EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE
PREMIER -
DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉTENTION DE SÛRETÉ ET
À LA SURVEILLANCE DE SÛRETÉ
Article premier A (art. 706-56-13 du code de procédure pénale) - Application de la rétention de sûreté aux crimes de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration commis, en état de récidive, sur majeurs
Aux termes de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, la rétention de sûreté est applicable aux crimes d'assassinat ou de meurtre , de torture ou actes de barbarie , de viol , d' enlèvement ou de séquestration commis sur mineurs et, à la condition qu'ils aient fait l'objet de circonstances aggravantes , commis sur majeurs .
Le législateur n'avait cependant pas prévu, s'agissant des majeurs, que ces mêmes crimes, commis en état de récidive légale, entrent dans le champ d'application de la rétention de sûreté.
Or, l'état de récidive peut être considéré comme une circonstance générale d'aggravation -susceptible de porter la peine encourue à la réclusion criminelle à perpétuité- qu'il importe également de prendre en compte.
Tel est l'objet du présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois. Il permet l'application de la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté aux infractions mentionnées à l'article 706-53-13 lorsqu'elles sont commises en état de récidive sur majeurs.
Votre commission a adopté l'article premier A sans modification .
Article premier (art. 706-53-15 du code de procédure pénale) - Subordination de la décision de placement en rétention de sûreté à la possibilité donnée à l'intéressé, aux cours de sa détention, de bénéficier d'une prise en charge adaptée
Cet article tend à obliger la juridiction régionale de la rétention de sûreté, avant qu'elle ne prononce une rétention de sûreté, à vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre.
Cette disposition reprend presque littéralement la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 concernant la loi relative à la rétention de sûreté 26 ( * ) .
Cette obligation constitue le prolongement logique de deux dispositions de la loi du 25 février 2008.
En premier lieu, l'article 717-1 A, introduit dans le code de procédure pénale à l'initiative du Sénat, prévoit que dans l'année qui suit sa condamnation définitive, la personne ayant commis une infraction entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté est placée pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé permettant de déterminer les modalités de prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de la peine.
Au vu de cette évaluation, le juge de l'application des peines définit un parcours d'exécution de la peine individualisé 27 ( * ) .
Dans un deuxième temps, deux ans avant la date prévue pour sa libération. La personne susceptible de faire l'objet d'une rétention de sûreté est convoquée par le juge de l'application des peines auprès duquel elle « justifie des suites données au suivi médical et psychologique adapté qui a pu lui être proposé (...). Au vu de ce bilan, le juge de l'application des peines, lui propose, le cas échéant, un suivi dans un établissement pénitentiaire spécialisé » (article 717-1, sixième alinéa).
Le 1° du texte proposé par cet article rappelle les trois exigences posées par le Conseil constitutionnel qui, en tout état de cause, en l'absence même de l'intervention du législateur, s'imposent aux juridictions :
- la personne susceptible de faire l'objet d'une rétention de sûreté doit avoir été en mesure de bénéficier d'une prise en charge effective dans ses trois dimensions -médicale, sociale et psychologique.
- la prise en charge proposée doit en outre être adaptée au trouble de la personnalité dont souffre la personne et tenir compte, en conséquence, de la situation particulière de la personne concernée (ainsi l'auteur d'un crime sexuel ne relève pas seulement d'un traitement médical mais aussi d'un suivi dans le cadre d'entretiens individualisés ou de groupes de paroles) ;
- enfin, la juridiction régionale de la rétention de sûreté devra procéder à une vérification de ces conditions. Afin de renforcer cette exigence, le 2° du présent article prévoit que la motivation spéciale requise pour le placement en rétention de sûreté devra aussi porter sur l'effectivité de la prise en charge proposée au condamné.
Lors de ses échanges avec votre rapporteur, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a jugé qu'il serait difficile pour la juridiction régionale de la rétention de sûreté de s'assurer que l'intéressé aura été en mesure de bénéficier d'une prise en charge effective et adaptée. Il a suggéré que cette mission soit confiée à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, dotée à cet égard de l'expertise nécessaire, les magistrats s'appuyant ensuite sur les éléments d'information recueillis par cette instance.
