II. LE SUCCÈS DE LA POLITIQUE FAMILIALE TIENT À SON ADAPTATION AUX BESOINS PARTICULIERS DE CHAQUE FAMILLE
La comparaison des taux de fécondité en Europe montre que la politique familiale française est une réussite. En 2006, la France a connu un taux de fécondité de deux enfants par femme, devenant ainsi avec l'Irlande le pays le plus fécond d'Europe. Par comparaison, des pays qui connaissent un niveau de richesse par habitant égal à celui de la France, comme l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne traversent une crise démographique qui se traduit par des taux de fécondité ne dépassant pas 1,4 enfant par femme.
Nombre d'enfants par femmes en 2005 |
|||||||
Moyenne UE à 25 |
Allemagne |
Belgique |
Espagne |
France |
Great Britain |
Irlande |
Italie |
1,5 |
1,4 |
1,6 |
1,4 |
2 |
1,6 |
2 |
1,4 |
Le modèle familial français repose sur l'activité professionnelle des femmes : 80 % des femmes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans avaient en 2006 une activité professionnelle. L'hypothèse sur laquelle repose ce modèle, qui semble paradoxale au premier abord, est que la famille a plus de chances de se développer si elle dispose de deux revenus.
La politique familiale française cherche donc à concilier la vie familiale et la vie professionnelle, en créant les conditions qui permettent aux parents de pouvoir choisir la manière dont ils souhaitent prendre en charge leurs enfants. En instaurant une grande liberté pour les parents, elle favorise ainsi le travail des femmes tout en facilitant le développement des familles.
A. L'AIDE AUX PARENTS DE JEUNES ENFANTS EST FONDÉE SUR LE PRINCIPE DU LIBRE CHOIX
1. La réussite de la Paje est celle du libre choix
a) La Paje est l'aboutissement de vingt années de réformes
Depuis 1985, les prestations liées à la petite enfance ont connu une réforme tous les trois ans. La politique familiale a progressivement mis en place un ensemble de dispositifs qui ont levé les obstacles, notamment financiers, au désir d'enfant. Le fil rouge de l'évolution des prestations a été l'instauration du libre choix des parents :
- donner le libre choix d'avoir des enfants, par une compensation du coût de la venue de l'enfant dans le foyer ;
- permettre le libre choix du mode de garde, par le développement des structures d'accueil ;
- faciliter le libre choix de garder soi-même ses enfants, par un desserrement de la contrainte financière.
L'instauration de la Paje a permis de réunir en une prestation unique l'ensemble des allocations destinées à la petite enfance. Elle est ainsi devenue, depuis le 1 er janvier 2004, la seule prestation familiale consacrée à l'arrivée d'un enfant au foyer et à sa garde ; elle regroupe et transforme toutes les prestations créées depuis 1985. L'allocation à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (Afeama) et l'allocation pour la garde d'enfant à domicile (Aged), qui sont encore versées pour les enfants nés entre 2001 et 2003, prendront fin le 1 er janvier 2010.
La Paje soutient financièrement les familles dans leur vie quotidienne, sur les questions de naissance, d'adoption, de mode de garde et de conciliation de la vie familiale et professionnelle. Elle comprend donc:
- une prime à la naissance ou à l'adoption versée sous condition de ressources, au septième mois de grossesse ou à compter de l'arrivée de l'enfant au foyer des adoptants ;
- une allocation de base versée à tous les parents ayant à charge un enfant de moins de trois ans, et qui varie en fonction du niveau des revenus ;
- un complément de libre choix d'activité (CLCA) , versé au parent qui choisit de ne pas exercer d'activité professionnelle ou qui travaille à temps partiel pour s'occuper d'un enfant de moins de trois ans ;
- un complément de libre choix du mode de garde (CLMG) , attribué jusqu'aux six ans de l'enfant, lorsque celui-ci est gardé par une assistante maternelle agréée ou par une employée à domicile. Il prend en charge les cotisations sociales (100 % pour une assistante maternelle et 50 % pour une garde à domicile dans la limite d'un plafond) et une partie de la rémunération versée au salarié, dans la limite d'un plafond variable en fonction des revenus du ménage ;
- un complément optionnel de libre choix d'activité (Colca) ouvert aux parents d'au moins trois enfants à charge, dont l'un a moins de trois ans. Il vise à favoriser le retour à l'emploi des parents qui prennent un congé pour s'occuper de leurs enfants, en leur offrant une meilleure rémunération que l'actuel CLCA (759 euros au lieu de 530 euros) mais sur une période plus courte, puisqu'à la différence du CLCA, versé jusqu'aux trois ans de l'enfant, le Colca cesse à son premier anniversaire. Il est attribué uniquement en cas d'arrêt total de l'activité professionnelle et peut être partagé entre les parents.
