle propose une offre d'hébergement, mais la décision d'admission en CADA reste prise par le gestionnaire de centre.

A la suite d'une expérimentation menée en Rhône-Alpes, une note d'instruction du 20 janvier 2006 a prévu un pilotage régional de l'hébergement des demandeurs d'asile confié au préfet de région et fondé sur la mutualisation des capacités d'hébergement pérennes à l'échelle de la région. Dans ce cadre, il revient au préfet de région de décider de l'affectation dans la région des demandeurs d'asile à héberger en CADA, après concertation avec les préfets des départements concernés. Cette organisation devrait permettre de remédier plus efficacement aux déséquilibres entre départements d'une même région.

Pour favoriser une meilleure gestion des CADA, le II de l'article L. 348-3, issu d'un amendement de M. Claude Goasguen ayant reçu un avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, donnant un fondement législatif à l'instauration d'un système de traitement automatisé de données relatives :

- aux capacités d'hébergement des centres d'accueil pour demandeurs d'asile ;

- à l'utilisation de ces capacités ;

- aux demandeurs d'asile qui y sont accueillis . Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le système envisagé comprendrait des mentions relatives à l'état civil, à la nationalité, à la composition familiale, et à l'état de la procédure d'asile.

Ce système serait conçu, mis en oeuvre et géré par l'ANAEM . En effet, cet organisme a reçu la compétence expresse « de participer à toutes actions administratives, sanitaires et sociales » relatives, en particulier, à « l'accueil des demandeurs d'asile » aux termes de l'article L. 349-1 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 143 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de cohésion sociale. Votre commission vous soumet, outre un amendement corrigeant une erreur matérielle, un amendement destiné à préciser que ce fichier devra respecter les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 18 janvier 1978 sur l'informatique, les fichiers et les libertés .

Le III de l'article L. 348-3 du code de l'action sociale et des familles imposerait au gestionnaire du centre de « déclarer », tant à l'ANAEM qu'à « l'autorité administrative compétente de l'Etat », les places disponibles dans leur centre et de leur transmettre les « informations, qu'elles tiennent à jour, relatives aux personnes accueillies ».

Cette information continue et systématique devrait permettre de renforcer les efforts actuels susmentionnés en matière d'allocation de l'offre d'hébergement en CADA. Votre commission souhaite qu'elle puisse permettre aux services de l'Etat et aux gestionnaires d'assurer, autant que faire se peut, un égal accès des demandeurs d'asile en CADA, comme le recommandait la commission d'enquête sur l'immigration clandestine 190 ( * ) .

- Article L. 348-4 nouveau du code de l'action sociale et des familles : Conventions conclues entre les CADA et l'Etat

Aux termes de l'article L. 348-4 nouveau, le bénéfice de l'aide sociale ne pourrait être accordé ou maintenu aux personnes ou familles accueillies dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile que si une convention a été conclue à cette fin entre le centre et l'État .

Sur ce point, le dispositif n'apporterait aucun changement au droit existant, un dispositif identique existant déjà à l'article L. 345-3 du code de l'action sociale et des familles à l'égard des CHRS.

Le texte proposé préciserait néanmoins que la convention conclue avec l'Etat devrait être conforme à une convention-type dont les stipulations seraient déterminées par décret et qui prévoiraient, en particulier, les objectifs, les moyens, les activités et les modalités de contrôle d'un centre d'accueil des demandeurs d'asile.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 65 ainsi modifié .

Article 66 (art. L. 351-9 du code du travail)
Bénéficiaires de l'allocation temporaire d'attente

Cet article élargirait les catégories d'étrangers bénéficiaires de l'allocation temporaire d'attente . Il modifierait à cette fin l'article L. 351-9 du code du travail.

1. Le dispositif actuel

Créée par la loi de finances pour 2006, l'allocation temporaire d'attente a remplacé l'allocation d'insertion versée jusqu'alors, en particulier, aux demandeurs d'asile. Ce changement de dénomination s'est accompagné de modifications de fond du régime appliqué jusqu'en 2005.

Cette allocation bénéficie :

- aux ressortissants étrangers de plus de dix-huit ans, dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France et qui ont présenté une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié, à condition qu'ils satisfassent à une condition de ressources ;

- aux ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection temporaire ou de la protection subsidiaire, les ressortissants étrangers auxquels une autorisation provisoire de séjour a été délivrée en application de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile 191 ( * ) , ainsi que certaines catégories de personnes en attente de réinsertion.

En revanche, l'allocation temporaire d'attente est refusée à ces catégories d'étrangers lorsque :

- ceux-ci proviennent soit d'un pays visé par la clause de cessation de protection du 5 du C de l'article 1 er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, soit d'un pays d'origine sûr ;

- leur séjour dans un centre d'hébergement est pris en charge au titre de l'aide sociale ;

- ceux-ci refusent une offre de prise en charge. Si ce refus est manifesté après que l'allocation a été préalablement accordée, le bénéfice de l'allocation est perdu au terme du mois qui suit l'expression de ce refus.

Une fois accordée, l'allocation est versée par l'UNEDIC mensuellement aux personnes dont la demande d'asile n'a pas fait l'objet d'une décision définitive. Le versement de l'allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande c'est-à-dire, le cas échéant, au terme du mois suivant la notification à l'intéressé de la décision de la Commission des recours des réfugiés.

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Aux termes du du premier paragraphe (I) de cet article, une correction d'ordre rédactionnel serait apportée. A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé la mention de l'organe de l'OFPRA compétent pour décider de la liste des pays d'origine sûrs et de l'application de la clause de cessation de la protection conventionnelle. La détermination de l'organe compétent de l'OFPRA pour cette matière relève en effet du pouvoir réglementaire.

Le du présent paragraphe prévoirait un aménagement substantiel des conditions d'octroi de l'allocation temporaire d'attente en précisant que les ressortissants d'Etats considérés comme sûrs ou visés par la clause de cessation de la protection pourraient néanmoins recevoir le bénéfice de cette allocation lorsque des motifs humanitaires le justifient .

Selon le dispositif proposé, il reviendrait à l'organe compétent de l'OFPRA de signaler à l'autorité chargée de décider du versement de l'allocation -l'UNEDIC- les « cas humanitaires » justifiant l'octroi de cette prestation.

Cette situation n'empêchera pas, cependant, que l'étranger réponde aux conditions d'âge, de ressources, de non-admission ou de refus à l'aide sociale en CADA actuellement prévues.

En vertu du second paragraphe (II) de cet article, l'allocation temporaire d'attente ne serait désormais accordée que « pendant une durée limitée » aux ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire définie par les articles L. 712-1 à L. 712-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette précision serait simplement destinée à prendre en compte le fait que la protection subsidiaire n'est conférée que de manière temporaire par l'OFPRA pour une durée d'un an renouvelable 192 ( * ) .

Ce paragraphe assurerait par ailleurs une coordination avec l'article 29 du présent projet de loi en précisant que le bénéfice de l'allocation temporaire d'attente pourra être reconnu aux étrangers en possession d'une « carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » » -et non pas seulement d'un titre de séjour temporaire- pour avoir porté plainte contre leur proxénète ou l'auteur d'actes de traite d'êtres humains.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 66 sans modification.

Article additionnel après l'article 66 (art. L. 351-9-1 du code du travail)
Communication par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations des informations sur la prise en charge au titre de l'allocation temporaire d'attente

Votre commission vous soumet un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 66 afin de permettre à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations de communiquer des informations sur la prise en charge au titre de l'allocation temporaire d'attente à l'organisme chargé du versement de cette allocation.

Aux termes de l'article L. 351-9-1 du code du travail, l'allocation temporaire d'attente ne peut être versée aux demandeurs d'asile qui sont accueillis, au titre de l'aide sociale, en CADA ou qui ont refusé une offre de prise en charge au titre de l'aide sociale en CADA.

Par ailleurs, les demandeurs auxquels une offre de prise en charge doivent attester de leur adresse de domiciliation effective auprès des organismes chargés du service de l'allocation, sous peine d'en perdre le bénéfice.

Pour permettre à l'UNEDIC, chargé de la gestion de l'allocation temporaire d'attente, de connaître la situation ou les changements de situation des bénéficiaires de cette allocation, le dernier alinéa de l'article L. 351-9-1 prévoit que les autorités compétentes de l'Etat lui adressent mensuellement les informations relatives aux offres de prise en charge proposées aux demandeurs d'asile ainsi qu'aux refus auxquels celles-ci ont, le cas échéant, donné lieu.

Compte tenu de la responsabilité donnée à l'ANAEM, en vertu de l'article L. 341-9 du code du travail, d'assurer l'accueil des étrangers en France, et du fait que la responsabilité de la gestion du dispositif national d'hébergement des demandeurs d'asile lui a été confiée, c'est en réalité l'ANAEM qui détiendra les informations permettant à l'UNEDIC de décider de l'ouverture des droits à l'allocation temporaire d'attente.

Or, il semble que l'ANAEM puisse ne pas rentrer dans la catégorie des « autorités compétentes de l'Etat » visée par le présent article.

C'est pour lever cet obstacle que l'amendement présenté par votre commission mentionnerait explicitement la possibilité pour l'ANAEM de communiquer les informations relatives aux offres de prise en charge au titre de l'aide sociale en CADA.

Votre commission vous propose donc d'insérer cet article additionnel après l'article 66.

TITRE VI - DISPOSITIONS RELATIVES À LA MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION OUTRE-MER

Si l'immigration irrégulière est un phénomène présent en métropole, il prend une ampleur tout à fait inégalée et inquiétante outre-mer .

Toutes les collectivités territoriales ultramarines ne sont cependant pas touchées de manière identique, Mayotte et la Guyane et, dans une moindre mesure, la Guadeloupe, recueillant à eux seuls la quasi-totalité de l'immigration irrégulière outre-mer.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, qui a rendu publics ses travaux le 13 avril 2006, a ainsi estimé que le nombre d'immigrés clandestins présents dans les différentes collectivités ultramarines s'élevait, selon les chiffres les plus couramment cités, à environ :

- 45.000 pour Mayotte, soit plus du quart de sa population ;

- 30.000 à 35.000 pour la Guyane, soit de 20 à 25 % de sa population ;

- au moins 5.000 pour l'ensemble de la Guadeloupe, y compris la commune de Saint-Martin, le chiffre réel étant sans doute beaucoup plus élevé ;

- 600 pour La Réunion ;

- 500 pour la Martinique 193 ( * ) .

Cette situation spécifique, sans commune mesure avec la métropole, nécessite des mesures particulières.

Ainsi que l'a relevé la commission d'enquête, l'immigration clandestine pèse fortement sur les services et équipements publics en outre-mer, tant en matière de santé et d'éducation qu'en matière d'urbanisme, avec en particulier l'explosion de l'habitat insalubre à Mayotte et en Guyane, où il a progressé respectivement de 42 % et 30 % entre 2003 et 2004.

L'ampleur de l'immigration clandestine à Mayotte et en Guyane menace même la stabilité politique et sociale de ces territoires, en exacerbant les tensions intercommunautaires. A Mayotte, en octobre 2005, une manifestation d'étrangers en situation irrégulière, essentiellement des Comoriens, a ainsi suscité en retour des manifestations de la population mahoraise, qui ont fait craindre à l'autorité préfectorale le déclenchement d'affrontements intercommunautaires 194 ( * ) .

Les trois chapitres du présent titre visent à créer des dispositifs dérogatoires adaptés à la situation de chacune des collectivités concernées en matière d'entrée et de séjour des étrangers, d'état civil et de droit du travail.

La possibilité de prévoir des règles spécifiques applicables dans les collectivités territoriales d'outre-mer est en effet ouverte tant par l'article 73 que par l'article 74 de la Constitution. Toutefois, la marge d'adaptation est plus réduite, dans les départements d'outre-mer -puisqu'elles doivent y être justifiées par les « caractéristiques et contraintes particulières » de ces territoires- que dans les collectivités d'outre-mer.

CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS OUTRE-MER

Article 67 (chapitre IV du titre Ier du livre V et article L. 514-2 nouveau du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Extension à l'ensemble du département de la Guadeloupe des mesures applicables en Guyane et dans la commune de Saint-Martin relatives à l'éloignement des étrangers

Cet article a pour objet d'étendre à l'ensemble du département de la Guadeloupe, pour une période de cinq ans, les mesures applicables en Guyane et dans la commune de Saint-Martin en matière d'éloignement des étrangers . Il modifierait à cette fin le chapitre IV du titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

1. Le dispositif actuel

Les articles L. 512-2 à L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déterminent les conditions dans lesquelles, une fois l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet, celui-ci peut être exécuté, sous réserve d'un recours en annulation exercé devant la juridiction administrative.

Aux termes de l'article L. 512-3, si l'étranger qui fait l'objet de l'arrêté peut être immédiatement placé en rétention administrative, cet arrêté ne peut être exécuté avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification lorsqu'il est notifié par voie administrative, ou de sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale 195 ( * ) ou, si le président du tribunal administratif ou son délégué est saisi, avant qu'il n'ait statué.

Le recours en annulation exercé contre l'arrêté de reconduite à la frontière présente donc un caractère suspensif.

Ce recours doit être présenté, dans les quarante-huit heures suivant la notification, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou dans les sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale, au président du tribunal administratif territorialement compétent. Celui-ci doit alors statuer dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine, au cours d'une audience publique.

Le jugement du président du tribunal administratif ou de son délégué est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué par lui. Cet appel, qui n'est pas suspensif, est porté, depuis le 1er janvier 2005, devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente.

En 1993, déjà confronté à un afflux massif d'étrangers en situation irrégulière, le législateur avait estimé que ces règles procédurales dérogatoires au droit commun du contentieux ne permettaient pas d'assurer l'éloignement, dans des conditions efficaces, des étrangers entrés et séjournant irrégulièrement sur le territoire des quatre départements français d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion) ainsi que dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Aussi la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France a-t-elle prévue un dispositif propre à la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon , comportant trois mesures :

- en premier lieu, l'inapplicabilité à ces collectivités du régime procédural « de droit commun » prévu par l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France en matière d'exécution et de contestation juridictionnelle des arrêtés de reconduite à la frontière pris dans ces territoires ;

- en deuxième lieu, la possibilité d'une mise à exécution immédiate de l'arrêté de reconduite à la frontière , un délai d'un jour franc à compter de la notification de cet arrêté devant cependant être observé si l'autorité consulaire intéressée en fait la demande ;

- en dernier lieu, l'absence d'effet suspensif du recours en annulation contre l'arrêté de reconduite à la frontière, l'étranger en faisant l'objet devant assortir sa requête d'une demande de suspension d'exécution de l'arrêté .

Ce dispositif juridique n'était applicable que pendant une période de cinq années à compter de l'entrée en vigueur de la loi précitée du 24 août 1993.

Il a néanmoins été prorogé pour une nouvelle période de cinq ans par l'article 24 de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile, l'étude d'impact alors fournie par le Gouvernement justifiant cette mesure par le fait que « l'instauration d'un recours suspensif aurait pour effet de bloquer d'une part le fonctionnement des juridictions et celui de l'administration. Par ailleurs, le taux d'exécution des mesures d'éloignement risquerait de s'en trouver largement affecté » 196 ( * ) .

A l'issue de cette nouvelle période de cinq ans, le législateur a entendu pérenniser partiellement ces mesures . La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a ainsi rendu ces mesures applicables sans limitation de durée en Guyane ainsi que sur le territoire de la seule commune de Saint-Martin, en Guadeloupe, soumise à une forte immigration clandestine compte tenu de l'absence de frontière matérialisée avec Sint-Maarten, partie néerlandaise de l'île.