Votre commission a ainsi adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement dans ce sens, destiné à compléter l'article 706-53-14 du code de procédure pénale relatif au rôle de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.
Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié .
Article premier bis (art. 706-53-19, 723-37, 763-8 du code de procédure pénale) - Allongement à deux ans de la durée de la surveillance de sûreté
Cet article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Brigite Barèges et de M. Eric Ciotti, tend à porter de un à deux ans la durée de la surveillance de sûreté dans les trois hypothèses où celle-ci peut être prononcée (après une rétention de sûreté -article 706-53-19 du code de procédure pénale, après une surveillance judiciaire -article 723-37 du code de procédure pénale ou après un suivi-socio-judiciaire -article 763-8 du code de procédure pénale).
Selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, la durée actuelle « a pour conséquence qu'il est quasiment nécessaire, pour pouvoir prolonger une surveillance de sûreté, d'engager la procédure de renouvellement dès le placement initial en surveillance de sûreté, ce qui est contraire à l'idée d'individualisation des mesures en fonction de l'évolution de la dangerosité de la personne ».
En effet, en l'état du droit, le renouvellement de la surveillance de sûreté intervient dans les mêmes conditions que la décision initiale : lorsque la surveillance de sûreté suit une surveillance judiciaire ou un suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines ou le procureur de la République doit alors saisir la juridiction régionale de la rétention de sûreté six mois avant le terme prévu pour l'une ou l'autre de ces mesures (article 723-37 du code de procédure pénale). Ce délai permet notamment la réalisation de l'expertise médicale constatant la persistance de la dangerosité.
L'allongement de la surveillance de sûreté implique néanmoins, en contrepartie, la possibilité pour l'intéressé de demander la mainlevée de la mesure -ce que ne prévoit pas le code de procédure pénale. L'article R. 53-8-48 donne simplement à la personne placée sous surveillance de sûreté la faculté de demander la suppression de certaines des obligations auxquelles elle est soumise. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin d'appliquer en la matière les règles retenues pour la rétention de sûreté par l'article 706-53-17 : après un délai de trois mois, la personne placée sous surveillance de sûreté pourrait demander qu'il soit mis fin à la mesure. Il serait mis fin d'office à la surveillance de sûreté si la juridiction n'a pas statué dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande. En cas de rejet, aucune autre demande ne pourrait être déposée avant l'expiration d'un délai de trois mois.
Votre commission a adopté l'article premier A ainsi modifié .
Article 2 (art. 706-53-19, 723-37 et 763-8 du code de procédure pénale) - Subsidiarité de la rétention de sûreté par rapport à la surveillance de sûreté - Coordinations
Cet article, inspiré de la recommandation n° 12 du rapport Lamanda, précise que le placement en centre socio-médico-judiciaire ne peut être ordonné à l'encontre d'une personne placée sous surveillance de sûreté que si le renforcement des obligations de la surveillance de sûreté s'avère insuffisant pour prévenir la commission des infractions visées à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.
En l'état du droit, en vertu du dernier alinéa de l'article 706-53-19, une personne sous surveillance de sûreté peut être placée dans un centre socio-médico-judiciaire si elle méconnaît les obligations qui lui sont imposées, faisant apparaître ainsi une « particulière dangerosité caractérisée par une possibilité très élevée de commettre à nouveau l'une des infractions mentionnées à l'article 706-53-13. » La décision relève du président de la juridiction régionale qui statue en urgence et à titre provisoire. Elle doit être confirmée dans un délai maximal de trois mois par la juridiction régionale.
La rétention de sûreté doit rester un ultime recours. Or, le président Lamanda avait craint qu'une interprétation stricte de la formule selon laquelle la surveillance de sûreté « prolonge » les obligations de la surveillance judiciaire (article 723-37 du code de procédure pénale) ou du suivi socio-judiciaire (article 763-8 du code de procédure pénale) n'interdise de « prévoir, en cas d'une violation d'obligations de la surveillance de sûreté, la possibilité pour la juridiction régionale de rétention de sûreté de soumettre la personne à des obligations nouvelles qu'elle jugerait suffisantes pour son contrôle et mieux adaptées à son profil ».
