II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SUR UNE OUVERTURE TOTALE EN 2009 : PRÉCISER PRÉALABLEMENT LES MOYENS DE GARANTIR LE SERVICE UNIVERSEL
A. UNE ÉCHÉANCE À LAQUELLE LA FRANCE S'EST PRÉPARÉE, MAIS DONT L'IMPACT RESTE FLOU
Le marché postal français est l'un des trois plus grands d'Europe en volume, avec une moyenne annuelle de plus de 300 plis par habitant. Son ouverture ne peut donc manquer d'aiguiser l'appétit des concurrents de La Poste.
1. La Poste en ordre de bataille, dix concurrents autorisés
a) Une concurrence encore corsetée mais déjà innovante
Si la concurrence est déjà présente dans le secteur postal, elle l'est de manière très inégale, largement en amont (routage) mais beaucoup moins en aval (distribution) et différemment selon les segments du marché postal. En effet, le marché postal, qui représente environ 14 milliards d'euros en France selon l'ARCEP, est composé de plusieurs segments : lettres, colis, express... dont le plus important est celui des envois de correspondance : les lettres et la publicité adressée représentent près de 9 milliards sur les 14.
C'est la très grande majorité de ce segment qui est couverte par le monopole postal : 7 milliards sur les 9 en 2005, lorsque le monopole était limité à 100grammes, mais encore 6,1 milliards en 2006, avec un monopole jusqu'à 50 grammes. Ainsi, contrairement au passage de 100 à 50 grammes, une ouverture complète des marchés porterait sur une très grosse fraction du marché des envois de correspondance (6 milliards d'euros sur 9).
La part de marché détenue par les concurrents 12 ( * ) est infime, même rapportée à la fraction des volumes déjà légalement ouverts à la concurrence, le monopole légal de La Poste sur le marché de la correspondance lui donnant une position dominante parfois très forte sur d'autres marchés pourtant de jure ouverts à la concurrence (tels les envois recommandés).
La part de marché des concurrents n'est substantielle que pour les envois transfrontières, où n'existe aucune limite de poids et de prix. Sur le segment des colis destinés aux particuliers, La Poste est concurrencée par les réseaux de distribution des entreprises de vente à distance. Sur le segment de la presse régionale, les éditeurs ont développé des réseaux de portage à domicile. Les marchés de la distribution d'imprimés et de l'express domestique sont les plus disputés, La Poste ne dominant pas en part de marché.
Là où elle a pu se développer, la concurrence apporte une valeur de marché en proposant des services complémentaires à ceux de La Poste : ainsi, le portage de presse garantit une distribution avant 8 heures, les services de colis de la vente à distance distribuent en « points relais », plutôt qu'à domicile, ce qu'apprécient les citadins absents de leur domicile lors du passage du facteur... En matière de distribution d'imprimés, l'offre s'est également diversifiée grâce aux concurrents, qui offrent par exemple des services de distribution programmée pour une date précise (permettant ainsi une relance téléphonique le lendemain...).
Sur le marché de la distribution adressée , un opérateur français Adrexo, filiale du groupe Ouest-France installée de longue date sur les activités de distribution non adressée 13 ( * ) , a obtenu, en juin 2006, la première autorisation française de distribution de plis adressés et a, depuis lors, consenti des investissements immobiliers et humains pour offrir aux entreprises des prestations de distribution adressée à J+5. Pour l'instant, ces prestations ne sont offertes que dans le département des Hauts-de-Seine, grâce à un centre de tri, six bureaux distributeurs et 150 employés en CDI. Elles devraient l'être à Lille en février 2007, à Lyon et Marseille en août 2007 et, d'ici 2009, dans une vingtaine de grandes agglomérations françaises pour couvrir environ la moitié de la population française.
Dans le domaine des envois de correspondance, la diversité des services devrait s'accroître avec l'ouverture progressive à la concurrence . Un exemple modeste est déjà donné par le prestataire postal récemment autorisé en Savoie : cette entreprise propose de prendre en charge le service de courrier des PME en distribuant elle-même leurs envois à destination locale et en remettant à La Poste les envois pour l'extérieur de sa zone d'action (qu'elle se charge d'affranchir).
b) La Poste fourbit ses armes
Dans le contexte de l'ouverture croissante à la concurrence du marché postal, le groupe La Poste, plus gros employeur de France, a engagé divers chantiers depuis la signature du contrat de plan en 2004. La dynamique de réforme produit des effets visibles, au premier rang desquels l'amélioration de la rentabilité opérationnelle du groupe, qui est passée de 1,7 % en 2003, à 2,8 % en 2004 et 3,9 % en 2005.
Cette dynamique touche tous les métiers de La Poste. Dans le courrier, directement visé par la concurrence, La Poste déploie des projets majeurs d'investissement (« Cap Qualité Courrier » et « Cap Relation Client ») avec la mise en oeuvre en 2006 d'un programme d'investissements internes de 1,2 milliard d'euros. Le programme « Cap Qualité Courrier », qui traduit l'ambition de La Poste de devenir l'opérateur postal européen de référence grâce à un réseau de production du courrier intégralement mécanisé et automatisé, repose sur 3,4 milliards d'euros d'investissements à horizon 2010. Les délais d'acheminement se sont déjà améliorés : le taux de distribution de la lettre à J+1 est en moyenne de 81,9 % sur les neuf premiers mois de 2006, soit un gain de près de 9 points par rapport à 2002 (73 %).
