AUDTION DE M. ÉRIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, SUR LES RÉSULTATS DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2008

Réunie le mardi 16 juin 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. Eric Woerth, ministre du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur la révision générale des politiques publiques et le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 .

M. Jean Arthuis, président , a souligné que l'audition de M. Eric Woerth est la première d'un cycle d'auditions de ministres, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008. Comme celui de la loi de règlement précédente, la référence de l'intitulé du présent projet de loi au « rapport de gestion » résulte de deux amendements de la commission aux projets de lois de règlement des comptes pour 2005 et 2006, qui avaient été retirés en séance mais qui avaient amené le Gouvernement à retenir cet intitulé pour le projet de loi de règlement relatif à l'année 2007. L'examen de la loi de règlement doit être un « moment de vérité budgétaire ». Le bilan quantitatif de la révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en juillet 2007, est encourageant, le Gouvernement ayant annoncé lors des trois conseils de modernisation des politiques publiques, dont le dernier s'est tenu le 11 juin, 374 décisions de réformes, devant être mises en oeuvre d'ici à 2011. Il faut se féliciter de la décision de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans les cadres de fonctionnaires. Si le chiffrage global des économies attendues (7,7 milliards d'euros) est connu, le Gouvernement n'a cependant pas publié sa répartition par type de mesure ou par ministère.

Lors de son audition par la commission le 3 juin dernier, M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a estimé que les dépenses de l'ensemble du budget de l'Etat ont augmenté en 2008 non de 2,8 % (au lieu des 1,9 % programmés en loi de finances initiale), comme l'affirme le Gouvernement, mais de 3,4 %, après réintégration de certaines dépenses irrégulièrement payées en dehors du budget de l'Etat. M. Jean Arthuis, président , a souhaité connaître l'analyse du Gouvernement à ce sujet.

M. Eric Woerth a rappelé que la loi de finances initiale pour 2008 prévoyait un déficit de 41,7 milliards d'euros. L'exécution du budget s'est finalement traduite par un solde de - 56,3 milliards d'euros. Cette détérioration du déficit budgétaire de 14,6 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale est due :

- à une dégradation des recettes fiscales (inférieures de 11,7 milliards d'euros aux évaluations de la loi de finances initiale), du fait du retournement brutal de la conjoncture économique, qui s'est traduit par des recettes de TVA et d'impôt sur les sociétés inférieures de respectivement 5,1 milliards et 4,6 milliards d'euros aux prévisions initiales ;

- à une progression des dépenses, y compris les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et des Communautés européennes, supérieure de 4 milliards d'euros à l'objectif de la loi de finances initiale, la charge de la dette ayant été accrue de 3,3 milliards d'euros par l'augmentation de l'inflation, du fait des obligations indexées.

Le Gouvernement relève néanmoins que la progression des dépenses a été égale à l'inflation (2,8 % contre une prévision de 1,6 % retenue en loi de finances initiale). L'affirmation de la Cour des comptes, selon laquelle les dépenses auraient progressé de 3,4 %, lui paraît erronée. L'approche de la Cour des comptes, qui consiste à mesurer la progression des dépenses en additionnant le budget général, les comptes spéciaux et les budgets annexes, conduit à compter deux fois des dépenses particulièrement dynamiques comme les pensions ou les charges de la dette, puisque le compte d'affectation spéciale « Pensions » et le compte de commerce « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État » sont alimentés par des versements du budget général. Par ailleurs, l'opportunité de l'intégration de certaines opérations dans ce calcul, comme les dépenses du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » (1,8 milliard d'euros) ou les dépenses du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » (80,2 milliards d'euros), est discutable.

La Cour des comptes a certes avancé une seconde justification de son affirmation selon laquelle les dépenses de l'Etat auraient augmenté non de 2,8 %, mais de 3,4 %. L'approche adoptée consiste à retraiter la progression des dépenses retenue par le Gouvernement pour le calcul de la norme d'évolution en y ajoutant l'intégralité de l'avance constatée au 31 décembre 2008 auprès du Crédit foncier de France (0,95 milliard d'euros) et l'apurement de la dette de l'Etat vis-à-vis de la sécurité sociale (0,75 milliard d'euros). Selon le Gouvernement, la prise en compte de ces dépenses n'est cependant pas justifiée. En ce qui concerne les primes d'épargne logement, le retraitement de la Cour conduit à imputer sur l'exercice 2008 des dépenses relevant en large partie des années antérieures. En ce qui concerne l'apurement de la dette de l'Etat vis-à-vis de la sécurité sociale, la Cour rattache à l'exercice 2008 des dépenses relevant de dettes au titre du passé, et en poussant le raisonnement jusqu'au bout, il faudrait comparer l'apurement de dette réalisé en 2008 à celui opéré l'exercice précédent (de 5,1 milliards d'euros), ce qui conduirait à un résultat très différent.

Le Gouvernement souhaite convenir avec la Cour d'une méthodologie commune dans la perspective du règlement des comptes de 2009.

Pour la troisième année consécutive, les comptes de l'Etat ont fait l'objet d'une certification de la Cour des comptes assortie de douze réserves. Quatre des réserves émises l'an dernier ont cependant été levées en tout ou partie pour l'exercice 2008.

