N° 1739
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 TREIZIÈME LÉGISLATURE |
N° 463
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009 |
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Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
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Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 2009 |
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI portant réforme de l' hôpital et relatif aux patients , à la santé et aux territoires ,
PAR M. JEAN-MARIE ROLLAND, Rapporteur, Député. |
PAR M. ALAIN MILON, Rapporteur, Sénateur. |
( 1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , sénateur, président ; M. Pierre Méhaignerie , député, vice-président ; M. Alain Milon , sénateur, M. Jean-Marie Rolland , député, rapporteurs.
Membres titulaires : M. Gérard Dériot, Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. Bernard Cazeau, Jacky Le Menn, François Autain, sénateurs ; MM. André Flajolet, Jean Léonetti, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Marisol Touraine, députés.
Membres suppléants : MM. Gilbert Barbier, Paul Blanc, Yves Daudigny, Guy Fischer, Bruno Gilles, Jean-Pierre Godefroy, Alain Vasselle, sénateurs ; MM. Yves Bur, Jacques Domergue, Jean-Pierre Door, Mme Catherine Lemorton, MM. Marcel Rogemont, Jean-Luc Préel, députés.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1210, 1435, 1441, et T.A. 245
Sénat : 290, 380, 381
et
T.A.
88
(2008-2009)
.
TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires s'est réunie au Sénat le mardi 16 juin 2009.
La commission a d'abord procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :
- M. Nicolas About, sénateur, président ;
- M. Pierre Méhaignerie, député, vice-président ;
- M. Alain Milon, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
- M. Jean-Marie Rolland, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
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La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.
En préambule, le président Nicolas About, sénateur, a observé que ce texte constitue celui de tous les records, tant en termes de durée des débats, de nombre d'amendements déposés ou de volume d'interventions multiples auprès des parlementaires provenant des différentes parties prenantes du secteur de la santé. C'est d'ailleurs une conséquence logique de l'ampleur des sujets abordés par le texte et de l'impact immédiat qu'il aura sur les Français, qu'il s'agisse de la permanence des soins, de l'exigence de proximité et de qualité de ceux-ci, de la modernisation de l'hôpital ou de l'organisation territoriale du système de santé.
Ce projet de loi a aussi constitué pour la commission des affaires sociales du Sénat son baptême du feu pour l'application de la nouvelle procédure d'adoption des textes.
La commission mixte paritaire a pour tâche d'élaborer un texte commun pour les cent vingt-sept articles qui restent encore en discussion sur les cent quarante-huit - certes d'importance inégale - que compte désormais le texte. Pour mémoire, il en contenait trente-trois dans sa toute première version, ce qui montre combien les deux assemblées ont eu à coeur d'en enrichir le dispositif.
En regrettant la tendance naturelle à alourdir les projets de loi, M. Pierre Méhaignerie, député, vice-président, a appelé à la lisibilité et à la simplification. Il a ensuite souligné les objectifs de ce projet de loi : un meilleur état de santé de la population, une plus grande efficacité du système de soins et une responsabilisation accrue des acteurs.
Constatant que le texte adopté par le Sénat compte plus de deux cents pages, M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat, a souhaité expliquer l'esprit dans lequel le Sénat a travaillé, sans entrer dans le détail des modifications apportées.
Au titre I er , en ce qui concerne les dispositions relatives aux missions de service public des établissements de santé, outre des clarifications rédactionnelles, le Sénat a poursuivi dans la voie ouverte par l'Assemblée nationale pour créer une catégorie d'établissements de santé privés d'intérêt collectif (Espic). Il a précisé que ces établissements pourraient conclure avec des établissements publics de santé ou une communauté hospitalière de territoire des accords en vue de leur association à la réalisation des missions de service public.
Sur le thème central de la gouvernance de l'hôpital public, le souci constant a été, conformément aux recommandations du rapport de la commission de concertation relative aux missions de l'hôpital présidée par Gérard Larcher, de rééquilibrer les compétences entre les instances dirigeantes et entre médecins et directeurs. Sous réserve de quelques concessions au Gouvernement, le Sénat a renforcé les pouvoirs et les compétences du conseil de surveillance et le rôle et la place des élus en son sein.