En revanche, ce dispositif n'a pas été reconduit, même à titre temporaire, au profit du reste du territoire Guadeloupéen, de la Martinique, de La Réunion et de Saint-Pierre-et-Miquelon 197 ( * ) .

La codification de ces dispositions figurant jusqu'alors à l'article 40 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée a été opérée, à droit constant, à l'article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

2. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Sans remettre en cause l'application pérenne en Guyane et à Saint-Martin des mesures prévues à l'article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le présent article, qui n'a fait l'objet que d'une modification à caractère rédactionnel à l'Assemblée nationale, prévoirait leur extension, pour une période limitée, à l'ensemble du territoire guadeloupéen .

Le premier paragraphe (I) de cet article modifierait en conséquence l'intitulé du chapitre IV du titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de viser l'ensemble du département de la Guadeloupe.

Le second paragraphe (II) créerait un article L. 514-2 au sein de ce chapitre IV afin de prévoir l'extension des mesures actuellement visées à l'article L. 514-1 à l'ensemble des communes du département de la Guadeloupe, à l'exception de la commune de Saint-Martin, déjà couverte. Cette extension n'interviendrait que pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi.

Au terme de cette période, le dispositif deviendrait donc caduc, sauf à ce que le législateur le pérennise ou lui donne application pour une nouvelle durée déterminée.

Votre commission estime que cette mesure est nécessaire compte tenu du nombre des arrêtés de reconduite à la frontière pris en Guadeloupe .

Le caractère non suspensif des recours à l'encontre de ces décisions administratives revêt certainement un caractère dissuasif. Selon les informations recueillies par votre rapporteur en Guyane, de janvier 2002 à juin 2005, aucun recours juridictionnel n'a en effet été dirigé contre un arrêté de reconduite à la frontière.

En outre, la multiplication de référés à caractère suspensif aurait pour conséquence d'accroître la charge des tribunaux administratifs de ces deux départements qui manquent réellement des moyens nécessaires pour accomplir l'ensemble des missions qui leurs sont confiées et qui dépassent le seul contentieux des étrangers. Ainsi, en 2005, 5.942 arrêtés de reconduite à la frontière ont été exécutés en Guyane en 2005.

L'extension proposée du dispositif à l'ensemble de la Guadeloupe semble donc opportune dans la mesure où le nombre des arrêtés de reconduite à la frontière est en forte progression. Il a ainsi augmenté de 15,7 % entre 2004 et 2005, passant de 1.083 à 1.253.

Votre commission estime que le choix de ne rétablir cette mesure dérogatoire et exceptionnelle que pour une durée limitée est justifié, compte tenu de ses effets sur les droits des requérants devant le juge administratif.

Pour autant, il convient de préciser que l'étranger qui ferait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en Guadeloupe, pourra toujours, comme en Guyane, exercer un recours permettant de faire provisoirement échec à sa mise en oeuvre.

D'une part, l'étranger en situation irrégulière en Guyane peut assortir sa requête en annulation de l'arrêté de reconduite d'une demande de suspension de son exécution. Toutefois, selon les informations portées à la connaissance de votre rapporteur, les avocats du barreau de Cayenne regardent ces dispositions comme inopérantes dans la mesure où l'effet non suspensif du recours en annulation rend irrecevable la demande de suspension d'exécution d'une mesure de reconduite déjà exécutée à la date de l'audience de référé.

D'autre part, si les recours contre les arrêtés de reconduite ne sont plus suspensifs, le référé-liberté prévu par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, est applicable puisque l'arrêté, outre son caractère d'urgence, est susceptible de mettre en cause une liberté fondamentale 198 ( * ) . Or, l'intérêt d'un tel référé est évident eu égard à l'extrême rapidité du jugement qui doit intervenir dans un délai de 48 heures. La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine a d'ailleurs noté que ce type de recours était désormais utilisé, notamment en Guyane, en raison de l'arrivée d'avocats spécialisés de métropole 199 ( * ) .

Néanmoins, en pratique, le délai de rétention des étrangers en Guyane ou à Saint-Martin est tel que, dans la grande majorité des cas, le juge est amené à statuer après que la mesure de reconduite a été exécutée par l'administration. Il devrait en être de même pour l'ensemble de la Guadeloupe.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 67 sans modification.

Article 68 (art. L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Eloignement d'office des équipages vénézuéliens se livrant à des activités de pêche illicite en Guyane

Cet article autoriserait l'éloignement d'office des membres d'équipage vénézuéliens se livrant à des activités de pêche illicite en Guyane . Il modifierait à cet effet l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Issu de l'article 141 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, l'article L. 532-1 donne à l'administration, en Guyane, la possibilité d'éloigner d'office, vers l'Etat dont ils sont les nationaux, les ressortissants brésiliens, surinamiens et guyaniens appartenant aux équipages de navires se livrant à des activités de pêche illicite dans les eaux guyanaises et contraints par l'autorité administrative française de se rendre à terre.

Cet éloignement d'office ne peut toutefois intervenir qu'avec l'accord des membres de l'équipage concernés et dans un délai qui ne peut excéder quarante-huit heures. Les frais liés à cet éloignement sont pris en charge par l'Etat.

Cette mesure dérogatoire a été rendue nécessaire par le nombre grandissant de navires battant pavillons étrangers venant pêcher de manière illégale dans les eaux territoriales françaises au large de la Guyane. Or, ces navires comportent souvent des équipages dont les membres sont ressortissants d'Etats voisins de la Guyane comme le Brésil et le Surinam, Etats frontaliers de ce département d'outre-mer, ou le Guyana qui n'a pas de frontière terrestre avec cette collectivité.

L'éloignement d'office permet ainsi d'expulser plus rapidement les ressortissants de ces Etats en évitant les lourdeurs administratives que constitue le placement en centre de rétention administrative. Cette facilité est d'autant plus importante en Guyane qui ne dispose que d'un seul centre de rétention à Rochambeau d'une capacité notoirement insuffisante de 38 places, comparées aux 5.242 arrêtés de reconduite à la frontière exécutés en 2005.

Toutefois, ce dispositif d'éloignement d'office ne pouvant intervenir qu'avec le consentement de l'étranger, en cas de refus de ce dernier, la procédure normale retrouve sa pleine application. Tel est également le cas lorsque le délai de 48 heures est dépassé.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, 208 marins étrangers ont été appréhendés dans les eaux guyanaises en 2003, 344 en 2004 et 246 au 1 er octobre 2005. L'éloignement d'office a concerné, en 2005, 227 marins étrangers.

L'accroissement, depuis 2003, du nombre de navires comportant des ressortissants vénézuéliens arraisonnés dans les eaux territoriales guyanaises justifie l'extension de ce dispositif d'éloignement d'office aux ressortissants de ce pays. En effet, depuis 2003, 43 marins vénézuéliens ont été éloignés vers le Venezuela.

Pour faire face à cette situation, le présent article étendrait le dispositif d'éloignement d'office actuel aux ressortissants vénézuéliens membres d'équipages de navires arraisonnés pour des activités de pêche illicite. Cet éloignement, comme pour les ressortissants brésiliens, surinamiens ou guyaniens, ne pourrait intervenir qu'avec l'accord des intéressés et dans un délai de 48 heures.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 68 sans modification.

Article 69 (art. L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Application à l'ensemble du territoire national des mesures d'éloignement prononcées en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française

Cet article tend à rendre applicables à l'ensemble du territoire national les mesures d'éloignement prononcées en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française. Il modifierait à cette fin l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mesures d'interdiction du territoire prononcées par une juridiction siégeant en Nouvelle-Calédonie ainsi que les mesures de reconduite à la frontière et d'expulsion prononcées par le représentant de l'Etat en Nouvelle-Calédonie sont applicables :

- au territoire métropolitain ;

- au territoire des départements d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion) ;

- au territoire de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon 200 ( * ) .

La nécessité d'une disposition spécifique déterminant l'applicabilité hors de la collectivité d'outre-mer où elle a été prononcée d'une mesure d'éloignement ou d'interdiction du territoire découle du principe de spécialité législative régissant le droit de ces collectivités qui ne font pas partie du territoire français au sens de l'article L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Or, à l'heure actuelle, faute d'une disposition spéciale, les mesures d'interdiction du territoire ou de reconduite à la frontière prises à Mayotte et à Wallis-et-Futuna ne sont pas applicables en métropole, dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon de ces mesures d'interdiction ou d'éloignement est prévue. Il en résulte que les nombreuses mesures prononcées par exemple à Mayotte ne peuvent être exécutées sur le territoire métropolitain ou à La Réunion. En l'état du droit, ces personnes doivent ainsi faire l'objet d'une nouvelle décision juridictionnelle ou administrative pour pouvoir être éloignées de ces territoires.

Le présent article supprimerait donc cette incohérence actuelle en prévoyant l'application à la métropole, aux départements d'outre-mer ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon des mesures d'interdiction ou d'éloignement prononcées tant en Polynésie française qu'à Mayotte et à Wallis-et-Futuna.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 69 sans modification .

Article 70 (art. L. 611-10 et L. 611-11 nouveau du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 10-2 nouveau de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte)
Contrôle des véhicules aux fins de recherches d'infractions à l'entrée et au séjour des étrangers en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte

Cet article étendrait à de nouvelles zones de la Guyane les possibilités , actuellement reconnues dans certaines collectivités ultramarines, de procéder à des visites sommaires de véhicules circulant sur la voie publique aux fins de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers. Il instituerait par ailleurs de tels contrôles, à titre temporaire, en Guadeloupe ainsi qu'à Mayotte .

1. L'extension du périmètre dans lequel il peut être procédé à des visites sommaires de véhicules en Guyane

Les articles L. 611-8 et L. 611-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorisent, dans une bande de 20 kilomètres débutant à partir des frontières de la France avec les Etats parties à la convention de Schengen, les officiers de police judiciaire, assistés d'agents de police judiciaire, à procéder à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique, à l'exclusion des voitures particulières, en vue de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France 201 ( * ) .

Cette visite peut intervenir avec l'accord du conducteur du véhicule ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République. Dans l'attente de ces instructions, le véhicule est immobilisé pour une durée ne pouvant dépasser quatre heures. La visite, limitée au temps strictement nécessaire, se déroule en présence du conducteur et donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal dont un exemplaire est remis au conducteur et un autre est transmis au procureur.

Par deux fois, le Conseil constitutionnel a estimé un tel dispositif conforme à la Constitution, soulignant qu'il permettait d'exercer une recherche effective des auteurs d'infractions -nécessaire à la sauvegarde des principes et droits à valeur constitutionnelle- tout en préservant le principe de la liberté individuelle et de l'inviolabilité du domicile, sous le contrôle permanent du procureur de la République 202 ( * ) .

En vertu de l'article L. 611-10, ce dispositif est appliqué de manière pérenne en Guyane dans une zone strictement délimitée, comprise entre les frontières terrestres du département -c'est-à-dire avec le Brésil à l'Est et au Sud, et le Surinam à l'Ouest- et une ligne tracée à 20 kilomètres de celles-ci. Cette mesure s'est avérée nécessaire compte tenu de l'utilisation de plus en plus importante des voies routières par les étrangers rentrant irrégulièrement sur le territoire guyanais.

Toutefois, la situation actuelle de l'immigration dans ce département justifie un accroissement du périmètre initial. La réalisation de réseaux routiers importants, liés notamment à la construction prochaine du pont sur l'Oyapock, à la hauteur de la commune de Saint-Georges, a redoublé l'utilisation par les clandestins de ces voies. L'achèvement de cet ouvrage d'art issu d'un traité conclu entre la France et le Brésil ne fera, dans un avenir proche, qu'accroître encore ce phénomène.

Si un renforcement des forces de police au poste de Saint-Georges est en cours, il est apparu nécessaire d'étendre les possibilités de visites sommaires des véhicules au-delà de la bande des 20 kilomètres. Le premier paragraphe (I) de cet article prévoirait ainsi l'application de ce dispositif à la route nationale 2 -qui relie Saint-Georges à Cayenne- sur les seuls territoires des communes de Saint-Georges et de Régina. Cette extension limitée permettra un contrôle sur 60 km de routes supplémentaires.

Compte tenu des contraintes particulières qui s'exercent en matière d'immigration clandestine en Guyane, le présent dispositif apparaît conforme aux possibilités d'adaptation du droit métropolitain admises par l'article 73 de la Constitution.

2. L'extension temporaire à la Guadeloupe et à Mayotte du dispositif permettant les visites sommaires de véhicules

Les deuxième et troisième paragraphes de cet article étendraient, pour une période de cinq ans à compter de la publication de la présente loi , le dispositif de visites sommaires des véhicules sur la voie publique en Guadeloupe et à Mayotte . A l'issue de ce délai, le dispositif deviendra donc caduc, sauf à ce que le législateur décide de le reconduire pour une durée limitée ou de le pérenniser, afin de tenir compte de l'évolution de la situation de l'immigration clandestine vers 2011.

La situation de la Guadeloupe, confrontée à une montée considérable en quelques années de l'immigration irrégulière, impose des mesures d'adaptation rentrant dans les prévisions de l'article 73 de la Constitution. Le statut de collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution permet de prendre pour Mayotte a fortiori ces mesures dérogatoires nécessaires à la lutte contre le fléau de l'immigration clandestine qu'elle subit de plein fouet.

Dans ces deux collectivités, les immigrés clandestins arrivent par le biais d'embarcations : il est donc nécessaire de permettre aux officiers de police judiciaire de visiter les véhicules circulant sur les voies publiques proches des côtes.

Le deuxième paragraphe (II) , créant un article L. 611-11 nouveau au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rendrait applicable le dispositif en Guadeloupe :

- d'une part, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà . L'immigration clandestine dans ce département se fait exclusivement par voie maritime. Compte tenu de cette particularité, un contrôle efficace doit pouvoir s'exercer sur le réseau routier tout le long du littoral. Cette mesure s'appliquerait dans l'ensemble de l'archipel de la Guadeloupe, en particulier dans la commune de Saint-Martin ;

- d'autre part, sur l'intégralité des routes nationales 1 et 4 . Cette mesure est nécessaire car, pour rejoindre les principales agglomérations de la Guadeloupe, les étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire par les côtes passent essentiellement par la zone des communes de Trois-Rivières et de Capesterre-Belle-Eau pour rejoindre l'agglomération de la Basse-Terre par la route nationale 1 et par la zone des communes de Sainte-Anne et de Saint-François pour rejoindre l'agglomération de Pointe-à-Pitre par la route nationale 4. Or, le tracé de ces routes passe fréquemment au-delà de la ligne de 1 km en deçà du littoral. L'exercice d'un contrôle des véhicules sur ces routes devrait ainsi permettre d'accentuer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière dans ce département.

Le troisième paragraphe (III) de cet article, insèrerait un article 10-2 nouveau dans l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte. Cette collectivité n'est en effet pas régie par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais par un texte spécifique non codifié qui, depuis 2000, met en place un régime dérogatoire au droit commun, justifié par la situation particulière de Mayotte au regard des phénomènes migratoires et permis par son statut de collectivité sui generis, aujourd'hui devenue une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution.

Le dispositif proposé permettrait la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà. Cette mesure permettrait aux officiers de police d'intervenir sur près de 85 % du réseau routier mahorais.

MAYOTTE

Pour le surplus, il reprendrait, en réalité, sans modification de fond, celui aujourd'hui prévu par les articles L. 611-8 et L. 611-9.

