II. LA CONVENTION D'OSLO SUR LES ARMES À SOUS-MUNITIONS
Fonctionnant sur la base du consensus, les enceintes internationales en charge du désarmement ne sont pas parvenues à apporter une réponse efficace au problème humanitaire posé par les armes à sous-munitions.
Le processus d'Oslo, inspiré de la démarche ayant conduit à la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel en 1997, a quant à lui réuni les Etats désireux d'aboutir rapidement à un instrument international d'interdiction des armes à sous-munitions qui causent des dommages inacceptables aux populations civiles.
Conformément aux objectifs de ses initiateurs, le processus d'Oslo a permis en quelques mois de parvenir à un texte recueillant l'approbation de près d'une centaine d'Etats.
La ratification de la convention d'Oslo par les Etats détenteurs d'armes à sous-munitions qui n'ont pas voulu participer à son élaboration constituera un enjeu important pour les années à venir, alors que la question de l'adoption, en parallèle, d'un protocole à la convention de 1980 sur certaines armes classiques, reste posée.
A. LA GENÈSE DU PROCESSUS D'OSLO
Le processus d'Oslo a été lancé au mois de février 2007 dans la perspective de l'adoption rapide d'un instrument international sur les armes à sous-munitions, alors que plusieurs pays considéraient que les discussions engagées dans le cadre de la convention sur certaines armes classiques s'enlisaient.
1. Des progrès insuffisants au sein des instances multilatérales en charge du désarmement
Jusqu'à la convention d'Oslo, aucun texte international n'interdisait ou ne restreignait la détention et l'emploi des armes à sous-munitions .
Ces armes étaient donc pleinement licites, et les seules normes de nature à pouvoir jouer en faveur de la protection des populations civiles étaient les principes du droit humanitaire international définis dans les conventions de Genève du 12 août 1949, et plus particulièrement dans le protocole additionnel à ces conventions relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I), adopté à Genève le 8 juin 1977 4 ( * ) . Ces principes subordonnent l'emploi des moyens militaires à la prise en compte des risques éventuels pour les populations. Toutefois, plusieurs Etats qui ont utilisé des armes à sous-munitions n'ont pas ratifié ce protocole et d'autres Etats l'ayant quant à eux ratifié ne se conforment pas toujours à ses dispositions.
L'enceinte naturelle au sein de laquelle la question des armes à sous-munitions avait vocation à être abordée était la conférence des Etats-parties à la convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques produisant des effets traumatiques excessifs ou frappant sans discrimination, désignée plus couramment « convention de 1980 sur certaines armes classiques » ou sous son acronyme anglais « CCW ».
Les 110 Etats parties à cette convention ont adopté le 28 novembre 2003 un protocole relatif aux restes explosifs de guerre (protocole V) qui s'attache à réduire les problèmes posés par les munitions non explosées ou abandonnées. Le protocole V, actuellement ratifié par 60 Etats, instaure une responsabilité de l'utilisateur pour l'enlèvement et la destruction des munitions non explosées laissées sur le terrain. Ce texte est apparu comme une incitation à la retenue dans l'emploi des armes à sous-munitions et à l'élimination des armes les moins fiables. Il ne répond toutefois que très partiellement à la problématique de ces armes qui présentent des risques humanitaires disproportionnés au regard de leur utilité militaire.
L'élaboration d'un instrument spécifique sur les armes à sous-munitions apparaissait donc indispensable, mais des divergences profondes sont apparues à Genève entre les Etats parties à la convention de 1980 .
Ces divergences se sont manifestées au mois de novembre 2006, à l'occasion de la 3 ème conférence d'examen de la convention. Celle-ci intervenait quelques semaines à peine après le conflit du Sud-Liban au cours duquel les forces israéliennes avaient fait un usage massif d'armes à sous-munitions, le grand nombre de sous-munitions non-explosées entraînant de multiples accidents dans la population civile.
Un groupe de 25 Etats avait lancé un appel à l'élaboration d'un nouvel instrument international interdisant les armes à sous-munitions les plus dangereuses, mais des pays tels que les Etats-Unis, la Russie, l'Inde, le Pakistan ou Israël s'y étaient opposés. La conférence s'était achevée par un mandat de discussion confiant à un groupe d'experts gouvernementaux le soin de suivre la question de la fiabilité des armes à sous-munitions et de leurs caractéristiques techniques, en vue de réduire l'impact humanitaire de leur emploi.
Estimant que ce mandat n'allait pas assez loin, la Norvège a alors pris l'initiative d'organiser à Oslo, au mois de février 2007 et en dehors du cadre de la convention de 1980, une conférence internationale ayant pour objet la négociation d'un instrument international « d'interdiction des armes à sous-munitions engendrant des conséquences humanitaires inacceptables ».
2. Le lancement d'une démarche inspirée du processus d'Ottawa sur les mines antipersonnel
Le processus d'Oslo s'est déroulé au cours des années 2007 et 2008. Les négociations n'étant pas subordonnées à l'obtention du consensus, à la différence de celles intervenant dans le cadre de la convention sur certaines armes classiques, elles ont pu aboutir rapidement. Comme on l'avait vu pour la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, les organisations non gouvernementales ont joué un rôle majeur dans ce processus, participant pleinement aux discussions, même si le pouvoir décisionnel restait bien entendu entre les mains des Etats.
Lors de la conférence d'Oslo des 22 et 23 février 2007 , 46 Etats dont la France ont adopté une déclaration par laquelle ils s'engageaient à conclure en 2008 un instrument international juridiquement contraignant visant à interdire l'utilisation, la production, le transfert et le stockage des armes à sous-munitions qui causent des dommages inacceptables aux populations civiles et définissant un cadre de coopération et d'assistance aux victimes.
Un premier projet de texte fut présenté à la conférence de Lima, en mai 2007, puis de nouveau discuté lors des conférences de Vienne (décembre 2007) et de Wellington (février 2008). La négociation finale s'est déroulée lors d'une conférence diplomatique à Dublin, du 19 au 30 mai 2008.
Autour de la Norvège, les Etats dits du « Core Group », comprenant l'Autriche, l'Irlande, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou et le Saint-Siège, ont donné l'impulsion et préparé les projets de texte.
La France participait quant à elle avec les principaux pays de l'Union européenne (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Suède, Pays-Bas, Danemark, République tchèque), la Suisse, le Canada, le Japon et l'Australie, au « like-minded group », soucieux de concilier les impératifs humanitaires et les contraintes liées aux engagements militaires.
Les principaux points de discussion concernaient la définition des armes à sous-munitions entrant dans le champ de l'interdiction, et de leurs caractéristiques en termes de nombre de sous-munitions, de précision et de fiabilité, sur les règles applicables lorsque les Etats parties sont engagés dans des opérations multinationales aux côtés d'Etats qui n'ont pas ratifié la convention et qui sont susceptibles d'employer des armes à sous-munitions, ainsi que sur les délais imposés pour la destruction des stocks d'armes prohibées.
Le texte de la convention adopté à Dublin a été officiellement signé à Oslo le 4 décembre 2008 par 94 Etats.
* 4 Il s'agit notamment du principe de distinction entre la population civile et les combattants, de l'interdiction des attaques sans discrimination, des principes de proportionnalité et de précaution dans l'attaque.