EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une réunion tenue le mardi 21 novembre 2006, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport spécial de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, sur la mission « Santé ».
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a indiqué qu'avant l'examen, par l'Assemblée nationale, la mission ministérielle « Santé » rassemblait près de 427 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 430,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP), répartis en trois programmes d'importance inégale, le programme « Santé publique et prévention » représentant 67,3 % des crédits de la mission, le programme « Offre de soins et qualité du système de soins », 24,2 % et le programme « Drogue et toxicomanie », 8,5 %.
Il a précisé que l'Assemblée nationale avait toutefois réduit les crédits de cette mission d'un montant global de 2,1 millions d'euros, afin de gager les ouvertures prévues dans le cadre de la seconde délibération demandée par le gouvernement, visant notamment à majorer de 110 millions d'euros les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a toutefois relativisé cette présentation des crédits de la mission, en relevant, tout d'abord, qu'elle ne comprenait pas les crédits de personnel.
Il a constaté, en effet, que ceux-ci figuraient dans le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de la mission « Solidarité et intégration », qui contribuait pour plus de 286,6 millions d'euros aux actions menées dans le cadre de la mission « Santé ». Il a regretté le choix du ministère de placer l'intégralité des personnels au sein du programme support de la mission « Solidarité et intégration », des marges de manoeuvre semblant pouvoir être dégagées si les personnels d'administration centrale étaient inclus dans ce programme.
En outre, il a signalé que les dépenses fiscales rattachées à la mission « Santé » s'élevaient à un montant d'1,89 milliard d'euros et représentaient donc près de cinq fois les crédits budgétaires. Il s'est interrogé sur la pertinence de certaines d'entre elles, particulièrement de celles applicables aux indemnités journalières des victimes d'accident du travail.
Enfin, il a noté que cette mission apparaissait à certains égards comme une mission « annexe » du budget de la sécurité sociale, l'Etat n'intervenant que pour moins d'1 % du total des dépenses effectuées au titre de l'offre de soins. Il a jugé que cette situation conduisait à s'interroger sur le rapport entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
Il a également relevé que les fonds de concours abondant la mission « Santé » étaient modiques, puisque, seul, 1,5 million d'euros serait versé au profit du programme « Drogue et toxicomanie ».
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a ensuite mis en évidence trois données générales.
Il s'est déclaré satisfait que le ministère ait suivi les recommandations formulées l'an dernier, s'agissant des crédits inscrits au titre des frais de justice, puisque ceux-ci avaient été réévalués pour mieux correspondre aux besoins. Il a précisé qu'ils passeraient d'1,4 à 5,9 millions d'euros sur le programme « Santé publique et prévention » et de 875.000 euros à 4 millions d'euros sur le programme « Offre de soins et qualité du système de soins ».
Il s'est étonné, en revanche, du transfert de crédits opéré entre les programmes « Drogue et toxicomanie » et « Santé publique et prévention ». Il a rappelé, en effet, que le Parlement avait décidé l'an dernier, à l'initiative conjointe de la commission des finances et de la commission des affaires sociales du Sénat, de transférer 18 millions d'euros du programme « Santé publique et prévention » vers le programme « Drogue et toxicomanie ». Il a précisé que ces crédits correspondaient à la mise en oeuvre de la partie sanitaire du plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool pour les années 2004-2008 et à d'autres actions visant, notamment, à subventionner des réseaux de soutien ou des structures d'accueil pour toxicomanes. Estimant que cette organisation, guidée par une logique de frontières administratives, n'était pas cohérente avec l'existence, au sein de la mission « Santé », d'un programme spécifiquement dédié à la lutte contre les drogues et les toxicomanies, le Parlement avait décidé de transférer ces crédits vers le programme « Drogue et toxicomanie ».
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a observé que cette décision avait été « mal vécue » par la direction générale de la santé, qui avait retardé, voire bloqué, sa mise en oeuvre. Il a donc déploré que le présent projet de loi de finances réintègre ces crédits au sein du programme « Santé publique et prévention ». Il a mis en évidence, en outre, les conflits d'autorité existant entre la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), dépendant des services du Premier ministre, et la direction générale de la santé. Il a jugé que cette situation n'était pas acceptable.
Aussi, afin d'avoir un débat de fond avec le ministère sur ce point et sur le positionnement de la MILDT, il a proposé, en conséquence, un nouvel amendement de transfert de crédits. En outre, il a ajouté qu'il comptait faire usage des prérogatives qui lui étaient confiées par l'article 57 de la LOLF afin de mener un contrôle sur pièces et sur place, et a proposé que M. Alain Milon, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales, se joigne à lui.
M. Jean Arthuis, président , a indiqué qu'il conviendrait que le ministre de la santé et des solidarités soit entendu par la commission au début de l'année 2007.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a ensuite noté que le ministère de la santé et des solidarités avait mis à contribution les fonds de roulement de certains établissements publics, comme celui de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), à hauteur de 20 millions d'euros, et celui de la Haute autorité de santé (HAS), à hauteur de 31 millions d'euros. Il a estimé que ces prélèvements sur fonds de roulement, qui permettaient de réduire les dotations versées par l'Etat, constituaient des mesures de saine gestion.
Puis il a fait le point sur les principales actions menées dans le cadre des différents programmes.
Concernant le programme « Santé publique et prévention », M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a constaté que les subventions accordées aux opérateurs - l'Institut national du cancer (INCA) et l'INPES - représentaient près d'un quart des crédits du programme.