Ainsi, seuls les officiers de police judiciaire, assistés des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés respectivement à l'article 20 et au 1° de l'article 21 du code de procédure pénale, pourraient procéder, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République, à la visite sommaire de tout véhicule circulant sur la voie publique, à l'exclusion des voitures particulières, en vue de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte. La visite du véhicule, dont la durée devrait être limitée au temps strictement nécessaire à la recherche et au constat des infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, se déroule en présence du conducteur et donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal mentionnant les dates et heures du début et de la fin des opérations. Un exemplaire de ce procès-verbal serait remis au conducteur et un autre transmis sans délai au procureur de la République.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, une différence avec l'article L. 611-9 a néanmoins été instituée. Dans l'attente des instructions du procureur de la République, le véhicule pourrait en effet être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder huit heures , au lieu de quatre. Cette mesure constitue une coordination avec l'article 79 du présent projet de loi qui prévoirait de porter à huit heures la durée maximale de rétention des étrangers soumis à un contrôle d'identité à Mayotte.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 70 sans modification.

Article 71 (art. L. 622-10 nouveau du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 29-3 nouveau de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte)
Destruction ou immobilisation des embarcations ou véhicules ayant servi à commettre des infractions d'aide à l'entrée ou au séjour irrégulier en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte

Cet article tend à permettre au procureur de la République d'ordonner la destruction d'embarcations fluviales en Guyane et l'immobilisation de véhicules terrestres en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte, lorsque ces moyens de transport ont servi à commettre les infractions d'aide à l'entrée ou au séjour des étrangers en France.

Compte tenu de l'importance de l'immigration illégale dans ces trois territoires, il est nécessaire que les moyens matériels grâce auxquels les étrangers en situation irrégulière ont pu pénétrer ou se déplacer puissent être mis hors d'état de nuire.

Une première démarche législative a été faite dans ce contexte lors de l'adoption de la loi n° 2005-371 du 22 avril 2005 relative aux pouvoirs de l'Etat en mer. Son article 12 a en effet introduit dans la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer la faculté de détruire les embarcations dépourvues de pavillon ayant servi à commettre les infractions à l'entrée et au séjour des étrangers 203 ( * ) . Cette disposition, également prévue pour lutter contre le trafic de stupéfiants, s'inspire des dispositions de l'article 140 du code minier, mises couramment à profit par les forces de l'ordre dans le cadre des opérations « Anaconda » de lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane.

Cette mesure a consacré un progrès évident dans la lutte contre ces vecteurs d'immigration illégale. Avant la loi du 22 avril 2005, la juridiction ne pouvait prononcer cette destruction qu'après saisie des embarcations et des moteurs, et absence de revendication du propriétaire légitime, s'il n'était pas le passeur lui-même. La procédure issue de la loi du 22 avril 2005 est plus rapide et la saisie n'est plus nécessaire. Ainsi, si 33 barques et 69 moteurs ont été détruits en 2005, 40 barques et 67 moteurs l'ont déjà été au 4 mai 2006, ce qui démontre l'efficacité de cette mesure. Matériellement, les moteurs sont écrasés par un engin de travaux publics et les barques en bois réduites en morceaux et enfouies.

Toutefois, ce dispositif reste incomplet et ne permet pas de rendre inopérationnels les véhicules terrestres ou les embarcations fluviales concernées. Le présent article complèterait donc le dispositif actuel par des mesures à caractère pérenne.

Le premier paragraphe (I) de cet article prévoirait de créer au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un article L. 622-10 permettant au procureur de la République d'ordonner :

- en Guyane , la destruction des embarcations fluviales non immatriculées qui ont servi à commettre les infractions « visées aux articles L. 622-1 et L. 622-2 » , c'est-à-dire les dispositions visant les infractions d'aide directe ou d'indirecte à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers .

Pour ce faire, ces infractions devront avoir été constatées par procès-verbal.

En outre, cette destruction ne pourrait être ordonnée que « lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions ». Cette mesure s'inspire de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer, dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi du 22 avril 2005, ainsi que du troisième alinéa de l'article 140 du code minier.

Elle vise à faire face, compte tenu de la situation particulière de la Guyane, à un phénomène d'ampleur qui affecte ce département. En effet, les voies fluviales constituent un mode de déplacement naturel en Guyane, où le réseau routier est peu développé. En l'absence de pont sur le Maroni ou l'Oyapock, l'entrée sur le sol guyanais se fait nécessairement au moyen d'embarcations. Eu égard aux conditions de navigabilité des deux fleuves concernés, il s'agit concrètement de pirogues non immatriculées.

Les forces de l'ordre se situent généralement en forêt, à plusieurs jours de distance de la ville la plus proche et une simple immobilisation s'avérerait non seulement inopérante mais également irréalisable : les « embarcations » dont il s'agit sont, en pratique, des troncs évidés et dotés d'un moteur. L'immobilisation du moteur n'empêcherait en réalité nullement la réutilisation quasi-immédiate de la pirogue

Le dispositif proposé répond donc au souci d'assurer une certaine proportionnalité dans la réponse de l'autorité judiciaire à la commission de l'infraction, la destruction devant être envisagée au cas par cas ;

- en Guadeloupe et en Guyane, l'immobilisation des véhicules terrestres qui ont servi à commettre les infractions visées aux articles L. 622-1 et L. 622-2. Cette neutralisation s'effectuerait, techniquement, par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule .

Pour ce faire, les infractions devraient également être constatées par procès-verbal. En outre, une telle mesure ne pourrait être prise que s'il « n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions ».

Une mesure relative à l'immobilisation des véhicules terrestres est nécessaire dans ces deux départements d'outre-mer. En effet, si l'entrée sur ces territoires se fait au moyen d'embarcations fluviales ou maritimes, les étrangers en situation irrégulière doivent ensuite utiliser les réseaux routiers pour se rendre dans les zones urbanisées où ils résident ou sont employés clandestinement la plupart du temps. Pour ce faire, les clandestins rejoignent les villes par véhicules terrestres, en empruntant un réseau routier qui traverse d'importantes zones isolées. Les forces de l'ordre ont ainsi trouvé, à plusieurs reprises, des véhicules volés et cachés dans la forêt en bord de routes avec des réserves de nourriture prêtes à l'emploi.

Dans les conditions matérielles difficiles de la lutte contre l'immigration clandestine en Guyane, l'immobilisation simple suivie d'une mise en fourrière s'avère inopérante dans la mesure où seules Cayenne et Saint-Laurent du Maroni disposent d'une fourrière. La situation est semblable en Guadeloupe.

De ce point de vue, la destruction pure et simple du véhicule s'avèrerait au contraire une mesure disproportionnée. Mais il importe de mettre hors d'usage -au moins momentanément- le véhicule qui a servi à la commission des infractions relatives à l'entrée des étrangers en France.

Le second paragraphe (II) de cet article modifierait l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

Selon un dispositif similaire à celui prévu pour la Guyane et la Guadeloupe, le procureur de la République pourrait ordonner l'immobilisation des véhicules terrestres ayant servi à commettre les infractions relatives à l'aide, au séjour et à la circulation des étrangers à Mayotte .

Ces infractions devraient être constatées par procès-verbal et l'immobilisation pourrait s'opérer par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule, s'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 71 sans modification.

Article 72 (art. L. 831-2 du code du travail)
Validité territoriale de l'autorisation de travail liée à une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » délivrée dans un département d'outre-mer

Cet article, qui a fait l'objet d'une modification rédactionnelle à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à prévoir que l'autorisation de travail accordée à l'étranger dans le cadre de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est limitée au département d'outre-mer dans lequel elle a été délivrée . Il réécrirait à cet effet l'article L. 831-2 du code du travail.

L'article L. 831-2 du code du travail dispose actuellement que l'autorisation de travail peut être délivrée à un étranger sous la forme d'une carte de résident qui lui confère le droit d'exercer, sur le territoire du département dans lequel elle a été délivrée, toute activité professionnelle salariée de son choix dans le cadre de la législation en vigueur.

Ce dispositif serait étendu aux cartes de séjour temporaire « vie privée et familiale », mentionnées à la sous-section 6 de la section 2 du chapitre III du titre I er du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'extension de la restriction apportée à la validité territoriale de cette autorisation de travail a pour but d' éviter que les candidats éventuels à l'immigration clandestine ne cherchent par la suite à gagner d'autres parties du territoire national , qu'il s'agisse d'une autre collectivité ultramarine ou d'un département métropolitain.

De fait, dans l'éventualité où l'étranger titulaire de l'une de ces cartes souhaiterait s'établir dans un autre département pour y exercer une activité professionnelle, il devra solliciter de l'autorité préfectorale la délivrance d'une autorisation valable sur son territoire.

Cette disposition est en cohérence avec le dispositif prévu à l'article 13 du présent projet de loi qui, modifiant l'article L. 341-4 du code du travail, prévoirait que l'autorisation de travail délivrée en France métropolitaine ne s'applique qu'à cette partie du territoire national et qu'elle peut être limitée à certaines zones géographiques.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 72 sans modification.

Article 72 bis (nouveau) (art. 10 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte)
Relevé et mémorisation des empreintes digitales et de la photographie des personnes dépourvues de titres lors du franchissement de la frontière à Mayotte

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Mansour Kamardine, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission, tend à permettre le relevé et la mémorisation des empreintes digitales et de la photographie des personnes dépourvues de titres lors du franchissement de la frontière à Mayotte. L'article 10 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte serait modifié à cet effet.

Actuellement, cet article 10 dispose, selon un dispositif proche de celui prévu par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que, « afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers à Mayotte », peuvent être relevées et conservées les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne qui sont en situation irrégulière à Mayotte ou qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français.

Or, ce dispositif ne permet pas actuellement de relever et mémoriser les empreintes des personnes qui, ayant été contrôlées à l'occasion du franchissement de la frontière, ne remplissent pas les conditions prévues pour entrer légalement à Mayotte, c'est-à-dire, en application de l'article 4 de cette ordonnance, ne détiennent pas les documents et visas exigés, le justificatif d'hébergement ainsi que, le cas échéant, les documents permettant l'exercice d'une activité professionnelle sur ce territoire.

Ce relevé ainsi que cette mémorisation interviendraient dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL.

Il permettrait ainsi de mieux repérer à Mayotte, les étrangers clandestins tentant d'entrer sur le territoire français qui, à Mayotte, se présentent souvent sous de fausses et multiples identités . Cette mesure devrait assurer une identification sûre de ces personnes et, en conséquence, une intervention plus efficace des forces de l'ordre.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 72 bis sans modification.

Article 72 ter (nouveau)
Observatoire de l'immigration de la Guadeloupe et de la Martinique

Inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Gabrielle Louis-Carabin avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, cet article additionnel tend à créer une commission, commune à la Guadeloupe et à la Martinique, chargée d'apprécier l'application de la politique de régulation des flux migratoires, et les conditions d'immigration .

Cette commission, qui porterait le nom : « Observatoire de l'immigration », aurait compétence pour proposer les mesures d'adaptation nécessaires en ces matières.

Elle serait composée des parlementaires, des représentants de l'État et des collectivités territoriales ainsi que des acteurs socio-économiques de la Guadeloupe et de la Martinique.

Selon le texte proposé, la première réunion de cette commission devrait être convoquée au plus tard six mois après la publication de la présente loi. Un décret simple, pris dès la publication de la présente loi, devrait fixer les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette commission.

Votre commission souligne que cet organe est inspirée des commissions créées en Guyane et à La Réunion par les articles 93 et 94 de la loi du 26 novembre 2003. Plus de deux ans après la publication de cette loi deux décrets -et bien que ces articles aient prévu également que leur première réunion serait convoquée au plus tard six mois après la publication cette loi- ont enfin créé ces deux commissions.

Signés le 13 décembre 2005, les décrets n° 2005-1593 et 2005-1594 prévoient que ces commissions sont présidées par le préfet de région. Elle comprennent chacune plus d'une trentaine de membres. Ces derniers sont des parlementaires ou des élus locaux, des représentants des diverses administrations déconcentrées de l'Etat ainsi que des « acteurs socio-économiques » 204 ( * ) .

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, l'observatoire de l'immigration de Guyane a été installée le 31 mars 2006 et a décidé la mise en place de quatre groupes de travail relatifs : à la jeunesse et l'éducation, au travail illégal, aux aspects sanitaires et à l'accompagnement social, ainsi qu'au statut des frontaliers et à l'état civil sur le Maroni. Ces groupes se sont réunis pour la première fois les 4 et 5 mai 2006 et ont formulé un certain nombre de propositions.

A ce jour, l'observatoire de La Réunion ne s'est pas encore réuni : une réunion d'installation est prévue courant juin 2006.

Votre commission estime que cette instance de concertation et de proposition commune est utile. Si la Martinique n'est pas confrontée à l'immigration illégale dans les mêmes proportions que la Guadeloupe, elle connaît une même problématique compte tenu de sa position géographique et économique dans la Caraïbe.

Votre commission vous soumet cependant un amendement tendant à insérer le présent dispositif au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers, en y intégrant les commissions de Guyane et de La Réunion . Les dispositions prendraient ainsi place parmi les principes généraux définis par ce code, à la suite des articles relatifs au rapport annuel au Parlement ainsi qu'au Conseil national de l'immigration et de l'intégration.

Ce même amendement supprime par ailleurs l'obligation faite de tenir la première réunion de ces commissions dans un délai de six mois, cette mention n'ayant pas d'effet coercitif à l'égard du Gouvernement, comme l'a montré la mise en oeuvre fort tardive dispositions des articles 93 et 94 de la loi du 26 novembre 2003.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 72 ter ainsi modifié .

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS, À L'ÉTAT DES PERSONNES ET AUX RECONNAISSANCES D'ENFANTS FRAUDULEUSES À MAYOTTE

Initialement restreinte aux modifications apportées au code civil ainsi qu'à la reconnaissance de paternité à Mayotte, cette division du projet de loi a vu son objet étendu aux règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi qu'à l'état des personnes à Mayotte à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, afin de prendre en compte les articles additionnels adoptés par les députés.

Si une telle dérogation aux règles du droit commun est possible en application de l'article 74 de la Constitution, elle ne l'est pas, en revanche, dans les départements d'outre-mer, soumis à l'article 73 de notre loi fondamentale. C'est la raison pour laquelle votre commission n'a pas souhaité reprendre les évolutions du droit de la nationalité envisagées, pour le département de la Guyane, par la proposition de loi n° 59 (2005-2006), présentée par notre collègue Georges Othily, même si elle est consciente des fortes difficultés que connaît, du fait de l'immigration clandestine, cette collectivité.

Article 73 (art. 20 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique à Mayotte)
Prise en charge des frais liés à la naissance d'un enfant né d'une mère étrangère en situation irrégulière et faisant l'objet d'une reconnaissance de paternité

Cet article, qui a fait l'objet de modifications à caractère rédactionnel lors de la discussion à l'Assemblée nationale, est l'une des premières dispositions du projet de loi tendant à limiter les reconnaissances de paternité de complaisance qui sont monnaie courante à Mayotte. Il mettrait à la charge tant du père que de la mère de l'enfant né à Mayotte d'une mère étrangère en situation irrégulière et qui fait l'objet d'une reconnaissance de paternité, les frais médicaux liés à sa naissance , en modifiant l'article 20 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique à Mayotte.

La procédure de reconnaissance est fixée par l'article 316 du code civil, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation. Par ailleurs, la procédure de « dation de nom », prévue par l'article 3 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local à Mayotte, permet également d'exercer des reconnaissances de paternité.

Comme l'ont relevé tant la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine que la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la situation de l'immigration à Mayotte, les reconnaissances de paternité fictive constituent une fraude largement pratiquée dans cette collectivité, qui permet l'obtention d'un premier titre de séjour. Le nombre des reconnaissances de paternité y a été multiplié par 6 entre 2001 et 2005, passant de 882 à 5.423, alors que, entre 2001 et 2004, le nombre des actes de naissance y est seulement passé de 6.619 à 7.676.