A titre d'exemple, avant qu'un placement dans un centre socio-médico-judiciaire ne soit envisagé, il est souhaitable de proposer à l'intéressé une injonction de soins ou un placement sous surveillance électronique mobile si l'une ou l'autre de ces mesures n'avaient pas déjà été ordonnées.
Bien que le législateur n'ait pas expressément visé cette possibilité, il entrait bien dans ses intentions de l'autoriser.
Au reste, l'article R. 53-8-48 introduit dans le code de procédure pénale par le décret n° 2008-1129 du 4 novembre 2008 prévoit déjà que les obligations de la surveillance de sûreté peuvent être adaptées à tout moment « pour tenir compte de l'évolution de la personne qui y est soumise » -tel est le cas dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire. La décision appartient au président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté -à la demande de la personne, du juge de l'application des peines ou du procureur de la République- qui statue par ordonnance.
Il apparaît néanmoins opportun d'indiquer explicitement que la rétention de sûreté n'est possible que si le renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparait insuffisant pour prévenir la récidive.
Tel est l'objet du I de cet article.
Par ailleurs, par référence aux alinéas pertinents de l'article 706-53-19 du code de procédure pénale, les I et II permettent l'application aux cas où la surveillance de sûreté fait suite à une surveillance judiciaire (article 723-37) ou à un suivi socio-judiciaire (article 763-8) des dispositions prévues par le projet de loi pour l'hypothèse où la surveillance de sûreté est ordonnée après une rétention de sûreté.
Un régime homogène serait ainsi établi : non seulement, comme tel est le cas aujourd'hui, un manquement aux obligations de la surveillance de sûreté pourrait provoquer le placement en urgence dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté 28 ( * ) mais encore ce placement ne pourrait intervenir que si le renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaît insuffisant ( voir le I du présent article ) ; en outre, l'intéressé pourrait être placé dans un tel centre en cas de refus d'un placement sous surveillance électronique mobile ( voir, infra, article 2 bis ) et le refus ou l'interruption d'un traitement antilibido proposé dans le cadre d'une injonction de soins serait assimilé à un manquement aux obligations de la surveillance de sûreté ( voir, infra, article 5 ter) .
Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .
Article 2 bis (art. 706-53-19 du code de procédure pénale) - Application de la rétention de sûreté en cas de refus d'un placement sous surveillance électronique mobile
Cet article, inséré dans le projet de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Brigitte Barèges et de M. Eric Ciotti, tend à prévoir que le « condamné », soumis à une surveillance de sûreté, est averti par le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté que le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être mis en oeuvre sans son consentement mais que, à défaut ou s'il manque à ces obligations, le placement dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté pourra être ordonné.
Actuellement, lorsqu'un placement sous surveillance électronique mobile est décidé dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines rappelle au condamné que cette mesure ne pourra être mise en oeuvre sans son consentement mais qu'à défaut ou s'il manque à ses obligations, l'emprisonnement, dont la durée maximale doit être prévue par la décision de condamnation, pourra être mis à exécution (article 763-10 du code de procédure pénale). De même, lorsque le placement est décidé dans le cadre d'une surveillance judiciaire, le juge de l'application des peines informe l'intéressé que la surveillance électronique mobile ne peut être mise en oeuvre sans son consentement mais que, à défaut, tout ou partie des réductions de peine dont il a bénéficié pourra lui être retirée (article 723-34 du code de procédure pénale).
La disposition proposée s'inspire des mêmes principes. Il est souhaitable de favoriser le placement sous surveillance électronique mobile, en particulier, en cohérence avec l'article 2 du présent projet de loi, afin de ne décider d'un placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté qu'en ultime recours.