Pour mieux assurer, tout en évitant les risques de blocage, l'indispensable coopération entre médecins et directeurs, le Sénat a voulu associer le président de la commission médicale d'établissement (CME) à la définition de la politique d'amélioration de la qualité des soins, lui confier l'élaboration du projet médical et la coordination, avec le directeur, de la politique médicale de l'établissement. Il a également impliqué davantage le président de la CME dans le processus de contractualisation interne :
- il se prononcera sur l'organisation de l'établissement en pôles d'activité définie par le directeur ;
- il participera à la nomination des chefs de pôle en présentant une liste de noms au directeur ;
- il émettra un avis sur les contrats de pôle et sur leur cohérence avec le projet médical.
Le Sénat a tenu à rappeler que les pôles peuvent comporter des structures internes et que leur gestion doit s'effectuer dans le respect des missions propres à ces structures.
Il a donné compétence au directoire pour approuver le projet médical d'établissement et a modifié la composition du directoire des CHU, suivant sur ce point la proposition du Gouvernement.
Par ailleurs, il a adopté une nouvelle rédaction des dispositions relatives aux centres de santé et à leurs missions.
En ce qui concerne la coopération entre établissements, il a, revenant à l'esprit du rapport Larcher, renforcé la souplesse contractuelle et le caractère volontaire du partenariat dans le cadre des communautés hospitalières de territoire (CHT). Elles doivent émaner des partenaires territoriaux et non être imposées, sauf dans des cas exceptionnels.
Afin de laisser au Gouvernement le soin de réviser - et surtout de préciser - les conditions juridiques de la transformation en établissements de santé des groupements de coopération sanitaire (GCS), la commission des affaires sociales s'était initialement contentée de clarifier le statut des GCS « de moyens ». M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat, a regretté que les dispositions relatives aux GCS « établissements », finalement adoptées par le Sénat à l'initiative du Gouvernement, ne soient guère plus solides que celles précédemment supprimées par la commission.
Pour le titre II du projet de loi, relatif à l'accès de tous à des soins de qualité, le Sénat a d'abord été animé par un souci de pragmatisme.
Il a approuvé le dispositif de l'Assemblée nationale sur la médecine de premier recours et la permanence des soins.
Il a souhaité que puisse progresser la délégation de tâches en matière de santé des femmes, ce qui passe par un renforcement du statut des sages-femmes et l'intégration de leur formation à l'université. Il a également mis en place un dispositif de validation des acquis de l'expérience pour l'obtention d'un diplôme de formation médicale spécialisée qui pourra répondre au souhait des praticiens de faire évoluer leur pratique.
Le titre II rénove aussi les ordres médicaux et paramédicaux, dispositions pour la plupart consensuelles. Toutefois, en prenant en compte les souhaits des professionnels concernés, le Sénat a préféré supprimer le seuil démographique imposé pour la création de conseils départementaux des infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes.
Sur la question sensible des discriminations qui sont parfois une réalité pour l'accès aux soins de certains bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), de la CMU-c et de l'aide médicale d'Etat, la sanction de ces comportements contraires à la déontologie professionnelle doit être renforcée et c'est pourquoi le Sénat a clarifié la procédure et supprimé la conciliation dans les cas de récidive.
Par ailleurs, dans un souci de transparence, il a rendu obligatoire l'information du patient sur le coût d'achat et le lieu de fabrication de la prothèse qui lui est implantée et a prévu que le médecin en charge d'une personne hospitalisée devra s'enquérir auprès d'elle des noms des professionnels de santé à qui transmettre les informations utiles à la continuité des soins à l'issue de son hospitalisation.
Sur le titre III consacré à la prévention et à la santé publique, le Sénat a concentré son attention sur les parties les plus novatrices du texte et celles touchant à l'organisation du système de santé. Ce texte, en dépit de son champ d'action très large, ne peut tenir lieu de loi de santé publique ou de loi de santé mentale : il est donc souhaitable de renvoyer plusieurs sujets à ces débats à venir, hormis certaines dispositions relatives à la mise en oeuvre du plan cancer ou de nature sociale, comme la possibilité d'acheter des fruits et légumes avec les tickets restaurant, adoptée sans modification.