Faire reconnaître un enfant peut en effet ouvrir un droit au séjour sur le territoire français.

L'enfant dont l'un des parents au moins est Français ayant, aux termes de l'article 18 du code civil, la nationalité française, le parent étranger de cet enfant bénéficie, de plein droit, de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », à la condition de ne pas vivre en état de polygamie et de contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant 205 ( * ) . Si la reconnaissance de paternité est le fait d'un étranger en situation régulière, alors l'enfant mineur est autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial et se voit délivrer une carte de séjour temporaire, même si le père ou la mère est titulaire d'une carte de résident. Toutefois, l'autre parent, s'il n'est pas le conjoint de l'auteur de la reconnaissance de paternité, n'est pas assuré d'obtenir un titre de séjour.

Ces possibilités expliquent que de nombreuses reconnaissances de paternité interviennent, non dans l'intérêt de l'enfant, mais dans l'intérêt de ses parents, et en particulier dans l'intérêt financier de l'auteur de la reconnaissance .

L'objectif du présent article est donc de dissuader des personnes de reconnaître un enfant né d'une mère étrangère en leur imposant la charge financière des frais liés à sa naissance à Mayotte. Sur les 7.676 naissances enregistrées l'année dernière, 5.249, soit près de 70 %, concernaient des Comoriennes en situation irrégulière.

Aux termes de l'article 19 de l'ordonnance précitée du 20 décembre 1996, sont affiliés au régime d'assurance maladie-maternité géré par la caisse de sécurité sociale de Mayotte :

- les personnes majeures de nationalité française résidant à Mayotte ;

- les personnes majeures de nationalité étrangère en situation régulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers applicable à Mayotte, autorisées à séjourner sur le territoire de cette collectivité territoriale pour une durée supérieure à trois mois ou y résidant effectivement depuis trois mois ;

- les enfants mineurs qui sont à la charge de l'affilié, qu'ils soient légitimes, naturels, reconnus ou non, adoptifs, pupilles de la nation dont l'affilié est tuteur, ou enfants recueillis.

Ce régime assure, selon l'article 20 de l'ordonnance, la couverture et le paiement direct de l'intégralité des frais d'hospitalisation et de consultation externe exposés dans l'établissement public de santé de Mayotte 206 ( * ) .

Selon la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, par dérogation à l'article 19 ainsi qu'au principe posé par l'article 20, les frais d'hospitalisation et de consultation externe exposés dans l'établissement public de santé de Mayotte à l'occasion de la naissance et de la maternité seraient désormais mis intégralement à la charge :

- de la mère étrangère d'un enfant né à Mayotte ne justifiant pas d'un titre lui donnant accès au territoire ou d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident . De fait, un arrêté du directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de La Réunion et de Mayotte, en date du 9 août 2005, a fixé à 10 euros par semaine pour une consultation externe et à 300 euros pour une hospitalisation en gynécologie obstétrique les tarifs appliqués, à Mayotte, aux étrangers non affiliés au régime de sécurité sociale ;

- du père ayant reconnu un enfant né d'une femme étrangère en situation irrégulière au regard de l'entrée et du séjour .

Le père devrait donc régler les sommes réclamées par le centre hospitalier de Mayotte si celles-ci n'ont pas déjà été payées par la mère étrangère, dès lors qu'il serait tenu personnellement et solidairement de leur paiement.

Votre commission relève toutefois que la mise en oeuvre effective de ce dispositif nécessitera que les reconnaissances effectuées postérieurement à la naissance de l'enfant soient rapidement portées à la connaissance de l'agent comptable du centre hospitalier de Mayotte afin qu'il puisse, le cas échéant, récupérer ces sommes auprès du père de l'enfant.

L'absence de prise en charge financière par le régime d'assurance maladie-maternité s'appliquerait, selon le texte adopté, même lorsque la reconnaissance fait l'objet de la procédure prévue aux articles 2499-2 à 2499-5 du code civil qui seraient institués par l'article 75 du présent projet de loi. Ainsi, même si cette procédure aboutit à une opposition à l'enregistrement de la reconnaissance, le père restera tenu des sommes non réglées.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 73 sans modification.

Article 74 (art. 3 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local à Mayotte)
Limitation de la dation de nom aux seuls père et mère de statut civil de droit local

Cet article, auquel l'Assemblée nationale a apporté une modification d'ordre rédactionnel, prévoit de limiter l'application de la procédure de dation de nom au seul cas où les père et mère de l'enfant sont de statut civil de droit local. Il compléterait à cet effet l'article 3 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local à Mayotte.

La population mahoraise est en grande partie soumise à un statut civil de droit local dérogatoire au droit commun et protégé par l'article 75 de la Constitution 207 ( * ) .

Depuis la modification de l'article 3 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des noms et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, la filiation naturelle paternelle peut être établie dans le cadre du statut civil de droit local, par dation de nom .

Avec l'accord de la mère, celui qui se présente comme le père peut, par déclaration devant l'officier de l'état civil, conférer à l'enfant, par substitution, son propre nom . Cette substitution emporte reconnaissance et établissement de la filiation paternelle .

En principe, cette règle n'est applicable qu'aux enfants dont les deux parents relèvent du statut personnel de droit local, ce qui suppose qu'ils soient français, « musulmans de droit local » et descendent de parents nés à Mayotte. Néanmoins, en pratique, ces exigences ne sont pas respectées, les dispositions actuelles n'apparaissant pas suffisamment claires sur le champ d'application de cette procédure.

Or, ce faisant, cette procédure est souvent détournée de son objet et, appliquée à des pères ou mères qui ne sont pas soumis au droit local, sert en réalité aux mêmes fins que les reconnaissances de paternité intervenant en application des règles du code civil. De fait, on a pu constater que le nombre de dations de nom avait été multiplié par quatre en l'espace de quatre ans, atteignant 421 procédures en 2004.

Le présent article préciserait que, pour que la dation de nom puisse produire des effets, il est nécessaire que le père et la mère de l'enfant soient tous deux de statut civil de droit local.

A défaut d'une telle condition, la filiation ne pourrait être établie « que dans les conditions et avec les effets prévus par le code civil ». Cette disposition impliquerait notamment la possibilité de mettre en oeuvre la procédure d'opposition à la reconnaissance frauduleuse d'enfant, qui serait instituée par l'article 75 du présent projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 74 sans modification.

Article 75 (art. 2492, 2494 et 2499-1 à 2499-4 du code civil)
Règles de l'état civil applicables à Mayotte - Procédure d'opposition aux reconnaissances frauduleuses de paternité à Mayotte

Cet amendement tend à préciser les règles de l'état civil applicables à Mayotte et à instituer une procédure d'opposition aux reconnaissances frauduleuses de paternité à Mayotte. Il a fait l'objet de plusieurs amendements rédactionnels ou de coordination, adoptés à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale afin de prendre en compte, en particulier, la modification opérée dans la structure du code civil par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés.

Le premier paragraphe (I) de cet article redéfinirait les règles du code civil relatives à l'état des personnes qui seraient applicables à Mayotte, en réécrivant l'article 2492 du code civil.

Aux termes de cet article, les articles 7 à 515-18 de ce code seraient applicables dans la collectivité de Mayotte, à l'exception des articles suivants :

- les articles 33 à 33-2, qui prévoient quelques mesures d'adaptation pour les collectivités territoriales d'outre-mer ;

- les articles 57, 62 et 316, dans la mesure où le III du présent article du projet de loi prévoirait leur application, sous certaines réserves, à Mayotte.

Votre commission constate que ne serait pas applicable l'article 62-1 du code , qui prévoit que si la transcription de la reconnaissance paternelle s'avère impossible, du fait du secret de son identité opposé par la mère, le père peut en informer le procureur de la République qui procède alors à la recherche des date et lieu d'établissement de l'acte de naissance de l'enfant. Or, elle estime que cette disposition doit recevoir application à Mayotte et vous soumet en conséquence un amendement permettant de maintenir l'application de cette disposition à Mayotte, comme cela est actuellement le cas.

Le deuxième paragraphe (II) de cet article abrogerait l'article 2494 du code civil.

Cette disposition prévoit, par dérogation à l'article 55 du code civil, que les déclarations de naissance seront faites dans les quinze jours de l'accouchement à l'officier d'état civil du lieu. En droit commun, ce délai n'est que de trois jours à compter de l'accouchement.

La suppression de cette règle dérogatoire avait été suggérée par la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale relative à la situation de l'immigration à Mayotte qui considérait, à juste titre, qu'un tel délai pouvait être mis à profit pour organiser une reconnaissance de paternité frauduleuse. En conséquence, le délai de déclaration de la naissance serait désormais de trois jours à Mayotte.

Le troisième paragraphe (III) de cet article tend à instituer une procédure d'opposition à l'enregistrement des reconnaissances de paternité frauduleuses .

Cette mesure viendrait ainsi compléter l'action en contestation de paternité qui peut, en vertu de l'article 336 du code civil, être engagée par le ministère public « si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi ». Cette action permet ainsi de sanctionner par la nullité les cas dans lesquels la filiation paternelle ou maternelle aurait été faite dans un but autre que l'intérêt de l'enfant.

Le dispositif proposé tendrait à créer une procédure qui, de manière préventive, priverait d'effet de droit la filiation paternelle qui aurait été établie de manière frauduleuse dans le cadre de la procédure de reconnaissance de paternité . Il ne serait applicable que dans la collectivité départementale de Mayotte, la constitutionnalité de cette mesure étant assurée par la soumission de ce territoire aux dispositions de l'article 74 de la Constitution.

Selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, cinq nouveaux articles, numérotés 2499-1 à 2499-5, seraient insérés au sein du code civil, dans le titre Ier du livre V relatif à Mayotte.

• Article 2499-1 nouveau du code civil : Application des règles du code civil relatives aux actes de naissance et de reconnaissance ainsi qu'à la reconnaissance de paternité, sous réserve des dispositions des articles 2499-2 à 2499-5 .

L'article 2499-1 prévoirait l'application de principe à Mayotte, pour autant qu'ils s'avèrent compatibles avec les règles particulières fixées par les articles 2499-2 à 2499-5, de :

- l'article 57 du code civil, relatif aux mentions de l'acte de naissance (jour, heure et lieu de la naissance, sexe de l'enfant, prénoms, nom de famille ; prénoms, noms, âges, professions et domiciles des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant) et à la possibilité donnée à l'officier d'état civil, lorsque les prénoms paraissent contraires à l'intérêt de l'enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur nom de famille, d'aviser sans délai le procureur de la République. Celui-ci peut saisir le juge aux affaires familiales qui peut supprimer les prénoms et leur substituer un prénom qu'il détermine ;

- l'article 62, relatif aux mentions de l'acte de reconnaissance de paternité. A Mayotte, l'acte de reconnaissance énoncerait donc les prénoms, nom, date de naissance ou, à défaut, âge, lieu de naissance et domicile de l'auteur de la reconnaissance, ainsi que les date et lieu de naissance, le sexe et les prénoms de l'enfant ou, à défaut, tous renseignements utiles sur la naissance. Cet acte devrait être inscrit à sa date sur les registres de l'état civil. Les mentions relatives à l'auteur de la reconnaissance devraient être portées en marge de l'acte de naissance. Lors de l'établissement de l'acte de reconnaissance, il devrait être fait lecture à son auteur des dispositions relatives aux droits et devoirs liés à l'autorité parentale ;

- l'article 316, qui précise les modalités dans lesquelles peut s'exercer une reconnaissance de paternité en vertu du droit applicable en métropole. Ainsi, la reconnaissance de paternité ou de maternité pourrait être faite avant ou après la naissance de l'enfant. Elle n'établirait la filiation qu'à l'égard de son auteur. Elle serait faite, dans l'acte de naissance lui-même, comportant les mentions prévues à l'article 62 du code civil, soit par acte reçu par l'officier de l'état civil, soit par tout autre acte authentique.

• Article 2499-2 nouveau du code civil : Ouverture de la procédure d'opposition

Aux termes de la rédaction proposée pour l'article 2499-2, la procédure d'opposition pourrait être mise en oeuvre si des « indices sérieux » laissent « présumer que la reconnaissance d'un enfant est frauduleuse ».

La notion de fraude est déjà présente dans l'article 336 du code civil qui définit l'action en contestation de paternité.

La reconnaissance frauduleuse se distingue de la reconnaissance simplement mensongère, c'est-à-dire souscrite par son auteur alors qu'il sait ne pas être le père biologique de l'enfant. Constitue en effet une reconnaissance frauduleuse, la reconnaissance souscrite par une personne dont l'intention exclusive n'est pas d'assurer à l'égard de l'enfant l'ensemble des obligations résultant du lien de filiation, mais qui est animée par la recherche d'un avantage lié à la qualité de parent d'un enfant Français .

Cette fraude serait donc avérée dans l'hypothèse, courante à Mayotte, où il serait procédé à la reconnaissance d'un enfant aux seuls fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou une protection contre une mesure d'éloignement, ou d'acquérir ou de faire acquérir la nationalité française.

La notion d'« indices sérieux » est également utilisée par l'article 3 du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, tel qu'il a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 22 mars 2006, pour l'opposition à la célébration d'un mariage ou à la transcription de l'acte de mariage d'un Français célébré à l'étranger par une autorité étrangère. Il est nécessaire que les doutes sur la réalité de la reconnaissance de paternité soient liés à des éléments suffisamment probants pour permettre à l'officier de l'état civil de déclencher l'action.

Initiée par l'officier de l'état civil qui doit en informer l'auteur de la reconnaissance, la procédure mise en place reposerait, en réalité, sur l'action du procureur de la République du tribunal de première instance de Mayotte.

Saisi par l'officier d'état civil, le procureur devrait prendre l'une des trois décisions suivantes , dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine :

- laisser l'officier de l'état civil enregistrer la reconnaissance ou mentionner celle-ci en marge de l'acte de naissance, s'il considère que des indices sérieux mettant en cause l'authenticité de la reconnaissance de paternité ne sont pas établis ;

- surseoir à cet enregistrement dans l'attente des résultats d'une enquête à laquelle il ferait procéder pour étayer ces indices par d'autres preuves.

La durée de ce sursis ne pourrait excéder un mois, renouvelable une fois par décision « spécialement » motivée. Toutefois, si l'enquête est menée, en totalité ou en partie, à l'étranger par l'autorité diplomatique ou consulaire, la durée du sursis serait portée à deux mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. Dans tous les cas, la décision de sursis et son renouvellement devraient être notifiés à l'officier de l'état civil et à l'auteur de la reconnaissance.

L'auteur de la reconnaissance pourrait néanmoins contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le tribunal de première instance, qui statuerait alors dans un délai de dix jours à compter de sa saisine. En cas d'appel, le tribunal supérieur d'appel devrait statuer dans le même délai.

À l'expiration du sursis, le procureur de la République devrait faire connaître à l'officier de l'état civil et aux intéressés, par décision motivée, s'il laisse ou non procéder à l'enregistrement de la reconnaissance ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant ;

- faire opposition à cet enregistrement, si le cas de fraude est avéré sans qu'il soit nécessaire de faire diligenter une enquête.

En tout état de cause, chaque situation devrait appeler une appréciation individuelle circonstanciée et une analyse concrète de chaque cas signalé ainsi que la réunion d'un faisceau d'indices concordants .

