2. La réaction rapide des différentes autorités de contrôle dans le monde
a) La France
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a été interrogée le 26 janvier 2010 par Olivier Jardé lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale :
« [...] le Bisphénol A fait l'objet d'une surveillance tout à fait particulière et attentive de la part des autorités sanitaires. En avril 2008, j'avais demandé une étude à l'Afssa et, au mois d'octobre 2008, celle-ci a conclu à l'innocuité des biberons fabriqués à base de Bisphénol A, même quand ils étaient chauffés. Il y a quelques jours, nous avons été alertés par une étude de la FDA qui conclut à des effets potentiels sur le cerveau et la prostate des bébés et des foetus. Bien sûr, ces études ont été réalisées sur des animaux et l'agence américaine nous demande d'être très prudents quant à l'extrapolation que l'on pourrait en faire pour les êtres humains. Néanmoins, je considère que c'est un signal d'alerte dont il faut tenir compte.
J'ai donc demandé à l'agence
française de sécurité sanitaire des aliments de poursuivre
ses études. Par ailleurs, j'ai commandé, il y a
déjà plusieurs mois, une expertise collective à l'Inserm,
qui est menée avec les différentes agences, pour parfaire notre
connaissance sur ce sujet. Dans quelques semaines, nous aurons les
résultats des études qui ont été menées par
l'Afssa, au vu de la littérature internationale, ainsi que par l'Inserm,
et nous prendrons les mesures de gestion qui s'imposent avec Chantal Jouanno,
Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, et Valérie Pécresse,
ministre de la recherche. »
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Le 5 février dernier, l'Afssa, qui s'était à nouveau saisie de la question en octobre 2009, constitué un groupe de travail ad hoc et consulté une quarantaine d'experts, a publié un avis relatif à l'analyse critique des résultats d'une étude de toxicité sur le développement du système nerveux ainsi que d'autres données publiées récemment sur les effets toxiques du BPA.
Il en ressort que « les études de toxicité menées selon les normes internationales n'ont jusqu'à ce jour pas objectivé de risque pour la santé aux doses auxquelles le consommateur est exposé. Quel que soit le mode d'alimentation, l'exposition des nourrissons est très inférieure à la dose journalière tolérable » . Cependant, elle relève que des publications récentes, dont la méthodologie ne permet pas d'interprétation formelle, font état de signaux d'alerte après une exposition in utero et postnatale à des doses inférieures à celle sur laquelle se fonde la DJT. Pour autant, les conséquences pour la santé humaine de ces signaux d'alerte ne sont pas clairement établies.
Le communiqué de presse, publié à cette occasion, indique que l'Afssa recommande :
- d'acquérir des données françaises sur la présence de BPA dans le lait maternel, chez le nourrisson et dans les laits maternisés. Elle préconise également de chercher d'autres sources d'exposition que les matériaux au contact des aliments (poussières domestiques, eaux, contact avec les objets en polycarbonate) ;
- de définir rapidement une méthodologie adaptée à la détection d'une toxicité potentielle, chez l'homme et à basse dose, du BPA mais aussi des produits de substitution et plus largement des perturbateurs endocriniens.
L'Afssa rappelle aux consommateurs qu'une mesure simple de précaution consiste à éviter de chauffer à très forte température l'aliment (eau, lait, soupes...) s'ils utilisent des biberons ou des récipients en polycarbonate.
b) L'Union européenne
En octobre 2009, la Commission européenne a invité l'autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments à évaluer l'intérêt d'une nouvelle étude sur les effets neuro-développementaux possibles du BPA et, le cas échéant, à mettre à jour la dose journalière tolérable.
Dans ce but, l'Efsa tiendra une réunion d'experts en avril 2010 et adoptera son avis en mai.
c) L'Australie et la Nouvelle-Zélande
L'agence gouvernementale commune australo-néozélandaise Food Standards a publié, le 19 janvier 2010, un communiqué précisant qu'elle est très attentive aux études relatives à la migration des produits chimiques des emballages vers la nourriture.
Elle ajoute que, récemment, la FDA américaine a annoncé un réexamen de la sécurité du BPA dans les biberons et récipients pour bébés et dans les emballages alimentaires. Pour autant, la Food Standard relève que ces produits vont rester présents sur le marché américain et que la FDA n'a pas recommandé aux familles de changer leur usage du lait ou de la nourriture pour bébé.
Elle considère, in fine , avoir analysé avec attention les études ayant conduit la FDA à réexaminer cette question et à engager de nouvelles recherches ; son point de vue reste que « le BPA dans les biberons et emballages alimentaires en Australie et Nouvelle-Zélande est toujours sans danger » .
d) Les Etats-Unis
En janvier dernier, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a publié une mise à jour de son évaluation de l'utilisation du BPA dans les matériaux au contact des aliments.
