N° 1232
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 TREIZIÈME LÉGISLATURE |
N° 77
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009 |
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Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
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Annexe au procès-verbal de la séance du 4 novembre 2008 |
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d' insertion ,
PAR M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE, Rapporteur, Député. |
PAR MME BERNADETTE DUPONT, Rapporteur, Sénateur. |
( 1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, sénateur, président ; M. Pierre Méhaignerie, député, vice-président ; Mme Bernadette Dupont, sénateur, M. Marc-Philippe Daubresse, député, rapporteurs.
Membres titulaires : M. Éric Doligé, Mmes Françoise Henneron, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, M. Guy Fischer, sénateurs, MM. Pierre Cardo, Laurent Hénart, Marcel Rogemont, Christophe Sirugue, Mme Marisol Touraine, députés.
Membres suppléants : M. Gilbert Barbier, Mme Brigitte Bout, MM. Jean Boyer, Yves Daudigny, Mmes Annie David, Isabelle Debré, M. Jean Desessard, sénateurs, Mmes Gisèle Biémouret, Pascale Crozon, MM. Jacques Domergue, Bruno Le Maire, Dominique Tian, Francis Vercamer, députés.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1100 , 1113 , 1112 et T.A. 188
Sénat : 7
,
25
,
32
et
T.A
. 4
(2008-2009)
.
TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active s'est réunie le mardi 4 novembre 2008 au Sénat.
La commission a d'abord procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :
- M. Nicolas About, sénateur, président ;
- M. Pierre Méhaignerie, député, vice-président.
La commission a ensuite désigné :
- Mme Bernadette Dupont, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
- M. Marc-Philippe Daubresse, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
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* *
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.
Le président Nicolas About, sénateur, a souligné le grand intérêt que le Sénat a porté à ce projet de loi et la richesse des débats qui ont présidé à son adoption. Il faut y voir le signe qu'il constitue une réponse appropriée aux attentes des personnes les plus fragiles et traduit une démarche de solidarité qui a suscité une large adhésion.
M. Pierre Méhaignerie, député, vice-président, a déclaré partager cette analyse.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour le Sénat, a ensuite présenté les principales modifications apportées au texte par le Sénat.
A quelques exceptions près, il a conservé l'ensemble des apports de l'Assemblée nationale, qui ont amélioré le texte, en particulier sur les modalités de financement du revenu de solidarité active (RSA) et les garanties données aux départements.
En ce qui concerne le RSA, les modifications adoptées par le Sénat visent à renforcer et protéger les droits des bénéficiaires, en prévoyant :
- l'inclusion des bénéficiaires de la protection subsidiaire dans la liste des personnes éligibles au RSA, au même titre que les réfugiés ou les apatrides ;
- l'extension du RSA à l'ensemble des exploitants agricoles, quel que soit leur régime fiscal d'imposition ;
- la non-prise en compte du patrimoine professionnel dans l'évaluation du train de vie des travailleurs indépendants ;
- la possibilité, pour les allocataires du RSA âgés de soixante ans, de ne faire valoir leurs droits à la retraite qu'à partir de soixante-cinq ans s'ils le souhaitent, sauf en cas d'inaptitude au travail ;
- la révision périodique du montant du RSA en fonction de l'évolution des ressources du foyer et son réexamen immédiat en cas de changement de situation ;
- la légalisation du principe, déjà appliqué pour le RMI, de la non-interruption du versement du RSA lors de l'admission du bénéficiaire dans une structure d'hébergement (CHRS ou CHU).
- enfin, la réduction de trois à deux mois du délai dans lequel le bénéficiaire du RSA éloigné de l'emploi est tenu de conclure, avec les services du conseil général, un contrat d'insertion sociale ou professionnelle, solution de compromis puisque l'Assemblée nationale avait précédemment porté ce délai de un à trois mois.
Par ailleurs, le Sénat a supprimé l'obligation faite aux ressortissants de l'Union européenne de produire un avis de non imposition de leur pays d'origine pour avoir droit au RSA, qui avait été introduite par l'Assemblée nationale. Cette mesure lui a semblé en effet difficilement applicable, la notion d'imposition ne recouvrant pas les mêmes réalités partout en Europe.
