C. LA STRATÉGIE PRÉCONISÉE PAR VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur invite l'Union européenne à privilégier en premier lieu la possibilité de conclure des arrangements de coopération avec les pays tiers . Dans l'hypothèse où ceux-ci refuseraient de se plier à des contraintes équivalentes à celles en vigueur pour nos opérateurs économiques, alors l'Union européenne devra tout mettre en oeuvre pour imposer un mécanisme d'ajustement fiscal à ses frontières.

En ce sens, et sur proposition du rapporteur, votre commission a adopté un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'alinéa 29 pour demander à la Commission européenne d'engager, en cas d'échec des négociations internationales, les discussions avec les États membres sur les modalités techniques de mise en oeuvre d'inclusion carbone aux frontières de l'Union, tel que prévu par la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009.

En effet, les termes actuels de la proposition de résolution sont trop ambigus. Aucune autorité supérieure n'a, à ce jour, été identifiée pour juger du caractère « équitable » ou « inéquitable » du partage de l'effort entre Etats. L'alternative est donc simple : soit les États jugent ce partage inéquitable, ne signent pas d'accord, et demandent donc à l'Union européenne de mettre en place le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières ; soit les État se sont entendus sur un accord politique, signifiant que le partage de l'effort est équitable. Dans ce cas là, le mécanisme d'inclusion carbone n'a plus de raison d'être.

1. Agir en vue d'un accord international contraignant à Copenhague

Votre rapporteur juge qu'il faut tout mettre en oeuvre pour que l'Europe parvienne à un accord décisif sur le climat lors de la 15 ème conférence des Nations-Unies sur le changement climatique. Il reste optimiste et appelle la France à réitérer l'action positive qu'elle a pu mener lors de sa présidence de l'Union européenne pour faire adopter le paquet « énergie-climat ».

Le niveau international s'impose de fait comme l'échelon le plus pertinent pour mener des actions en matière de lutte contre le réchauffement climatique . Les accords éventuellement passés à l'occasion de ce sommet historique ne manqueraient d'ailleurs pas d'être examinés par les instances de règlement des différents de l'OMC, s'ils comportaient un mécanisme d'inclusion carbone européen aux frontières.

2. En cas d'échec, envisager la mise en place d'un mécanisme d'inclusion carbone

Votre rapporteur est d'avis que l'instauration d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières de l'Europe est non seulement possible, mais également souhaitable si nos partenaires commerciaux refusaient de s'associer aux politiques de lutte contre le changement climatique .

Il rappelle que ce mécanisme doit être subordonné à plusieurs conditions pour être compatible avec les engagements internationaux de l'Union ainsi que pour être perçu comme légitime par la communauté internationale, à commencer par les pays visés, et ne pas entraîner de représailles commerciales.

La solution la plus simple reste évidemment celle de l'inclusion des importateurs dans le marché européen de quotas d'émission de GES , la question du « tarif de la taxe » se réglant aisément puisqu'il ne s'agit que de vendre des quotas au prix du marché, dans les mêmes conditions que celles appliquées aux industriels européens. Il n'y aurait donc pas de discrimination.

La solution plus complexe consiste en la mise en place d'une taxe aux frontières . Dans ce cas, il faudra résoudre les difficultés techniques et pratiques évoquées précédemment par votre rapporteur, notamment en se fondant sur la présomption de la meilleure technologie disponible.

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Réunie le mercredi 2 décembre, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a adopté la proposition de résolution européenne, n° 98 (2009-2010) de Mme Fabienne Keller sur le marché des quotas de CO 2 et le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, ainsi modifiée, les groupes socialiste et communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

sur le marché des quotas de CO 2 et le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières

TEXTE DE LA COMMISSION DE L'ÉCONOMIE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu les conclusions du Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009 ;

Vu les conclusions du Conseil « Environnement » du 21 octobre 2009 ;

Vu la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 modifiant la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté ;

Vu la résolution européenne du Sénat n° 18 (2008-2009) du 28 novembre 2008 ;

1. A propos de la mise aux enchères des quotas de CO2 à compter de 2013

Considérant que le marché du carbone a été créé pour répondre à un intérêt public, à savoir réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre de la manière la plus efficiente économiquement et que les premières années de fonctionnement de ce marché ont montré ses faiblesses, notamment un risque de variation erratique des cours ;