Sur le volet alcool, M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat, a rappelé sa position constante qui était de maintenir l'équilibre trouvé à l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne la question, particulièrement importante, de l'éducation thérapeutique du patient, c'est-à-dire la possibilité pour les personnes atteintes de pathologies longues ou chroniques de prendre en charge certains aspects de leur traitement, le problème est celui des modalités de financement. Il a paru irréaliste de passer directement à un système de financement public, même si la perspective ouverte par le rapport demandé par l'Assemblée nationale sur la possible mise en place d'un fonds national de financement doit être suivie avec attention. Le Sénat a souhaité garantir la séparation entre les entreprises et les patients, tout en tenant compte des demandes des acteurs de l'éducation thérapeutique, au premier rang desquels les associations. Il a donc proposé de soumettre à une triple condition la possibilité, pour une entreprise, d'élaborer un programme : la participation des associations de patients et des professionnels de santé, l'autorisation de l'agence régionale de santé (ARS) et l'évaluation de la Haute Autorité de santé (HAS). Par ailleurs, il a inclus l'observance dans la définition de l'éducation thérapeutique, sous l'appellation désormais consensuelle « d'adhésion aux traitements prescrits ».
Au titre IV, en ce qui concerne les dispositions relatives aux ARS, le texte adopté par le Sénat reflète sa préoccupation de faire clairement apparaître que la politique de santé est une politique nationale, dont les ARS permettront l'application déconcentrée et l'adaptation aux spécificités locales. Il tente également de concilier la latitude donnée aux ARS pour définir les actions régionales en matière de gestion du risque et le soutien à la politique qui s'est mise en place au niveau national et qui commence à porter ses fruits : à cette fin, avec l'accord du Gouvernement, la conclusion entre l'Etat et l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) de contrats d'objectifs définissant les objectifs pluriannuels communs des programmes nationaux de gestion du risque a été prévue.
Sur l'article 27 relatif à la représentation des professionnels de santé libéraux, le Sénat a prévu de regrouper les électeurs des unions régionales de médecins en collèges. Ces derniers seront déterminés par un décret en Conseil d'Etat, après avis de la HAS, sur le fondement de plusieurs critères. Cette mesure, qui s'inspire des préconisations formulées par l'inspection générale des affaires sociales (Igas), doit contribuer à une meilleure représentation des différentes spécialités médicales.
Enfin, sur le volet médico-social, le texte a continué à être enrichi par le Sénat :
- obligation pour les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) conclus par les établissements médico-sociaux de comporter des objectifs de qualité de prise en charge ;
- garantie, dans le cahier des charges de l'appel à projet, de la qualité de l'accueil et de l'accompagnement des personnes dépendantes ;
- création du statut d'établissement et service social et médico-social privé d'intérêt collectif (Espic) ;
- incitation à l'organisation d'un service minimum en cas de grève dans les établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées et obligation de préavis dans cette hypothèse ;
- possibilité, pour toute personne chargée de l'aide aux actes de la vie courante au sein des établissements médico-sociaux, d'aider à la prise des médicaments.
A son tour, M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a précisé les quatre grands axes du projet de loi ambitieux adopté voici quelques mois par l'Assemblée nationale : modernisation des établissements de santé, accès de tous à une offre de soins de qualité sur l'ensemble du territoire, prévention placée au coeur de la santé publique et refonte globale du pilotage territorial du système de santé.
Sur chacun de ces points, la durée exceptionnelle des travaux, tant en commission qu'en séance publique, et l'ampleur des modifications apportées au texte par chacune des assemblées, démontrent, si besoin est, l'implication forte des députés et des sénateurs pour apporter aux Français, d'ailleurs en transcendant souvent les clivages politiques habituels, une réponse à la hauteur des enjeux afin de réduire les inégalités, de garantir la qualité des soins, bref de construire un système moderne et efficient de santé.
Alors que le projet de loi initial ne comportait que trente-trois articles, l'Assemblée nationale, par l'adoption de 523 amendements, a plus que triplé le nombre des articles du projet en le portant à cent un.