Le deuxième souci qui a guidé le Sénat a été de clarifier les responsabilités des acteurs en charge de la mise en oeuvre du RSA :
- à l'initiative du Gouvernement, il a acté le principe selon lequel la prestation servie pendant la période de cumul intégral avec les revenus d'activité pour les bénéficiaires reprenant un emploi dans le cadre d'un contrat aidé sera entièrement prise en charge par l'État ;
- à l'initiative de MM. Eric Doligé, rapporteur pour la commission des finances, et Michel Mercier, il a adopté plusieurs amendements tendant à favoriser la transmission par les caisses d'allocations familiales (Caf) des informations relatives à la gestion du RSA aux conseils généraux (acomptes, indus, etc...) ;
- enfin, à l'article 3, il a complété les améliorations apportées par l'Assemblée nationale par des dispositions apportant des garanties supplémentaires aux départements, en particulier au regard de la compensation des dépenses d'allocation de parent isolé (API) désormais à leur charge.
En revanche, le Sénat est revenu sur une modification adoptée par l'Assemblée nationale accordant aux centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (CCAS ou CIAS) le droit d'instruire les demandes de RSA. Considérant que certaines structures ne disposent pas de moyens suffisants, il a rétabli le principe initial du projet de loi d'une délégation de cette compétence par le président du conseil général, cette solution présentant l'avantage d'une certaine souplesse et permettant au président du conseil général d'harmoniser les pratiques au travers des conventions qu'il sera amené à signer avec les structures volontaires. Une solution médiane pourrait néanmoins être envisagée si la rédaction du Sénat n'emportait pas l'adhésion de la commission mixte paritaire.
La troisième préoccupation du Sénat a porté sur la précarisation des emplois qui pourrait résulter du versement du RSA sans limitation de durée.
Afin de réduire ce risque, il a inscrit le principe d'un rendez-vous annuel entre les bénéficiaires du RSA en activité et leur référent du service public de l'emploi, pour faire le point sur leur situation professionnelle et les moyens de l'améliorer. Il a également intégré au contenu de la négociation annuelle obligatoire des entreprises l'augmentation du temps de travail pour les salariés à temps partiel qui souhaiteraient une activité à temps plein.
Par ailleurs, le Sénat s'est montré particulièrement soucieux de la situation des jeunes âgés de moins de vint-cinq ans sans enfant, qui n'ont actuellement pas droit au revenu minimum d'insertion (RMI) et ne seront pas davantage éligibles au RSA. Afin de préparer la mise en oeuvre de mesures spécifiques à leur intention, il a souhaité qu'un rapport soit transmis au Parlement avant le 1 er juin 2010 sur leur insertion sociale et professionnelle et entériné la création, à l'initiative du Gouvernement, d'un fonds d'expérimentations destiné à favoriser leur entrée sur le marché du travail.
En ce qui concerne les droits connexes, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement facilitant les démarches des bénéficiaires du RSA disposant de revenus d'activité inférieurs au RMI actuel pour accéder à la CMU-c.
En outre, conformément à la position qu'il avait déjà défendue par le passé, il a approuvé le principe de l'attribution des aides et avantages connexes par les collectivités territoriales en fonction des ressources et de la composition du foyer plutôt que du statut.
Sur le deuxième volet du texte, relatif aux politiques d'insertion :
- le Sénat a ouvert aux organisations syndicales, aux organismes consulaires et aux associations de lutte contre l'exclusion le cadre de la négociation du pacte territorial pour l'insertion (PTI) et rétabli le caractère facultatif de ses déclinaisons locales que l'Assemblée nationale avait rendu obligatoire ;
- il a ajouté une disposition tendant à donner aux collectivités territoriales la faculté de subordonner les aides qu'elles accordent aux entreprises à des contreparties en termes de créations d'emplois.
