III. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION
A. DES MARGES DE MANoeUVRE CONTRAINTES
Votre rapporteur est conscient de la difficulté pour la France de défendre les intérêts de sa filière rosé compte tenu du quasi inexistant soutien des autres Etats-membres sur l'épineuse question du coupage du vin rosé de table . Les marges de manoeuvre du Gouvernement sont très faibles, tant au niveau communautaire qu'au niveau international.
En effet, si d'aventure une minorité de blocage était réunie lors de l'examen du projet de règlement sur les pratiques oenologiques, il faudrait être vigilant pour que les avancées qu'a obtenues le Gouvernement lors des négociations sur le nouveau règlement ne soient pas remises en cause.
Par ailleurs, la réouverture du règlement (CE) n° 479/2008 précité paraît peu envisageable compte tenu de l'opposition de la Commission et de son monopole d'initiative législative en matière de marché intérieur. Or, toutes les mesures obligatoires dans le domaine de l'étiquetage nécessitent un règlement communautaire.
Quant à une réglementation nouvelle au sein de l'OIV (qui autorise le coupage pour les vins) ou de l'OMC (qui interdit d'obliger les pays tiers à indiquer sur leurs étiquettes si le vin rosé est issu de coupage), elle est pour l'heure hors de portée. D'une part, la modification des règles au sein de l'OIV nécessite le consensus des Etats. D'autre part, les accords relatifs à la politique commerciale communautaire doivent être conclus à la majorité qualifiée par le Conseil « Affaires générales et relations extérieures » (CAGRE) 19 ( * ) .
B. DES PRODUCTEURS FRANÇAIS DEVANT ÊTRE DEFENDUS
Votre rapporteur estime que les droits du consommateur doivent être préservés. Celui-ci doit pouvoir faire la différence entre, d'une part, un vin rosé issu d'un coupage entre un vin rouge et un vin blanc et, d'autre part, un vin rosé authentique issu de techniques de vinification élaborées.
En outre, le règlement sur les pratiques oenologiques doit répondre aux préoccupations des producteurs de vin rosé traditionnel , qui sont très présents dans le Var, mais également dans le Bordelais ou le Languedoc, sans porter atteinte naturellement aux traditions de coupage de vin pratiquées dans certaines régions, en Champagne par exemple.
A cet égard, le dispositif prévu par la présente résolution ne concerne que les vins dits « tranquilles ». Il s'agit des vins qui ne forment pas de bulles lors de l'ouverture de la bouteille, par opposition aux vins dits « pétillants » ou « effervescents ». Ces derniers, qui recourent traditionnellement à la méthode du coupage, ne sont en effet pas concernés -et ceci sans contestation- par cette règlementation.
Nul ne peut anticiper aujourd'hui les conséquences économiques de l'autorisation du vin rosé coupé sur la filière vitivinicole française, mais ce sont peut-être les producteurs de vin rosé de table qui ont le plus à craindre de cette réforme. Il convient en effet de distinguer, d'un côté, les producteurs de rosé d'appellation et, d'un autre côté, les producteurs de vins de table.
Les producteurs de vins rosés d'appellation avaient la faculté, en vertu du silence des textes communautaires, de recourir à la technique du coupage, mais ils l'ont refusée dans leur cahier des charges. Compte tenu de la forte fragmentation du marché du vin, certains observateurs optimistes estiment que les vins rosés haut de gamme seront très faiblement concurrencés par les vins rosés coupés à faible prix.
Quant aux producteurs de vin rosé de table, ils pourraient craindre une concurrence de la part des producteurs français et de l'Union européenne. S'agissant des producteurs issus des pays tiers, ils ont depuis longtemps accès au marché français sans obligation d'indiquer s'ils commercialisent du vin rosé coupé ou non.
Comme la réglementation sur les pratiques oenologiques est très complexe et que les techniques de contrôle des services spécialisés ne sont pas pleinement satisfaisantes 20 ( * ) , il convient de mettre en oeuvre une stratégie « tous azimuts » pour défendre la pérennité de la filière vitivinicole française.
* 19 La conclusion des accords relatifs aux services nécessite quant à elle l'unanimité du Conseil.
* 20 A titre d'exemple, les techniques de contrôle par résonance magnétique ne permettent pas d'identifier plus de deux cépages dans des mélanges, ni de faire la distinction entre des vins coupés et des vins issus d'un mélange avec des moûts.