En ce qui concerne la comptabilité patrimoniale, le résultat comptable de l'exercice 2008 s'établit à - 73,1 milliards d'euros, en diminution de 32 milliards d'euros par rapport à l'année 2007, principalement sous l'effet des reprises de dettes de divers organismes - fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA), entreprise de recherches et d'activités pétrolières (ERAP) et charbonnages de France (CDF) - et de moindres produits de fonctionnement et d'intervention, compensés partiellement par l'évolution des produits régaliens nets. Le bilan fait apparaître, au 31 décembre 2008, un actif net des amortissements et des dépréciations de 639 milliards d'euros pour un passif de 1.325 milliards d'euros (incluant 1.044 milliards d'euros de dettes financières).

En ce qui concerne la mesure de la performance, 88 % des indicateurs sont renseignés, contre 80 % dans les rapports annuels de performances (RAP) pour 2007 et 49 % dans les RAP pour 2006.

Le plafond d'emplois a été respecté. L'exercice 2008 se solde par une diminution des effectifs d'environ 23 300 équivalents temps plein travaillés (ETPT). L'écart de 5 300 ETPT par rapport à l'objectif fixé dans la loi de finances initiale (- 18 000 ETPT) traduit l'anticipation, par certains ministères, de suppressions de postes prévues dans le cadre du budget 2009-2011.

Les 7,7 milliards d'euros d'économies prévus dans le cadre de la RGPP se répartissent entre 3,5 milliards d'euros pour la masse salariale, 2 milliards pour l'intervention et 2,2 milliards pour le fonctionnement. Les opérateurs de l'Etat seront également concernés par la révision générale des politiques publiques.

M. Jean Arthuis, président , a déclaré qu'il a été « sensible » à l'argumentation du Gouvernement au sujet de l'évaluation de la croissance des dépenses en 2008.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a posé trois questions. Il s'est demandé s'il est justifié que, selon l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la loi de finances ne doive fixer le plafond de la variation nette de la dette de l'Etat qu'en ce qui concerne les titres d'une durée supérieure à un an ; si le Gouvernement entend revoir le périmètre des opérateurs de l'Etat, contesté par la Cour des comptes ; et, enfin, comment les recettes perçues par l'Etat dans le cadre du plan de financement de l'économie seront retracées budgétairement.

M. Jean-Pierre Fourcade a déclaré partager les préoccupations du rapporteur général au sujet des limitations de l'article 34 de la LOLF.

M. Eric Woerth a estimé que la rédaction actuelle de l'article 34 se justifie par la nécessité de permettre une certaine souplesse dans la gestion de la dette. M. Jean Arthuis, président , a déclaré partager ce point de vue. M. Eric Woerth a fait part de son intention de prendre en compte les remarques de la Cour des comptes en ce qui concerne la détermination du périmètre des opérateurs de l'Etat. Si les recettes perçues par l'intermédiaire de la Société de financement de l'économie française (SFEF) sont comptabilisées en une seule fois, les dividendes le sont au fur et à mesure.

M. Gérard Longuet a posé quatre questions. Il s'est tout d'abord demandé si la dette de Réseau ferré de France (RFF) ne risque pas d'être réintégrée dans la dette publique française par Eurostat. Il a voulu connaître la « doctrine » de comptabilisation des actifs immatériels de l'Etat, comme les concessions autoroutières ou électriques, ou la maîtrise de l'espace hertzien. Il a voulu savoir si le coût du glissement vieillesse-technicité (GVT) de la mission « Enseignement scolaire » en 2008, de près de 100 millions d'euros, était prévisible, alors que la loi de finances initiale pour 2008 reposait sur l'hypothèse qu'il serait nul. Il s'est enfin demandé quels étaient les postes d'enseignant qu'il était prévu de supprimer pour atteindre les objectifs de réduction d'emplois.

M. Eric Woerth a reconnu que les modalités de prise en compte de la dette de RFF sont « un sujet avec Eurostat ». Le conseil de normalisation des comptes publics, récemment créé, doit se pencher sur la question de la comptabilisation des actifs immatériels de l'Etat. Le GVT de la mission « Enseignement scolaire » est, comme celui de la plupart des missions, difficilement prévisible, et on ne peut pas parler de sous-budgétisation. En ce qui concerne la dernière question de M. Gérard Longuet, il convient de poser directement la question au ministre de l'éducation nationale.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité que chaque rapporteur spécial puisse suivre la mise en oeuvre de la RGPP pour les programmes dont il a la charge.

M. Eric Woerth s'est déclaré favorable à ce que les rapporteurs spéciaux rencontrent les équipes de suivi concernées.

Mme Michèle André s'est interrogée sur le prix du passeport biométrique.

M. Pierre Jarlier a estimé que la RGPP conduit à réduire les emplois publics en zone rurale.

M. Yann Gaillard s'est inquiété de l'avenir de la politique de la forêt.

M. Eric Woerth a souligné que les emplois de l'Etat devraient baisser de seulement 150 000 unités environ en cinq ans, ce qui est modeste par rapport au nombre total d'emplois publics. La politique immobilière de l'Office national des forêts (ONF) est en cours de rationalisation.

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