Il importe cependant de préciser que le refus du placement ou le manquement à une obligation prévue dans ce cas ne peuvent entraîner une rétention de sûreté que si les autres conditions prévues par l'article 706-53-19 sont également satisfaites -à savoir que ce refus ou cette méconnaissance fait apparaître une « particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de commettre à nouveau l'une des infractions mentionnées à l'article 706-53-13 ».
Votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur dans ce sens ainsi qu'un amendement rédactionnel.
Elle a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé .
Article 3 (art. 706-53-21 nouveau du code de procédure pénale) - Suspension de la rétention de sûreté ou de la surveillance de sûreté en cas de détention intervenue au cours de leur exécution
Cet article tend à prévoir que la rétention de sûreté ou la surveillance de sûreté sont suspendues lorsqu'une détention intervient au cours de leur exécution.
La personne placée sous surveillance de sûreté ou en sous rétention de sûreté peut commettre une infraction -par exemple, s'agissant de la personne retenue, à l'occasion d'une permission de sortie- donnant lieu en effet à une condamnation à une peine d'emprisonnement 29 ( * ) .
Le principe d'une suspension de la mesure s'inspire du système retenu pour le sursis avec mise à l'épreuve. En effet, aux termes de l'article 132-43 du code pénal, le délai d'épreuve est suspendu pendant le temps où le condamné est incarcéré.
Si la détention excède une durée d'un an, la reprise de la rétention de sûreté ou de la surveillance de sûreté devrait être confirmée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté dans un délai maximal de trois mois suivant la cessation de la détention à défaut de quoi il serait mis fin d'office à la mesure.
Si le mécanisme de la suspension de la mesure apparaît conforme au droit commun, le seuil d'un an de détention fixé pour le réexamen de la situation apparaît plus contestable dès lors que le temps de détention doit permettre, selon le Conseil constitutionnel, une prise en charge effective et adaptée de la personne. En effet, les conditions qui ont justifié le placement sous surveillance de sûreté ou rétention de sûreté ne seraient peut-être plus réunies au terme d'une détention au cours de laquelle, grâce à un suivi efficace, la personne pourrait présenter une moindre dangerosité.
Votre commission a ainsi adopté un amendement de son rapporteur afin de ramener de un an à six mois le seuil proposé par le projet de loi.
Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .
Article 4 (art. 723-37 du code de procédure pénale) - Abaissement du quantum de peine prononcé pour le placement sous surveillance de sûreté à l'issue d'une mesure de surveillance judiciaire -Possibilité de prononcer une surveillance de sûreté à l'encontre d'une personne soumise à une surveillance judiciaire et à laquelle toutes ses réductions de peine ont été retirées
Le 1° de cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois, prévoit de ramener de quinze à dix ans le quantum de peine prononcée susceptible de donner lieu à une surveillance de sûreté.
En effet, selon le rapporteur, M. Jean-Paul Garraud, « si un seuil élevé de peine prononcée (quinze ans) apparaît nécessaire pour permettre un placement direct sous la rétention de sûreté à l'issue de la peine, l'idée de gradation des mesures de sûreté qui doit prévaloir dans la perspective de la prévention de la récidive des infractions commises par des criminels dangereux doit conduire à prévoir un seuil plus bas pour le placement sous surveillance de sûreté d'une personne dont le risque de récidive apparaît élevé à l'issue de la période de surveillance judiciaire ».
Les représentants des magistrats ainsi que ceux des avocats, lors de leurs échanges avec votre rapporteur ont tous plaidé pour le maintien du droit en vigueur. Ainsi, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a considéré que cet abaissement revenait à contourner la règle du quantum de quinze ans pour l'application de la rétention de sûreté même s'il pouvait aussi, il est vrai, incliner les juges à prononcer des peines d'emprisonnement moins longues.
