B. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : COMPLÉTER UNE RÉFORME ATTENDUE
1. Une réforme attendue
Votre commission affirme avec constance, depuis plusieurs années, dans ses avis budgétaires 50 ( * ) , la nécessité de réformer l'assurance de protection juridique pour favoriser une plus grande implication des avocats dans ce dispositif et, ainsi, offrir aux citoyens un nouveau mode d'accès au droit et à la justice . En effet, les avocats jouent un rôle primordial pour permettre aux citoyens de connaître leurs droits et d'être défendus dans de bonnes conditions .
Aucun dispositif d'accès au droit mis en place à ce jour ne pourrait remplir pleinement son objectif sans l'appui de ces acteurs incontournables ; les avocats sont en effet présents dans les maisons de justice et du droit où ils donnent des consultations ou encore dans les conseils départementaux d'accès au droit où ils participent au développement des réseaux d'accès au droit ; de même, l'aide juridictionnelle ne pourrait fonctionner sans le dévouement et la très forte implication de ces professionnels. Il ne paraît dès lors pas choquant de permettre à ces acteurs d'intervenir plus activement dans le dispositif de l'assurance de protection juridique.
Au demeurant, les aménagements proposés par les auteurs de la proposition de loi pour accroître l'intervention des avocats sont limités :
- en phase amiable, les propositions de loi ne portent pas atteinte au rôle, premier et par ailleurs apprécié des consommateurs, des assureurs dans la gestion des sinistres. Les activités développées par les assureurs en phase amiable, notamment la délivrance d'informations juridiques par voie téléphonique qui constituent une source de renseignements précieuse et immédiate, ne seront en effet pas remises en cause. L'objectif des propositions de loi n'est pas de cantonner les assureurs à un rôle purement indemnitaire de tiers payant.
La participation accrue des avocats au titre de l'assurance de protection juridique, loin d'être interprétée comme une remise en cause de la qualité des prestations fournies par l'assureur, doit plutôt être comprise comme une chance supplémentaire offerte aux assurés pour permettre une résolution de leurs litiges . Le dispositif se borne en effet à permettre aux assurés d'être défendus dans les meilleures conditions possibles lorsqu'un avocat est présent aux côtés de la partie adverse, en assurant un parallélisme des représentations ;
- la possibilité de saisir un avocat préalablement à la déclaration de sinistre correspond à la pratique actuelle des assureurs et n'introduit pas de nouveauté.
Les propositions de loi apportent des solutions réalistes pour assurer une meilleure compatibilité entre l'exercice du métier d'avocat et les pratiques professionnelles des assurances :
- la réforme proposée n'interdit pas la possibilité, pour les assureurs, de proposer le nom d'un avocat correspondant d'un réseau de sociétés d'assurance ou de mutuelles mais l'encadre plus rigoureusement ; ce dispositif prend en compte l'impératif qui s'impose à l'assureur de suggérer le nom d'un avocat à l'assuré qui, la plupart du temps, n'en connaît pas et pour lequel l'assureur est son premier interlocuteur ;
- tout en affirmant le principe de la liberté de la fixation des honoraires entre l'avocat et son client, la réforme prévue ne crée pas de contraintes excessives de nature à entraver la liberté d'entreprendre des assureurs ; en effet, ce dispositif n'a pas vocation à régir les plafonds de remboursement des honoraires des avocats, librement déterminés par les assureurs ; les auteurs des propositions de loi ont ainsi marqué le souci de laisser aux sociétés d'assurance et aux mutuelles une souplesse pour trouver les arbitrages financiers les plus favorables, afin de contenir les coûts de la gestion du sinistre.
Les intérêts des avocats et des assureurs convergent vers un objectif commun : développer l'assurance de protection juridique, ce qui permet d'espérer une mise en oeuvre effective de la présente réforme.
De vives craintes sur le renchérissement des coûts de la gestion des sinistres susceptible d'être induit par les présents textes, du fait d'une intervention accrue des avocats en phase amiable et de la suppression des conventions d'honoraires entre avocats et assureurs, ont été exprimées par les représentants des assureurs lors des auditions de votre rapporteur.
Selon la FFSA et le GEMA, l'impact économique global des propositions de loi est loin d'être négligeable, le coût de la gestion des sinistres de protection juridique étant susceptible d'augmenter de 45 %, ce qui pourrait conduire les assureurs à doubler le montant des primes d'assurance. A été mis en avant le risque qu'une telle évolution dissuade de nombreux Français de souscrire une assurance de protection juridique et, ainsi, aboutisse à son déclin.
Comme l'ont confirmé les représentants du ministre de l'économie et des finances, les propositions de loi engendreront incontestablement des charges nouvelles. Toutefois, la crainte d'un détournement des ménages de l'assurance de protection juridique doit être relativisée .
D'une part, les hypothèses des assureurs concernant l'inflation des coûts apparaissent maximalistes car elles postulent une prise en charge totale des remboursements des honoraires d'avocat. Or, la présente réforme n'interdit pas aux assureurs de faire, comme actuellement, supporter aux assurés une part des charges d'honoraires des avocats.
Les assureurs ont à cet égard démontré leur capacité d'adaptation aux contraintes du marché pour rester compétitifs dans de nombreuses branches de l'assurance et sauront trouver un équilibre économique satisfaisant entre l'augmentation des primes et l'accroissement des dépenses restant à la charge de l'assuré qui met en jeu sa garantie, en cas de dépassement des plafonds de remboursement d'honoraires. Un rapprochement des assureurs et des avocats pour fixer des limitations contractuelles de remboursement des honoraires d'avocat réalistes paraît à cet égard indispensable . De plus, dans un souci de transparence et de protection du consommateur, votre rapporteur souhaite, à l'instar du Conseil consultatif du secteur financier, que les avocats communiquent aux assurés une estimation précise du montant prévisionnel des honoraires susceptibles d'être mis à leur charge à l'occasion du règlement du litige.
D'autre part, le risque que l'assuré se détourne de l'assurance de protection juridique, plus coûteuse, ne paraît pas certain, dans la mesure où celui-ci peut espérer, grâce à l'intervention d'un professionnel reconnu pour son impartialité et son indépendance, bénéficier d'une prestation de qualité et, donc, accepter de payer plus cher un contrat plus protecteur.
* 50 Voir depuis 2002, les avis budgétaires sur la loi de finances publiés au nom de la commission des lois.