Par ailleurs, depuis le 1 er janvier 2006, s'applique désormais , pour les salariés de La Poste maison-mère de droit privé, l'allègement des charges sociales patronales sur les bas salaires 14 ( * ) dont La Poste avait été exclue depuis sa mise en place. La mise en oeuvre de cette réforme, dont l'initiative revient à votre commission des affaires économiques, a déjà eu un impact sensible sur les comptes de La Poste : les montants d'allègements de charges sociales constatés sur le premier semestre 2006 confirment le fort impact pour La Poste de cette mesure, qui devrait être de l'ordre de 200 millions d'euros en année pleine.
Un troisième volet de la réforme est constitué par la transformation, des services financiers de La Poste en banque de plein exercice , qui devraient permettre à La Poste de diversifier ses sources de revenus, diversification d'ailleurs encouragée par la Commission européenne elle-même dans son étude d'impact 15 ( * ) . L'année 2006 constitue le premier exercice de La Banque Postale, créée au 1er janvier dernier avec l'ambition de devenir en 2010 la banque principale de 10 millions de Français. La gamme qu'offre cette banque est plus étoffée que celle auparavant proposée par les services financiers de La Poste puisque La Banque Postale propose des prêts immobiliers sans épargne préalable.
Enfin, La Poste vient de régler la question du financement des retraites des fonctionnaires de La Poste, dans la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 : outre le paiement par La Poste d'une contribution forfaitaire exceptionnelle de 2 milliards d'euros, cette loi prévoit que La Poste versera dorénavant une cotisation employeur libératoire sur le traitement des fonctionnaires en activité, cotisation dont le taux sera progressivement abaissé pour atteindre à partir de 2010 le niveau d'équité concurrentielle.
Ce « point d'étape » dans le processus de réforme de La Poste laisse entrevoir que La Poste vise un horizon à 2010. Il semble donc que son état de préparation au 1er janvier 2009, échéance proposée par la proposition de directive pour l'achèvement du marché intérieur des services postaux, ne sera pas optimal .
Le rapport de PWC considère effectivement que La Poste a entrepris tardivement sa réforme, ce que votre rapporteur ne peut que regretter d'autant plus que votre commission des affaires économiques avait appelé au changement dès 1997 16 ( * ) . De ce fait, il estime que, si le degré de préparation du marché postal français à la concurrence complète se situe dans la moyenne européenne, cela tient à la qualité de son cadre réglementaire et aux particularités du marché, et ce, malgré l'insuffisante préparation du prestataire du service universel postal.
Il est vrai que La Poste reste vulnérable , les services réservés représentant 38 % du chiffre d'affaires de La Poste maison mère en 2006 17 ( * ) . Sa dépendance à l'égard de ses 80 premiers grands comptes, qui réalisent 39 % de son chiffre d'affaires sur le courrier 18 ( * ) , représente aussi une incontestable fragilité.
2. Mais pour quel combat ? De la nécessité d'approfondir l'impact d'une ouverture complète à la concurrence pour le marché postal français
L'article 7 de la directive 97/67/CE prévoyait que la Commission devait procéder à « une étude prospective destinée à évaluer, pour chaque Etat membre, l'impact sur le service universel de l'achèvement du marché intérieur des services postaux en 2009 ».
Cette étude, à laquelle il a déjà été fait allusion plus haut, a été réalisée sur le fondement du rapport confié au cabinet PWC. L'étude prospective de la Commission est notablement succincte. On objectera qu'elle renvoie, à plusieurs occurrences, au rapport de PWC.
Ce dernier constitue un travail de qualité, bien renseigné et plutôt mesuré. Il propose une analyse globale du degré de préparation de l'Union européenne en vue de l'achèvement du marché intérieur et comporte, en annexe, des fiches par pays qui dressent un panorama national de l'état du marché, tant en ce qui concerne l'opérateur postal historique que la concurrence.
Toutefois, il serait abusif de considérer que le rapport PWC fournit une évaluation précise, pour la France -comme d'ailleurs pour chacun des autres Etats membres-, de l'impact sur le service universel d'une ouverture complète des marchés postaux en 2009. Alors même que, comme l'a souligné la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale dans son avis rendu en décembre 2006 sur la proposition de directive 19 ( * ) , le coût du service universel varie sensiblement d'un pays à l'autre du fait des conditions géographiques et démographiques 20 ( * ) , l'analyse pays par pays n'a pas été menée très finement par le rapport PWC. Elle est juste figurée de manière schématique et montre grosso modo que, pour la France, l'ouverture à la concurrence aura un impact limité sur le financement du service universel , les opérateurs entrant prenant une faible part de marché, et que cet impact pourrait même être quasi nul grâce aux gains d'efficience du prestataire du service universel et à l'adaptation du cadre réglementaire.
Preuve est donnée du caractère sommaire de l'analyse par les erreurs grossières que l'on peut relever dans les rares passages du rapport général citant précisément la France : ainsi, l'étude de PWC, évoquant les contraintes de présence postale territoriale qu'induisent les obligations de service universel, évalue à 14.000 le nombre de points de vente -« outlets »- en France aujourd'hui 21 ( * ) , alors que ce nombre atteint en vérité 17.000. Plus loin, s'agissant du même sujet, il est aussi affirmé qu'il existe en France au moins un guichet par municipalité, ce qui est bien éloigné de la réalité puisque plus de la moitié des 36.778 communes françaises sont dépourvues de point de contact postal 22 ( * ) . Cette information fausse se retrouve d'ailleurs dans l'annexe consacrée au cas français.