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les indices pouvant, en pratique, laisser présumer une fraude pourraient être notamment : l'aveu de l'auteur de la reconnaissance ou de l'autre parent sur les véritables motivations de cette démarche ; l'existence d'une pluralité de mentions marginales relatives à des reconnaissances et les annulations de reconnaissances successives sur l'acte de naissance de l'enfant ; l'existence d'une contrepartie financière ; l'existence d'une faible différence d'âge entre l'auteur de la reconnaissance et l'enfant reconnu ; la multiplicité des reconnaissances souscrites par un même auteur ; la production de pièces ou documents falsifiés, erronés ou mensongers ; l'absence ou la disparition de l'auteur de la reconnaissance après l'obtention d'un titre de séjour ou de la nationalité française de l'auteur de la reconnaissance ou du parent de l'enfant ; l'absence « d'investissement » affectif et éducatif auprès de l'enfant.

En tout état de cause, par référence à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel sur les mariages de complaisance 208 ( * ) , l'irrégularité du séjour de l'auteur de la reconnaissance ne saurait être considérée, à elle seule, comme un motif de refus de l'enregistrement de l'acte et un motif suffisant caractérisant une fraude.

• Article 2499-3 nouveau du code civil : Acte d'opposition

Aux termes de l'article 2499-3 du code civil, l'acte d'opposition devrait mentionner les prénoms et nom de l'auteur de la reconnaissance, ainsi que les prénoms et nom, date et lieu de naissance de l'enfant concerné. En cas de reconnaissance prénatale, l'acte d'opposition devrait comporter toute indication communiquée à l'officier de l'état civil permettant d'identifier l'enfant à naître.

L'acte d'opposition à l'enregistrement d'une reconnaissance ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant, devrait énoncer, à peine de nullité, la qualité de l'auteur de l'opposition, ainsi que les motifs de celle-ci. Il devrait être signé par l'opposant, sur l'original et sur la copie, et notifié à l'officier de l'état civil, qui mettrait son visa sur l'original. Une mention sommaire de cette opposition serait faite sans délai sur le registre d'état civil qui mentionnerait également, en marge de l'inscription de l'opposition, les éventuelles décisions de mainlevée dont expédition lui a été remise.

L'officier de l'état civil ne pourrait, sous peine de l'amende prévue à l'article 68 209 ( * ) , enregistrer la reconnaissance ou la mentionner sur l'acte de naissance de l'enfant, « sauf si la mainlevée de l'opposition lui a été remise ».

Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel précisant que l'enregistrement peut intervenir si l'officier se voit remettre une expédition de la mainlevée.

• Article 2499-4 nouveau du code civil : Mainlevée de l'opposition

L'article 2499-4 du code civil introduirait une possibilité de demander en justice la mainlevée de l'opposition pratiquée par le procureur de la République.

La compétence pour connaître de cette action réservée au seul auteur de la reconnaissance, même mineur, serait attribuée au tribunal de première instance de Mayotte. Cette juridiction devrait se prononcer dans un délai de dix jours à compter de sa saisine sur la demande de mainlevée de l'opposition.

Compétent en appel, le tribunal supérieur d'appel de Mayotte devrait statuer dans le même délai. Toutefois, le jugement rendu par défaut, -c'est-à-dire en l'absence du défendeur-, qui rejetterait l'opposition à l'enregistrement de la reconnaissance ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant, ne pourrait être contesté. Cette mesure serait favorable à l'auteur de la reconnaissance contestée par le procureur de la République qui pourrait ainsi plus rapidement faire procéder à l'enregistrement de la reconnaissance ou à l'apposition de la mention marginale dans l'acte de naissance.

• Article 2499-5 nouveau du code civil : Acte de naissance de l'enfant dont la reconnaissance fait l'objet d'une opposition

L'article 2499-5 du code civil préciserait que, lorsque la saisine du procureur de la République concerne une reconnaissance prénatale ou concomitante à la déclaration de naissance, l'acte de naissance de l'enfant est dressé sans indication de cette reconnaissance.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 75 ainsi modifié .

Article 76 (art. 29-1 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte)
Sanctions pénales applicables en cas de reconnaissance d'enfant effectuée à seule fin d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour, la nationalité française ou une protection contre l'éloignement

Cet article, non modifié par l'Assemblée nationale, tend à sanctionner pénalement les reconnaissances d'enfants pratiquées dans le seul but d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour, la nationalité française ou une protection contre l'éloignement. Modifiant l'article 29-1 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, il vise à instituer, pour Mayotte, un dispositif proche de celui mis en place par l'article 63 ter du présent projet de loi applicable en métropole et dans les départements d'outre-mer.

Une disposition différente de celle de l'article L. 523-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est nécessaire dans la mesure où les mesures prévues par ce code ne sont pas applicables à Mayotte.

Le I de l'article 29-1 de l'ordonnance du 26 avril 2000 punit actuellement de cinq années d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende le fait de contracter un mariage aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française 210 ( * ) .

Ces peines sont également applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage aux mêmes fins et portées à dix ans d'emprisonnement et à 750.000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.

Compte tenu de l'ampleur du phénomène des reconnaissances de paternité frauduleuses à Mayotte, il convient d'étendre ces sanctions pénales aux cas dans lesquels ses démarches relatives à l'état civil n'ont d'autre but que de produire des effets en matière de droit des étrangers ou de droit de la nationalité.

Selon la rédaction du projet de loi, ces sanctions seraient également applicables lorsque la reconnaissance intervient dans le but unique de procurer le bénéfice d'une « protection contre l'éloignement ». Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette expression viserait la situation dans laquelle la personne se prétendant le père d'un enfant français aurait la volonté d'échapper à une mesure d'expulsion. En effet, le père, ne vivant pas en état de polygamie, d'un enfant français mineur résidant sur le territoire de la République, qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ne peut être expulsé que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique 211 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 76 sans modification.

Article 76 bis (nouveau) (art. 30-2 du code civil)
Etablissement d'une possession d'état de Français à Mayotte

A l'initiative de M. Mansour Kamardine, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable de la commission des lois mais avec un avis de sagesse du Gouvernement, inséré cet article additionnel afin de faciliter l'établissement de la possession d'état de Français à Mayotte pour les personnes nées avant que cette collectivité ait confirmé, en 1976, son attachement à la République française.

Cet amendement tend à régler le sort d'environ un millier de personnes nées lorsque Mayotte était encore, juridiquement, un territoire des Comores . Celles-ci sont donc nées sur le territoire français, mais leur filiation n'a jamais pu être régulièrement établie. Alors même que nombre d'entre elles ont été inscrites sur les listes électorales mahoraises pendant de nombreuses années, elles ne sont ni comoriennes -dans la mesure où il n'existe pas de filiation qui permette de l'établir-, ni françaises, dès lors qu'elles ne peuvent justifier d'une filiation mahoraise depuis plusieurs générations.

En effet, selon l'article 30-2 du code civil, lorsque la nationalité française ne peut avoir sa source que dans la filiation -ce qui est le cas à Mayotte-, elle est tenue pour établie, sauf preuve contraire, si l'intéressé et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre ont joui d'une façon constante de la possession d'état de Français.

Pour permettre à ces personnes de faire valoir plus facilement leur nationalité française, le législateur a déjà, en 1993, précisé que « la nationalité française des personnes nées à Mayotte, majeures au 1er janvier 1994, sera subsidiairement tenue pour établie si ces personnes ont joui de façon constante de la possession d'état de Français ». Cette possession d'état est reconnue dès lors qu'une personne s'est considérée, de bonne foi, comme ayant la nationalité française et a également été regardée comme ayant cette nationalité par les autorités françaises.

Les difficultés de rapporter la preuve de la possession d'état de Français de ces personnes étant toujours importantes, cet article prévoirait un dispositif temporaire , en vigueur pendant trois ans à compter de la publication de la présente loi, permettant de mettre fin plus rapidement à cette situation.

Ainsi, pendant ce délai, les personnes majeures au 1er janvier 1994 établissant qu'elles sont nées à Mayotte seraient réputées avoir joui de façon constante de la possession d'état de Français si elles prouvent :

- d'une part, qu'elles ont été inscrites sur une liste électorale à Mayotte au moins dix ans avant la publication de la présent loi ;

- d'autre part, qu'elles font la preuve d'une résidence habituelle à Mayotte .

Selon M. Mansour Kamardine, « par ce moyen, nous essayons de canaliser les choses tout en réglant la situation des personnes qui se considèrent, foncièrement, comme françaises et qui ont participé, au cours des trente dernières années, à l'édification de la démocratie et de la République à Mayotte en participant à tous les scrutins, qu'il s'agisse des élections présidentielles, législatives ou municipales » 212 ( * ) .

Ce dispositif devrait permettre de clarifier la situation des personnes nées avant la transformation de Mayotte en collectivité territoriale de la République, comme l'avait d'ailleurs suggéré la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la situation de l'immigration à Mayotte.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 76 bis sans modification.

Article 76 ter (nouveau) (art. 26 de la délibération de l'Assemblée territoriale des Comores n° 61-16 du 17 mai 1961 relative à l'état civil à Mayotte)
Célébration du mariage de droit local par l'officier d'état civil à Mayotte

Inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Mansour Kamardine avec l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, cet article tend à prévoir que les mariages de droit local sont célébrés à Mayotte par l'officier de l'état civil et en mairie .

Compte tenu du statut civil de droit local existant à Mayotte et protégé par l'article 75 de la Constitution, deux types de mariages peuvent être célébrés à Mayotte, chacun avec des effets de droit.

Un mariage peut en effet être célébré :

- sur la base du droit commun, en application de l'article 2287 du code civil 213 ( * ) . Dans cette hypothèse, il produira l'ensemble des effets civils définis par la législation française ;

- sur le fondement du droit local, lorsque les futurs époux sont de confession musulmane, en vertu des dispositions de la délibération de l'Assemblée territoriale des Comores n° 61-16 du 17 mai 1961 relative à l'état civil à Mayotte. Dans sa rédaction issue de l'article 16 de l'ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l'état civil à Mayotte, l'article 26 de la délibération du 17 mai 1961 dispose ainsi que cette célébration, qui peut intervenir entre un homme de dix-huit ans et une femme de quinze ans 214 ( * ) , « est faite par le cadi, en présence des futurs époux, du tuteur matrimonial (Wali), de deux témoins et de l'officier de l'état civil de la commune de résidence de l'un des futurs époux . »

Ce mariage ne produit d'effets civils que dans la mesure où, en outre, l'acte de mariage est dressé par l'officier de l'état civil et inscrit sur les registres de l'état civil.

Comme le relevait M. Mansour Kamardine lors des débats à l'Assemblée nationale, « pour qu'un mariage religieux, c'est-à-dire un mariage en droit local, soit valide, il faut qu'il soit célébré en présence à la fois du cadi et de l'officier d'état civil. Or il est très difficile de réunir tout le monde au même moment dans un même lieu, surtout quand il n'y a qu'un seul cadi dans le village, que quinze mariages ont lieu en même temps, et que les gens étant tous allés voir le même marabout, celui-ci leur a dit de célébrer tous les mariages à cinq heures du matin ! ».

La rédaction proposée par cet article prévoirait désormais que la célébration du mariage de droit local est faite en mairie, en présence des futurs époux et de deux témoins, par l'officier d'état civil de la commune de résidence de l'un des futurs époux . Cette rédaction est inspirée de celle de l'article 75 du code civil, sans toutefois s'en rapprocher totalement.

Le dispositif proposé tend ainsi à rapprocher la procédure de célébration du mariage de droit local avec le mariage civil en donnant, comme l'a expliqué M. Kamardine, « un bloc de compétences en matière de célébration du mariage, que celui-ci relève du droit local ou du droit commun. Cela aurait pour effet à la fois de clarifier et de moderniser les pratiques ».

Dès lors, à la suite de cette disposition, si un mariage de droit local est célébré par le cadi, il ne produirait aucun effet civil.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 76 ter sans modification.

CHAPITRE III - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL DE LA COLLECTIVITÉ DÉPARTEMENTALE DE MAYOTTE

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, constatant que la pratique du travail illégal dans certaines parties du territoire national contribuait à favoriser les séjours irréguliers d'étrangers, a insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts déjà entrepris en matière de lutte contre le travail clandestin.

Si un renforcement général des dispositifs juridiques ainsi qu'un accroissement annoncé des personnels de l'inspection de travail devraient assurer une lutte plus efficace en métropole, la situation en outre-mer, et plus particulièrement à Mayotte, appelle des mesures spécifiques. Comme l'a relevé la commission d'enquête, il existe, dans ce territoire ainsi qu'en Guyane, « une forme d'accoutumance à l'existence, ordinaire, d'un important volet de travail clandestin, qui requiert une action énergique des pouvoirs publics. » 215 ( * )

Article 77 (art. L. 330-11, L. 610-4, L. 610-6 et L. 610-11 du code du travail applicable à Mayotte)
Contrôle des employés de maison à Mayotte - Accès aux locaux d'habitation en cas d'enquête préliminaire relative aux infractions de travail dissimulé et d'emploi d'étranger sans titre - Montant de l'amende

Cet article, qui a fait l'objet de plusieurs amendements rédactionnels et de précision à l'Assemblée nationale, tend à permettre le contrôle des employés de maison à Mayotte et l'accès, dans le cadre d'enquêtes préliminaires relatives aux infractions de travail dissimulé et d'emploi d'étranger sans titre, aux locaux d'habitation. Il modifierait ainsi les articles L. 330-11, L. 610-4, L. 610-6 et L. 610-11 du code du travail applicable à Mayotte qui instaure un corps de règles dérogatoire par rapport au code du travail applicable en métropole ainsi que dans les départements d'outre-mer.

Le premier paragraphe (I A) de cet article, introduit à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à accroître le montant de l'amende administrative qui peut être prononcée par le préfet de Mayotte à l'encontre d'un employeur de travailleurs clandestins .

Ce montant, fixé actuellement à 100 fois le montant du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) horaire à Mayotte, ne permet de condamner l'employeur qu'à une peine maximale de 360 euros, ce qui ne revêt nullement un caractère dissuasif. Aussi l'Assemblée nationale a-t-elle porté , à juste titre, le montant de cette amende à 1.000 fois le SMIG horaire.

Votre commission espère que cette mesure dissuadera davantage les employeurs mahorais -qui sont parfois aussi des fonctionnaires et des élus- de recourir au travail dissimulé.

Les deuxième et troisième paragraphes (I et II) de cet article mettraient fin à ce qui peut être considéré comme une grave anomalie à Mayotte, à savoir le fait que les mesures de contrôle du respect de la législation du travail ne concernent pas , en vertu de l'article L. 610-4 du code du travail de Mayotte, les employés de maison .

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette exclusion avait été imaginée en 1991, lors de l'élaboration de ce code, afin de prendre en compte une sorte de « pratique coutumière » d'employés de maison non déclarés.

Difficilement admissible dans son principe, cette situation l'est plus encore aujourd'hui compte tenu de l'importance de l'immigration clandestine dans cette collectivité. En effet, la facilité avec laquelle il est possible, à Mayotte, de travailler en qualité d'employé de maison sans jamais être déclaré constitue un élément incontestable d'attractivité des clandestins et une aide directe à leur séjour irrégulier sur l'archipel mahorais.

Aux termes de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale abrogerait purement et simplement l'article L. 610-4 du code du travail applicable à Mayotte, les contrôles relatifs au respect de la législation du travail s'appliqueraient désormais aux employés de maison comme à tous les autres salariés mahorais.

L'article L. 610-6 de ce code serait modifié aux mêmes fins.