b) Les différents éléments de la Paje répondent à des besoins distincts
La croissance continue, depuis 2004, de l'ensemble des prestations de la Paje prouve que ces prestations répondent chacune à un besoin particulier.
La montée en charge de la prime à la naissance ou à l'adoption s'est achevée en 2005. Elle représente une dépense de l'ordre de 620 millions d'euros par an. De 50 000 à 55 000 familles sont bénéficiaires chaque mois de la mesure.
En 2007, l'allocation de base sera versée à 1,9 million de familles, soit trois fois plus qu'en 2004. Elle représentera un coût de 4 milliards d'euros, contre 750 millions trois ans plus tôt.
S'agissant des compléments de la Paje , la hausse du nombre de bénéficiaires, certes moins spectaculaire, est néanmoins sensible.
• Le complément de libre choix du mode de
garde compte 58 000 bénéficiaires de plus que les
anciennes Aged et Afeama réunies. Le recours à un mode de garde
payant a donc augmenté de 8,5 %, du fait de la meilleure
solvabilisation permise par la Paje.
Nombre de bénéficiaires de la Paje |
|||||
(en milliers) |
|||||
2004 |
2005 |
2006 |
2007* |
2008* |
|
Prime |
55 |
56 |
56,0 |
56 |
56 |
Allocation de base |
690 |
1 332 |
1 890,0 |
1 908 |
1 927 |
Complément d'activité |
186 |
415 |
611,0 |
621 |
627 |
Complément de garde |
112 |
317 |
516,0 |
631 |
695 |
* prévisions réalisées par la Cnaf en date du 22 août 2007 Source : Cnaf |
• Le complément de libre choix
d'activité concerne 44 000 bénéficiaires de plus
que l'ancienne APE, malgré des conditions d'activité plus
exigeantes. Son succès résulte de l'octroi du congé
parental dès le premier enfant et d'une meilleure indemnisation du
congé à temps partiel. A la fin du mois de décembre 2006,
les bénéficiaires du CLCA étaient 586 000, pour
un coût de 1,9 milliard d'euros ;
• Le complément optionnel de libre choix
d'activité connaît une croissance plus
modérée : au 31 mars 2007, seuls 1 814 parents en
bénéficiaient. Trois raisons expliquent cette situation : le
dispositif est très récent et n'est ouvert qu'aux enfants
nés depuis le 1
er
juillet 2006 ; le
complément n'est pas cumulable avec les indemnités
journalières maternité dont la mère
bénéficie pendant seize semaines après la naissance sauf
durant le dernier mois de versement, qui est celui d'octobre 2006 pour les
enfants nés le 1
er
juillet 2006, le Colca n'est donc
effectif que depuis quelques mois ; les parents peuvent enfin anticiper
des difficultés à trouver une solution de garde ultérieure
après le premier anniversaire de l'enfant et préférer le
CLCA classique de trois ans.