Le Gouvernement a également exprimé des réserves sur cette modification au texte qu'il avait déposé, Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux donnant un avis de sagesse à un amendement tendant à revenir au droit en vigueur. La ministre de la justice avait rappelé à cette occasion, qu'au moment où le Parlement avait adopté la rétention de sûreté, « il était bien prévu qu'il s'agissait de dispositions exceptionnelles, de sanctions correspondant à des faits d'une grande gravité » et qu'« une personne condamnée à une peine de dix à quinze ans de réclusion criminelle peut d'ores et déjà faire l'objet d'une surveillance judiciaire ».
Votre commission partage cette position.
Elle estime que l'abaissement de quinze à dix ans du quantum de peine prononcée aura pour effet indirect de permettre l'application de la rétention de sûreté à des infractions présentant un moindre degré de gravité. Or à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a insisté dans sa décision du 21 février 2008, sur le caractère exceptionnel de la rétention de sûreté -ainsi, il a observé que les atteintes portées à la liberté individuelle devaient être adaptées, nécessaires et proportionnées à l'objectif de prévention poursuivi. S'il a jugé le champ d'application de la rétention de sûreté en adéquation avec sa finalité, c'est au regard de l'« extrême gravité des crimes visés et à l'importance de la peine prononcée par la cour d'assises ».
Par ailleurs, votre commission relève que le système actuel obéit déjà à une logique de gradation avec un éventail de dispositifs allant du suivi socio-judiciaire -qui n'est pas soumis à un quantum de peine prononcé ou encouru- à la rétention de sûreté.
En conséquence, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à rétablir à quinze ans le seuil de peine prononcée autorisant le placement sous surveillance de sûreté.
Le 2° tend à compléter l'article 723-37 du code de procédure pénale afin de permettre l'application de la surveillance de sûreté à une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées.
En effet, aux termes de l'article 723-35 du code de procédure pénale, en cas d'inobservation par le condamné des obligations et interdictions qui lui sont imposées dans le cadre d'une surveillance judiciaire, le juge de l'application des peines peut, selon les modalités prévues par l'article 712-6 (débat contradictoire au cours duquel le juge de l'application des peines entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat) retirer tout ou partie de la durée des réductions de peine dont il a bénéficié et ordonner sa réincarcération.
Une surveillance de sûreté ne pouvant être ordonnée que dans le prolongement d'une surveillance judiciaire, elle ne peut être décidée directement après la libération d'une personne incarcérée en raison de la révocation de l'intégralité des réductions de peine. Ainsi, paradoxalement, la surveillance de sûreté n'est possible que lorsque la surveillance judiciaire est menée à son terme sans incident et, partant, lorsque l'intéressé présente les meilleurs gages d'une possible réinsertion.
Le rapport Lamanda avait relevé ce paradoxe : « il s'en suit que celui qui respecte les règles continuera d'être surveillé, alors que celui qui les transgresse, pourra échapper, ensuite, à tout contrôle (...). Et il semblerait que certains condamnés aient déjà compris qu'une brève réincarcération in extremis peut les affranchir totalement d'obligations après leur sortie de prison ».
Il proposait en conséquence que la violation des obligations de la surveillance judiciaire provoque, non pas la révocation de la mesure, mais sa suspension, du fait de la réincarcération de l'intéressé.
Le projet de loi suggère une formule différente dont les effets seraient identiques : la juridiction régionale de la rétention de sûreté pourrait selon les modalités prévues à l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, ordonner une surveillance de sûreté à l'encontre d'une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées dès lors que cette révocation résulte d'une violation des obligations faisant « apparaître des risques qu'elle commette à nouveau l'une des infractions mentionnées à l'article 706-53-13 ». La surveillance de sûreté s'appliquerait alors dès la libération de la personne .
Le texte proposé ne retient pas les deux autres conditions requises par l'article 723-37 du code de procédure pénale pour permettre le prolongement de la surveillance judiciaire par la surveillance de sûreté (qui impliquent que les obligations résultant de l'inscription au FIJAIS soient insuffisantes et que la surveillance de sûreté soit l'« unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée » des crimes mentionnées à l'article 706-53-13) : la révocation de l'intégralité des réductions de peine traduit en effet la persistance de la dangerosité.
Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .
