C. UN MODE TRADITIONNEL D'ÉLABORATION À PRÉSERVER

1. Un large plébiscite des consommateurs pour les méthodes traditionnelles de vinification

Principaux intéressés, les consommateurs se positionnent très largement en faveur de la méthode traditionnelle d'élaboration du vin rosé. Une pétition ouverte sur Internet par les principaux acteurs français de la filière 4 ( * ) contre le coupage a déjà recueilli plus de 23.000 signatures. Mais c'est surtout un récent sondage Ifop pour Sud-Ouest Dimanche et Midi libre 5 ( * ) qui illustre le plus nettement l'attachement de nos concitoyens au vin rosé français tel que nous le connaissons.

De fait, 87 % des personnes interrogées se sont déclarées opposées au projet européen d'autoriser le mélange entre vin rouge et vin blanc pour créer du vin rosé. Ce refus est unanime chez les hommes (87 %) comme chez les femmes (86 %), chez les ruraux (87 %) comme chez les habitants de la région parisienne (86 %). Et la baisse des prix qu'un tel vin pourrait permettre n'accroîtrait pas la consommation : 86 % des personnes interrogées ont déclaré que s'il venait à être produit et commercialisé sur notre territoire, elles n'en achèteraient pas.

Ce message dépourvu d'ambiguïté laisse apparaître quelques nuances , même si le refus reste majoritaire dans tous les cas de figure. C'est bien évidemment dans les régions productrices (Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc, Aquitaine, Midi-Pyrénées, Limousin) que l'idée est le plus radicalement rejetée, à 90 %, alors que ce taux atteint « seulement » 75 % en Nord-Pas-de-Calais. Par ailleurs, les personnes les plus âgées y sont le plus sensibles : on trouve 95 % d'opposants chez les plus de 65 ans, contre 71 % chez les 18-25 ans.

2. Un recours au coupage présentant des inconvénients certains

Si le coupage n'induit bien évidemment pas de risques sanitaires pour le consommateur, il est en revanche porteur de risques économiques pour le producteur en réduisant la demande. Plusieurs éléments oeuvreraient en ce sens :

- le risque de standardisation dans la composition du produit. L'introduction d'une part infime -inférieure à 1 % du volume total dans certains cas- de vin rouge dans un volume de vin blanc suffit à donner un mélange s'apparentant extérieurement à un vin rosé classique. Ces vins que l'on devrait alors qualifier de « rosis » ou « colorés », plutôt que de rosés à proprement parler, seront donc composés presque entièrement de vins blancs. Pour réduire les coûts autant que pour être certains de flatter le goût du plus grand nombre de consommateurs, les producteurs auront alors recours aux cépages blancs les plus répandus en Europe (Chardonnay, Sauvignon ...). La formidable palette de goûts et de couleurs des vins rosés serait alors menacée au profit d'un produit formaté et interchangeable, en contradiction avec les efforts de la filière française ces dernières années pour accroître l'identité et la typicité de ces vins ;

- le risque d'édulcoration dans cette même composition. L'absence, dans les rosés issus de coupage, des molécules donnant au vin sa « rondeur » pourrait être compensée par une macération pelliculaire plus longue sur les raisins blancs. Or, une telle « manipulation » risque de donner des couleurs brunes au vin, de lui conférer une certaine acidité et de produire une légère « surcharge tannique » source de rugosité. Pour masque ces inconvénients, la tentation sera forte pour le producteur de corriger cet excès de dureté par un ajout de sucre, ce qui dénature substantiellement le produit ;

- le risque de confusion dans l'esprit du consommateur. D'un point de vue technique, il est possible d'obtenir par coupage des vins d'une apparence très proche de celle d'un rosé « traditionnel ». Seules des méthodes chimiométriques permettent de différencier des vins rosés « traditionnels » des vins obtenus par coupage, les consommateurs ne pouvant les différencier à l'oeil nu. Cependant, ces vins ne leur permettront pas de retrouver la saveur et la « sucrosité » particulières des rosés, suscitant une certaine déception et ternissant leur image auprès d'un public qui hésitera à rééditer l'acte d'achat.

* 4 http://www.coupertuelerose.com/petition.php?rub=signer

* 5 Sondage été réalisé par téléphone ou à domicile les 2 et 3 avril 2009 auprès d'un échantillon de 1.010 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

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