C. L'ENCADREMENT DES PRATIQUES CONCURRENTIELLES
La question de la compatibilité du dispositif issu de la loi du 2 décembre 1992 avec les exigences des droits de la concurrence et des marchés publics se pose assez brutalement.
Nous avons déjà noté que les parcs de l'équipement fonctionnent comme des entreprises, assurant des prestations pour le compte de « clients » à qui ils facturent leurs prestations. Certains services exercent d'ailleurs une activité productive, par nature industrielle et commerciale, dans leurs usines de granulats et de liants hydrocarburés. La question de leur soumission au droit communautaire peut donc être légitimement posée.
L'existence d'une mission d'intérêt économique général
L'exemption des règles assurant le respect de la concurrence doit être motivée par l'accomplissement par une entreprise d'une mission d'intérêt général, laquelle justifie, alors, l'attribution de droits exclusifs qui sont définis par la législation communautaire, comme « des droits accordés par un Etat membre à une entreprise ou à un nombre limité d'entreprises de tout instrument législatif, réglementaire et administratif qui leur réserve le droit de fournir un service ou exercer une activité sur un territoire donné » 12 ( * ) . Le champ de ces droits doit être strictement proportionné aux besoins garantissant la bonne exécution de la mission. Ces droits peuvent résider dans l'attribution d'un monopole, d'une aide financière...
Si la loi du 2 décembre 1992 énonce sobrement que « le parc de l'équipement est un élément du service public de la DDE » (article 2), l'ensemble des prestations qu'il accomplit ne relève pas toutes de l'intérêt général : en effet, certaines d'entre elles peuvent être exécutées par toute entreprise de travaux publics comme les revêtements de chaussée ; d'autres, en revanche, présentent le caractère de service public comme celles destinées à assurer la sécurité des usagers, la réalisation et l'entretien de la signalisation horizontale et des glissières de sécurité, la viabilité hivernale (déneigement et salage).
Au demeurant, reste la question de la réalité des prix facturés par les parcs puisque, comme nous l'avons précisé précédemment, ne sont notamment pas inscrits au compte de commerce l'ensemble des charges de personnel et la subvention d'équilibre versée par l'Etat au fonds de pension des OPA 13 ( * ) .
En effet, la jurisprudence communautaire impose, pour valider le bénéfice des droits exclusifs, le respect de quatre conditions qu'elle a définies dans l'arrêt rendu par la cour de justice des communautés européennes le 24 juillet 2003, dans l'affaire Altmark Trans : l'entreprise doit être chargée de l'exécution d'obligations de service public préalablement et clairement définies, les paramètres sur la base desquels la compensation est calculée, doivent avoir été préalablement établis de manière objective et transparente, le montant de la compensation ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les surcoûts occasionnés par les obligations de service public sans exclure la réalisation d'un bénéfice raisonnable et le bénéficiaire doit être choisi dans le cadre d'une procédure de marché public ou, à défaut, le niveau de compensation doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts d'une entreprise moyenne.
Il est indéniable que les parcs subissent des contraintes dans l'exercice de leur mission, liées principalement au maintien de la sécurité sur les routes. Leurs effectifs en personnels sont ainsi rigides pour pouvoir opérer rapidement en cas d'urgence (service hivernal, interventions sur sites accidentés...) : ils ne peuvent donc pas adapter les effectifs au niveau d'activité qui varie selon les saisons. Dans le même but, les agents sont soumis à un certain nombre de sujétions et d'obligations pour garantir l'effectivité du service à tout moment.
La période récente a encore démontré, si besoin était, les conséquences « catastrophiques » générées par une paralysie de la voirie à la suite de chutes abondantes de neige.
Ces obligations pesant sur les parcs ont été prises en compte par le Conseil de la concurrence qui, dans une décision rendue le 8 décembre 1999 (avis n° 99-A-21 - Union des syndicats de l'industrie routière française) justifiait la fourniture de prestations aux communes et aux tiers, « prolongement de l'activité du service public », par le fait que les parcs qui, en raison de leur mission de service public, doivent être en mesure de faire face à ces situations d'urgence, sont structurellement en situation de surcapacité.
Le Conseil observait que « les parcs, en raison de leur statut et de leur mission publics, supportent des surcoûts que ne connaissent pas les entreprises privées, du fait notamment d'une moindre flexibilité dans l'adaptation de leurs effectifs et de leur situation structurelle de surinvestissement nécessaire pour faire face à des situations de crise ».
La notion de prestations intégrées
Cette notion exclut l'application du code des marchés publics ( cf. CJCE, 18 novembre 1999, Teckal) sous réserve de deux conditions :
- l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics doivent exercer sur leur cocontractant « un contrôle comparable à celui qu'il(s) exerce(nt) sur ses (leurs) propres services »,
- le partenaire doit réaliser pour eux l'essentiel de ses activités.
Remarquons qu'aujourd'hui cette dernière condition n'est plus respectée par les parcs de l'équipement puisque, s'ils effectuent la majeure partie de leurs prestations pour les départements, ils continuent à relever de l'autorité de l'Etat. Le transfert, demain, de ces services rétablira le respect de cette exigence.
* 12 Cf. directive 2000/52/CE.
* 13 Cf. rapport public de la Cour des comptes 2002.