II. ENTREPRENEUR INDIVIDUEL À RESPONSABILITÉ LIMITÉE : UN STATUT PLUS PROTECTEUR ET PLUS AVANTAGEUX

Les différents dispositifs mis en place étant considérés insuffisants, la revendication du patrimoine d'affectation a persisté. Aussi le Gouvernement s'est-il résolu à faire le choix du patrimoine d'affectation, afin de permettre de limiter le risque pesant sur le patrimoine personnel et familial de celui qui entreprend sans lui imposer les formalités de constitution et de gestion d'une société, fusse-t-elle unipersonnelle.

Ainsi, le 3 décembre 2009, dans un discours prononcé à Schiltigheim devant la chambre de métiers d'Alsace, le Premier ministre a annoncé la création du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée :

« En cas de revers de fortune, l'entrepreneur individuel ne doit pas être condamné à tout perdre. Il ne s'agit plus de faire comme si les « faillis » étaient encore, comme dans les romans de Balzac, des coupables déchus de tous leurs droits. Depuis bien longtemps en France, le problème est moins dans les lois que dans les esprits. Nous conservons une sorte d'appréhension face à la prise de risque. Cette crainte, elle peut être atténuée par plusieurs avancées récentes. D'abord, depuis 2003, la résidence principale ne peut plus être saisie et l'année dernière, la loi de modernisation de l'économie a rendu insaisissable l'ensemble du patrimoine immobilier non professionnel.

« Mais je le sais bien, et j'en conviens avec tous ceux qui m'en font la remarque, il est un peu artificiel de distinguer les biens immobiliers des autres biens et après tout, pourquoi ne pas permettre à chaque entrepreneur de décider lui-même du niveau de risque qu'il souhaite assumer sur ses biens propres, sans avoir pour autant à constituer une société ? Chaque projet d'entreprise est une aventure en soi, avec son histoire et avec ses paramètres. Eh bien le créateur choisit bien son activité. Il choisit bien le montant qu'il souhaite investir. Pourquoi est-ce qu'il ne pourrait pas aussi choisir de limiter son niveau de risque en cas d'insuccès, à la part de son patrimoine personnel qu'il a affectée à son activité ? (...) Eh bien moi je vous l'annonce, le temps de la décision et de l'action est venu. Nous avons décidé avec Hervé Novelli, que serait créé par la loi, un nouveau statut d'entreprise individuelle à responsabilité limitée. L'affectation du patrimoine passera par une déclaration au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, afin qu'elle soit opposable aux tiers et notamment aux détenteurs de créances postérieures à cette affectation. L'entrepreneur restera propriétaire des biens affectés à son activité professionnelle, sur lesquels il sera responsable vis-à-vis de ses créanciers professionnels. Il devra tenir une comptabilité distincte permettant de suivre l'évolution des biens affectés. Ça n'empêchera pas une banque de subordonner l'octroi d'un crédit à l'obtention d'une caution assise sur des biens personnels. Mais une telle décision sera beaucoup moins subie qu'aujourd'hui et relèvera davantage du choix express du chef d'entreprise. »

Dans ce discours, le Premier ministre a énuméré précisément tous les aspects, y compris fiscaux et sociaux, du nouveau statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée que l'on retrouve dans le projet de loi.

A. LE CHAMP D'APPLICATION

Le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est ouvert par le projet de loi à toute personne physique entrepreneur individuel, donc y compris les auto-entrepreneurs.

Compte tenu des conditions de constitution du patrimoine affecté, par dépôt d'une déclaration à un registre de publicité légale, sont concernés les commerçants, inscrits au registre du commerce et des sociétés, les artisans, inscrits au répertoire des métiers et également, le cas échéant, au registre du commerce et des sociétés, ainsi que les autres entrepreneurs individuels, tenus pour ce faire de déposer leur déclaration d'affectation à un registre spécial au greffe du tribunal de commerce.

Les professionnels libéraux sont ainsi concernés, sans que la question de leur responsabilité civile professionnelle soit explicitement abordée. Cette question présente une acuité particulière, notamment pour les médecins.

L'Assemblée nationale a élargi le champ du dispositif aux exploitants agricoles 21 ( * ) , en prévoyant qu'ils s'adressent également au registre spécial. En effet, il n'existe en pratique aucun registre tenu pour les exploitants agricoles, alors même que le législateur a prévu la création d'un registre de l'agriculture depuis plus de vingt ans.

Le registre de l'agriculture a été créé par la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social, disposition codifiée aujourd'hui à l'article L. 311-2 du code rural. L'immatriculation à ce registre ne dispense pas, s'il y a lieu, de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Pour des raisons semble-t-il de lourdeur et de coût de la gestion administrative pour les organismes professionnels concernés, le registre n'a jamais été créé, le décret en Conseil d'Etat prévu pour en fixer les conditions d'application n'ayant jamais été pris depuis 1988.

* 21 Compte tenu des règles d'affectation, la constitution du patrimoine affecté pose une difficulté pour les exploitants agricoles propriétaires des terres qu'ils exploitent, car ils doivent les affecter en tant que biens nécessaires à l'activité professionnelle. Or, bien plus que la résidence principale, ce sont ces terres agricoles qui constituent la richesse du patrimoine agricole. Pour cette raison, le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut présenter un intérêt moindre pour les professionnels agricoles, les terres agricoles n'étant pas protégées.

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