D. RENDRE ENFIN TRANSPARENTES LES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT DE L'ASSURANCE VIEILLESSE
1. Améliorer l'information du Parlement et de l'opinion publique
La réforme des retraites de 2003 a permis des progrès remarquables dans le domaine de l'information des assurés sociaux sur leur situation individuelle au regard de la retraite. Parallèlement, le Cor a contribué à diffuser une information de qualité sur l'assurance vieillesse. Pourtant, la méconnaissance de ces sujets demeure encore très grande dans l'opinion publique.
• Le groupement d'intérêt public
(Gip) info-retraites
Jusqu'à la réforme des retraites de 2003, les assurés sociaux ne disposaient que tardivement des informations sur le montant et le calcul de leur future pension. La loi du 21 août 2003 a eu notamment pour objectif d'accorder à chacun une plus grande liberté de choix en matière d'âge et de conditions de départ, ce qui a amené à définir un véritable droit à l'information. La création du Gip info-retraite a correspondu à la nécessité de coordonner en ce sens les travaux des trente-six principaux organismes de retraite obligatoire.
Les informations apportées aux assurés consisteront en :
- l'envoi d'un relevé de situation individuelle, à l'initiative des régimes, tous les cinq ans à partir de l'âge de trente-cinq ans et jusqu'à l'âge de cinquante ans ;
- l'envoi d'une estimation indicative globale de pension, à l'initiative des régimes, à partir de l'âge de cinquante-cinq ans, puis tous les cinq ans tant que l'assuré n'est pas retraité ; cette estimation devrait être réalisée, pour chaque régime, à l'âge d'ouverture du droit à pension ainsi qu'à l'âge auquel il pourrait bénéficier de la pension à taux plein.
Près de 1,4 million d'assurés appartenant aux classes d'âge 1949 à 1957 se verront adresser cette année les premiers documents personnalisés issus du droit à l'information individuelle sur la retraite. Une montée en charge progressive des envois par année de naissance est prévue ensuite jusqu'en 2010.
Enfin, le Gip info-retraite donne aux assurés sociaux la possibilité d'accéder à des informations complémentaire par le biais de son site Internet, mais également de son outil de simulation M@rel qui a pour objectif de donner à chacun une idée de sa future retraite, en fonction de ses revenus, quel que soit son âge.
• L'information du Parlement
Grâce à ses pouvoirs de contrôle, la commission des affaires sociales dispose d'une capacité d'investigation inédite sur la question des retraites qui pourrait être renforcé dans deux domaines précis.
Il faudrait d'abord, dans le cadre de l'examen de la loi de finances, améliorer la présentation de la mission « Régimes sociaux et de retraite » qui est consacrée principalement à la SNCF, à la RATP, aux marins et aux mineurs. Les indicateurs choisis portent en effet presque exclusivement sur le suivi des dépenses de gestion, ce qui limite singulièrement la portée de la démarche.
A contrario , les travaux de la direction de la sécurité sociale ont débouché en 2007 sur la réalisation d'une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale consacrée aux retraites. Ce document 49 ( * ) très bien fait représente d'ores et déjà une source d'information précieuse pour les parlementaires. Mais il faudrait y introduire davantage de données sur l'âge moyen de liquidation de la pension, sur le nombre d'années cotisées et validées, sur l'espérance de vie à soixante ans et sur la durée moyenne de la retraite dans les régimes sociaux.
2. Introduire des éléments de comparaison entre les différents régimes et les catégories d'assurés sociaux
Comparer deux régimes de retraite du point de vue du rendement nécessite de disposer d'indicateurs qui reflètent la valeur des régimes selon leurs adhérents. Or, les régimes de retraite peuvent être considérés comme des mécanismes permettant de transférer des revenus vers l'avenir. Leur utilité pour les individus dépend donc du bénéfice actualisé qu'ils en retirent, si l'on suppose que les individus sont suffisamment informés et qu'ils sont libres de choisir le régime auquel ils adhèrent. Dans ce cadre, les indicateurs qui paraissent les plus valables sont des indicateurs financiers de type taux de rendement interne ou bénéfice actualisé.
L'obstacle fondamental auquel se heurte la comparaison des régimes, en termes de rendement, est la mesure d'un « effort contributif » dans les différents régimes. Si une telle mesure est relativement simple dans le secteur privé en dehors des périodes de chômage et de quelques autres dispositifs spécifiques de validation, elle semble plus délicate dans le secteur public. Aujourd'hui encore les données chiffrées sur les retraites ne permettent, que d'approcher empiriquement le « rendement » des différents régimes entre eux 50 ( * ) .
Il n'existe pas de publication officielle consacrée spécifiquement à l'étude de cette question. Les travaux du Cor réalisés en 2001 et le rapport Charpin de 1999 ont certes abordé le sujet. Mais ces éléments apparaissent aujourd'hui anciens et contestés. On observera également que, dans son rapport public particulier d'avril 2003, la Cour des comptes s'est intéressée aux pensions des fonctionnaires civils de l'Etat, mais sans portée comparative, sauf sur l'âge de cession d'activité des fonctionnaires.
Outre le rendement, comparer entre eux les différents régimes de retraite suppose de prendre en compte de très nombreux aspects : le rapport démographique entre cotisants et retraités ; les transferts financiers au titre de la compensation démographique et de la surcompensation ; les données prospectives à moyen et long terme ; la structure comparée des ressources et des charges ; le niveau des prestations ; le niveau des cotisations ; l'âge de liquidation et de cessation d'activité ; les modes d'indexation des pensions, ainsi que l'importance des dépenses de gestion.