Il a précisé que la lutte contre le cancer constituait la principale dépense du programme, puisqu'elle devrait disposer de près de 63 millions d'euros en 2007, hors subventions accordées à l'INCA.
Il a relevé que la lutte contre le SIDA mobiliserait 36,4 millions d'euros, que la lutte contre la tuberculose ferait appel à 28,5 millions d'euros, tandis que 17,7 millions d'euros seraient consacrés à divers dispositifs de vaccination. Il s'est inquiété, en particulier, de la recrudescence de la tuberculose, notant que le virus résistait désormais aux antibiotiques.
Enfin, il a observé que les objectifs et indicateurs de performance associés au programme devaient encore faire l'objet d'améliorations pour permettre d'apprécier réellement l'efficacité des dépenses.
S'agissant du programme « Offre de soins et qualité du système de soins », M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a mis en évidence, d'une part, que les crédits inscrits sur ce programme étaient minimes par rapport aux dépenses incombant à l'assurance maladie et, d'autre part, que les marges de manoeuvre du ministère apparaissaient réduites sur près de la moitié des crédits du programme, correspondant à la formation des médecins ou à l'organisation de concours.
Il a ajouté que près de 27 millions d'euros correspondaient à des subventions pour charges de service public versées aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH), à l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) et au groupement d'intérêt public « Carte professionnel de santé ».
En outre, il a observé qu'un nouvel établissement public ferait son apparition : le centre national de gestion. Il a précisé qu'il avait pour objet de libérer la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins de la gestion de la carrière d'environ 35.000 médecins hospitaliers et 5.000 directeurs d'hôpitaux, ainsi que des autres personnels de catégorie A de la fonction publique hospitalière. Il a relevé qu'une subvention de 2,29 millions d'euros était prévue pour financer ce centre en 2007.
Il a souligné que les objectifs et indicateurs de performance étaient en phase avec les leviers d'action du ministère, ce qui était satisfaisant. Il a toutefois souhaité que le ministère précise, à l'occasion de l'examen de ces crédits en séance publique, les leviers d'action permettant d'améliorer l'indicateur « Taux d'atteinte des objectifs nationaux quantifiés figurant dans les contrats passés entre l'Etat et les Agences régionales de l'hospitalisation », dans la mesure où la cible fixée pour 2010 semblait très ambitieuse, au regard de la situation actuelle.
S'agissant du programme « Drogue et toxicomanie », M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial, a relevé, à nouveau, le « positionnement délicat » de ce programme au sein de la mission « Santé ».
Il a constaté, par ailleurs, que les recommandations formulées l'an dernier avaient été suivies. Ainsi, les activités de l'association Toxibase, financée à 100 % par la MILDT, seraient intégrées au sein d'un des groupements d'intérêt public lui servant d'opérateur, ce qui permettrait une économie de 150.000 euros et une diminution du nombre des emplois.
Il a enfin préconisé que certains indicateurs soient complétés pour permettre de mieux apprécier l'efficacité des actions menées sous l'impulsion de la MILDT.
Sous réserve de ces remarques et de l'amendement présenté, il a proposé d'adopter les crédits de la mission « Santé » ainsi modifiés.
Après que M. Jean Arthuis, président , eut remercié le rapporteur spécial pour la qualité de son intervention, un débat s'est instauré.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales , s'est déclaré en accord avec les propos de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Il a également estimé que la mission « Santé » s'apparentait à un « Budget annexe du budget de la sécurité sociale ». Par ailleurs, il a souligné l'importance des moyens consacrés à la mise en oeuvre du plan Cancer, mais a redouté que les autres plans de prévention ne connaissent pas le même aboutissement. S'agissant de la tuberculose, il a relevé que la recrudescence du virus touchait surtout les populations immigrées venant d'Europe de l'Est et d'Afrique du Nord et qu'elle était également observée en Espagne. Enfin, il a estimé que l'amendement de transfert de crédits proposé par le rapporteur spécial avait le mérite de mettre en exergue le problème du positionnement de la MILDT, sur lequel le Parlement aurait à se prononcer.
Puis il a attiré l'attention de la commission sur les difficultés actuelles de la spécialité psychiatrique, soulignant en particulier les longs délais d'attente nécessaires pour obtenir une consultation en région parisienne.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , s'est félicité de la convergence des analyses menées par les commissions des finances et des affaires sociales. Il a observé que la santé mentale était une problématique importante et a estimé que la forte augmentation des consultations de spécialistes témoignait d'un mal-être social.
M. François Trucy a évoqué la tenue d'une conférence de presse relative à l'addictologie organisée par le ministre de la santé et des solidarités, cette dernière faisant désormais l'objet d'une conception étendue à l'addiction aux jeux, ce dont il s'est félicité. Il a souhaité que le rapporteur spécial lui précise si des crédits consacrés à la prévention de l'addiction aux jeux figuraient au sein de cette mission.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a indiqué que la justification au premier euro ne faisait pas apparaître de crédits spécifiquement dédiés à cette action.
La commission a alors adopté l'amendement présenté par M . Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , tendant à transférer 14.406.199 euros du programme « Santé publique et prévention » vers le programme « Drogue et toxicomanie ».
Elle a ensuite décidé, à l'unanimité, de proposer au Sénat d'adopter les crédits ainsi modifiés de la mission « Santé ».
Réunie le jeudi 23 novembre 2006 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé son vote favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».