Quelques éléments d'information sur l'impact de l'ouverture à la concurrence sur le marché français ont pu par ailleurs être fournis à votre rapporteur par l'autorité de régulation: selon l'ARCEP, dans les premières années d'ouverture des marchés, la cible concurrentielle devrait être prioritairement la publicité adressée , moins urgente et moins critique en termes de qualité que le courrier de gestion (factures et relevés bancaires). Ce segment de la publicité adressée représente environ la moitié des volumes du courrier industriel, soit autour de 20 % du chiffre d'affaires du courrier.
A court terme, le régulateur estime donc que l'impact de la libéralisation sera limité. A moyen terme , l'ouverture complète du marché contraindra l'opérateur historique à réaliser un gros effort de productivité pour conserver ses marchés en zone urbaine, mais le régulateur relève que l'opérateur aura pour lui un atout de taille, celui de la couverture géographique totale, qui évite aux clients de segmenter leur trafic (cette segmentation coûtant cher au client).
Même s'il reconnaît l'apport de cette réflexion prospective du régulateur, votre rapporteur regrette qu'elle n'ait pas été jusqu'à analyser avec précision l'impact sur le service universel d'une ouverture totale à la concurrence des marchés postaux en 2009. Plus largement, votre commission a le sentiment que l'expertise des conséquences de l'ouverture à la concurrence aurait pu être plus poussée, soit par le régulateur national, soit par la Commission européenne. Comme l'a suggéré à votre rapporteur un syndicat comme FO lors de son audition, n'est-ce pas à celui qui propose d'ouvrir complètement les marchés qu'incombe la charge de prouver que cela ne portera pas atteinte à la viabilité du service universel ?
C'est pourquoi votre commission exprimera, dans sa proposition de résolution, le souhait que soit approfondie l'analyse de l'impact, sur le service universel postal en France, d'une ouverture complète à la concurrence des marchés postaux.
3. Assurer des conditions loyales de concurrence
La diversité des environnements juridiques et commerciaux dans lesquels évoluent les opérateurs postaux européens crée des distorsions de concurrence qu'il est impératif d'aplanir autant que possible, surtout si la perspective d'un achèvement du marché intérieur des services postaux se confirme. Ceci a trois implications principales.
a) Une impérative flexibilité tarifaire
D'abord, il importe que La Poste dispose de la même flexibilité tarifaire que ses concurrents sur les envois en nombre.
De manière lapidaire, on peut affirmer en effet que les envois « égrenés » (54 % du chiffre d'affaires du courrier) sont peu concernés par la concurrence. Ils peuvent continuer d'être offerts au public à un prix unique à destination de l'ensemble du territoire pour peu que ce prix couvre les coûts du service. En revanche, dès lors que le marché est entièrement ouvert, il ne sera plus possible de fonder leur équilibre sur des transferts en provenance des envois «industriels » car ces derniers seront, eux, exposés à la concurrence.
Pour ces envois en nombre, l'intensité de la concurrence sera évidemment plus élevée dans les zones où le coût de traitement du courrier est le plus faible du fait du volume du trafic postal et du fait de la densité démographique. C'est dans ces zones urbaines que l'opérateur doit pouvoir s'aligner sur les conditions de ses concurrents. C'est ce que préconise la proposition de directive et c'est précisément ce qu'autorise la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales qui a inséré dans le code des postes et des communications électroniques un article L. 2-1 ainsi rédigé : « Le prestataire du service universel peut conclure avec les expéditeurs d'envois de correspondance en nombre, les intermédiaires groupant les envois de correspondance de plusieurs clients ou les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3, des contrats dérogeant aux conditions générales de l'offre du service universel et incluant des tarifs spéciaux pour des services aux entreprises. Les tarifs tiennent compte des coûts évités par rapport aux conditions des services comprenant la totalité des prestations proposées. Le prestataire détermine les tarifs et les conditions de ces prestations selon des règles objectives et non discriminatoires. »
La clé de l'équilibre économique du service universel tient donc dans la capacité de l'opérateur historique à résister à la concurrence dans les zones denses, en adaptant sa compétitivité bien sûr, mais aussi, le cas échéant, en procédant aux ajustements tarifaires utiles.
b) Une même convention collective pour tous les employés
Votre commission des affaires économiques tient à ce que le développement de la concurrence n'induise aucun « dumping » social mais, au contraire, s'accompagne non seulement d'un bénéfice pour le consommateur mais aussi d'un progrès social pour les salariés de La Poste, comme pour ceux des opérateurs du courrier qui font de la distribution ou qui offrent des services postaux non exclusivement domestiques, c'est-à-dire pour le personnel des opérateurs nécessairement autorisés.
La Commission européenne elle-même attire l'attention sur les difficultés susceptibles d'être engendrées par un différentiel important de coût des ressources humaines entre le prestataire du service universel et les nouveaux entrants : elle estime ainsi qu'une convention collective pourrait utilement accompagner l'ouverture complète à la concurrence et amortir l'impact de cette ouverture sur le service universel. Le considérant 12 de la proposition de directive rappelle d'ailleurs que « la présente directive n'affecte pas le pouvoir des Etats membres de réglementer les conditions d'emploi dans le secteur des services postaux ».
Sur la proposition de votre commission, le législateur français a déjà adopté cette approche en encourageant, par l'article 26 de la loi de régulation postale de 2005, l'élaboration d'une convention collective commune aux salariés non fonctionnaires de La Poste et à ceux de ses concurrents.