Il a alors salué tout particulièrement le travail du Sénat qui a su, dès le stade de l'examen en commission, et profitant de la nouveauté constitutionnelle selon laquelle c'est désormais le texte de la commission qui sert de base à l'examen en séance publique, y apporter les enrichissements nécessaires, en portant en définitive le nombre des articles du projet de loi à cent quarante-huit.
Si des commentateurs extérieurs ont, d'une façon hâtive et pas toujours bienveillante, parlé d'une dénaturation du texte initial, notamment en matière de gouvernance des établissements de santé, il faut au contraire constater que, sur les principaux équilibres, le texte auquel est parvenu le Sénat, au terme d'échanges constructifs, n'est en aucune façon inconciliable avec la philosophie initiale du projet et qu'il y a donc tout lieu d'espérer que la commission mixte paritaire arrive aujourd'hui à trouver un accord sur un texte consensuel.
Le Sénat a par exemple pris la mesure des inquiétudes qui se sont exprimées parfois tardivement au sein de la communauté médicale pour rééquilibrer la gouvernance des établissements de santé en sa faveur. Il a pu aussi intégrer utilement des dispositions importantes reprenant les conclusions du rapport de la commission sur l'avenir des centres hospitaliers universitaires (CHU) présidée par le professeur Marescaux, dont l'Assemblée nationale ne disposait pas encore lors de l'examen du texte.
Le faible nombre des articles adoptés conformes par le Sénat, vingt et un au total, ne doit donc pas effrayer outre mesure.
M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a alors évoqué les principaux points de divergence entre les deux assemblées.
Sur le titre I, la clause de non-concurrence adoptée à l'article 3 bis semble un bien mauvais signal, au moment même où la loi ambitionne de renforcer l'attractivité de l'hôpital public ; la restriction, à l'article 5, du choix du président du conseil de surveillance au sein du seul collège des représentants de collectivités locales aboutit à le priver de porter à sa tête tel ancien médecin prestigieux ou telle personnalité de qualité qui pourrait apporter beaucoup à la gestion de l'hôpital ; les modalités de participation du directeur aux séances du conseil de surveillance paraissent trop restrictives ; l'élaboration du projet médical et la coordination de la politique médicale semblent devoir appeler une plus grande implication du directeur, tandis que la certification des comptes des établissements publics de santé pourrait utilement être partagée entre les commissaires aux comptes et la Cour des comptes.
Sur le titre II, il appartient à la commission mixte paritaire de trouver un juste équilibre entre avantages offerts et engagements imposés aux étudiants qui bénéficieront de bourses d'études moyennant un engagement d'exercice dans ce qu'il est - hélas - convenu d'appeler des « déserts médicaux ». De la même façon, une réponse équilibrée doit être trouvée aux attentes des patients en matière de transparence sur le prix et sur la provenance des prothèses, comme aux craintes de certains praticiens en matière de responsabilité civile.
Sur le titre III consacré à la santé publique, le Sénat n'a pas profondément modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale à une exception près : il a supprimé la quasi-totalité des dispositions relatives à la lutte contre l'obésité. Il serait souhaitable qu'une partie d'entre elles soit rétablie.
En ce qui concerne le volet relatif à la lutte contre l'alcoolisme, le Sénat a très peu modifié le dispositif adopté par l'Assemblée nationale : outre l'adoption conforme de l'article réglementant la publicité sur internet, il n'a quasiment pas touché à l'article 23 relatif à l'interdiction de vente d'alcool aux mineurs. Sur l'article 24, il n'a pas bouleversé l'équilibre trouvé concernant la vente au forfait, mais il a apporté quelques modifications au dispositif sur la vente dans les stations-service sur lesquelles il conviendrait de revenir.
Sur le titre IV, enfin, M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a regretté que certaines dispositions adoptées sur la proposition du président Méhaignerie ou à son initiative ne se retrouvaient plus dans le texte du Sénat. Il s'agit notamment des dispositions qui établissaient la compétence de l'ARS en matière de démographie médicale et qui demandaient une réflexion approfondie sur les moyens d'une véritable politique de réduction des inégalités de santé : voilà au moins deux sujets sur lesquels les Français attendent une action déterminée des pouvoirs publics. Il s'agit également de la disposition qui permettait, à titre expérimental, de confier la présidence du conseil de surveillance de l'ARS à une personnalité qualifiée : dans une réforme qui fait une large place à l'Etat - au point que certains y voient une « étatisation » du système de santé -, une telle mesure serait bienvenue.