En ce qui concerne les contrats aidés, le Sénat a accru la souplesse du contrat d'accompagnement vers l'emploi (CAE) et du contrat d'initiative emploi (CIE) en autorisant l'allongement de la durée maximale des CDD conclus dans les associations, les ateliers, les chantiers et les entreprises d'insertion, pour les seuls salariés âgés de cinquante ans et plus ou les personnes reconnues travailleurs handicapés, lorsqu'ils rencontrent des difficultés particulières qui font obstacle à leur insertion durable dans l'emploi.
Il a par ailleurs adopté deux amendements du Gouvernement favorisant le développement des contrats aidés :
- le premier étend la possibilité de prescrire des contrats uniques d'insertion (CUI), pour le compte de l'État, à certains organismes du service public de l'emploi, tels que les missions locales, les Cap Emploi, les organismes privés de placement et les entreprises de travail temporaire ;
- le second permet l'affectation d'une part du produit de la cotisation obligatoire versée au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) par les collectivités territoriales au financement de formations au bénéfice des salariés en CAE.
Il a été également prévu que les dispositions relatives au CUI n'entreront en vigueur qu'à compter du 1 er janvier 2010, afin de permettre aux employeurs et aux bénéficiaires de s'adapter à ce nouveau régime juridique.
Enfin, à l'article 13 bis ajouté par l'Assemblée nationale et tendant à comptabiliser les stagiaires handicapés pour 2 % dans l'effectif de l'entreprise au titre de l'obligation d'emploi de 6 %, le Sénat a décidé, au terme d'un large débat, de fixer à quatre mois la durée minimale de ces stages afin qu'ils permettent l'acquisition d'un savoir-faire et puissent déboucher sur une embauche.
M. Marc-Philippe Daubresse, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale a ensuite présenté les principaux apports de l'Assemblée nationale. Sur le volet du projet de loi relatif au RSA, ceux-ci ont concerné :
- l'affirmation de la lutte contre la pauvreté comme impératif national, à la demande du groupe communiste ;
- la prise en compte des problèmes spécifiques des jeunes, avec une demande de rapport proposée par le groupe socialiste ;
- l'accès équitable des non-salariés au RSA, à la suite des amendements présentés par M. Pierre Cardo ;
- la perspective d'une éventuelle intégration de l'ASS au RSA, qui devra faire l'objet d'un rapport, à la demande de M. Laurent Hénart, député ;
- la clarification des règles relatives à l'instruction des dossiers et la réaffirmation du rôle des CCAS, à l'initiative de la commission ;
- la participation des maisons de l'emploi et des plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (PLIE) à la gestion du RSA, à l'initiative notamment des groupes Nouveau centre et socialiste ;
- l'obligation de suspendre les bénéficiaires ne respectant pas leurs engagements d'insertion, sauf décision motivée, à l'initiative notamment de MM. Dominique Tian et Benoist Apparu ;
- la prise en compte de la question des droits connexes, avec une mesure permettant aux collectivités locales de recueillir des informations auprès des organismes de sécurité sociale pour apprécier plus facilement les ressources d'un demandeur en vue de l'attribution d'aides sociales.
Sur le financement du RSA, l'Assemblée nationale a adopté :
- l'affirmation du principe du plafonnement global des niches fiscales et la diminution du taux des contributions additionnelles sur les revenus du capital à due concurrence du rendement de cette mesure, qui devra faire l'objet d'une évaluation annuelle ;
- la compensation intégrale des compétences transférées aux départements, garantie par un contrôle de la commission consultative d'évaluation des charges.
Sur la réforme des politiques d'insertion, l'Assemblée nationale a retenu :
- la pérennisation des structures telles que les Compagnons d'Emmaüs grâce à la clarification du statut juridique des personnes qui y sont accueillies ;
- le caractère obligatoire du pacte territorial pour l'insertion ;
- diverses mesures assouplissant le régime du contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI) dans les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) et du CUI : réduction de la durée minimale du CDDI à quatre mois, possibilité de prévoir des périodes d'immersion en entreprise dans le cadre de ces contrats...