La première convocation de la commission paritaire formée de délégués des organisations syndicales représentatives, au plan national, des employés et des employeurs devait intervenir à compter du 1er juillet 2006. Effectivement, l'élaboration de la convention collective de branche est en marche, le syndicat FO ayant signalé à votre rapporteur, lors de son audition, qu'une première réunion devait se tenir en mars 2007 .
c) Une date butoir unique pour l'ouverture totale à la concurrence dans l'Union européenne
Un dernier moyen essentiel d'assurer un jeu équitable de la concurrence est d'écarter la possibilité d'un calendrier échelonné selon les pays d'ouverture complète à la concurrence des marchés postaux.
En effet, si certains pays, jugés moins prêts que d'autres, bénéficiaient d'un report de l'échéance de 2009 tandis que d'autres, réputés plus à même de résister à la pleine concurrence, devaient malgré tout ouvrir leur marché dès 2009, il s'ensuivrait des distorsions inéquitables : les opérateurs pays encore protégés par un secteur réservé pourraient effectivement conquérir des parts de marché dans les pays totalement ouverts, ces derniers n'ayant pas la possibilité symétrique.
C'est pourquoi votre commission insiste sur la nécessité de conserver une même date butoir pour l'ouverture complète à la concurrence des marchés postaux dans toute l'Union, ce qui n'empêche évidemment pas les pays qui, suffisamment préparés, voudraient anticiper l'échéance de le faire.
Ces diverses conditions d'équité concurrentielle doivent être impérativement réunies pour que l'impact de l'ouverture à la concurrence projetée par la Commission reste mesuré .
B. UN PRÉALABLE NÉCESSAIRE : ASSURER LA PÉRENNITÉ DU SERVICE UNIVERSEL POSTAL EN FRANCE
1. Préciser les modalités d'évaluation du coût net des obligations de service universel
Aujourd'hui, les Etats membres calent généralement le périmètre de leur secteur réservé aux taquets de poids et de prix autorisés par la directive 97/67/CE, même si la nécessité d'un secteur réservé de cette taille pour financer le service universel n'est pas démontrée et que l'article 7 de la directive 97/67/CE autorisait le maintien d'un secteur réservé seulement dans la mesure nécessaire pour assurer le maintien du service universel. En conséquence, des Etats dont les conditions de prestation des services postaux, en termes de géographie ou de tarifs, par exemple, sont complètement différentes ont donné à leur secteur réservé une définition identique.
De fait, la plupart des Etats n'ont pas calculé le besoin de financement du service universel sur leur territoire 23 ( * ) . Or il s'agit d'un préalable indispensable à tout débat sur les moyens de ce financement et l'on ne saurait se reposer, pour l'évaluation de ce coût, sur les seuls chiffres avancés par l'opérateur prestataire du service universel. Les opérateurs alternatifs n'accepteraient d'ailleurs de partager le coût net éventuel du service universel que s'il est calculé de manière transparente. Lors de son audition, Adrexo a ainsi légitimement déclaré à votre rapporteur qu'il lui était impossible de « faire un chèque en blanc » . Si les prestataires du service universel ont besoin d'autres moyens que les seuls tarifs pour financer leurs obligations de service universel, ceci doit être effectivement démontré.
Il est vrai que l'estimation du coût net du service universel est délicate. Cela exige d'identifier les activités postales qui ne seraient pas entreprises dans une logique commerciale normale mais qui font néanmoins l'objet d'un consensus social . Il ne s'agit pas d'un pur calcul comptable dans la mesure où, comme l'envisage l'ARCEP, il faut comparer le profit dégagé par le prestataire de service universel aujourd'hui à ce qu'il serait si ce prestataire n'avait pas la charge du service universel. Une autre méthode consisterait à évaluer les profits perdus par l'opérateur du fait de l'entrée de la concurrence concomitamment au maintien des obligations de service universel, ce qui pourrait ne pas produire le même résultat.
De telles évaluations reposent sur différentes simulations, selon que l'on se place avant ou après l'ouverture complète à la concurrence, et sur diverses hypothèses sur le niveau de l'intensité concurrentielle, la réponse de l'opérateur historique, l'avantage que représente par exemple pour ce dernier le fait de couvrir le territoire entier au titre de ses obligations de service universel...
Il conviendra de ne pas ignorer non plus les coûts historiques hérités du passé, ou « legacy costs » dans la terminologie anglo-saxonne, sur lesquels l'opérateur en charge du service universel a peu de prise : ainsi, le statut de fonctionnaire de nombreux employés représente un coût incontrôlable pour l'opérateur de service universel qui doit être pris en compte et qui est sans rapport avec l'efficacité de l'opérateur.
Estimer l'éventuel coût net du service universel est donc un exercice complexe des points de vue théorique -à quels concepts recourir ?- et pratique -quelle méthodologie adopter ?-. Ceci requiert donc du temps et de la méthode, en plus, bien évidemment, d'un système de comptabilité analytique suffisamment fiable chez les opérateurs postaux, système que La Poste est en train d'élaborer en collaboration avec l'ARCEP. 24 ( * ) Il s'agit d'un travail considérable qui prendra du temps pour être mené à bien.
Or, en matière d'évaluation de la charge ou du profit associé(e) aux obligations de service universel, la proposition de directive est particulièrement elliptique. Seules quelques orientations figurent dans le considérant 20 de la proposition de directive : « le coût net du service universel doit être calculé (...) comme la différence entre les coûts nets d'un prestataire désigné soumis aux obligations de service universel et ceux d'un prestataire désigné non soumis à ces obligations. Le calcul doit tenir compte de tous les autres éléments pertinents, y compris les avantages commerciaux dont les entreprises désignées pour prester le service universel ont bénéficié, le droit de réaliser un bénéfice raisonnable ainsi que les mesures d'incitation à l'efficacité économique ».