3. Appliquer un moratoire sur les règles des mécanismes de compensation démographique
Ainsi que l'a constaté la Mecss 51 ( * ) , l'Etat a en fait un double intérêt à utiliser à son avantage les règles de la compensation démographique :
- il est partie prenante à la compensation, en qualité de contributeur au titre des régimes de retraite des fonctionnaires civils et militaires ;
- il verse une subvention d'équilibre à certains régimes structurellement déséquilibrés (par exemple la SNCF) ou en voie d'extinction lente (les mines) et cette subvention sera d'autant moins élevée que le régime concerné percevra plus de compensation ou en versera moins aux autres régimes.
Ces observations incitent à souhaiter que l'on en revienne aux fondements votés en 1974. Cette orientation supposerait de supprimer la prise en compte des chômeurs et des préretraités dans les effectifs de cotisants décidée en 2002.
4. Créer une caisse de retraite pour la fonction publique d'Etat
Malgré la publication d'abondantes données statistiques, le système actuel du financement des retraites des fonctionnaires reste opaque. Il est difficile de dresser un constat des recettes et dépenses relatives aux retraites des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, les dépenses étant équilibrées à due concurrence par une subvention d'équilibre dénommée assez improprement « cotisation fictive employeur ». En effet, la notion de cotisation suppose une assiette à laquelle on applique un taux.
Lors du vote de la loi du 21 août 2003, votre commission avait d'ailleurs adopté un amendement à ce titre qui fut finalement retiré en séance. Cette démarche, déjà envisagée en 1995 dans le cadre du « plan Juppé », mériterait d'être reprise à l'avenir. Une telle évolution risque toutefois de se heurter à quelques réticences du ministère des finances : en termes strictement budgétaires, la situation actuelle présente en effet l'avantage de n'avoir à se préoccuper que d'équilibrer le compte des pensions des fonctionnaires à horizon d'un an.
5. Rechercher et publier les engagements à moyen et long terme des régimes de retraite
La prospective en matière de retraite s'appuie généralement sur des projections de la part relative des retraites dans le Pib, sur des estimations du besoin de financement futur des régimes de retraite ou encore sur l'évaluation des niveaux de cotisation nécessaires pour équilibrer les comptes de ces régimes à un horizon déterminé. Mais d'autres approches ont été récemment proposées. Ces démarches novatrices reposent sur la notion de « dette implicite » des systèmes de retraite.
La dette « explicite » des administrations publiques correspond à l'ensemble des sommes qu'elles se sont engagées à débourser dans le futur et ce, par contrat ou en vertu de dispositions légales non révisables. A contrario, on entend par dette « implicite », l'ensemble des engagements qui, s'ils n'ont pas de valeur juridique contraignante, résultent de la poursuite des politiques courantes ou correspondent aux attentes des citoyens sur les politiques futures. Pour les retraites stricto sensu , la définition des engagements implicites apparaît relativement simple : il s'agit de l'ensemble des droits à retraite qui devront être honorés dans le futur sur la base des règles existantes ou des réformes déjà adoptées 52 ( * ) .
Deux paramètres jouent un rôle décisif dans ces calculs : le taux d'actualisation retenu et l'horizon de ces estimations. Ces évaluations débouchent ainsi sur des montants très variables, mais généralement élevés, allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de points de Pib. Mais au total, cette démarche permet d'appréhender l'avenir.
En France, à l'inverse du régime général, l'Etat procède depuis 2003 à ce type d'évaluation pour le régime des pensions civiles et militaires. Les engagements au titre des retraites des fonctionnaires de l'Etat et des militaires sont évalués à 941 milliards d'euros au 31 décembre 2006, soit environ 53 % du Pib. Cette évaluation comprend les fonctionnaires employés par France Télécom (57 milliards d'euros) mais pas ceux de La Poste. Le montant des engagements du régime de retraite au titre des fonctionnaires de la CNRACL est estimé à 408 milliards d'euros, au 31 décembre 2006, par le régime. Celui des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat (FSPOEIE) est évalué à 32 milliards d'euros à la même date.
D'autres pays utilisent ces méthodes d'évaluation sur une échelle beaucoup plus large, en les appliquant aux régimes couvrant l'essentiel de leur population . L'économiste Laurent Vernière a ainsi relevé, en 2002, les exemples de la Finlande , pour un montant évalué à deux années de Pib , du Japon (1,5 année de Pib) , du Canada (1,5 année de Pib) et de la Suède . Les autorités suédoises chiffrent le montant des engagements de leur système de retraite à 2,5 années de Pib.
Interrogés sur les éventuelles conséquences négatives de cet effort de transparence, les responsables suédois rencontrés par la Mecss en avril 2007 avaient fait valoir la réaction positive des agences de notation internationales. A la lumière de ce précédent, il semblerait opportun que les pouvoirs publics français demandent à la Cnav et aux autres grandes caisses de retraite du secteur privé de mener à bien les mêmes travaux d'évaluation des engagements de retraite implicites que ceux qui ont déjà été réalisés dans le cadre du budget de l'Etat.
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Sous réserve des observations qui précèdent et des amendements qu'elle propose dans le tome VI du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives à l'assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
* 49 Annexe 1 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 - Programmes de qualité et d'efficience retraites.
* 50 Economie et statistiques n° 328-1999 - Comparaison de rendement des régimes de retraite : une approche par cas type - Jean-Marc Aubert.
* 51 Rapport d'information n° 131 (2006-2007) de la Mecss - La compensation vieillesse est-elle encore réformable ? Claude Domeizel et Dominique Leclerc.
* 52 L'économie française, compte et dossiers - Les engagements implicites des systèmes de retraite - Didier Blanchet et Jean-François Ouvrard - Insee - juin 2006.