Sur l'article 28, le Sénat n'a pas modifié l'équilibre général de l'article, en particulier l'articulation des schémas d'organisation sociale et médico-sociale ou la procédure d'appel à projets. Il a en revanche ajouté un certain nombre de dispositions, avec l'accord du Gouvernement, hormis celle concernant l'instauration d'un service minimum dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Constitue un autre point difficile la création d'un statut spécifique pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux privés d'intérêt collectif, réservé aux établissements à but non lucratif.
Sur chacun de ces sujets, un accord devrait pouvoir être trouvé.
M. Guy Fischer, sénateur, a rappelé les nombreuses raisons qui ont amené le groupe CRC-SPG à voter contre ce projet de loi. En ce qui concerne en particulier l'article 22 bis A relatif à la lutte contre le dopage, il a fait part de son souhait de modifier le vote favorable émis par son groupe en séance publique en un vote contre : cet article habilite en effet le Gouvernement à agir par voie d'ordonnances, ce qui dessaisit le Parlement de son pouvoir légitime ; sur le fond, il ne résout pas les questions de gouvernance et de répartition des compétences entre l'Etat, l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et les fédérations sportives.
Mme Marisol Touraine, députée, a exprimé la colère, mais aussi la combativité, que lui inspire la procédure d'examen du projet de loi car on a le sentiment que la commission mixte paritaire vient se substituer à un nouveau débat qui aurait légitimement dû avoir lieu tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Elle a dénoncé le recours systématique par le Gouvernement à la procédure d'urgence et l'intégration par lui, lors des travaux au Sénat, de changements significatifs par rapport au texte adopté à l'Assemblée nationale, notamment pour insérer des dispositions relatives aux CHU à la suite du rapport Marescaux. Dans ces conditions, la commission mixte paritaire ne pourra être qu'une mascarade et le groupe socialiste est prêt à redéposer l'ensemble des amendements qu'il avait proposés en première lecture, si les conditions du débat l'y entraînent.
Sur le fond, elle a regretté la difficulté à comprendre l'orientation générale du texte car ce qui était le point clé du projet du Gouvernement, à savoir la proclamation du rôle prééminent du pouvoir administratif à l'hôpital, n'est que partiellement atteint. En revanche, la remise en cause des missions de service public est réelle et, au final, le Gouvernement aura réussi à faire adopter un texte que personne ne soutient, ni les médecins hospitaliers, ni les directeurs, ni les personnels de l'assurance maladie, ni les personnels de l'Etat, ni les médecins libéraux, ni les patients.
Les positions du groupe socialiste s'organisent autour de quatre points principaux :
- le service public hospitalier, que la ministre de la santé, dans son art cultivé du paradoxe, prétend renforcer et qui est en fait menacé. Alors que le texte prévoit que les établissements privés pourront picorer des missions de service public « à la carte », il est au contraire nécessaire d'adopter un socle non négociable pour réaffirmer que le service public ne se découpe pas.