Article 5 (art. 64-3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) - Droit à l'aide juridictionnelle pour les personnes retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté
Cet article tend à compléter l'article 64-3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique afin de permettre la rétribution de l'avocat assistant la personne retenue dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté « s'agissant des décisions prises à son encontre pour assurer le bon ordre du centre ».
En vertu des articles R. 53-8-72 et R. 53-8-73 introduits dans le code de procédure pénale par le décret n° 2008-1129 du 4 novembre 2008, ces décisions sont prises par le directeur du centre après avis du directeur d'établissement public de santé et sont communiquées au juge de l'application des peines. Elles peuvent porter sur la suspension totale ou partielle d'activités pour une période maximale de vingt et un jours ou le confinement en chambre individuelle pour une même période (qui emporte suspension de toutes activités et de la libre circulation au sein du centre socio-médico-judiciaire de sûreté à l'exception des visites et des activités liées à la prise en charge médicale et psychologique). La mesure est suspendue si le médecin constate que son exécution est de nature à compromettre l'état de santé de la personne retenue.
L'intéressé peut faire valoir ses observations notamment par son avocat.
Le texte proposé par le présent article ouvre un droit à l'aide juridictionnelle reconnu par le même article de la loi du 10 juillet 1991 aux détenus faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ou d'une mesure d'isolement.
Il modifie par conséquent l'intitulé de la troisième partie de cette loi afin d'y mentionner également l'aide à l'intervention de l'avocat auprès des personnes placées en rétention de sûreté.
L'aide juridictionnelle peut d'ores et déjà être accordée pour l'intervention de l'avocat devant la juridiction régionale de la rétention de sûreté ou devant le juge de l'application des peines lorsque celui-ci modifie les obligations de la personne placée sous surveillance de sûreté 30 ( * ) .
Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .
Article 5 bis (titre XX bis et art. 706-56-2 nouveaux du code de procédure pénale) - Création d'un répertoire des données à caractère personnel dans le cadre des procédures judiciaires
Cet article, inséré dans le projet de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement 31 ( * ) , tend à ajouter un nouveau titre XX bis dans le code de procédure pénale -à la suite du titre XX consacré au fichier national automatisé des empreintes génétiques- afin d'instituer un nouveau répertoire concentrant des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.
Dans le rapport qu'il avait remis en 2006 au Premier ministre sur la dangerosité et la prise en charge des personnes dangereuses, M. Jean-Paul Garraud avait proposé (préconisation n° 13) la création d'un répertoire rassemblant, sous la forme d'une base de données, l'ensemble des expertises judiciaires, psychiatriques et psychologiques, les comptes rendus des examens médicaux effectués en garde à vue lorsqu'ils mentionnent l'existence d'une forme de dangerosité ainsi que les documents administratifs relatifs aux hospitalisations d'office intervenues à la suite d'une décision fondée sur l'irresponsabilité pénale de la personne mise en cause.
Le nouveau dispositif proposé poursuit une finalité identique puisqu'il vise à « faciliter et fiabiliser la connaissance de la personnalité et l'évaluation de la dangerosité des personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru, et à prévenir le renouvellement de ces infractions ».
Le champ des informations réunies par le répertoire couvre les expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires réalisés :
- au cours de l'enquête, de l'instruction, du jugement, de l'exécution de la peine ;
- préalablement au prononcé ou durant le déroulement d'une surveillance de sûreté ou d'une rétention de sûreté ;
- durant le déroulement d'une mesure de sûreté ordonnée à la suite d'une décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou d'un classement sans suite.
Par ailleurs, la disposition prévue est assortie de trois séries de garanties :
- en premier lieu, ce répertoire qui serait tenu par le service du casier judiciaire sous l'autorité du ministère de la justice serait placé sous le contrôle d'un magistrat ;
- ensuite, les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire seraient déterminées par un décret en Conseil d'Etat après avis de la CNIL . Ce décret préciserait la durée de conservation des informations qui y seraient inscrites ainsi que les modalités de leur effacement, la loi fixant par ailleurs deux principes : seuls les magistrats et les experts pourraient consulter le fichier ; la trace des interrogations et consultations dont le répertoire ferait l'objet devrait être conservée ;
- enfin, en cas de décision de classement sans suite -hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal- de décision de non lieu, de relaxe ou d'acquittement, les données concernant la personne poursuivie seraient immédiatement effacées.