2. L'accueil des enfants de moins de trois enfants peut être encore amélioré
a) La majorité des enfants de moins de trois ans sont gardés par leurs parents
Selon les données de la Cnaf, 55 % des enfants de moins de trois ans sont gardés par leurs parents. Lorsque les deux parents travaillent à temps complet, la situation est légèrement différente : 72 % des enfants de moins de trois ans sont alors pris en charge par un mode d'accueil payant et seulement 28 % sont gardés par leurs parents. La flexibilité du temps de travail, et en particulier le développement des horaires décalés, explique en grande partie cette pratique.
Au total, en 2006, environ 1,1 million d'enfants de moins de trois ans sont couverts par une prestation permettant le recours à un mode de garde payant ou accompagnant le retrait total ou partiel du marché du travail d'un des parents : cela représente seulement 47 % des enfants de cette classe d'âge. Parmi ces bénéficiaires, 48 % des familles jouissent d'une prestation accompagnant le retrait d'activité (CLCA ou APE à taux plein ou réduit) et 39 % bénéficient d'une prestation (CMG ou Afeama - Aged) aidant à financer l'accueil chez une assistante maternelle ou la garde payante à domicile.
b) Les structures d'accueil sont inégalement réparties sur le territoire
Même si les prestations légales et les subventions accordées aux établissements d'accueil collectifs sont versées suivant les mêmes règles sur l'ensemble du territoire, des disparités territoriales importantes existent.
En matière d'accueil collectif, le taux d'équipement est très variable selon les départements : il varie de deux à trente et une places pour cent enfants de moins de trois ans. Trois départements situés en Ile-de-France (Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne) disposent d'un nombre moyen de places supérieur à vingt. A l'inverse, vingt-cinq départements, situés plutôt dans la moitié nord de la France comptent moins de six places pour cent enfants de moins de trois ans.
Nombre de places d'accueil collectif pour cent enfants de moins de trois ans en 2005
c) L'effort en faveur de l'accueil des jeunes enfants doit être poursuivi, mieux ciblé et mieux évalué
L'accueil des jeunes enfants a connu depuis 2000 une progression importante avec la mise en place de cinq dotations spécifiques visant à soutenir l'investissement des structures d'accueil de la petite enfance :
- le fonds d'investissement à la petite enfance (Fipe), mis en place en septembre 2000, et doté de 228,7 millions d'euros ;
- l'aide exceptionnelle à l'investissement (AEI), instaurée en mai 2002, et également pourvue de 228,7 millions d'euros ;
- le dispositif d'aide à l'investissement petite enfance (Daipe), engagé en avril 2004, pour un montant de 200 millions d'euros ;
- le dispositif d'investissement pour la petite enfance (Dipe), lancé en juillet 2005 avec un financement de 165 millions d'euros ;
- le plan petite enfance, annoncé le 7 novembre 2006, et qui bénéficie d'un engagement financier de l'Etat à hauteur de 56,55 millions d'euros.
Chaque plan s'est vu assigné un objectif toujours plus ambitieux, afin de répondre à la demande croissante de la part des familles.