Cette disposition prévoit actuellement que les inspecteurs et les contrôleurs du travail ont entrée dans tous les établissements où sont applicables les dispositions du droit du travail à l'effet d'y assurer la surveillance et les enquêtes dont ils sont chargés et entrée dans les locaux où les travailleurs à domicile effectuent les travaux qui leur sont confiés. Ils sont habilités à demander aux employeurs et aux personnes occupées dans les établissements assujettis au présent code de justifier de leur identité et de leur adresse.

Elle serait modifiée afin que les contrôleurs et inspecteurs du travail puissent, dans les mêmes conditions et aux mêmes fins, entrer dans les locaux dans lesquels les employés de maison effectuent leurs tâches .

Le quatrième paragraphe (III) de cet article complèterait l'article L. 610-11 du code du travail applicable à Mayotte par une rédaction quasi-identique à celle actuellement retenue par l'article L. 611-13 du code du travail applicable en métropole et dans les départements d'outre-mer.

Si le texte proposé conserverait le principe selon lequel les dispositions relatives au contrôle des infractions relatives à la législation du travail ne dérogent pas « aux règles du droit commun relatives à la constatation et à la poursuite des infractions par les officiers et agents de police judiciaire », il instituerait néanmoins un dispositif particulier.

Ainsi, les officiers de police judiciaire assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire, pourraient procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction dans les lieux de travail -même lorsqu'il s'agit de locaux habités- des :

- salariés visés à l'article L. 000-1, c'est-à-dire « tous les salariés exerçant leur activité dans la collectivité départementale » ;

- travailleurs indépendants ;

- employeurs exerçant directement une activité . Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette rédaction tendrait à englober les artisans.

Le cumul de ces critères permet ainsi d'aller au-delà de l'article L. 000-1 et de contrôler non seulement l'entreprise ou la société à laquelle les travailleurs sont rattachés mais aussi les chantiers où ils exercent effectivement leur activité .

Ces visites, perquisitions et saisies, qui pourraient donc intervenir dans des locaux habités, seraient néanmoins fortement encadrées par un dispositif juridique impliquant un contrôle permanent de l'autorité judiciaire.

D'une part, ces démarches de police judiciaire ne pourraient intervenir que dans le cadre des enquêtes préliminaires diligentées pour la recherche et la constatation des infractions prévues aux articles L. 312-1 et L. 330-5 du code du travail applicable à Mayotte, à savoir :

- le recours ou la publicité du recours à du travail totalement ou partiellement dissimulé , soit du fait d'une dissimulation d'activité 216 ( * ) , soit à raison d'une dissimulation d'emploi salarié 217 ( * ) ;

- le recours à un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée à Mayotte.

D'autre part, les officiers et agents de police judiciaire ne pourraient intervenir qu'après avoir obtenu une ordonnance du président du tribunal de première instance de Mayotte ou d'un juge délégué par lui, rendue sur réquisitions du procureur de la République.

Pour éviter que l'autorisation de pratiquer la visite domiciliaire ou la perquisition ne soit accordée par le juge sur la seule foi des réquisitions du ministère public, le texte prévoirait que le juge devrait vérifier que les réquisitions du procureur de la République sont fondées sur des éléments de fait laissant présumer l'existence des infractions dont la preuve est recherchée.

Votre commission estime que ce dispositif de contrôle devrait permettre de mieux sanctionner l'emploi clandestin à Mayotte, en particulier lorsqu'il intervient dans le cadre d'activités d'employés de maison. Il était d'ailleurs préconisé, quoique sous une forme quelque peu différente puisqu'il prévoyait alors l'intervention du juge des libertés et de la détention, tant par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 218 ( * ) que par la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la situation de l'immigration à Mayotte 219 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 77 sans modification .

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

La nécessité de disposer de moyens juridiques spécifiques pour lutter, outre-mer, contre le fléau de l'immigration clandestine, a conduit le Gouvernement à présenter deux dispositifs prévoyant des mesures particulières dans le cadre des contrôles d'identité pratiqués à en Guadeloupe et à Mayotte.

Article 78 (art. 78-2 du code de procédure pénale ; art. 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité)
Renforcement temporaire des contrôles d'identité en Guadeloupe et à Mayotte

Cet article, modifié par l'Assemblée nationale, tend à prévoir un dispositif renforcé, à titre temporaire, pour l'exercice de contrôles d'identité en Guadeloupe et à Mayotte . Il modifierait à cet effet l'article 78-2 du code de procédure pénale ainsi que l'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité.

1. Le droit en vigueur

L'article 78-2 du code de procédure pénale définit actuellement cinq hypothèses dans lesquelles un contrôle d'identité peut être pratiqué.

En premier lieu, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints, ont la possibilité d'inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

- qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

- qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ;

- ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire .

En deuxième lieu, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés, sur réquisitions écrites du procureur de la République, aux fins de rechercher et de poursuivre d'infractions qu'il précise . Le fait que ce contrôle révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions ne constitue toutefois pas une cause de nullité des procédures incidentes.

En troisième lieu, l'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les mêmes modalités, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens .

En quatrième lieu, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les mêmes modalités, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention de Schengen et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté . 220 ( * )

En dernier lieu, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi dans une zone comprise entre les frontières terrestres ou le littoral du département de la Guyane et une ligne tracée à vingt kilomètres en-deçà, et sur une ligne tracée à cinq kilomètres de part et d'autre, ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Régina .

Ces dernières dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel qui a estimé, dans sa décision du 22 avril 1997, que « les contrôles d'identité prévus sont régis, sous le contrôle du juge, par les conditions de forme et de fond auxquelles de telles opérations sont de manière générale soumises ; que ces opérations sont effectuées en vue d'assurer le respect des obligations, prévues par la loi, de détention, de port et de présentation de titres et documents ; que les zones concernées, précisément définies dans leur nature et leur étendue, présentent des risques particuliers d'infractions et d'atteintes à l'ordre public liés à la circulation internationale des personnes ; que dès lors la situation particulière du département de la Guyane au regard de l'immigration clandestine , a pu conduire le législateur à prendre les dispositions critiquées sans rompre l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle » 221 ( * ) .

2. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le premier paragraphe (I) de cet article complèterait l'article 78-2 du code de procédure pénale par un dispositif temporaire applicable en Guyane et à Mayotte.

Pendant cinq ans à compter de la publication de la présente loi, l'identité de toute personne pourrait également être contrôlée en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi :

- en Guadeloupe , dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que dans une zone de un kilomètre de part et d'autre, d'une part, de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre, Gourbeyre et Trois-Rivières et, d'autre part, de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-François.

Les zones concernées sont donc sensiblement identiques à celles dans lesquelles seraient autorisées, en application de l'article 70 du présent projet de loi, les visites sommaires de véhicules. Le périmètre retenu, qui couvrirait environ 73 % de la population guadeloupéenne, est en effet celui dans lequel les étrangers en situation irrégulière accostent sur les côtes guadeloupéennes et transitent par la suite pour se rendre dans les zones urbanisées où ils résident ou travaillent clandestinement ;

- à Mayotte , dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà .

Le périmètre retenu permet également d'exercer un contrôle dans des endroits où se concentre la majorité des clandestins qui arrivent par mer à Mayotte. Le périmètre retenu concernerait environ 88 % de la population mahoraise.

Au terme de la période de cinq ans, la possibilité de pratiquer ces contrôles d'identité deviendrait caduque, sauf à ce que le législateur, au vu des résultats de ces mesures et de la pression migratoire s'exerçant sur ces deux collectivités, ne décide d'en prolonger l'application à titre temporaire ou définitif.

Votre commission juge ces dispositifs spécifiques justifiés par la situation de l'immigration dans ces deux collectivités ultramarine. Entourés des garanties procédurales prévues pour les autres cas de contrôle d'identité, ces contrôles s'inscrivent dans le cadre juridique offert tant par l'article 73 que par l'article 74 de la Constitution, et délimité par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Le second paragraphe (II) de cet article, introduit à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, procède à une coordination.

L'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité prévoit que les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale -concernant le contrôle d'identité dans la bande des 20 kilomètres- ne prendront effet qu'à la date d'entrée en vigueur de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.

Le présent article 78 modifiant la structure du texte de l'article 78-2, l'Assemblée nationale a modifié l'article 3 de cette loi pour qu'il vise désormais les alinéas concernés. Toutefois, votre commission estime que l'article 3 peut faire l'objet d'une abrogation pure et simple dès lors que la convention de Schengen est entrée en vigueur en droit français depuis plusieurs années. Elle vous soumet, en conséquence, un amendement en ce sens.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 78 ainsi modifié.

Article 79 (art. 78-3 du code de procédure pénale)
Délai de rétention des personnes soumises à un contrôle d'identité à Mayotte

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend à accroître le délai de rétention des personnes soumises à un contrôle d'identité à Mayotte . Il modifierait à cette fin l'article 78-3 du code de procédure pénale.

Dans le cadre d'une opération de contrôle d'identité pratiquée dans les cas prévus notamment par l'article 78-2 du code de procédure pénale, l'article 78-3 du même code autorise, en cas de nécessité, la rétention sur place ou dans le local de police où il est conduit aux fins de vérification de son identité de la personne contrôlée qui refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité .

Celle-ci doit alors être présentée immédiatement à un officier de police judiciaire qui la met en mesure de fournir par tout moyen les éléments permettant d'établir son identité et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Elle est également aussitôt informée de son droit de faire aviser le procureur de la République de la vérification dont elle fait l'objet et de prévenir à tout moment sa famille ou toute personne de son choix.

La personne qui fait l'objet d'une vérification ne peut être retenue que pendant le temps strictement exigé par l'établissement de son identité. Mais, en tout état de cause, la rétention ne peut excéder quatre heures à compter du contrôle effectué en application de l'article 78-2, le procureur de la République pouvant y mettre fin à tout moment.

Or, en pratique, compte tenu des conditions particulières de l'immigration clandestine à Mayotte, les services de police ne sont pas en mesure, dans cette collectivité, de procéder dans le délai de quatre heures aux vérifications nécessaires pour établir l'identité des personnes retenues. Ce délai serait ainsi porté, dans la seule collectivité départementale de Mayotte, de quatre à huit heures .

Cette mesure était préconisée par la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la situation de l'immigration à Mayotte 222 ( * ) . Elle devrait permettre une meilleure intervention des forces de l'ordre et assurer une plus grande efficacité à la procédure de contrôle d'identité qui serait instituée par l'article 78 du présent projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 79 sans modification.

TITRE VII - DISPOSITIONS FINALES

Les articles 80 à 84 du présent projet de loi prévoient deux types de dispositions. D'une part, si les mesures prévues par ce texte rentrent en principe en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, conformément à l'article 1 er du code civil, ses articles 80 à 82 bis prévoiraient une entrée en vigueur différée de certaines d'entre elles.

L'article 83 habiliterait le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les dispositions nécessaires à l'adaptation des dispositions du projet de loi dans les collectivités d'outre-mer.

L'article 84 procéderait à la ratification expresse d'ordonnances intervenues en 2004 et 2005 en matière d'entrée et de séjour des étrangers.

Article 80 - Entrée en vigueur des dispositions relatives aux reconnaissances de paternité à Mayotte

Cet article tend à prévoir une entrée en vigueur différée des dispositions du chapitre II du titre VI du présent projet de loi au 1 er juillet 2006.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, cette entrée en vigueur se justifie par le souci de faire coïncider l'entrée en vigueur des modifications apportées par ces dispositions au régime applicable à Mayotte en matière de reconnaissance de paternité avec celles de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, dont les dispositions n'entreront en vigueur que le 1 er juillet 2006.

Votre commission relève cependant que les dispositions du titre VI ont été enrichies, au cours du débat à l'Assemblée nationale, de mesures ne concernant pas directement les reconnaissances de paternité.

En outre, il est peu probable que la présente loi puisse entrer en vigueur avant la date du 1 er juillet 2006, compte tenu de la date à laquelle ce texte est discuté par le Parlement. C'est pourquoi votre commission vous propose de supprimer, par amendement, le présent article.

Votre commission vous propose de supprimer l'article 80.

Article additionnel après l'article 80 - Application dans le temps

Cet amendement a pour objet de retarder l'entrée en vigueur de l'article 23 du projet de loi.

Ce dernier article renvoie à l'article 47 du code civil la définition des modalités selon lesquelles les autorités consulaires vérifient l'authenticité des actes d'état civil étrangers. Or, en réalité, il renvoie à l'article 47 du code civil dans la rédaction qui devrait être la sienne à l'issue de l'examen du projet de loi sur le contrôle de la validité des mariages, déjà adopté en première lecture à l'Assemblée nationale.

Afin d'éviter que l'article 23 du projet de loi n'entre en vigueur avant la nouvelle rédaction de l'article 47 du code civil, cet amendement reporte son entrée en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et au plus tard le 1 er janvier 2007.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel ainsi rédigé.

Article 81 - Entrée en vigueur de l'obligation de produire un visa de long séjour

Cet article tend à prévoir que l'obligation de visa de long séjour pour l'obtention d'un titre de séjour prévue à l'article 2 du projet de loi n'entrerait en vigueur que pour les demandes de titre introduites un mois après la publication du présent projet de loi.

Il en irait de même pour les demandes de carte de résident au titre du 2° de l'article 28, c'est-à-dire le cas particulier des conjoints de Français.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 81 sans modification.

Article 82 - Entrée en vigueur d'un déclassement

L'article 44 du projet de loi tend à déclasser les dispositions législatives fixant le régime de l'appel des jugements sur les arrêtés de reconduite à la frontière. Désormais, le régime de l'appel serait défini dans la partie réglementaire du code de justice administrative.

Cependant, afin de permettre la poursuite de ce droit essentiel de la défense que constitue la possibilité de faire appel d'une décision juridictionnelle, cette disposition ne doit pas entrer en vigueur avant la publication du décret fixant les modalités de l'appel des jugements sur les APRF. Il est par ailleurs préciser que ce décret devra intervenir avant le 1 er juillet 2007.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 82 sans modification .

Article 82 bis (nouveau) - Entrée en vigueur de la réforme de l'obligation de quitter le territoire français

Cet article est issu d'un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il fixe la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à l'obligation de quitter le territoire français à la date de publication du décret en Conseil d'État modifiant le code de justice administrative et au plus tard le 1er juillet 2007.

Votre commission vous soumet un amendement tendant :

- par coordination à retarder également les dispositions relatives à la suppression des APRF par voie postale, celle-ci ne devant pas intervenir avant l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'obligation de quitter le territoire français.

- à réduire le délai maximal de l'entrée en vigueur de ces dispositions très importantes. Elles entreraient en vigueur dans un délai de six mois à compter de la publication de cette loi.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 82 bis ainsi modifié.

Article 83 - Adaptation par ordonnance des dispositions de la loi dans les collectivités d'outre-mer et les Terres australes et antarctiques françaises

Cet article a pour objet d'autoriser le Gouvernement, conformément à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à l'application des dispositions de ce projet de loi dans les collectivités d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Seules les dispositions des titres Ier à V du projet de loi sont ici visées, les dispositions du titre VI constituant déjà des adaptations législatives ciblées sur certaines collectivité ultramarines.

Conformément aux statuts auxquels sont soumis la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna et Mayotte, il est prévu que les organes délibérants de chacune de ces collectivités seront consultés sur les projets d'ordonnance.

Les délais prévus pour l'élaboration de ces ordonnances et le dépôt devant le Parlement du projet de loi les ratifiant, qui s'élèvent respectivement à six et dix-huit mois suivant la publication de la loi, sont d'une durée raisonnable et conforme aux usages dans ce domaine.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 83 sans modification .

