2. Les agriculteurs, maillon faible des filières agricoles et agro-alimentaires

a) Un pouvoir de négociation faible

Reposant sur de multiples producteurs individuels, à la tête d'installations familiales, la production agricole est marquée par une grande atomisation en face d'un aval très concentré.

Certains secteurs sont emblématiques de ce déséquilibre : les fruits et légumes par exemple combinent un amont atomisé et un fort regroupement des acheteurs. En face de 300 organisations de producteurs ne représentant que 55 % de la production en valeur, et une myriade de producteurs indépendants, la grande distribution assure 74 % du chiffre d'affaires au niveau de la vente de détail 14 ( * ) , et fait reposer son approvisionnement sur moins d'une dizaine de centrales d'achat.

Dans une étude récente 15 ( * ) , le Centre d'études et de prospective du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche notait en effet que « les chaînes de valeur agroalimentaires sont caractérisées par une très forte concentration dans les secteurs de la transformation et de la distribution ».

Les caractéristiques particulières de la production mettent également le producteur en situation de faiblesse : ainsi pour les fruits d'été (melon, pêche, abricot, etc...) ou encore pour le lait, difficilement stockables plus de quelques jours, il est nécessaire de vendre sans attendre, ce qui ne met pas l'agriculteur en position de force dans la négociation.

Dispersés face à des acheteurs peu nombreux et bien organisés, les agriculteurs ont développé des stratégies de regroupement à travers notamment les coopératives agricoles. Ils peuvent également se regrouper sous d'autres formes d'organisation de producteurs, notamment sous forme d'associations.

LES COOPÉRATIVES AGRICOLES : UNE FORME DE REGROUPEMENT DES PRODUCTEURS
POUR PESER FACE À L'AVAL DES FILIÈRES

Avec environ 3 000 entreprises industrielles et commerciales (coopératives, unions de coopératives et sociétés d'intérêt collectif agricole) et 12 500 coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA), le secteur coopératif est largement développé en France.

Il représente 40 % du secteur de l'agro-alimentaire. Les trois quarts des exploitations agricoles du pays sont adhérentes à au moins une coopérative.

Interface entre le producteur et le marché, l'entreprise coopérative organise la solidarité entre amont et aval. Le producteur est un associé, intéressé aux résultats de la coopérative à travers la ristourne de fin d'année.

Il est sécurisé également par rapport à l'écoulement de sa production puisque le contrat de coopérateur prévoit un apport total des produits à la coopérative, à charge pour elle de vendre ensuite le produit.

L'existence d'un fort secteur coopératif résulte d'une tradition d'organisation économique de l'agriculture de près d'un siècle, qui s'est accélérée après 1945, destinée à préserver le pouvoir économique des agriculteurs.

Cependant, les coopératives ne sont pas exonérées de l'exigence de compétitivité pour la vente de leurs productions agricoles et agro-industrielles sur des marchés concurrentiels. Dans le lait, comme dans la vigne ou les céréales, elles permettent aux agriculteurs de davantage peser dans la décision économique, mais restent soumises aux règles du marché.

Cependant, la concentration de l'offre dans l'agriculture peut se heurter au droit de la concurrence, qui empêche des regroupements importants permettant de peser réellement sur le marché.

De ce point de vue, le droit européen est paradoxal, puisqu'il admet des coopératives historiques, comme par exemple au Danemark, qui concentrent la quasi totalité de la collecte de lait (Arla Foods), mais empêche dans le même temps les producteurs de lait français de se regrouper s'ils représentent un chiffre d'affaires de plus de 40 millions d'euros dans l'Union européenne ou une part de marché de plus de 5 % 16 ( * ) sur un marché pertinent, celui-ci pouvant être apprécié non pas au niveau de l'ensemble de l'Union européenne mais d'un État membre voire d'une région.

La conséquence de cette atomisation des producteurs est simple : le pouvoir de négociation des prix des producteurs est faible : ils sont dans une situation que les économistes appellent « price-taker », et sont dans l'obligation de vendre au prix du marché, sans pouvoir agir sur lui .

* 14 Chiffres tirés de l'avis du Conseil de la concurrence n° 08-A-07 du 7 mai 2008 relatif à l'organisation économique de la filière fruits et légumes.

* 15 Centre d'études et de prospective, L'OCDE et les politiques agricoles : une analyse critique, mars 2010.

* 16 Voir le document de la Direction générale concurrence de la commission européenne du 16 février 2010 intitulé : Comment la politique de concurrence de l'UE aide les producteurs de lait en Europe.

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