Votre commission considère que l'établissement, au sein même de la directive, de principes basiques communs pour présider à ce calcul du coût net du service universel faciliterait grandement le travail des régulateurs qui en seront chargés. Le groupe de travail européen sur la régulation du secteur postal (CERP) déplore d'ailleurs de ne pas disposer de suffisamment d'éléments permettant d'harmoniser les modalités de ce calcul entre les différents Etats membres.
Votre commission juge également nécessaire que la directive précise qu'une charge financière résultant d'obligations nationales de service universel excédant le minimum requis par la directive communautaire peut légitimer un fonds de compensation . Ceci consacrerait le respect, par la Commission, du principe de subsidiarité : serait ainsi pleinement reconnue la liberté, pour chaque Etat membre, de déterminer le périmètre du service universel postal, dans le respect du cadre légal communautaire. Ce point est particulièrement important pour la France, qui a choisi une version extensive du service universel, reposant sur une distribution du courrier six jours sur sept -sauf exceptions- au lieu de cinq, des envois de colis jusqu'à vingt kilos au lieu de dix... Il est utile d'apporter cette précision dans la mesure où la Commission elle-même relève, dans son étude d'impact, que la directive ne spécifie pas si peut légitimement être compensée une charge résultant d'obligations de service universel excédant le socle communautaire 25 ( * ) .
C'est pourquoi la proposition de résolution qui vous est soumise exprime le souhait que la Commission européenne précise les principes de calcul du coût du service universel et reconnaisse aux Etats membres le droit de compenser la charge induite par les obligations de service universel qu'ils se seront fixées dans le respect de la directive postale .
2. Garantir un financement aussi efficace et sûr que le secteur réservé
L'étude menée par PWC pour la Commission reconnaît que la suppression du secteur réservé pourrait avoir un impact sur la viabilité financière des prestataires du service universel postal. La Commission elle-même envisage que les Etats compensent, si cela s'avère nécessaire et proportionné, les coûts, contraires à la logique économique, de la fourniture du service universel, selon des modalités moins perturbantes pour le marché intérieur que le maintien des monopoles.
a) Sans secteur réservé, quelle viabilité pour le service universel ?
Dans le segment de marché où il se trouve en situation de monopole, l'opérateur de service universel pratique un tarif unique qui est inférieur au coût de ses obligations de service universel dans certaines zones géographiques, où l'habitat est dispersé sur de grandes étendues, mais qui est supérieur au coût du service universel en zones denses. La péréquation tarifaire consiste donc en un système de subventions croisées , non pas entre produits mais entre zones, les zones rentables subventionnant les zones non rentables, ce qui permet un financement interne, simple et efficace du service universel.
La perspective de la suppression de ce mode de financement du service universel remet en cause ce schéma. La Commission a identifié diverses mesures complémentaires susceptibles de contribuer à la sauvegarde du service universel dans un univers où le service réservé aurait disparu. Parmi ces mesures, figurent les efforts de productivité que déploiera le prestataire du service universel sous la pression des forces du marché, une liberté commerciale accrue pour cet opérateur de service universel, une diversification de leurs activités pour multiplier les sources de revenus, la mise en oeuvre d'un régime de charge d'accès (tarification de l'accès au réseau du prestataire du service universel)... Ces mesures d'accompagnement pourraient réduire le poids financier des obligations de service universel de telle sorte qu'aucun mécanisme de compensation ne soit requis.
Toutefois , même si elle juge « suffisantes ces mesures pour rendre possible l'ouverture du marché », la Commission a reconnu que, pour certains pays, un financement complémentaire serait nécessaire.
A cet effet, elle propose des solutions alternatives 26 ( * ) , déjà évoquées plus haut :
- fournir le service universel par d'autres moyens : appel d'offres, répartition des obligations de service universel entre plusieurs opérateurs ;
- compenser le coût net résiduel du service universel par des subventions publiques directes, des redevances sectorielles, un fonds de compensation...
b) Des solutions alternatives insuffisamment analysées
Or l'analyse de chacune de ces solutions n'a pas été menée de manière suffisamment approfondie par la Commission européenne. Son étude prospective concernant l'impact sur le service universel de l'achèvement du marché intérieur des services postaux en 2009 y fait seulement allusion, juste avant sa conclusion. Et l'étude de PWC n'examine ce point que de manière très cursive 27 ( * ) .
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), auditionnée par votre rapporteur, reconnaît ne pas avoir non plus étudié plus avant les divers modes de financement du service universel et rappelle que la mise en oeuvre de systèmes de financement externes du service universel n'est pas un objectif en soi, l'ouverture complète des marchés postaux pouvant être "soutenable" sans qu'il soit indispensable de recourir à de tels mécanismes. Elle juge notamment probable que La Poste saura adapter ses coûts dans les zones denses pour faire face à une concurrence accrue dans ces zones.
Seul le groupe de travail européen sur la régulation du secteur postal (CERP) a entrepris une réflexion sur le financement du service universel . Dans cette perspective, il a procédé à une enquête dans les différents pays membres, qui atteste de la variété des modalités actuelles de financement du servie universel, parmi lesquelles n'est recensé qu'un seul exemple opérationnel de fonds de compensation. Ce groupe a également relevé que la connaissance de l'impact de ces divers moyens de financement était lacunaire. Il n'a toutefois pas encore pu l'enrichir pour le moment, dans la mesure où la première étape de sa réflexion consistait à dresser un tableau de l'existant et ouvrait sur une approche encore très embryonnaire des effets des différents modes de financement sur le prestataire du service universel et sur ses concurrents.
c) Éléments pour ouvrir un débat sur les modes de financement du service universel
Il apparaît donc indispensable d'approfondir plus avant la réflexion sur les différentes modalités de financement du service universel et leur plus ou moins grande adaptation à chaque situation nationale.