Si le Sénat a amélioré le texte sur les questions de gouvernance, le résultat est encore insuffisant, dans la mesure où le dernier mot revient toujours au directeur, y compris pour le projet médical et la nomination des chefs de pôle. La disparition des conseils de pôle, où peut aujourd'hui s'exprimer la communauté soignante, est de ce point de vue regrettable. Toute tentative de revenir sur ces questions au texte de l'Assemblée nationale serait en tout état de cause inacceptable. Enfin, l'insertion par le Sénat d'une clause de non-concurrence pour les praticiens hospitaliers constitue une avancée importante ;
- l'égalité d'accès aux soins, qui regroupe la lutte effective contre les dépassements d'honoraires et contre les refus de soins, ainsi que la garantie d'une offre de soins équitablement répartie sur le territoire. Sur ces points, le texte, déjà insuffisant à l'origine, a été progressivement vidé de sa portée. Il est scandaleux que la loi, qui traduit l'intérêt général, se défausse sur des conventions professionnelles, naturellement représentatives d'intérêts particuliers, en ce qui concerne la lutte contre les dépassements d'honoraires. Il est regrettable que le Sénat n'ait pas accepté le renversement de la charge de la preuve et ait supprimé la possibilité de sanctionner les médecins sur le fondement d'un testing. En ce qui concerne l'égalité d'accès aux soins sur le territoire, la reconnaissance de la médecine de premier recours est certes positive mais elle ne permet pas de lutter contre les déserts médicaux car on ne lui a pas donné de véritable contenu. A cet égard, l'adoption d'un « contrat santé solidarité » se révèle une hypocrisie supplémentaire, en raison des délais d'application et de la faiblesse des pénalités ; il est nécessaire d'adopter des mesures plus contraignantes pour être efficace dans ce domaine ;
- la place de la santé publique. Le groupe socialiste s'interroge sur l'intérêt que présente le fait de participer à la discussion du titre III du projet de loi, censé être relatif à la prévention et à la santé publique, car la mascarade tourne ici à la désinvolture et au mépris. Aucune tentative d'amélioration ne semble envisageable, car le texte ressort particulièrement vide de contenu après son examen au Sénat : rien sur l'obésité, la toxicomanie ou la prévention des pathologies pour les jeunes ou du suicide ;
- l'organisation territoriale du système de santé. Le principe de la création des agences régionales de santé est bon mais le texte est très décevant car il va à l'encontre des objectifs de simplification et d'efficacité pourtant affichés. Le rôle accordé au préfet de région au sein des agences régionales de santé (ARS) et l'absence de représentant du conseil régional à leur conseil de surveillance sont regrettables ; le renforcement de l'étatisation n'est pas un gage de proximité. Enfin, il est douteux que le texte clarifie les compétences en matière de gestion du risque entre les ARS et les organismes de sécurité sociale.
A son tour, M. Jean-Marie Le Guen, député, a critiqué la manière avec laquelle le projet de loi, qui engage pourtant l'ensemble du système de santé français, est examiné par le Parlement. Il a dénoncé l'influence du Gouvernement sur les travaux des assemblées et une réforme à la « va-vite » sur des questions aussi fondamentales, dont l'exemple de l'organisation des CHU constitue une bonne illustration : l'introduction d'amendements au Sénat est un manque de considération, à la fois pour ces institutions fondamentales de la République et pour l'Assemblée nationale. En ce qui concerne la gouvernance, il a rappelé la crise forte que traversent les hôpitaux depuis la publication du projet de loi et il a mis en garde contre le traumatisme que ce débat précipité a pu y causer.
Le président Nicolas About, sénateur, a fait remarquer que la collaboration du Gouvernement avec le Parlement est une caractéristique du régime parlementaire et qu'il avait souvenir des conditions du débat sur la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé où il n'était pas rare que la majorité de l'époque interrompe les travaux pour recueillir l'avis du Gouvernement.
Au nom des sénateurs socialistes, verts et apparentés, M. Bernard Cazeau, sénateur, a rappelé que son groupe a plusieurs fois demandé au Gouvernement qu'il lève la procédure accélérée et, évoquant les échéances électorales de 2012, il a regretté la volonté d'adopter un tel projet aussi rapidement. Militant pour des solutions plus adaptées à la situation actuelle, il a jugé nécessaire d'élargir et d'approfondir le débat. Sur les CHU, par exemple, il faut rappeler que la commission des affaires sociales du Sénat n'a eu connaissance du rapport Marescaux que très tardivement durant ses débats.
M. Jean-Luc Préel, député, a tout d'abord fait valoir que ce texte, très important et très attendu puisqu'il traite de l'égal accès de tous à des soins de qualité, ne règle pas tous les problèmes et nécessitera de revenir sur un certain nombre de questions dans les prochains mois. Profondément favorable à la décentralisation, il a regretté que le Sénat ait accentué le caractère jacobin de l'organisation du système de santé et il s'est déclaré, à l'inverse, favorable à la responsabilisation des acteurs locaux.