Article 84 - Ratification d'ordonnances relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile

Cet article tend à ratifier trois ordonnances relatives à l'entrée et au séjour des étrangers et à l'adaptation de ces règles à la situation particulière de l'immigration dans chaque collectivité d'outre-mer (COM), en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Ainsi, l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du CESEDA assure la codification de l'ensemble des textes en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi que de droit d'asile.

L'ordonnance n° 2004-1253 du 30 novembre 2004, prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, vise à introduire, en les adaptant à la situation locale des collectivités concernées, les dispositions de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France et à la nationalité, au sein :

- des ordonnances de 2000 et 2002 relatives à l'entrée et au séjour des étrangers dans les COM et en Nouvelle-Calédonie ;

- de la loi n° 71-569 du 15 juillet 1971 relative au territoire des TAAF ;

L'ordonnance n° 2005-704 du 24 juin 2005, prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, poursuit un double objectif :

- elle étend aux COM et à la Nouvelle-Calédonie les dispositions relatives aux mesures d'expulsion prises en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou encore qui constituent des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne ou un groupe de personnes ;

- elle étend à Mayotte et aux îles Wallis et Futuna la carte de séjour temporaire « étudiant », délivrée à l'étranger établissant qu'il suit dans l'une ou l'autre de ces COM un enseignement ou qu'il y fait des études, et prouvant qu'il dispose de ressources suffisantes.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 84 sans modification.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Table ronde d'associations

Neuvième collectif des sans-papiers

M. Abel Mortada

M. Aouni Taleb

Mlle Benkouka Bahija

M. Sylvain George

Collectif contre une immigration jetable

M. François-Xavier Corbel , représentant de la Ligue des droits de l'homme

M. Gérard Sadik , représentant de la CIMADE

M. Pierre Cordelier , représentant du Réseau éducation sans frontières

M. Ali El Baz , représentant de l'ATMF

M. Farid Messaoudi, représentant le MRAP

M. Serge Slama , représentant du GISTI

M. Mickaël Zemmour , représentant de l'Union nationale des étudiants de France

Table ronde d'associations de demandeurs d'asile

Forum des réfugiés

M. Jean Costil , président

M. Denis Cagne , directeur-adjoint

France terre d'asile

M. Pierre Henry , directeur général

Amnesty international - ANAFE

M. Patrick Delouvin , responsable des questions relatives aux réfugiés

Table ronde des magistrats de l'ordre administratif

Union syndicale des magistrats administratifs

Mme Sabine Saint-Germain , présidente

Syndicat de la juridiction administrative

M. Bernard Even , président

Table ronde de représentants des cultes

Fédération protestante

M. Jean-Arnold de Clermont

M. Laurent Giovannoni , secrétaire général de la CIMADE

Conférence des évêques de France

Père Antoine Hérouard , secrétaire général adjoint de la conférence des évêques de France, secrétaire du conseil pour les questions familiales et sociales, secrétaire de la commission épiscopale pour la mission universelle de l'Eglise

Assemblée des évêques orthodoxes

M. Michel Sollogoub , professeur à l'université PARIS I

Table ronde des représentants des salariés

CFDT

Mme Odile Beillouin , secrétaire national

M. Ommar Benfaïd , secrétaire confédéral

FO

M. Yves Veyrier , secrétaire confédéral chargé du secteur « International Europe »

Mme Corinne Mares , assistante

Table ronde des représentants des employeurs

AFEP

M. Jean-Charles Simon , directeur

Mme Erell Thevenon-Poullenec , chargée de mission

Fédération française du bâtiment

M. Jean-louis Terdjman , directeur des affaires sociales et de la formation

Comité interministériel de contrôle de l'immigration

M. Patrick Stefanni , secrétaire général

Conseil national des Barreaux

M. Didier Liger , président de la Commission Libertés et droits de l'Homme

Conférence des Bâtonniers

M. Jean Louis Borie , vice-président

Ministère de l'intérieur

M. Guillaume Larrivé , conseiller juridique

M. Stéphane Fratacci , directeur des libertés publiques et des affaires juridiques

Ministère de l'Outre-mer

M. Richard Samuel , directeur des affaires politiques, administratives et financières

M. Frédéric Potier , chef du bureau des affaires politiques et des libertés publiques

Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations

M. André Nutte , directeur général

Mme Marie-Claude Blanc , directrice générale adjointe

Ministère de la cohésion sociale

M. Patrick Butor , directeur de la population et des migrations

M. Jacques Bécot , sous-directeur des naturalisations

Ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement

M. Jean Gaeremynck , délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle

Ministère des affaires étrangères

M. François Barry Delongchamps , directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France

Mme Odile Soupison , chef du service des étrangers en France

Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Mme Philippe Bouyoux , directeur des politiques économiques à la direction générale du trésor et des politiques économiques

Mme Anne Epaulard , chef du bureau des politiques de croissance

Ministère de la justice

M. Marc Guillaume , directeur des affaires civiles et du sceau

Mme Isabelle Vendryès , chef du bureau du droit de la nationalité

* 1 Rapport n°300 (Sénat 2005-2006) de votre rapporteur au nom de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine présidée par notre collègue M. Georges Othily.

* 2 On compte à Mayotte un inspecteur du travail et trois contrôleurs du travail.

* 3 En particulier l'Espagne, l'Italie ou Malte.

* 4 Ces chiffres de l'ANAEM sont à nationalités constantes (hors Union européenne). Les étudiants ne sont pas pris en compte ainsi que les membres de familles de ressortissants communautaires.

* 5 Les demandeurs d'asile qui obtiennent le statut de réfugié relèvent de la catégorie des entrées à caractère permanent.

* 6 Le rapport annuel au Parlement sur les orientations de la politique d'immigration donne des chiffres supérieurs, notamment parce qu'il ne classe pas les étrangers selon le caractère temporaire ou permanent de leur séjour. Les ordres de grandeur et les tendances de fond restent les mêmes.

* 7 Si officiellement l'immigration de travail a été interrompue, ponctuellement il a pu être fait appel à de la main d'oeuvre étrangère. En 1982, les étrangers pouvant prouver leur présence en France au 1 er janvier 1981 et justifiant d'un contrat de travail se virent accorder une carte de travail et de séjour. De même, à la fin des années 90, le passage à l'an 2000 a justifié le recrutement d'informaticiens dans des volumes de l'ordre de quelques milliers.

* 8 Les ressortissants de pays tiers, hors Union européenne, sont beaucoup plus touchés par le chômage. En 2004, le taux de chômage des actifs français était de 9,4 % contre 19 % pour les actifs étrangers. Si l'on considère uniquement les actifs originaires d'Afrique ou de Turquie, le taux de chômage s'élève respectivement à 27,8 % et 30,9 %.

* 9 61 métiers ont été retenus, notamment maçon, couvreur, géomètre, dessinateur du BTP, cuisinier, maraîcher-horticulteur, installateur maintenance ascenseurs, attaché commercial, agent d'entretien et nettoyage urbain...

* 10 Cf. Rapport précité p. 115.

* 11 Rapport n° 3058 (AN-XIIème législature) de M. Thierry Mariani, député.

* 12 Les autres départements et collectivités d'outre-mer ne connaissent pas un tel phénomène. La Martinique accueillerait actuellement 500 étrangers en situation irrégulière, tandis que La Réunion en compterait 600.

* 13 Rapport d'information n° 2932 (Assemblée nationale, XIIè lég.) de M. Didier Quentin au nom de la mission d'information de la commission des lois sur la situation de l'immigration à Mayotte, présidée par M. René Dosière.

* 14 Les deux autres Etats membres de l'Union européenne connaissant un fort nombre de demandes d'asile, l'Allemagne et le Royaume-Uni, ont accusé une baisse très sensible des demandes d'asile en 2005, avec respectivement 42.910 demandes (-14,4 %) et 30.460 demandes (-24,2 %).

* 15 Voir, notamment, la décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004 sur la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

* 16 Pages 48 à 51 du rapport n° 300 (Sénat 2005-2006).

* 17 Page 51 du rapport précité.

* 18 Le visas de long séjour est parfois exigé pour les étrangers qui veulent séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois. Son obtention est une des conditions nécessaires à la délivrance d'un titre de séjour en France. Toutefois, le visa de long séjour n'autorise pas par lui-même à séjourner plus de trois mois en France. Il ne doit pas être confondu avec le visa portant la mention « vaut autorisation temporaire de séjour », d'une durée comprise entre trois et six mois, qui permet à son titulaire de résider en France pour une durée supérieure à trois mois sans avoir à solliciter un titre de séjour.

* 19 D'une durée inférieure à trois mois, il permet à l'étudiant dont l'inscription définitive dans un établissement d'enseignement supérieur est liée à la réussite d'un examen d'entrée, de passer cet examen en France, et en cas de réussite, d'obtenir une carte de séjour temporaire « étudiant ».

* 20 D'une durée inférieure à trois mois, il est notamment délivré aux membres de famille des ressortissants français ou communautaires. Ce visa leur permet de voyager dans l'espace Schengen pendant l'examen de leur demande de carte de séjour.

* 21 Le Conseil d'Etat estime que l'étranger qui bénéficie de plein droit d'une carte de séjour n'a pas à produire un visa de long séjour (CE, 28 mai 1999, Eramil).

* 22 Elles s'inséreraient dans la section première intitulée « Dispositions relatives aux documents de séjour » de ce chapitre premier et créée par l'article premier du projet de loi.

* 23 Voir l'article 24 du projet de loi.

* 24 Voir respectivement les articles 25 et 29 du projet de loi. Ces étrangers ont droit à une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

* 25 Voir les articles 17 et 18 du projet de loi.

* 26 Voir l'article 7 du projet de loi.

* 27 Voir l'article 24 du projet de loi.

* 28 Rappelons que les demandeurs d'une carte de séjour temporaire « scientifique » doivent obtenir un visa de long séjour.

* 29 Article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 30 Article 146.

* 31 De même, plus de 92 % des personnes convoquées par l'ANAEM se sont présentées sur les plates-formes d'accueil.

* 32 Sur les trois premiers mois de l'année 2006, 23 000 contrats auraient déjà été conclus.

* 33 Dans les autres départements, le préfet est chargé du pilotage local et de l'animation du dispositif.

* 34 La loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances fond le FASILD avec l'ANAEM.

* 35 Sont concernés également les étrangers présents depuis plusieurs années en France en situation irrégulière et obtenant un titre de séjour pour la première fois.

* 36 Voir le commentaire de l'article 5 du projet de loi.

* 37 Ce décret n'est toujours pas paru.

* 38 Ex-article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.

* 39 Ex-article 14 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.

* 40 Page 11 du rapport n° 1 (2003-2004) de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur au nom de la commission des Lois.

* 41 Ex-article 13 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.

* 42 Les ressortissants communautaires sont dispensés de visa.

* 43 Rapport d'information n° 446 (Sénat 2004-2005) au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense.

* 44 Rapport n° 300 (Sénat 2005-2006) précité.

* 45 Voir l'article 2 du projet de loi qui conditionne la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la production d'un visa de long séjour, sauf exceptions.

* 46 Circulaire du ministère de l'emploi et de la solidarité n° 98-420 du 9 juillet 1998 relative à la délivrance des autorisations provisoires de travail aux étudiants étrangers.

* 47 Circulaire du ministère de l'emploi et de la solidarité et du ministère de l'intérieur n° 2002-25 du 15 janvier 2002 relative à la délivrance et au renouvellement des autorisations de travail aux étudiants étrangers.

* 48 La circulaire du 15 janvier 2002 précitée met en valeur les emplois consistant par exemple à développer l'implantation d'une succursale dans le pays d'origine, des marchés ou des contrats.

* 49 Hormis Chypre et Malte.

* 50 Circulaire de la direction de la population et des migrations n° 2001-216 du 14 mai 2001 relative à la situation des ressortissants étrangers qui effectuent tout ou partie de leurs études, de leur formation à l'étranger ou qui bénéficient d'un programme de l'Union européenne et souhaitent accomplir en France un stage pratique en entreprise.

* 51 Directive 2004/114/CE du Conseil du 13 décembre 2004 relative aux conditions d'admission des ressortissants de pays tiers à des fins d'études, d'échange d'élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat.

* 52 Les scientifiques et les artistes relèvent respectivement des cartes de séjour temporaire « scientifique » et « profession artistique et culturelle ».

* 53 Voir le commentaire de l'article 6 du projet de loi.

* 54 Hormis les cartes de séjour temporaire « scientifique » et « profession culturelle et artistique ».

* 55 D'autres cartes de séjour temporaire autorisent l'exercice d'une activité professionnelle, en particulier la carte « vie privée et familiale ». Mais dans ce dernier cas, l'autorisation de travail est accessoire, la carte de séjour étant délivrée pour d'autres motifs que le travail.

* 56 La validité de l'autorisation de travail peut être limitée à une ou plusieurs activités salariées dans un ou plusieurs départements. Ces restrictions sont rarement utilisées.

* 57 En 1998, seulement 7.523 saisonniers avaient été introduits.

* 58 Malte et Chypre ne sont pas concernées par cette période transitoire.

* 59 Bâtiment et travaux publics, hôtellerie restauration et alimentation, agriculture, mécanique travail des métaux, industries de process, commerce et vente, propreté.

* 60 Voir le commentaire de l'article premier du projet de loi. D'autres dérogations existent déjà, notamment celle de l'article L. 313-4 du CESEDA qui permet de renouveler la carte de séjour temporaire « scientifique » pour une durée maximale de quatre ans (voir le commentaire de l'article 6 du projet de loi).

* 61 Rapport n° 300 (Sénat 2005-2006).

* 62 Voir les articles 36 à 41 du projet de loi. L'obligation de quitter le territoire français est une décision administrative créée par le projet de loi qui vaudrait, dans certains cas déterminés, à la fois invitation à quitter le territoire et arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

* 63 Voir l'article premier du projet de loi.

* 64 Le projet de loi initial prévoyait que cette carte était accordée à l'étranger. Toutefois, à l'initiative du rapporteur de l'Assemblée nationale, la délivrance de la carte est laissée à l'appréciation de l'autorité administrative, celle-ci pouvant seulement être accordée. La portée de cette modification n'est pas évidente, les critères justifiant la délivrance de ce titre de séjour étant suffisamment larges pour préserver la liberté d'appréciation de l'autorité administrative.

* 65 Traite d'êtres humains, proxénétisme, racolage, exploitation de la mendicité, vol dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs, cession ou offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle.

* 66 La carte de résident ne relève pas de ces dispositions. L'article L. 314-4 du CESEDA dispose que cette carte confère à son titulaire le droit d'exercer toute activité professionnelle, salariée ou non, sur l'ensemble du territoire métropolitain.

* 67 Issu du décret n° 86-524 du 13 mars 1986.

* 68 Cette disposition ainsi que l'obligation de vérifier tous les six mois le respect de la réglementation figuraient déjà dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, mais ont été déclarées contraires à la Constitution, au motif que leur objet était étranger au champ des lois de financement.

* 69 Rapport n° 300 (Sénat 2005-2006). Page 155.

* 70 L'article L. 341-7 du code du travail dispose que le montant de cette contribution ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire du minimum garanti. L'article R. 341-35 dudit code fixe son montant à mille fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 141-8.

* 71 Hormis Chypre et Malte.

* 72 Rappelons que pour les séjours de moins de trois mois, les ressortissants communautaires et les membres de leur famille ne sont soumis à aucune autre condition que l'exigence d'être en possession d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité.

* 73 Les conditions d'obtention d'une carte RLD-CE sont décrites aux articles 20, 21 et 22 du projet de loi.

* 74 RMI, allocation de solidarité aux personnes âgées, allocation temporaire d'attente, allocation de solidarité spécifique, allocation équivalent retraite.

