D. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : FAIRE DE LA NOUVELLE AGENCE UNE VÉRITABLE « TÊTE DE RÉSEAU » POUR L'ENSEMBLE DES OPÉRATEURS PUBLICS OU PRIVÉS
Votre commission approuve la création d'une agence chargée de l'expertise et de la mobilité internationales.
Le regroupement des trois opérateurs, agissant sous des régimes juridiques différents, au sein d'une même structure, apparaît nécessaire pour simplifier leurs modalités de gestion, développer des synergies, rationaliser les moyens de gestion, harmoniser le statut des personnels, redéfinir les modalités de financement et leur conférer un régime juridique compatible avec leur intervention dans le domaine concurrentiel.
Le nouvel établissement est ainsi appelé à constituer l'opérateur chargé de la mobilité dans ses différentes composantes : expertise technique internationale, accueil en France d'étudiants et de boursiers étrangers, mobilité universitaire. Il a donc vocation à jouer un rôle de « tête de réseau » à l'égard des autres opérateurs ministériels de coopération internationale.
Le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial paraît à cet égard le plus adapté s'agissant d'un opérateur de l'Etat appelé à intervenir dans le domaine concurrentiel. En effet, l'EPIC garantit une souplesse de gestion plus importante qu'un EPA, notamment en matière de gestion de personnels, de soumission au code des marchés publics ou de régime de comptabilité.
Dans son analyse du GIP France Coopération Internationale, de 2008 10 ( * ) , la Cour des comptes avait appelé à une clarification des compétences des différents opérateurs agissant en matière de coopération administrative internationale et à une définition plus précise des rôles de chacun afin d'harmoniser leurs interventions.
Compte tenu du nombre important d'agents, des fortes différences de statut, de gestion mais aussi de culture entre les trois organismes, le regroupement des agents au sein d'un même opérateur apparaît comme la principale difficulté de cette réforme.
A cet égard, concernant les salariés de droit privé , largement majoritaires, le fait de conférer le statut d'EPIC et non d'établissement public à caractère administratif au nouvel opérateur permet de maintenir les contrats de travail existants. Les personnes employées actuellement sous contrat de droit privé par les trois opérateurs seront donc transférées au nouvel établissement.
Tout en approuvant la création de cette nouvelle agence et la modernisation des règles relatives à l'expertise technique internationale, votre commission a souhaité renforcer les dispositions du projet de loi. Elle a donc adopté plusieurs amendements en ce sens.
1. Préciser la dénomination de la nouvelle agence, ses missions et sa tutelle ministérielle
Alors que le texte du projet de loi présenté par le Gouvernement se contente de faire référence à « l'établissement public pour l'expertise et la mobilité internationales » , il a paru utile à votre commission de prévoir une dénomination du nouvel opérateur , qui puisse refléter à la fois la diversité de ses missions et être suffisamment attrayante, notamment vis-à-vis du public étranger.
Votre commission a donc choisi d'inscrire dans le texte de loi le nom d' « Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales » (article 5).
Votre commission a également estimé indispensable de déterminer clairement les missions assignées au nouvel opérateur chargé de la mobilité et de l'expertise internationales ( article 5 ). Ces missions reprendraient celles exercées actuellement par les trois opérateurs.
Enfin, estimant qu'une tutelle partagée entre plusieurs ministères ne serait pas gage d'efficacité et qu'elle pourrait contribuer à un déficit de pilotage stratégique, votre commission s'est prononcée pour une tutelle unique, afin de placer ce nouvel opérateur sous une autorité politique clairement identifiée.
Et, compte tenu de la vocation internationale de cet opérateur, elle a jugé que le ministre des affaires étrangères était le mieux placé pour exercer la tutelle sur ce nouvel opérateur.
Elle a donc décidé de placer l'agence sous la tutelle unique du ministre des affaires étrangères (article 5).
Pour autant, votre commission considère que les autres ministères, et en particulier le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, doivent être étroitement associés à la définition des orientations stratégiques.
C'est la raison pour laquelle, votre commission a introduit une disposition selon laquelle « l'agence exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministre des affaires étrangères et le ministère chargé de l'enseignement supérieur ». Ainsi, le ministère chargé de l'enseignement supérieur sera placé sur un pied d'égalité avec le ministère des affaires étrangères dans la définition des priorités d'action du nouvel opérateur ( article 5 ).
Par ailleurs, ce ministère sera également représenté au sein du conseil d'administration de l'agence et il sera cosignataire du futur contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et l'opérateur.
