3. Des avantages indéniables au regard de l'objectif de l'accès au droit et à la justice
- L'assureur, un rôle essentiel et efficace en phase amiable qui répond aux besoins des assurés
Le rôle, très actif, des assureurs en phase amiable, apprécié des assurés, permet incontestablement de favoriser un règlement rapide de la plupart des litiges concernés . La commission de réforme de l'accès au droit et à la justice avait déjà, en 2001, relevé l'intérêt de l'assurance de protection juridique à cet égard : « la majorité des sinistres déclarés débouchent sur un règlement à l'amiable, l'intervention de l'organisme auprès du voisin, du prestataire de service, etc, suffisant à obtenir une solution satisfaisante » 28 ( * ) .
Comme l'ont indiqué les représentants des sociétés d'assurance et des entreprises mutualistes, 70 % des litiges garantis au titre de la protection juridique 29 ( * ) font l'objet d'un règlement amiable avec des taux de satisfaction des assurés élevés . La proportion de litiges résolus amiablement peut néanmoins varier considérablement selon les domaines (90 % des litiges réglés à l'amiable en droit de la consommation, pratiquement aucun pour un conflit en droit du travail). Certains sinistres sont portés directement au contentieux sans phase amiable (procédures pénales, procédures administratives et dans une moindre mesure droit du travail). En outre, les litiges impliquant des professionnels sont moins fréquemment résolus amiablement (50 %).
Les représentants des assureurs entendus par votre rapporteur ont unanimement marqué leur attachement à leur intervention en phase amiable, qui répond véritablement à un besoin exprimé par les assurés.
Ils ont en outre relevé le niveau de compétences élevé des juristes recrutés qui exercent pour le compte des sociétés d'assurance et des entreprises mutualistes, lesquels sont habilités à fournir des consultations juridiques dans le cadre de la réglementation de la loi du 31 décembre 1971 30 ( * ) . Ainsi, ces personnels sont soumis, à l'instar des avocats, au secret professionnel qui leur interdit, sous peine de sanctions pénales, de divulguer les informations données par l'assuré, ce qui présente une garantie importante pour la défense de ses intérêts.
En évitant une résolution du conflit par la voie judiciaire susceptible d'engendrer de multiples frais (procédures, honoraires des auxiliaires de justice), la priorité accordée au règlement amiable constitue un moyen évident de contenir les coûts de la gestion des sinistres de protection juridique 31 ( * ) , ce qui ne signifie pas pour autant que les prestations fournies à ce stade soient médiocres. Comme le note M. Jean-Paul Bouquin dans son rapport publié en 2004, le résultat du service proposé par les assureurs « est certainement largement positif pour les consommateurs qui ont vu se résoudre une multitude de petits litiges dont l'enjeu est beaucoup trop faible 32 ( * ) pour recourir à un avocat et qui n'étaient pas traités par le passé » 33 ( * ) .
- Une complémentarité possible avec l'aide juridictionnelle, un système d'accès au droit à deux étages
A l'instar d'autres pays de l'Union européenne (Allemagne, Pays-Bas, Suède) 34 ( * ) , une complémentarité de l'assurance de protection juridique avec l'aide juridictionnelle pourrait s'installer pour favoriser l'accès à la justice.
La dotation budgétaire consacrée à l'accès à la justice des plus démunis, passée de 187 à 305 millions d'euros entre 1998 et 2006 (+ 63 %), représente une charge de plus en plus lourde pour l'Etat. L'extension du dispositif d'aide juridictionnelle mis en place depuis 1991 35 ( * ) paraît donc avoir atteint ses limites et rend nécessaire de développer des dispositifs alternatifs.
Dans ce contexte, l'assurance de protection juridique pourrait donc relayer utilement l'effort consenti par l'Etat. Comme l'a souligné M. Bernard Cerveau, président de l'association des juristes d'assurance et de réassurance, entendu par votre rapporteur, si l'on considère que le barème proposé pour l'accès à l'aide totale couvrirait un peu plus de 40 % des ménages, ceci signifie que 60 % d'entre eux constituent la base de développement pour les assureurs de protection juridique.
Ce dispositif s'adresse en effet principalement à des citoyens ayant des ressources supérieures aux plafonds d'aide juridictionnelle (du moins s'agissant du plafond fixé pour le bénéfice de l'aide totale) mais insuffisantes pour avoir recours habituellement aux services d'un avocat pour la gestion de leurs affaires.
Toutefois, la mise en place d'un système d'accès à la justice fondé, en fonction du niveau de revenu, sur l'aide juridictionnelle relayée par l'assurance de protection juridique appelle deux évolutions indispensables : l'élargissement de l'étendue des garanties de protection juridique et le développement plus conséquent de l'assurance de protection juridique dont, malgré son dynamisme, la diffusion est encore limitée 36 ( * ) .
Comme l'avait relevé en 2001 la commission de l'accès au droit et à la justice, « à l'heure actuelle [le] champ [de l'assurance de protection juridique] ne permet pas d'y voir une alternative à l'aide juridictionnelle. En effet, tant la matière pénale que le contentieux familial et notamment le divorce, sont très mal couverts par la protection juridique. » 37 ( * ) Ce constat vaut encore aujourd'hui, le champ de la garantie n'incluant généralement pas, ou sous des conditions extrêmement restrictives, ces deux matières 38 ( * ) .
Actuellement, le nombre de procès pris en charge par les assureurs s'établit à environ 50.000 affaires, soit à peine 2 % des affaires nouvelles portées devant les juridictions françaises. Sont principalement concernées des affaires en droit de la consommation, ce qui ne représente qu'une infime partie des contentieux portés devant les juridictions qui touchent toutes les branches du droit.
Ces chiffres démontrent que les champs de l'aide juridictionnelle et de l'assurance de protection juridique se recoupent encore peu .
* 28 Rapport précité - Page 23.
* 29 Soit 75.000 règlements amiables sur 110.000 sinistres pour les seules sociétés spécialisées d'assurance de protection juridique.
* 30 Loi n° 71-1130 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
* 31 Le coût moyen d'un sinistre réglé à l'amiable s'élève à 150 euros.
* 32 M. Xavier Roux, président du groupement des sociétés de protection juridique spécialisées, a indiqué que l'enjeu financier de la plupart des litiges réglés en phase amiable oscillait entre 250 et 1.000 euros.
* 33 Voir rapport précité pages 23 et 24.
* 34 Etude de législation comparée du Sénat n° 137, juillet 2004.
* 35 Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
* 36 Infra I - A - 2.
* 37 Page 23 du rapport Bouchet.
* 38 Infra I- A - 1.