Votre commission considère cependant, au regard des incidences de la mise en place d'un tel répertoire pour les libertés publiques, qu'il appartient au législateur de fixer plus précisément le cadre d'intervention du pouvoir réglementaire.
Elle a adopté un amendement de son rapporteur afin d'apporter certaines clarifications et surtout de réserver l'accès direct aux informations contenues dans le répertoire à la seule autorité judiciaire -les experts judiciaires et les personnes devant procéder à une évaluation de la dangerosité dans le cadre d'une procédure judiciaire n'accéderaient à ces informations que par l'intermédiaire des magistrats.
Les représentants des organisations de magistrats, lors de leur audition par votre rapporteur, se sont interrogés sur l'intérêt de ce répertoire. Ils ont d'abord relevé que la connaissance des expertises antérieures n'éviterait pas de recourir à de nouvelles expertises requises en particulier par la loi pour toutes les infractions de nature sexuelle visées par l'article 706-47-1 du code de procédure pénale.
En outre, selon la contribution de l'Union syndicale des magistrats (USM), avec l'implantation de CASSIOPEE -du moins lorsque cet outil sera opérationnel- « toute juridiction, tout enquêteur et même l'administration pénitentiaire au stade de l'exécution de la peine pourront, à l'échelon national, à moindre frais, être informés de l'ensemble des investigations ordonnées dans le cadre des procédures concernant la personne soupçonnée ou condamnée, à charge pour eux de solliciter la communication du rapport ».
Néanmoins les dispositions proposées devraient contribuer à limiter la déperdition des informations que beaucoup des experts psychiatriques entendus par votre rapporteur ont constatée lorsque la même personne était poursuivie dans des procédures distinctes ou même lors des étapes successives d'une même procédure.
Votre commission a adopté l'article 5 bis ainsi modifié .
* 26 Sur le fondement du principe de nécessité, le Conseil constitutionnel a estimé que le maintien d'une personne condamnée au-delà du temps d'expiration de sa peine, dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté se justifiait lorsque l'intéressé « a pu, pendant l'exécution de sa peine, bénéficier de soins ou d'une prise en charge destinés à atténuer sa dangerosité mais que ceux-ci n'ont pu produire de résultats suffisants, en raison soit de l'état de l'intéressé, soit de son refus de se soigner » (considérant 19). Il en déduit qu' « il appartiendra (...) à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre ». (considérant 21)
* 27 La loi pénitentiaire a élargi à toutes les personnes détenues le principe d'une période d'observation pluridisciplinaire -sans précision de durée- et à tous les condamnés l'élaboration d'un parcours d'exécution de la peine (premier alinéa de l'article 717-1 du code de procédure pénale inséré par l'article 89 de la loi pénitentiaire).
* 28 Encore qu'une référence incomplète de l'article 763-8 à l'article 723-37 pourrait nourrir un doute à cet égard s'agissant de l'application de cette disposition au cas où la surveillance de sûreté suit un suivi socio-judiciaire.
* 29 Cette infraction peut aussi constituer un manquement à une obligation pour la personne sous surveillance de sûreté. Dans ce cas, elle peut donner lieu également à un placement en rétention de sûreté, la prison primant chronologiquement sur la rétention.
* 30 Décret n° 2008-1129 du 4 novembre 2008 relatif à la surveillance de sûreté et à la rétention de sûreté modifiant le décret n° 91-1264 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
* 31 L'introduction de ce dispositif avait d'abord été proposé par le rapporteur de la commission des lois mais, déclaré irrecevable en vertu de l'article 40 de la Constitution, il a été repris par le Gouvernement et sous-amendé par la commission des lois.