2. Etablir un lien étroit avec les autres organismes publics ou privés au moyen d'instances consultatives
Comme votre rapporteur a pu le constater lors de ses auditions, la création d'un opérateur chargé de la mobilité et de l'expertise internationales a pu susciter certaines craintes de la part d'organismes existants, publics ou privés, intervenant dans le champ de l'expertise internationale.
Il existe, en effet, un très grand nombre d'organismes, tant publics que privés, qui interviennent dans ce domaine.
Si France Coopération Internationale, et, dans une moindre mesure CampusFrance, interviennent déjà sur le marché de l'expertise internationale, la création d'un opérateur regroupant ces deux organismes est vécue par certains comme l'arrivée d'un nouveau concurrent sur ce marché.
A cet égard, il convient d'éviter toute distorsion de concurrence avec les autres opérateurs publics ou privés. C'est la raison pour laquelle votre commission a tenu à préciser que cette nouvelle agence « opère sans préjudice des missions des organismes compétents en matière d'expertise et de mobilité internationales et dans une concertation étroite avec tous les opérateurs, qu'ils soient publics ou privés ».
Plus généralement, il est important que le nouvel opérateur joue véritablement le rôle d'une « tête de réseau » à l'égard des autres organismes qui interviennent dans ces domaines.
Votre commission a donc introduit une disposition selon laquelle « l'agence collabore avec les organisations internationales et européennes, les collectivités territoriales, les universités, les écoles et les autres établissements d'enseignement supérieur et les organisations concernées, ainsi qu'avec des partenaires publics ou privés » .
Ainsi, les établissements d'enseignement supérieur doivent être étroitement associés compte tenu de leur rôle majeur pour l'accueil des étudiants ou des chercheurs étrangers.
De même, le renforcement du potentiel de l'assistance technique française ou de l'offre française sur le marché de l'expertise internationale nécessite souvent une concertation étroite entre les opérateurs publics et privés, notamment pas le biais de partenariats public/privé.
Votre commission a donc jugé utile de créer deux instances consultatives , un conseil d'orientation relatif aux modalités d'accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France , qui comprendrait notamment des représentants des étudiants, et un conseil d'orientation relatif au développement de l'expertise technique publique et privé , qui comprendrait notamment des représentants des entreprises ( article additionnel après l'article 5 ). Ces deux instances seraient autant de lieux d'échanges où tous les acteurs seraient représentés, ainsi que les collectivités territoriales.
Enfin, le regroupement de CampusFrance et d'Egide au sein d'un seul opérateur devrait logiquement s'accompagner du transfert de la gestion des bourses destinées aux élèves étrangers gérées actuellement par la partie internationale du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) à la nouvelle agence chargée de la mobilité et de l'expertise internationales.
Votre rapporteur a pu toutefois constater, lors de ses auditions, les fortes réserves suscitées par l'idée d'un tel transfert, tant du côté du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, que de la part du CNOUS et des représentants des étudiants.
Compte tenu de ces fortes réticences, votre rapporteur n'a pas souhaité prendre à ce stade une position définitive qui pourrait mettre en péril la mise en place, déjà complexe, de la nouvelle agence. En effet, le rapprochement entre ces différents opérateurs ne peut se faire que dans un climat apaisé et de manière consensuelle.
Toutefois, afin d'engager véritablement une réflexion sur ce point, votre commission a souhaité que le Gouvernement présente, dans un délai de trois ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport au Parlement sur cette question ( article additionnel après l'article 5 ).
3. Approuver en les clarifiant les nouvelles dispositions relatives à l'expertise technique internationale
Votre commission se félicite des dispositions du projet de loi visant à moderniser les règles régissant l'expertise technique internationale.
Elle approuve, en particulier, la possibilité, ouverte par le projet de loi, de placer des experts français auprès d'organisations internationales ou d'instituts indépendants de recherche étrangers (« think tanks »).
Les organisations internationales comme les grands centres de recherche indépendants sont des lieux où la France a intérêt de placer des experts afin d'y exercer une influence. Cette réforme est cohérente avec la promotion d'une diplomatie d'influence. La France a un intérêt stratégique à ce que ses modes de raisonnement, ses schémas d'interprétation, ses codes d'analyse soient le plus largement diffusés sur la scène intellectuelle mondiale.
Tout en approuvant l'économie du dispositif proposé, votre commission a apporté plusieurs modifications rédactionnelles ou visant à clarifier les dispositions relatives aux experts techniques internationaux ( articles 7 à 11 ).
* 10 Relevé de conclusions de la Cour des comptes du 14 novembre 2008