A l'article 15 de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, la France a choisi d'insérer un article L. 2-2 dans le code des postes et des communications électroniques pour mettre en place, à titre prévisionnel, un fonds de compensation du service universel postal. Son activation dépend d'une décision du Ministre chargé des postes, prise « après un avis public de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sur une demande du prestataire du service universel établissant, sur la base des données comptables visées au 6° de l'article L. 5-2, qu'il supporte une charge financière inéquitable imputable à ses obligations de service universel ». Ce fonds serait alimenté par une taxe assise sur le chiffre d'affaires réalisé dans le champ du service universel défini à l'article L. 1, à l'exclusion de celui réalisé dans le cadre des activités de transport et de distribution de la presse ou au titre des prestations réalisées ou facturées dans le champ du service universel pour le compte d'opérateurs tiers.
Il s'agissait pour le législateur d'assurer a priori un financement des obligations de service universel, sur un modèle largement inspiré de celui retenu pour le service universel des communications électroniques. Cette disposition était donc plus préventive que prospective et se fondait sur la possibilité ouverte par l'article 9 de la directive 97/67/CE. Une analyse plus poussée des divers modes possibles de financement du service universel serait assurément bienvenue pour confirmer le bien-fondé, pour le cas français et pour le secteur postal, du choix opéré par le législateur français en 2005 et proposé par le législateur communautaire dans la directive de 1997.
Quelques éléments susceptibles de nourrir cette réflexion sont fournis par l'étude que le cabinet Oxera a menée pour plusieurs opérateurs postaux européens, afin d'évaluer les différents mécanismes permettant de financer les obligations de service universel , en mettant l'accent sur leur mise en oeuvre possible dans le secteur postal.
Cette étude, après avoir souligné l'enjeu que constitue la détermination du coût des obligations de service universel postal, montre que la réponse à la question du choix des modalités du financement dépend des priorités de la régulation postale . Il est ainsi proposé d'évaluer l'efficacité de différents mécanismes de financement au regard de huit critères, dont la pondération différera dans chaque Etat membre :
- leur efficacité économique , qui recouvre leur efficacité allocative (ce mode de financement rend-il capable le prestataire du service universel d'orienter ses prix vers les coûts ?), leur efficacité productive (les coûts de production seront-ils tirés le plus possible vers le bas ?) et leur efficacité dynamique (ce mode de financement incite-t-il les entreprises à innover ?) ;
- la neutralité concurrentielle : dans quelle mesure le mécanisme empêche-t-il ou non l'entrée de concurrents plus efficaces que l'opérateur historique ?
- l'équité sociale : le mode de financement pèse-t-il équitablement sur les opérateurs et/ou les consommateurs, pour lesquels un prix abordable est exigé ?
- la compatibilité avec les règles communautaires sur les aides d'Etat, précisées par l'arrêt Altmark rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 24 juillet 2003 28 ( * ) ;
- la transparence des modes de calcul du coût et des contributions, c'est-à-dire l'opposabilité du mécanisme de financement ;
- la facilité de mise en oeuvre du mécanisme ;
- la proportionnalité du mécanisme, à savoir génère-t-il un revenu couvrant le coût net des obligations de service universel ?
- la sécurité financière : le mécanisme repose-t-il sur des règles durables et permet-il un financement pérenne, autorisant des investissements de long terme?
A partir de ces critères, qu'il a jugés éclairants, et des éléments de synthèse de l'étude d'Oxera qu'il a pu recueillir, votre rapporteur a élaboré le tableau ci-dessous afin de proposer une première grille de lecture des divers modes de financement du service universel proposés par la Commission européenne :
Efficacité éco |
Neutralité concurrentielle |
Equité sociale |
Compatibilité aides d'Etat |
Transparence |
Mise en oeuvre |
Proportionnalité |
Sécurité financière |
|
Secteur réservé |
- |
- |
+ |
+ |
- |
++ |
-- |
++ |
Fonds de compensation |
++ |
++ |
+ |
+ |
- |
-- |
+ |
+ |
Subvention publique |
+ |
+ |
++ |
- |
- |
+ |
- |
- |
Pay or play |
++ |
++ |
+ |
+ |
- |
- |
+ |
- |
Taxe sur les charges d'accès 29 ( * ) |
+ |
- |
- |
+ |
+ |
+ |
+ |
- |
Appel d'offres |
++ |
++ |
+ |
+ |
+ |
-- |
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Cette grille schématique n'a pas pour objet de trancher le débat mais plutôt de l'ouvrir , d'autant que les appréciations qui y sont portées méritent d'être nuancées selon les modalités exactes retenues. En tout état de cause, la pondération donnée à chacun de ces critères et donc le choix final du mode de financement le plus adapté du service universel relèvent d'un arbitrage politique national. En effet, chaque mode de financement présente des aspects positifs et négatifs à l'aune des divers critères identifiés,
Par exemple, s'agissant du fonds de compensation, solution retenue par avance par le législateur français, plusieurs hypothèses existent en théorie, le fonds pouvant être alimenté par une taxe sur le chiffre d'affaires, comme prévu dans la loi de régulation postale adoptée en 2005, mais aussi par une taxe sur le profit, par une taxe à l'objet 30 ( * ) ...taxe susceptible de peser sur tous les opérateurs ou sur les seuls entrants selon que le fonds est destiné à compenser la charge brute ou la charge nette du service universel.