- la réforme de l'obligation d'emploi des personnes handicapées, portée par M. Jean-François Chossy, afin de faciliter l'accès à l'emploi de ces personnes.
Enfin, s'agissant de l'évaluation, l'article 18, introduit notamment à l'initiative de M. Pierre Méhaignerie, prévoit la tenue d'une conférence nationale trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, précédée par les travaux d'un comité d'évaluation.
Le Sénat a respecté pour l'essentiel les apports de l'Assemblée nationale et les a même enrichis. En effet, plusieurs des mesures qu'il a adoptées développent ou reprennent des dispositions non abouties à l'Assemblée nationale, telles que :
- la suppression de la possibilité de réduire le RSA au motif que le bénéficiaire est en établissement d'hébergement, suppression que la commission des affaires sociales avait votée à l'Assemblée, mais qui s'était heurtée à l'article 40 de la Constitution ;
- des précisions quant au contenu du rapport demandé par l'Assemblée nationale sur la situation des jeunes et la création d'un fonds d'appui aux expérimentations en leur faveur ;
- une très importante mesure relative aux avantages connexes accordés par les collectivités territoriales ou les caisses de sécurité sociale à titre extralégal : l'attribution de ces avantages devra être effectuée de sorte qu'elle n'entraîne aucune discrimination à situation égale et ressources égales. Cette question a été longuement débattue avant le retrait de l'amendement que la commission chargée des affaires sociales avait déposé dans le même sens.
D'autres apports du Sénat sont à saluer :
- la prise en compte explicite des bénéficiaires de la protection subsidiaire pour le RSA ;
- la dispense, pour bénéficier du RSA, d'avoir à demander la liquidation préalable des pensions de retraite auxquelles on peut avoir droit, ce qui peut être très défavorable ;
- le principe d'une révision périodique du RSA ;
- la prise en charge par l'Etat de l'allocation de RSA pendant trois mois en cas de conclusion d'un contrat aidé ;
- la possibilité de prolongation exceptionnelle des contrats dans les SIAE pour les salariés de plus de cinquante ans ou handicapés.
De rares points de désaccord subsistent néanmoins : le Sénat a supprimé la faculté des CCAS d'instruire les demandes de RSA sans avoir à être conventionnés à ce titre par le conseil général, faculté que l'Assemblée nationale avait rétablie dans le projet de loi afin de maintenir la situation actuellement appliquée pour l'instruction des demandes de RMI.
Par ailleurs, le Sénat a fortement réduit le rôle reconnu aux PLIE dans le projet de loi et il semble que la précision qu'il a apportée sur la durée minimale de quatre mois des stages comptabilisés pour l'obligation d'emploi des personnes handicapées soit controversée.
Un compromis devrait pouvoir être trouvé sur ces différents points.
Le président Nicolas About, sénateur, a évoqué le problème posé par l'article 13 ter , dont il regrette qu'il ait été voté conforme dans les deux assemblées alors qu'il comporte un alinéa très défavorable à l'embauche des personnes handicapées. Cet alinéa prévoit que, même dans le cas d'une activité à temps très partiel, les travailleurs handicapés seront désormais comptabilisés pour apprécier le respect de l'obligation d'emploi de 6 % de personnes handicapées comme s'ils étaient employés à temps plein. En ce qui concerne l'article 13 bis , relatif à l'intégration des stagiaires handicapés dans ce même effectif de 6 %, le problème de sa combinaison avec l'article 13 ter devra en effet être examiné attentivement par la commission mixte paritaire.
M. Guy Fischer, sénateur, a rappelé que, si le groupe communiste républicain et citoyen reconnaît la nécessité d'une réforme du système actuel des minima sociaux, il émet en revanche des réserves sur les modalités de mise en oeuvre du RSA, et en particulier sur la modification des conditions d'attribution des droits connexes nationaux (CMU-c, exonérations de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle) et locaux, qui risque de pénaliser de nombreuses personnes en situation de grande précarité. Il a également regretté que le Sénat soit revenu sur l'implication nécessaire des maisons de l'emploi et des PLIE dans la mise en oeuvre du RSA.
La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.