L'objectif principal poursuivi par la création des ARS, c'est-à-dire décloisonner les différents aspects de la prise en charge des patients : prévention, soins, ville, hôpital, sanitaire et médico-social est excellent mais le texte ne règle pas le problème de la gouvernance nationale du système de santé. Le Sénat a d'ailleurs aggravé le problème des relations entre la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et les ARS, ce qui pourrait rendre le système ingouvernable ; il s'est déclaré favorable au transfert complet aux ARS du contrôle médical, y compris du système informatique. Le maintien de sous-objectifs dans l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) restreindra la marge de manoeuvre des agences, qui ne pourront pas arbitrer entre les différents secteurs, ce qui milite en faveur de la création d'objectifs régionaux des dépenses d'assurance maladie (Ordam). Le risque est réel de voir naître des conflits entre les deux hauts fonctionnaires que sont le préfet de région, président du conseil de surveillance de l'ARS, et le directeur général. Enfin, le texte ne renforce pas les responsabilités de la conférence régionale de santé.
Sur l'hôpital, le Sénat a amélioré le texte, par exemple en ce qui concerne le projet médical ; de toute façon, le véritable responsable de l'hôpital sera le directeur général de l'ARS puisqu'en plus de nommer le directeur, il fixera la part variable de sa rémunération.
Enfin, il faut garder en tête l'impérieuse nécessité d'un égal accès de tous à des soins de qualité et à des tarifs opposables. C'est d'ailleurs ce que le Président de la République a réaffirmé le 4 juin 2009 au 39 ème congrès de la mutualité française. A cet égard, il est regrettable que les négociations sur le secteur optionnel durent depuis trop longtemps.
M. François Autain, sénateur, a estimé inutile de recommencer l'ensemble du débat qui a longuement eu lieu, tant en commission qu'en séance publique. C'est pourquoi le groupe CRC-SPG ne présentera que huit amendements en commission mixte paritaire. Il a cependant rappelé les motifs pour lesquels son groupe s'est résolument opposé à l'adoption de ce texte qui entraîne la disparition du service public hospitalier et qui prépare sa cession au secteur commercial. Pour lui, le Gouvernement veut uniquement réduire les dépenses au détriment de la santé des Français. En ce qui concerne l'égal accès de tous à des soins de qualité, il a regretté que le projet de loi soit passé de « presque vide » à « vide » après son examen par le Parlement. Sur l'éducation thérapeutique, son indépendance continue de lui inspirer des doutes car les laboratoires pourront continuer d'en financer indirectement les programmes. Enfin, la création des ARS, monstre bureaucratique, crée plus de problèmes qu'elle n'apporte de solutions, notamment en ce qui concerne la gestion du risque.
En ce qui concerne l'introduction au Sénat d'amendements sur les CHU, en lien avec les conclusions du rapport Marescaux, M. Jacques Domergue, député, n'a pas estimé indispensable une lecture supplémentaire du projet de loi à l'Assemblée nationale, en raison du caractère limité des propositions contenues dans le rapport. Il en serait allé autrement si celui-ci avait évoqué les problèmes de la répartition territoriale, de l'organisation en pôles ou services universitaires et non universitaires et du rôle des personnels médicaux.
Au contraire, M. Jacky Le Menn, sénateur, a estimé qu'il aurait été nécessaire de lever la procédure d'urgence sur le projet de loi et de procéder à une nouvelle lecture dans chaque assemblée. Par ailleurs, il a rappelé que l'engagement de la ministre à présenter un futur projet de loi sur la santé publique a convaincu son groupe de retirer de nombreux amendements sur ces questions afin de se limiter à l'objectif premier du texte : l'organisation du système de santé. Pour autant, le groupe socialiste se montrera très vigilant sur le respect de l'engagement pris.
En ce qui concerne la gouvernance hospitalière, l'absence d'autonomie du directeur par rapport au directeur général de l'ARS est préoccupante. La commission des affaires sociales du Sénat avait adopté à l'unanimité un compromis qui compensait sur plusieurs aspects les faiblesses de la gouvernance hospitalière, en modifiant notamment la composition et les compétences du conseil de surveillance des établissements. Ces adaptations, dictées par la sagesse, pouvaient permettre au chef d'établissement de conserver une certaine liberté vis-à-vis de l'ARS. Il ne faudrait pas que la commission mixte paritaire remette en cause les équilibres ainsi trouvés.
La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.