L'assiette fiscale retenue a également son importance : trop large, elle risque d'entraîner une taxation disproportionnée des opérateurs postaux et de générer d'importantes distorsions de marché ; trop étroite, elle pourrait empêcher de lever suffisamment de fonds, à moins d'être associée à des taux de taxation élevés, alors susceptibles de constituer une barrière à l'entrée pour des opérateurs alternatifs, même plus efficaces que l'opérateur historique. Quand bien même l'assiette fiscale aurait été définie au plus juste en s'appuyant sur le revenu tiré des produits et zones les plus rentables, la sécurité financière du fonds de compensation ne serait pas assurée dans la mesure où l'assiette fiscale pourrait se réduire petit à petit, par exemple du fait de la concurrence de produits substituts (courrier électronique) qui ne sont pas taxés au titre des obligations de service universel.
Si l'étude d'Oxera relève les vertus d'un fonds de compensation assis sur une taxe sur le chiffre d'affaires correctement définie, en termes d'efficacité productive, allocative et dynamique et en termes de neutralité concurrentielle, elle souligne la nécessité, pour le régulateur, de tenir compte, lors de la définition du niveau de taxation, des éventuels gains d'efficacité possibles de la part de l'opérateur historique afin de ne pas l'enfermer dans ses inefficacités par une taxe frappant les nouveaux entrants de manière disproportionnée . D'autres difficultés de mise en oeuvre sont mises en avant, au premier rang desquelles figure le délicat contrôle, par le régulateur, des revenus issus des services inclus dans l'assiette fiscale.
Il ne s'agit pas ici de passer en revue tous les modes de financement possibles. Mais, de même qu'il semblait intéressant à votre commission de s'attarder sur le fonds de compensation, en raison de son existence dans les textes légaux, il lui apparaît utile d'examiner les caractéristiques du mécanisme « pay or play » aujourd'hui préconisé par La Poste.
Ce mécanisme consiste à partager le coût ou les obligations du service universel entre tous les opérateurs. Si un opérateur décide de proposer les prestations du service universel dans une zone non rentable, sa contribution au fonds de compensation est réduite d'autant.
L'avantage de ce système est de permettre la concurrence dans les zones où elle ne se développerait pas spontanément . S'il est correctement défini -ce qui n'est toutefois pas simple dans la mesure où le niveau de taxation doit permettre de financer une partie des obligations de service universel mais influe en même temps sur la décision des opérateurs alternatifs d'entrer ou non sur les zones non rentables-, ce mécanisme est donc très performant au regard des critères d'efficacité et de neutralité correctionnelle : il garantit la fourniture effective du service universel sans bloquer l'émergence de nouveaux opérateurs.
Néanmoins, la sophistication du système rend sa mise en oeuvre délicate . En outre, selon le cabinet Oxera, ce mécanisme suscite plusieurs difficultés au regard des critères de transparence et de sécurité financière , ce qui pourrait expliquer qu'aucun cas opérationnel de « pay or play » n'ait pu être trouvé.
Il semble en tout cas qu'un tel mécanisme soit plus apte à financer le service universel dans un pays où le périmètre du service universel est grand et donc lorsque les bénéfices associés à l'introduction de la concurrence dans les zones à forts coûts sont en mesure de compenser le coût important d'administration du système. La France relève sans doute de ce cas de figure, puisque le périmètre du service universel postal français est l'un des plus étendus en Europe et a été confirmé par le récent décret n°2007-29 du 5 janvier 2007 relatif au service universel postal.
En tout état de cause, ce tableau met au jour les avantages comparatifs du secteur réservé, qui se distingue par sa facilité de mise en oeuvre et la sécurité financière qu'il procure. Votre commission relève que le secteur réservé apparaît particulièrement adapté au cas français, où la géographie induit un différentiel de coût très important entre les zones rentables et non rentables, dans la mesure où il protège d'un écrémage massif dans les zones les plus rentables (urbaines). La question soulevée est alors de savoir si la concurrence écartée du fait de l'existence du secteur réservé génèrerait l'entrée d'opérateurs inefficaces ou favoriserait des pratiques d'écrémage plutôt que l'innovation et des gains de productivité.
3. Reconnaître aussi les missions de service public assignées à l'opérateur de service universel
S'il est essentiel de garantir le périmètre du service universel, il l'est tout autant de permettre à chaque Etat membre de compléter ce périmètre par des exigences de service public. En effet, le service universel constitue un socle garanti à tous les citoyens de l'Union mais il ne correspond pas nécessairement au périmètre du service que chaque Etat membre veut assurer à ses citoyens.
De fait, la France, pour des raisons à la fois géographiques et historiques, s'en remet à La Poste pour des missions de service public qui débordent les seules exigences communautaires.
Ainsi, La Poste est chargée du service public de transport de presse . Malgré la contribution de l'Etat, le déficit de la distribution de la presse a représenté 500 millions d'euros en 2005. Cette subvention déguisée à la presse repose sur les conditions tarifaires particulières que La Poste consent pour rendre ce service : si le service lui-même du transport de presse relève du service universel communautaire, sa tarification spéciale relève pour sa part d'une mission de service public qu'il convient de nommer et de financer durablement.