* 75 Les critères pour évaluer le niveau de ressources sont identiques à ceux retenus en matière de regroupement familial par l'article 31 du projet de loi.

* 76 L'article 15 de la directive du 25 novembre 2003 dispose que les Etats membres exigent de la personne concernée la preuve qu'elle dispose de ressources stables et régulières, suffisantes pour son entretien et celui des membres de sa famille, sans recourir à l'aide sociale. L'Etat d'accueil peut tenir compte du niveau minimal des salaires et des pensions. Peuvent être aussi exigées des documents relatifs à un logement approprié.

* 77 Les mineurs étrangers ne sont pas tenus d'être munis d'un titre de séjour.

* 78 Le texte prévoit également qu'une carte lui est délivrée entre 16 et 18 ans s'il déclare vouloir exercer une activité professionnelle.

* 79 Les articles 17, 18 et 19 du projet de loi sont relatifs aux étrangers et aux membres de leur famille qui ont obtenu une carte RLD-CE dans un autre Etat membre de l'Union.

* 80 Un amendement à l'Assemblée nationale a fusionné le 1° et le 2° du présent article sans modifier le fond.

* 81 Voir les articles 17, 18 et 19 du projet de loi.

* 82 La Cour de cassation refusait cependant de considérer la force probante des actes d'état civil étrangers comme irréfragable et admettait qu'elle puisse être combattue par des preuves contraires - Cour de cassation, chambre criminelle, 13 octobre 1986.

* 83 Article 14 du décret n° 2005-253 du 17 mars 2005.

* 84 Voir le rapport n° 1 (Sénat 2003-2004) de notre collègue M. Jean-Patrick Courtois au nom de la commission des lois du Sénat.

* 85 Voir le commentaire de cet article.

* 86 Voir les articles 712-1 à 712-3 du CESEDA.

* 87 Article 222-10 du code pénal.

* 88 Concernant les conditions de délivrance d'une carte de résident à un conjoint de Français, voir également les articles 27 et 28 du projet de loi.

* 89 Il s'agit de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » délivrée à un parent d'enfant français mineur résidant en France à condition qu'il contribue à l'entretien et l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an. L'article 24 du projet de loi fait passer cette durée à deux ans.

* 90 Les mineurs nés en France de parents étrangers titulaires d'un titre de séjour se voient remettre un titre d'identité républicain en vertu de l'article L. 321-3 du CESEDA.

* 91 Article L. 622-1 du CESEDA : Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30.000 euros.

* 92 Voir le rapport n° 1 (Sénat 2003-2004) de notre collègue M. Jean-Patrick Courtois sur la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 - Commentaire de l'article 16 du projet de loi.

* 93 Toutefois, ces personnes peuvent être exclues du regroupement familial si leur présence en France constitue une menace à l'ordre public, s'ils sont atteints d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ou si elles résident déjà en France (article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).

* 94 Conseil d'Etat, 8 décembre 1978, GISTI, Rec. p. 493.

* 95 Aux termes de cet alinéa : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».

* 96 Conseil constitutionnel, 13 août 1993, décision n° 93-325 DC.

* 97 Cour européenne des droits de l'homme, 21 décembre 2001, Sen c. Pays-Bas.

* 98 Article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 99 Article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 100 Point 5 de l'article 4 de la directive 2003/86/CE.

* 101 Le régime de cette allocation serait d'ailleurs modifié par l'article 66 du projet de loi.

* 102 Rapport n° 1 (Sénat, 2003-2004), p. 145.

* 103 Voir le commentaire des articles 17 et 18 du projet de loi.

* 104 Aux termes du point 2 de l'article 7 de cette directive : « les Etats membres peuvent exiger des ressortissants de pays tiers qu'ils se conforment aux mesures d'intégration, dans le respect du droit national. »

* 105 Article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 106 Article L. 314-9 du même code.

* 107 En droit positif, il s'agit du 8° de l'article L. 511-1. L'article 36 du projet de loi transfère les dispositions actuelles de cet article dans un II à cet article.

* 108 Créé par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

* 109 Ajouté par la loi du 26 novembre 2003 précitée.

* 110 Il peut également s'agir d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour. Ces documents autorisent l'étranger à séjourner en France durant le temps de l'examen de la demande de titre de séjour.

* 111 L'APRF peut également être utilisé pour éloigner des étrangers en situation régulière qui séjournent en France pour une durée inférieure à trois mois - voir le commentaire de l'article 33 du projet de loi.

* 112 Toutefois, un étranger ne peut être placé en rétention si l'APRF dont il fait l'objet a été édicté plus d'un an auparavant.

* 113 En pratique, les magistrats mettent plus de temps pour juger les recours contre les APRF notifiés par voie postale.

* 114 Depuis le 1 er janvier 2005, cet appel est porté devant la cour administrative d'appel, et non plus devant le Conseil d'Etat.

* 115 Le projet de loi initial prévoyait un délai de quinze jours. L'Assemblée nationale a adopté un amendement conjoint du rapporteur de la commission des lois et du député M. Etienne Pinte augmentant ce délai à un mois.

* 116 Voir le commentaire de l'article 41 du projet de loi.

* 117 Pour les conditions d'attribution de ce statut, voir l'article L. 711-1 du CESEDA.

* 118 La protection subsidiaire est une protection qui peut être accordée, sous certaines conditions définies à l'article L. 712-1, aux personnes ne rentrant pas dans le champ du statut de réfugié. La protection subsidiaire a été créée par la loi du 10 décembre 2003.

* 119 Pour plus de détails sur l'historique de cette législation particulière, voir le commentaire de l'article 67 du projet de loi.

* 120 L'article 16 du projet de loi transpose la quasi-totalité des dispositions de cette directive.

* 121 L'étranger doit avoir au moins séjourné cinq années dans cet Etat membre pour acquérir ce statut. D'autres conditions peuvent être exigées.

* 122 Conseil d'Etat 18 février 1998, préfet des Alpes-Maritimes.

* 123 Trois ans d'emprisonnement et une interdiction du territoire de dix ans.

* 124 Créé par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

* 125 Ajouté par la loi du 26 novembre 2003 précitée.

* 126 Cette disposition, en raison de sa nature réglementaire, n'est pas codifiée dans le CESEDA. En attendant l'adoption de la partie réglementaire du CESEDA, le neuvième alinéa de l'article 35 octies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 reste en vigueur.

* 127 Décret n° 2005-617 du 30 mai 2005.

* 128 Voir les commentaires des articles 41 et 42 du projet de loi.

* 129 Exception faite des acquisitions de nationalité sans formalité des enfants nés en France de parents étrangers.

* 130 Délai qui serait porté à deux ans par l'article 60 du présent projet de loi.

* 131 Article 26-4 du code civil.

* 132 Cour de cassation, 1 ère ch. civile, 18 septembre 2002, Bull. civ. I, n° 205.

* 133 Cour de cassation, 1 ère ch. civile, 10 mars 1998, Bull. civ. I, n° 104.

* 134 Articles 23 et suivants du code civil.

* 135 Articles 25 et 25-1 du même code.

* 136 Pour le détail, voir « L'acquisition de la nationalité par le mariage », étude de législation comparée, n° LC 155, janvier 2006.

* 137 Rapport n° 300 (2005-2006), p. 30.

* 138 Rapport d'information n° 2922 (Assemblée nationale, XIIème lég.), p. 52.

* 139 Rapport n° 300 (2005-2006), p. 31.

* 140 Voir supra, le commentaire de l'article 26 du projet de loi.

* 141 Voir le texte n° 275 (Sénat, 2005-2006), transmis le 23 mars 2006.

* 142 Cette disposition serait modifiée par l'article 60 quater du présent projet de loi.

* 143 « Célébrer la bienvenue dans la République française », rapport sur les cérémonies célébrant l'acquisition de la nationalité française, remis par M. Jean-Philippe Moinet au ministre délégué à la Cohésion sociale et à la Parité, avril 2006.

* 144 Conseil d'Etat, 13 mai 1996, req. n° 156194.

* 145 Conseil d'Etat, 10 juin 1992, Rec. p. 963.

* 146 Conseil d'Etat, 14 octobre 1998, Dalloz 1998, IR p. 258.

* 147 L'état de polygamie devant également être considéré comme un motif d'irrecevabilité de la déclaration dès lors qu'en vertu de l'article 147 du code civil, un mariage contracté en état de polygamie est nul.

* 148 Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France.

* 149 Dont les modalités de dépôt et d'examen sont précisées par les articles 35 et suivants du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française.

* 150 Article 21-14-1 du code civil.

* 151 Article 21-22 du code civil.

* 152 Sont visées : les condamnations pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme ; quelle que soit l'infraction considérée, les condamnations à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis ; les arrêtés d'expulsion non expressément rapportés ou abrogés ou les interdictions du territoire français non entièrement exécutées ; l'irrégularité du séjour en France au regard des lois et conventions relatives au séjour des étrangers en France.

* 153 Article 21-24-1 du code civil.

* 154 Article 43 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993.

* 155 Cour de cassation, 1 ère ch. civile, 29 juin 1983.

* 156 Conseil d'Etat, 25 avril 1990.

* 157 Conseil d'Etat, 28 mars 1990, Madhani.

* 158 Article 21-16 du code civil.

* 159 Conseil d'Etat, 28 février 1986, Rec. p. 54.

* 160 Article 21-18 du code civil.

* 161 Conseil d'Etat, 1 er avril 1988, Rec p. 135

* 162 « Célébrer la bienvenue dans la République française », rapport sur les cérémonies célébrant l'acquisition de la nationalité française, remis par M. Jean-Philippe Moinet au ministre délégué à la Cohésion sociale et à la Parité, avril 2006.

* 163 Ibid., pp. 7-8.

* 164 Article 26-1 du code civil.

* 165 En cas de déclaration suite à un mariage avec un Français (article 21-2 du code civil).

* 166 Pour le conjoint de Français, voir l'article 21-2 du code civil ; pour l'enfant né en France de parents étrangers, voir les articles 21-7 et 21-11 du même code.

* 167 Article 21-27 du code civil.

* 168 Article 26-3 du code civil.

* 169 Article 27-2 du code civil.

* 170 Rapport n° 300 (2005-2006), tome 1, p. 32.

* 171 Voir, supra, le commentaire de l'article 76 du projet de loi.

* 172 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

* 173 Point 2 de l'article 30 de la directive 2005/85/CE.

* 174 Aux termes de cette stipulation, « si les circonstances à la suite desquelles [une personne] a été reconnue comme réfugié [ont] cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ».

* 175 Articles L. 741-4 (2°) et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

* 176 Deuxième alinéa de l'article L.723-1 du même code.

* 177 Article 3 du décret n° 2004-814 du 14 août 2004 relatif à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Commission des recours des réfugiés

* 178 Conseil d'Etat, 5 avril 2006, GISTI, req. n° 284706.

* 179 Rapport n° 300 (2005-2006), p. 143.

* 180 Rapport n° 300 (Sénat, 2005-2006), tome 1, p. 150.

* 181 Rapport n° 300 (Sénat, 2005-2006), tome 1, p. 151.

* 182 En principe délivrée dans le cadre de l'autorisation de création, de transformation ou d'extension de l'établissement ou du service social ou médico-social (article L. 313-6, alinéa 2 du code de l'action sociale et des familles).

* 183 Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003.

* 184 Voir le commentaire de l'article 64 du projet de loi.

* 185 Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes ou la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne.

* 186 L'OFPRA ne pouvant être saisi qu'après la remise au demandeur du document de séjour visé à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 187 Rapport n° 300 (2005-2006), tome II, p. 574.

* 188 Article  R.. 345-7 du code de l'action sociale et des familles : « Les personnes accueillies dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale acquittent une participation financière à leur frais d'hébergement et d'entretien. Le montant de cette participation est fixé par le préfet sur la base d'un barème établi par arrêté du ministre chargé de l'action sociale et du ministre chargé du budget. La décision est notifiée à l'intéressé par le directeur de l'établissement.

« Le barème tient compte notamment :

« - des ressources de la personne ou de la famille accueillie ;

« - des dépenses restant à sa charge pendant la période d'accueil.

« L'arrêté prévu ci-dessus fixe le minimum de ressources laissé à la disposition de la personne ou de la famille accueillie après acquittement de sa participation.

« La personne accueillie acquitte directement sa contribution à l'établissement qui lui en délivre récépissé. »

* 189 Plate-forme d'accueil, association assurant l'hébergement d'urgence, 115...

* 190 Rapport précité, tome 1, p. 145.

* 191 C'est-à-dire lorsque l'étranger dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des infractions liées à la traite des êtres humains, ou au proxénétisme.

* 192 Article L. 712-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 193 Rapport n° 300 (Sénat, 2005-2006), tome 1, pp. 45 et 46.

* 194 Op. cit., p. 69.

* 195 Cette notification serait supprimée par l'article 43 du présent projet de loi.

* 196 Voir le rapport n° 224 (Sénat, 1997-1998) de M. Paul Masson au nom de la commission des lois.

* 197 A Mayotte, collectivité d'outre-mer soumise au principe de spécialité législative, l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte fixe des règles particulières, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'appliquant pas. Les recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière n'y sont donc pas suspensifs .

* 198 Article L. 521-2 du code de justice administrative : «  Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

* 199 Rapport précité, p. 214.

* 200 Voir l'article L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 201 Ce périmètre est étendu aux aires de stationnement jusqu'au premier péage ainsi qu'à ce péage lui-même lorsqu'une section autoroutière commence dans la zone des 20 kilomètres mais que le premier péage se situe au-delà.

* 202 Conseil constitutionnel, décisions n° 93-323 DC du 5 août 1993 et n° 97-389 DC du 22 avril 1997.

* 203 Visées à l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 204 A La Réunion, cette commission comprend également des autorités consulaires d'Etats étrangers.

* 205 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 206 Toutefois, une participation proportionnelle est laissée à la charge des assurés pour les analyses et examens prescrits par un médecin dans le cadre de son activité libérale.

* 207 Article 75 de la Constitution : « Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun seul visé à l'article 34 conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ».

* 208 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003.

* 209 Le montant de cette amende a été fortement accru par l'article 63 bis du présent projet de loi.

* 210 Des peines complémentaires sont également prévues par le II de cet article.

* 211 Articles 33 et 33-1 de l'ordonnance du 26 avril 2000.

* 212 Débats à l'Assemblée nationale, 3 ème séance du 9 mai 2006.

* 213 Cet article rend en effet applicable à Mayotte la majorité des articles du code civil relatifs à l'état des personnes, et en particulier les articles 74 et 75 de ce code, relatifs aux modalités de célébration du mariage.

* 214 Le relèvement de l'âge nubile à 18 ans, opéré par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006, ne s'applique pas à Mayotte pour les mariages de droit local.

* 215 Rapport n° 300 (2005-2006), tome 1, p. 158.

* 216 Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

a) n'a pas requis son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

b) ou n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale au titre de son activité professionnelle, en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

* 217 Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L. 1 43-3 et L. 311-1 du code du travail applicable à Mayotte. La mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord conclu en application du chapitre II du titre Ier du livre II du même code, une dissimulation d'emploi salarié.

* 218 Rapport n° 300 (Sénat, 2005-2006), tome 1, p. 159.

* 219 Rapport n° 2932 (Assemblée nationale, XIIè lég.), p. 52.

* 220 Des dispositions particulières précisent le périmètre du contrôle sur la voirie autoroutière ainsi que dans les liaisons ferroviaires internationales.

* 221 Décision n° 91-389 DC du 22 avril 1997.

* 222 Rapport n° 2932 (Assemblée nationale, XIIème lég.), p. 63.

Page mise à jour le

Partager cette page