EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 19 septembre 2007.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Robert Bret a estimé que, si la lutte contre le terrorisme constituait une réelle priorité, elle n'en devait pas moins respecter les libertés fondamentales. A cet égard, l'allongement de la liste des infractions « dépolitisées » effectuée par le présent Protocole posait un problème en matière de libertés publiques qui conduirait son groupe à s'abstenir. M. André Rouvière, rapporteur , a estimé en réponse que le mérite de ce texte était de permettre la mise en cause, non seulement des exécutants, mais également des instigateurs des actes terroristes. Seule, une action concertée des pays membres du Conseil de l'Europe était de nature à restreindre le nombre des territoires constituant des sanctuaires pour les terroristes.
Puis la commission a adopté le projet de loi.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification du protocole portant amendement à la convention européenne pour la répression du terrorisme, fait à Strasbourg le 15 mai 2003 et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )
ANNEXE I - ÉTUDE D'IMPACT3 ( * )
- Relation avec le droit interne
La France est dotée d'une législation anti-terroriste spécifique. La loi du 9 septembre 1986 en constitue la clef de voûte. Tous les actes de terrorisme ont été érigés en infractions autonomes punies de peines aggravées. L'activité terroriste est généralement appréhendée en combinant l'existence d'un crime ou délit de droit commun limitativement énuméré dans une liste avec « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Toutefois, certaines infractions, telles que l'acte de terrorisme écologique, l'association de malfaiteurs terroristes et le financement du terrorisme, font désormais l'objet d'une incrimination spécifique. Les actes de terrorisme sont incriminés par les articles 421-1 à 421-5, et 422-1 à 422-7 du Code pénal.
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En outre, le droit de l'extradition en France est fondé sur le principe, issu de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers selon lequel la France n'accorde pas l'extradition pour des infractions à caractère politique. Ainsi aux termes de l'article 696-4 2° du code de procédure pénale : « « l'extradition n'est pas accordée...lorsque le crime ou le délit a un caractère politique (...) ».
Lors du dépôt de son instrument de ratification de la Convention, la France s'est réservée la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 13, afin de concilier l'application de l'instrument avec l'exigence constitutionnelle tenant au respect des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au nombre desquels figure le principe selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour des infractions à caractère politique.
Cette question, même si elle est particulièrement sensible en droit français, a changé de nature à la faveur de l'évolution de la jurisprudence. Depuis l'arrêt Croissant du Conseil d'Etat de 1978, la particulière gravité des faits reprochés à une personne pour laquelle l'extradition est requise, les empêche d'être considérés comme des infractions ayant un caractère politique. Cette jurisprudence constante trouve à s'appliquer pour les actes de terrorisme en raison de leur extrême gravité. Les actes de terrorisme peuvent donc être regardées comme des infractions dépolitisées.
Il convient de noter que la dépolitisation des actes de terrorisme est également inscrite dans les instruments onusiens récents en vigueur pour la France telles la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif du 12 janvier 1998 (article 11), la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme du 9 décembre 1999 (article 14) ou la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire du 13 avril 2005 (article 15).
Les infractions dépolitisées établies par les conventions des Nations-Unies visées à l'article 1 er du Protocole, telles que mises en oeuvre par la France correspondent à des agissements d'une particulière gravité auxquels la jurisprudence refuse ou refuserait manifestement la qualification d'infractions politiques.
Par ailleurs, il apparaîtrait paradoxal de se réserver la possibilité de refuser l'extradition d'une personne condamnée ou suspectée de l'une des infractions prévues par les conventions anti-terroristes des Nations unies, alors même que la France ne pourrait le faire pour des actes de financement des mêmes agissements, en application de la convention pour la répression du financement du terrorisme du 9 décembre 1999, à laquelle aucune réserve n'a été émise.
Compte tenu de ces éléments, il n'existe pas de motif d'ordre juridique de nature à faire obstacle à l'approbation sans réserve par la France du Protocole à la convention européenne de 1977.
En tout état de cause, l'article 16 de la Convention révisée permet maintenant aux Etats parties d'émettre des réserves les autorisant à refuser l'extradition pour toute infraction qu'ils considèrent comme une infraction politique, la portée de la clause de dépolitisation ne saurait être regardée comme constituant un obstacle à l'approbation du Protocole.
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Le droit de l'extradition contient un autre principe fondamental, celui selon lequel la France n'accorde pas l'extradition lorsqu'elle est demandée dans un but politique. Ainsi l'article 696-4 2° du code de procédure pénale prévoit également que : « l'extradition n'est pas accordée(...) lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique ».
Le Protocole ne comprend pas de stipulation contraire à ce principe dès lors que son article 4 maintient une clause de non-discrimination permettant de refuser les extraditions demandées dans un but politique.
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Enfin, l'article 4 du Protocole permet aux Etats de refuser l'extradition lorsque la personne extradée risquerait d'être exposée, dans le pays requérant, à la peine de mort ou une peine privative de liberté à perpétuité sans possibilité de remise de peine.
Une telle stipulation est conforme à « l'ordre public français » et notamment à l'article 696- 4, 6° du code de procédure pénale aux termes duquel : « L'extradition n'est pas accordée (...) lorsque le fait à raison duquel l'extradition est demandée est puni par la législation de l'Etat requérant d'une peine ou d'une mesure de sûreté contraire à l'ordre public français », ce qui couvre l'hypothèse dans laquelle la peine de mort est encourue.
S'il a été constamment jugé que l'ordre public français ne comprend pas de restriction au droit de l'extradition relative aux peines privatives de liberté à perpétuité sans possibilité de remise de peine, l'article 4 du Protocole qui ouvre la possibilité aux Etats de refuser d'extrader quelqu'un qui pourrait être exposé à ce type de mesure, n'est pas contraire au droit interne dès lors que le dit article n'en fait pas une obligation pour les Etats parties mais une simple possibilité.
- Conséquence financière
Le Protocole n'aura pas de conséquence financière au plan national.
- Conséquence pour l'économie
Le Protocole n'aura aucune conséquence pour l'économie.
Relation avec le droit européen
Emanant du Conseil de l'Europe et élaborée en relation étroite avec les Etats membres de l'Union européenne qui ont participé activement aux négociations de cet instrument, le Protocole est compatible avec le droit européen. En effet, lors des négociations du Protocole, les pays membres de l'Union européenne ont apporté toute leur attention à ce qu'aucune clause ne puisse se révéler incompatible ou présenter une difficulté en relation avec les instruments européens en vigueur, notamment la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, qui s'est substituée à l'application des conventions d'extradition dans les relations entre les Etats membres de l'Union européenne.
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Ainsi, ce Protocole améliore l'efficacité de l'extradition en matière de terrorisme mais ne change pas la nature de la Convention mère. Ce Protocole ne contient pas de dispositions nouvelles susceptibles d'affecter le droit interne. Par conséquent, aucune transposition n'est nécessaire.
* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 178 (2006-2007)
* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.