Réalisation du Fipe |
|||||||
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
|
Montants engagés* |
178 774 |
8 281 |
20 512 |
12 959 |
2 442 |
2 254 |
2 990 |
Montants décaissés** |
26 567 |
39 643 |
48 137 |
42 635 |
27 253 |
18 567 |
nd |
Nombre de projets |
284 |
349 |
307 |
255 |
133 |
100 |
60 |
Nombre de places financées |
5 882 |
7 132 |
6 380 |
6 397 |
4 356 |
2 809 |
1 419 |
Créations de places |
3 546 |
3 600 |
3 493 |
3 925 |
2 496 |
1 378 |
992 |
Réalisation de l'AEI |
||||||
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
|
Montants engagés* |
78 734 |
111 761 |
24 255 |
4 153 |
2 968 |
5 726 |
Montants décaissés** |
3 180 |
21 326 |
46 227 |
50 622 |
44 889 |
nd |
Nombre de projets |
52 |
161 |
296 |
304 |
339 |
172 |
Nombre de places financées |
1 050 |
3 079 |
6 674 |
7 701 |
7 05 |
4 768 |
Créations de places |
542 |
2 018 |
4 028 |
4 548 |
4 626 |
3 181 |
Réalisation du Daipe |
||||
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
|
Montants engagés* |
144 779 |
10 771 |
14 571 |
16 469 |
Montants décaissés** |
2 928 |
19 648 |
36 191 |
nd |
Nombre de projets |
38 |
127 |
271 |
361 |
Nombre de places financées |
893 |
3 065 |
6 886 |
9 748 |
Créations de places |
682 |
1 908 |
4 813 |
6 923 |
Réalisation du Dipe |
|||
2005 |
2006 |
2007 |
|
Montants engagés* |
1 604 |
140 963 |
18 363 |
Montants décaissés** |
0 |
1 823 |
nd |
Nombre de projets |
4 |
59 |
32 |
Nombre de places financées |
64 |
1 389 |
643 |
Créations de places |
42 |
1 123 |
413 |
* Décisions d'attribution, indépendamment des dates prévues pour les éventuels paiements.
** Montants décaissés ou payés arrêtés au 31 décembre 2006. Les montants décaissés pour l'année 2007 ne seront stabilisés qu'en fin d'exercice.
• Le Fipe
visait à augmenter
la capacité d'accueil des enfants de zéro à trois ans, en
subventionnant les projets locaux de création ou d'aménagement
des structures d'accueil à but non lucratif présentés par
les collectivités territoriales et les associations.
• L'AEI
avait pour objectif de
veiller à la continuité des aides du premier fonds, tout en
assurant une répartition plus équilibrée des
crédits sur le territoire national, et en les adaptant : soutien
spécifique à l'accueil des deux-trois ans, à l'accueil
d'urgence et à celui des enfants handicapés.
• Le plan
« crèches » ou
« Daipe »
, toujours en vigueur, vise à
augmenter le nombre de places de près de 10 % pour atteindre
20 000 places supplémentaires en 2007. Il diffère des deux
plans précédents par l'ouverture des financements aux entreprises
privées souhaitant créer des établissements et structures
d'accueil de la petite enfance pour en faire leur principale activité
économique.
•
Le Dipe
permet d'accorder des
crédits d'investissement correspondant à la création de
15 000 places dans des structures d'accueil de la petite enfance.
Enfin, le plan petite enfance prévoit un nouveau programme de création de 40 000 places supplémentaires pour l'accueil des enfants âgés de moins de six ans, à l'horizon 2012, en plus des 72 000 déjà programmées par les précédents plans.
Ce nouveau plan établit des critères qui devraient permettre de mieux cibler les financements vers les régions les moins équipées et les familles les plus vulnérables. Tous les projets, qu'ils soient gérés par des collectivités territoriales, des associations ou des entreprises, relèveront d'une enveloppe unique gérée par chaque Caf. Les projets seront divisés en deux catégories, les crèches de quartier et les crèches de personnel :
- pour les crèches de quartier, trois critères seront utilisés pour hiérarchiser les territoires : l'offre et la demande, la richesse du territoire, la typologie sociale des familles ;
- pour les crèches de personnel, la hiérarchisation s'opèrera en prenant en compte l'écart entre l'offre existante et l'évaluation du besoin.
De plus, comme pour le Daipe, la subvention accordée pour chaque place créée devrait varier selon les modalités suivantes : un socle de base de 6 500 euros par place, une bonification de 1 000 euros pour les créations de places fonctionnant en intercommunalité, et une autre bonification pouvant atteindre 5 000 euros en fonction du potentiel financier de la commune.
Votre commission suivra avec attention la mise en oeuvre de ce plan à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle veillera à ce qu'il réduise effectivement les disparités territoriales et sociales dans l'accès aux structures collectives d'accueil des jeunes enfants.