Elle indique que les études utilisant des tests de toxicité standards ont jusqu'ici conclu à l'innocuité des niveaux bas d'exposition humaine au BPA. Toutefois, sur la base des résultats d'études récentes utilisant de nouvelles approches pour tester des effets subtils, elle s'inquiète des effets potentiels du BPA sur le cerveau, le comportement et la glande prostatique des foetus, bébés et jeunes enfants. Beaucoup de ces nouvelles études ont évalué des effets en termes de développement ou de comportement qui ne sont pas habituellement établis dans les tests standards.
Le programme national de toxicologie américain utilise cinq degrés croissants pour décrire son niveau d'alerte en ce qui concerne les effets des produits chimiques : négligeable, minimal, relatif, normal et sérieux. Dans son récent rapport, il a exprimé « une inquiétude relative [soit le degré 3] des effets du BPA sur le cerveau, le comportement et la glande prostatique des foetus, bébés et enfants à des niveaux courants d'exposition humaine » . Il a aussi fait valoir « une inquiétude minimale [soit le degré 2] pour ses effets sur les glandes mammaires et sur la précocité de la puberté pour les femmes » . Pour les autres aspects, son inquiétude est « négligeable » .
La FDA reconnaît aussi des incertitudes substantielles dans l'interprétation globale de ces études et les implications possibles pour la santé humaine des effets de l'exposition au BPA.
Elle relève que les bébés représentent une population potentiellement sensible au BPA , car leurs systèmes neurologique et endocrinien sont en développement et leur système hépatique permettant une détoxification et une élimination de substances telles que le BPA est immature.
Dans cette situation intermédiaire, la FDA entend prendre des mesures raisonnables pour réduire l'exposition humaine au BPA dans la nourriture :
- encourager les actions des industriels pour arrêter la production de biberons et de pots alimentaires pour bébés contenant du BPA à destination du marché américain ;
- faciliter le développement d'alternatives au BPA pour le revêtement intérieur des boîtes de lait pour bébés ;
- soutenir les efforts pour remplacer le BPA ou en diminuer la présence dans les revêtements intérieurs des autres boîtes alimentaires.
Par ailleurs, la FDA souhaite s'engager vers un changement du cadre réglementaire de la surveillance du BPA pour qu'il soit plus solide .
Pour autant, elle ne recommande pas aux familles de modifier leurs habitudes quant au lait ou à la nourriture pour bébés, car le bénéfice d'une source stable de bonne alimentation est supérieur au risque potentiel de l'exposition au BPA. Considérant que ces mesures sont prises comme des précautions, il est important qu'aucun changement nuisible pouvant mettre en péril la sécurité sanitaire ou l'accès à une nutrition saine, particulièrement pour les bébés, ne soit apporté dans les emballages de nourriture ou dans la consommation.
Enfin, la FDA estime nécessaire de poursuivre les études, notamment sur le niveau de toxicité des faibles doses de BPA, et prévoit d'ouvrir, durant soixante jours, un registre public de commentaires, présentant la documentation scientifique récente.
e) Le Canada
En 2008, le Canada a inclus le BPA dans les quelque deux cents substances jugées hautement prioritaires dans le cadre de son plan de gestion des produits chimiques, du fait de son incidence potentielle sur la reproduction et le développement. Selon le ministère fédéral de la santé, l'évaluation finale des risques confirme que les niveaux d'exposition sont inférieurs à ceux qui pourraient causer des effets sur la santé ; cependant, en raison de l' incertitude soulevée dans certaines études sur les effets possibles de faibles doses , le gouvernement a pris des mesures pour accroître la protection des nouveau-nés et des nourrissons .
Il a ainsi annoncé sa décision d'interdire la publicité, la vente et l'importation de biberons en plastique polycarbonate contenant du bisphénol A, mais sans avoir pris de décision formelle en ce sens jusqu'à aujourd'hui. Il recommande parallèlement d'utiliser des produits de remplacement.
Il a, de plus, diffusé des conseils pratiques aux familles pour réduire l'exposition des nouveau- nés et des nourrissons au BPA et engagé un travail avec les industriels pour réduire au plus bas niveau raisonnablement possible les taux de BPA dans les enduits protecteurs des boîtes de préparation pour nourrissons et pour évaluer les produits de remplacement. Il souhaite établir de strictes limites de migration du BPA dans les préparations pour nourrissons.
En ce qui concerne les boîtes de conserve et canettes, il a rappelé l'intérêt sanitaire du revêtement en résines époxydes, qui protège la qualité des aliments et des boissons et empêche la corrosion et les réactions avec l'emballage.
Le gouvernement canadien conclut que l'exposition actuelle provenant de matériaux d'emballage des aliments ne pose pas de risque pour la santé de la population en général, y compris celle des nouveau-nés et des nourrissons.
Enfin, il est intéressant de souligner que les autorités canadiennes ont mis en place un site internet 6 ( * ) très complet sur le Bisphénol A et qu'elles ont engagé à plusieurs reprises des consultations publiques sur cette question.
* 6 http://www.chemicalsubstanceschimiques.gc.ca/challenge-defi/batch-lot-2/bisphenol-a/index-fra.php