La Poste assume également une mission d'aménagement du territoire que la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales a eu le mérite d'identifier comme étant complémentaire aux obligations d'accessibilité qui s'imposent à La Poste au titre du service universel.
Le récent décret n° 2007-29 du 5 janvier 2007 relatif au service universel postal fixe en ces termes l'obligation de présence postale au titre de l'accessibilité du service universel : « au moins 99 % de la population nationale et au moins 95 % de la population de chaque département doit être à moins de 10 kilomètres d'un point de contact et les communes de plus de 10000 habitants doivent disposer d'au moins un point de contact par tranche de 20 000 habitants ». Selon l'ARCEP, ce maillage correspond à 7500 points de vente en France.
La mission d'aménagement du territoire qu'assume La Poste au titre du service public vient compléter ce maillage minimal. La loi de 2005 précitée prévoit ainsi que 90 % de la population se situe à moins de 5 kilomètres et 20 minutes d'un point de contact de La Poste : le surplus de présence territoriale ainsi exigé correspond à un service public qui doit être reconnu et sécurisé aux plans juridique et financier.
Enfin, La Poste assume, à travers la Banque postale, une mission de banque pour tous, dans la mesure où elle n'a pas le droit de refuser à quiconque l'ouverture d'un livret A et du fait de la très grande accessibilité de ce livret grâce à la présence physique de La Poste, soit en zone rurale, soit en zones urbaines sensibles. La clientèle de La Poste sur le livret A est d'ailleurs très populaire : 13 millions des 23 millions de livrets A ont un encours moyen inférieur à 150 euros (ce qui représente en cumulé 0,7 % de l'encours global) et effectuent pourtant la moitié des opérations totales.
La Poste participe donc de la cohésion sociale, en évitant l'exclusion bancaire. Il est notable, à cet égard, que l'activité des plus petits points de contact postaux relève plus des services financiers que du courrier, ce qui atteste bien que la mission assurée par le réseau de La Poste dépasse la seule problématique du courrier dont traite la proposition de directive.
Votre commission souhaiterait donc que le Gouvernement obtienne de la Commission européenne l'assurance que les Etats membres peuvent aussi confier des missions de service public aux opérateurs déjà chargés du service universel. Leur financement sur fonds publics doit être sécurisé et relève incontestablement d'un autre mécanisme que le financement du service universel 31 ( * ) .
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Lors de sa réunion du mercredi 31 janvier 2007, votre commission des affaires économiques a examiné le texte présenté par son rapporteur. Après y avoir apporté plusieurs modifications, au vu des amendements déposés, elle a adopté la proposition de résolution dont le texte suit. |
* 12 Dix entreprises ont été à ce jour autorisées par l'ARCEP à exercer des activités de transport de correspondance.
* 13 Les volumes traités sont encore limités (25 millions de plis par an contre 19 milliards pour La Poste), mais Adrexo est le seul opérateur alternatif offrant une couverture géographique quasiment nationale en matière de distribution.
* 14 Résultant de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
* 15 Au point 5.2 de cette étude déjà citée.
* 16 Rapport d'information du Sénat n° 42 (1997-1998) « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique » de M. Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques.
* 17 Contre 42% en 2005.
* 18 Les particuliers et petits professionnels réalisent seulement 9 % du chiffre d'affaires courrier de La Poste.
* 19 Rapport d'information de l'Assemblée nationale n°3497 (2006-2007) sur l'ouverture totale du marché postal en Europe de M. Jean Proriol au nom de la commission des affaires économiques.
* 20 A cet égard, la densité démographique (mesurée en nombre d'habitants au km2) est de 112 en France, 231 en Allemagne, 244 au Royaume-Uni, 22 en Suède et 31 aux USA, selon les données fournies par l'ARCEP à votre rapporteur.
* 21 Page 155 du rapport de PWC, disponible, exclusivement en anglais, à l'adresse suivante :
http://ec.europa.eu/internal_market/post/doc/studies/2006-impact-report_en.pdf
* 22 Id. page 169.
* 23 Selon les informations recueillies par votre rapporteur, un seul l'aurait fait.
* 24 Aux termes de l'article R. 1-1-14 du codes des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction issue du décret n°2007-29 du 5 janvier 2007, «La Poste présente une comptabilité analytique comportant des comptes séparés pour chacun des services dont l'exclusivité lui est réservée et distinguant, parmi les autres services, ceux qui relèvent de l'offre de service universel, de la mission de transport de la presse (...) et de ses autres activités. »
* 25 Page 15 de l'étude d'impact de la Commission européenne accompagnant la proposition de directive -COM(2006) 594- : «the Directive does not specify whether a burden resulting from universal service obligations in excess of the minimum required by the Directive may be considered a justification for a compensation fund".
* 26 Article 7 de la proposition de directive.
* 27 Pages 162 sq.
* 28 Une subvention publique est autorisée à quatre conditions : premièrement, l'entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies ; deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente ; troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service publics, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations ; quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.
* 29 Ce mécanisme repose sur la taxation de la charge d'accès (offre de gros) qui permet à l'entrant d'avoir accès au réseau de distribution de l'opérateur historique.
* 30 Comme pratiqué notamment dans le secteur énergétique sous la forme d'une surcharge par unité d'électricité ou de gaz consommée par les clients, ce qui implique une connaissance et un contrôle fins des volumes par le régulateur.
* 31 A cet égard, il convient de relever que la Commission européenne a déjà approuvé des compensations de service public en février 2006 pour la poste britannique, en septembre 2006 pour la poste italienne et en novembre 2006 pour la poste suédoise.