b) Une grande vulnérabilité à la volatilité des prix
(1) La traditionnelle volatilité des prix agricoles amplifiée sur la période récente
Cette faiblesse du pouvoir des producteurs se double de difficultés à surmonter les variations croissantes des prix du marché.
La volatilité n'est pas une donnée nouvelle en agriculture. Elle s'explique par une combinaison de facteurs :
- l'influence des conditions climatiques sur les rendements des cultures ;
- l'inélasticité de la demande aux prix, si bien que de faibles variations des quantités offertes suscitent de fortes variations de prix.
Les dernières années ont toutefois laissé penser que les variations de cours s'étaient amplifiées, sous l'effet de l'ouverture des marchés. Les différences de prix entre deux campagnes pouvaient aller du simple au double dans le secteur des céréales, situation d'autant plus préoccupante qu'avec la réduction des DPU, la part des recettes tirées des subventions se réduit par rapport à celle venant du marché.
Or, les exploitations agricoles sont très vulnérables à ce nouveau fonctionnement de l'économie agricole.
(2) Le poids de l'endettement
En effet, les agriculteurs en France, le plus souvent à la tête de petites entreprises familiales, mobilisent des capitaux considérables, d'où un endettement important. L'endettement moyen d'une exploitation s'élève en 2008 à 140 000 euros, soit 38 % de l'actif des exploitations et près de dix fois plus que le revenu agricole moyen par actif.
Le niveau d'endettement est particulièrement élevé dans l'élevage hors sol de volailles ou porcs et dans les vins d'appellation. Le foncier mobilise également une part importante des capacités d'endettement, bien qu'à peine 23 % des terres soient exploitées en faire-valoir direct.
Les charges d'intérêt pèsent en définitive d'un poids considérable sur la comptabilité et sur les trésoreries des exploitations et les défaillances proviennent d'une incapacité à faire face à ses échéances.
(3) Le coût des intrants et les charges sociales et fiscales
Les intrants regroupent l'ensemble des achats devant être effectués à l'extérieur pour faire fonctionner l'exploitation. Leur poids est variable selon les productions. Les cultures végétales sont fortement consommatrices de produits phytosanitaires, essentiellement de type fongicides ou pesticides, dont la consommation est stable depuis une vingtaine d'années. Les grandes cultures sont pour leur part dépendante des engrais, notamment les engrais azotés indispensables à la fertilité des terres, dont le prix en revanche s'est élevé de 60 % en dix ans. Dans les élevages, les aliments composés pour animaux connaissent une production dynamique, mais les prairies apportent encore 57 % de l'alimentation animale.
Enfin, l'ensemble des secteurs est consommateur d'énergie . La ferme France dans son ensemble est très dépendante du pétrole. Malgré une fiscalité favorable sur les carburants, qui se caractérise par une exonération quasi-totale de la taxe intérieure de consommation, la facture énergétique totale évolue avec les hausses des prix du pétrole et constitue une fragilité pour les exploitations. Une réponse à ce défi repose sur les plans de performance énergétique (PPE) et l'activité de production d'énergie interne à la ferme, à travers des installations électriques diverses, éoliennes, panneaux photovoltaïques sur les bâtiments ou encore méthanisation et valorisation énergétique de la biomasse.
Les charges sociales et fiscales posent un problème de trésorerie aux exploitations dans un contexte de grandes variations de prix : en effet, calculées sur l'année précédente, et parfois mal anticipées, elles conduisent à des sorties d'argent alors même que les marchés se sont retournés. Cette difficulté spécifique devra faire l'objet de propositions tendant à lisser de plein droit les prélèvements, plutôt que de négocier au cas par cas les étalements de dette fiscale et sociale des exploitations en difficulté.
Faible pouvoir de marché des agriculteurs, ajustement brutal par les prix, endettement important : voici les ingrédients d'une vulnérabilité forte du monde agricole à une conjoncture devenue mauvaise, voici le tableau qu'ont dressé la quasi-totalité des personnes auditionnées dans le cadre de la préparation de la LMAP.