CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES ESPÈCES ET DES HABITATS
Les huit articles que comporte ce chapitre traitant de la protection des espèces et des habitats concernent notamment les plans nationaux d'action en faveur des espèces, l'intervention des collectivités sur les ouvrages hydrauliques privés pour assurer la continuité écologique des eaux, l'acquisition de zones humides par les agences de l'eau, les bandes enherbées longeant les cours d'eau ou encore le régime des parcs naturels régionaux.
Article 47 (Articles L. 411-1, L. 411-2 et L. 415-3 du code de l'environnement) - Plans nationaux d'action pour la conservation ou le rétablissement des espèces
Commentaire : cet article vise à assurer une protection règlementaire renforcée sur des espaces ciblés au titre de la protection d'habitats naturels.
I. Le droit en vigueur
Les articles L. 411-2 et suivants du code de l'environnement prévoient que l'autorité préfectorale -ou le ministre en charge des pêches maritimes lorsque le domaine public est concerné- peut prendre des mesures pour la conservation des habitats d'espèces. Il s'agit d'arrêtés de conservation de biotopes pouvant s'appliquer sur l'ensemble du territoire national. Leur mise en place, limitée dans le temps et dans l'espace, le cas échéant, est souple et aisée.
Or, si ces arrêtés, qui font partie intégrante de la stratégie nationale des aires protégées, permettent la conservation d'habitats d'espèces protégées déjà présentes sur un site, ils ignorent les habitats menacés en eux-mêmes, c'est-à-dire sans nécessairement que les espèces les peuplant soit également menacées. Ainsi, les habitats naturels d'intérêt communautaire présents dans les sites Natura 2000 ou d'autres habitats naturels présents dans les collectivités d'outre-mer ne peuvent bénéficier de cette protection.
En outre, cette insuffisance place la France en porte-à-faux à l'égard de la réglementation européenne. En effet, l'article 6 de la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages exige que les sites Natura 2000 puissent également, lorsque les circonstances l'exigent, faire l'objet d'une mesure de protection forte. En l'absence d'une telle possibilité en droit français, la Commission européenne a saisi la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) pour transposition incomplète de la directive.
II. Le dispositif du projet de loi
L'article 47 du projet de loi vise donc à assurer une protection règlementaire renforcée sur des espaces ciblés, de manière permanente ou temporaire, au titre de la protection d'habitats naturels, et à se mettre ainsi en conformité avec les exigences du droit communautaire. Il tend, en outre, à simplifier, harmoniser et regrouper des dispositions du code de l'environnement concernant le patrimoine biologique et le patrimoine géologique.
Le I de cet article modifie tout d'abord, d'un point de vue purement formel , le titre IV (Sites) du livre III (Espaces naturels) du code de l'environnement, qui comprend deux chapitres consacrés respectivement aux sites inscrits et classés (chapitre I er ) et aux autres sites protégés (chapitre II).
Purement techniques, ses deux dispositions sont liées aux modifications apportées au code de l'environnement par le reste de l'article.
Le II opère des modifications également formelles au sein de la section 1 (Préservation du patrimoine biologique) du chapitre I er (Préservation et surveillance du patrimoine biologique) du titre I er (Protection de la faune et de la flore) du livre IV (Faune et flore) du code de l'environnement, qui rassemble les articles L. 411-1 à L. 411-6.
Il y regroupe sous une terminologie commune les notions de patrimoine biologique et de patrimoine géologique, et permet ainsi d'harmoniser le régime de préservation qui leur est applicable.
Le III apporte des modifications à l'article L. 411-1 précité, qui interdit les atteintes de diverse nature à des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique en justifient la conservation.
Son 1° , qui constitue le « coeur » de l'article 47 du projet de loi, tend à permettre la protection des habitats naturels en sus de celle des habitats d'espèce .
L'option restreignant à ce niveau la portée de l'arrêté de conservation aux seuls habitats d'intérêt communautaire présents dans les sites Natura 2000 a été écartée lors de l'élaboration de l'article, en concertation avec les acteurs concernés. Cette restriction n'aurait pas permis, en effet, de rendre opérationnel cet outil de protection des habitats naturels dans les collectivités d'outre-mer, la directive n° 92/43/CEE précitée ayant un champ limité à la métropole.
Une évaluation de la biodiversité dans deux zones Natura 2000 montre que le bénéfice de cette disposition, actualisé sur 50 ans, se situerait entre 7.000 et 9.000 euros par hectare. Et cela sans comptabiliser les bénéfices liés aux usages récréatifs et aux retombées touristiques, en particulier dans les sites à forte notoriété les plus visités.
Ses 1° et 2° introduisent les notions de « patrimoine naturel » et d'« habitat » (« habitat naturel » et « habitat d'espèce ») en remplacement des notions de « patrimoine biologique », de « milieu particulier » ou de « biotope » actuellement mentionnées au code de l'environnement.
Ses 1° et 3° permettent également d'introduire la préservation du patrimoine géologique à travers les « formations » et les « sites » géologiques, jusqu'alors visés dans d'autres dispositions du code de l'environnement.
Son 4° procède à des coordinations au sein du II de l'article L. 411-1, qui soustrait aux diverses interdictions les spécimens détenus régulièrement lors de l'entrée en vigueur de l'interdiction relative à l'espèce à laquelle ils appartiennent.
Le IV apporte des modifications à l'article L. 411-2 précité, qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions d'application de l'article L. 411-1.
Ses 1° et 2° découlent directement des modifications apportées au code de l'environnement par les alinéas précédents et apportent quelques précisions rédactionnelles à l'article L. 411-2.
Son 3° supprime le dernier alinéa dudit article, qui prévoit la révision tous les deux ans de la liste des espèces animales non domestiques dont le décret fournit la liste.
En effet, le projet de modification de l'article L. 414-9 mentionné à l'article 48 du projet de loi met en place, au profit des espèces protégées, des plans nationaux d'action dont la biologie des espèces animales et végétales justifie qu'ils aient une durée de validité nettement supérieure à deux ans.
De plus, les listes des espèces protégées sont constituées essentiellement d'espèces dont la protection est rendue obligatoire par les engagements internationaux de la France, et notamment les directives européennes, qui ne sont pas révisées tous les deux ans.
Enfin, le V modifie l'article L. 415-3 de la section 2 (Sanctions) du chapitre V (Dispositions pénales) du titre I er du livre IV précités, qui punit de six mois d'emprisonnement et de 9.000 euros d'amende le fait de détruire des sites contenant des fossiles permettant d'étudier l'histoire du monde vivant ainsi que les premières activités humaines, de détruire ou d'enlever des fossiles présents sur ces sites.
La modification a simplement pour objet d' intégrer dans cet article de façon formelle les modifications introduites dans le code de l'environnement par les précédents alinéas.
III. La position de votre commission
Votre commission souscrit entièrement à cet article tendant à assurer une protection règlementaire renforcée sur des espaces ciblés au titre de la protection d'habitats naturels.
Sur proposition M. Daniel Soulage et les membres du groupe Union centriste, elle a cependant tenu à maintenir l'interdiction de destruction des sites contenant des fossiles permettant d'étudier l'histoire du monde vivant ainsi que les premières activités humaines.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié. |