Considérant que, si depuis la création du marché du carbone en 2005 les quotas de CO2 sont alloués gratuitement aux principaux émetteurs industriels de gaz à effet de serre, puis échangés sur le marché secondaire, il n'en sera plus ainsi à compter du 1 er janvier 2013, la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 posant le principe de la mise aux enchères des quotas ;

Considérant que la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 ne définit pas les modalités de la mise aux enchères des quotas ;

Considérant que cette directive dispose que la Commission européenne arrête, le 30 juin 2010 au plus tard, un règlement concernant le calendrier, la gestion et les autres aspects de la mise aux enchères des quotas ;

- Juge que, pour éviter les distorsions de concurrence et tout risque de perturbation du marché secondaire des quotas, ce règlement devra prévoir l'organisation de la mise aux enchères au niveau d'une plateforme européenne, un prix unique d'adjudication étant ensuite arrêté ;

- Précise que ces modalités d'enchère seraient sans incidence sur la règle prévoyant que le produit des enchères est entièrement reversé aux États membres, au prorata des quotas qui leur sont alloués ;

- Invite le Gouvernement à agir pour que le règlement annoncé aille en ce sens ;

2.  A propos du marché des quotas de CO2

Considérant que la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 ne prévoit aucun mécanisme pour réglementer et encadrer le marché des quotas ;

Considérant que le rôle précurseur de l'Union européenne sur le marché du carbone est une opportunité à saisir pour fixer des standards exigeants dans la perspective d'un marché mondial ;

- Juge nécessaire de clarifier et d'harmoniser au niveau européen le statut juridique des quotas ainsi que leur traitement comptable et fiscal ;

- Demande que le marché soit encadré et régulé, afin de limiter le pouvoir de marché, le risque de contrepartie et d'abus de marché tels que la manipulation des cours ou l'utilisation d'informations privilégiées ;

- Estime que cela implique que, a minima , le passage par une chambre de compensation soit rendu obligatoire et que, de manière plus ambitieuse, une autorité européenne soit habilitée à surveiller ce marché et à assurer le respect des règles précitées et, le cas échéant, à prononcer des sanctions ;

- Estime que cela implique que le renforcement des règles prudentielles de gestion du risque sur les produits dérivés, actuellement étudié par la Commission européenne, s'applique également aux instruments dérivés sur quotas ;

- Juge que l'intérêt public attaché à ce marché justifie des interventions pour corriger les variations de cours excessives ou non cohérentes avec les objectifs assignés à ce marché ;

- Invite en conséquence le Gouvernement à demander à la Commission européenne de proposer rapidement une nouvelle directive ;

3.  A propos de la mise en oeuvre d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières

Considérant que cette directive prévoit la possibilité d'instaurer un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières pour lutter contre « les fuites de carbone », c'est-à-dire les délocalisations hors de l'Union européenne motivées par le coût du carbone ;

Considérant que ces « fuites de carbone » seraient dommageables à un double titre : économiquement et socialement pour l'Union, écologiquement pour la planète ;

Considérant que ce mécanisme consisterait à intégrer dans le système communautaire de quotas les importateurs de produits de secteurs sous quotas afin de mettre sur un pied d'égalité écologique les productions européennes et celles de leurs concurrents mondiaux ;

Considérant néanmoins que la stratégie privilégiée jusqu'à présent pour lutter contre ce risque de délocalisation consiste à maintenir au-delà du 1 er janvier 2013 l'allocation des quotas à titre gratuit dans les secteurs menacés ;

- Souligne qu'un tel mécanisme paraît compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce ;

- Demande que le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, tel que prévu par la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009, soit mis en oeuvre si, à l'issue de la conférence de Copenhague, un accord ne peut être conclu ou si cet accord n'est pas appliqué par les États signataires ;

- Estime que la mise en oeuvre de ce mécanisme devrait aller de pair avec une réduction sensible du nombre de secteurs pouvant continuer à bénéficier, par exception au principe des enchères, de quotas gratuits à compter du 1 er janvier 2013.

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