EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1ER - Modification des dispositions relatives à la taxe sur les transactions sur devises

Commentaire : cet article tend à modifier les dispositions de l'article 235 ter ZD du code général des impôts pour, d'une part, fixer les taux applicables à la taxe sur les transactions sur devises et, d'autre part, supprimer sa condition d'entrée en vigueur liée à l'adoption d'une taxe identique par tous les Etats membres de l'Union européenne.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 235 ter ZD du code général des impôts a été introduit par l'article 88 de la loi de finances pour 2002 créant ainsi une taxe sur les transactions sur devises.

Aux termes du I de cet article, « les transactions sur devises, au comptant ou à terme, sont soumises à une taxe assise sur leur montant brut ». Le même I précise les transactions qui en sont exonérées (acquisitions ou livraisons intra-communautaires, exportations ou importations effectives de biens et services, investissements directs, opérations de change effectuées par les personnes physiques) et les redevables de la taxe (établissements de crédit, entreprises d'investissement, Caisse des dépôts et consignations, etc., à l'exclusion de la Banque de France et du Trésor).

Le II dispose que la taxe est établie, liquidée et recouvrée « sous les mêmes garanties et sanctions » que le prélèvement sur les produits de placements à revenu fixe.

Le III établit que le taux de la taxe ne peut excéder 0,1 % du montant des transactions visées au I. Le taux définitif est fixé par un décret en Conseil d'Etat, qui, à ce jour, n'a toujours pas été publié, compte tenu de la condition prévue au IV .

Le IV dispose, en effet, que le décret mentionné ci-dessus « prend effet à la date à laquelle les Etats membres de la Communauté européenne auront dû achever l'intégration dans leur droit interne des mesures arrêtées par le Conseil prévoyant l'instauration, dans l'ensemble des Etats membres, d'une taxe sur les transactions sur devises et, au plus tôt, le 1 er janvier 2003 ».

La taxe sur les transactions sur devises est donc une taxe conditionnelle à un double titre . En premier lieu, son taux n'est pas fixé . En second lieu, une fois qu'il sera déterminé, il faudra encore attendre que les vingt-six autres Etats de l'Union européenne votent une taxe similaire .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article tend à abroger la double conditionnalité existant actuellement.

Aux termes du du présent article, le taux de la taxe « est fixé à 0,05 % à compter du 1 er janvier 2011 » . Les dispositions de la proposition de loi introduisent également une innovation qui n'existe pas actuellement dans l'article 235 ter ZD puisque le taux de base peut être majoré dans deux cas .

Lorsque la transaction a lieu avec des « Etats classés par l'organisation de coopération et développement économiques dans la liste des pays s'étant engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d'échange sans les avoir mises en place », le taux est majoré à 0,1 %.

Lorsque la transaction a lieu avec des « Etats classés par l'organisation de coopération et développement économiques dans la liste des pays ne s'étant pas engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d'échange », le taux est majoré à 0,5 %.

Il s'agit, en l'espèce, de renchérir le coût des transactions sur devises ayant lieu avec des paradis fiscaux . L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s'est effectivement engagée dans un travail approfondi de lutte contre les paradis fiscaux et tient à jour une liste des Etats et territoires non coopératifs qui ne mettent pas en oeuvre la « norme fiscale internationale » établie par l'OCDE qui comporte « l'obligation d'échanger des renseignements sur demande dans tous les domaines relevant de la fiscalité en vue d'appliquer et de mettre en oeuvre la législation fiscale nationale ». Dans les faits, les juridictions ainsi identifiées sont invitées à signer des conventions d'assistance administrative avec les Etats membres de l'OCDE permettant d'assurer la transparence fiscale.

En fait, l'OCDE établit trois listes. La liste noire comprend les Etats dit non coopératifs qui n'ont pas signé de convention. La liste grise recense les Etats qui ont signé une convention sans la mettre en oeuvre. Enfin, la liste blanche répertorie les Etats qui ont signé une convention et l'ont effectivement mise en oeuvre.

La présente proposition de loi vise donc la liste grise (taux majoré à 0,1 %) et la liste noire (taux majoré à 0,5 %).

Le sixième alinéa du présent article dispose également que « le taux applicable est modifié en loi de finances à chaque publication des listes » par l'OCDE.

Enfin, aux termes du 2° du présent article, le IV de l'article 235 ter ZD du code général des impôts est abrogé . Les auteurs de la proposition de loi suppriment ainsi la seconde condition de l'entrée en vigueur de la taxe sur les transactions sur devises, à savoir son adoption concomitante par tous les Etats membres de l'Union européenne.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur réitère le raisonnement tenu dans l'exposé général . Il est inopportun d'établir unilatéralement une telle taxe . Elle pourrait d'ailleurs se révéler contraire à nos engagements communautaires, en particulier le respect de la libre circulation des capitaux.

La fixation d'un taux différencié selon que les transactions mettent en jeu ou non un paradis fiscal n'apparaît guère plus opérante. En effet, il serait très simple de contourner cette contrainte dès lors que seule la France mettrait en place un tel dispositif.

Par ailleurs, la référence aux listes grise et noire de l'OCDE apparaît moins opportune depuis que la France a établi sa propre liste dans le cadre du renforcement de l'arsenal fiscal contre les paradis fiscaux introduit par l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 2009 du 30 décembre 2009. Les sommes en provenance ou à destination de ces territoires subissent une fiscalité très sensiblement alourdie, qu'elle s'applique à des personnes physiques (revenu, patrimoine) ou morales.

Ce dispositif, très complet, répond donc aux attentes des auteurs de la proposition de loi et permet de sanctionner de manière non équivoque les paradis fiscaux . Il sera pleinement en vigueur à compter du 1 er janvier 2011 et il importe, d'ici là, de le laisser vivre. Votre commission des finances avait manifesté son intention, à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2009, de rester très attentive à l'application de cet article.

Décision de la commission : conformément à la décision de principe présentée dans l'exposé général, votre commission n'a pas supprimé ou modifié cet article afin que la discussion en séance publique porte sur le texte de la proposition de loi. Elle vous propose cependant de ne pas l'adopter.

ARTICLE 2 - Affectation du produit de la taxe sur les transactions sur devises

Commentaire : le présent article tend à affecter le produit de la taxe sur les transactions sur devises pour moitié à des activités non bancaires et non financières soutenant en priorité la création d'emplois, la recherche et l'innovation et pour moitié au fonds de réserve des retraites.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le premier alinéa du présent article tend à affecter la moitié du produit de la taxe sur les transactions sur devises « aux établissements publics ou privés qui financent les investissements créateurs d'emplois des entreprises, leurs actions de recherche et d'innovation , ainsi que les domaines de leur activité présentant un intérêt national, et l'autre moitié au fonds de réserve des retraites ».

Le second alinéa précise toutefois que « l'affectation des sommes [...] ne peut être effectuée au profit des entreprises publiques ou privées dans lesquelles un établissement bancaire ou financier est actionnaire , sauf s'il ne dispose pas de minorité de blocage ».

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

En ce qui concerne l'affectation du produit de la taxe à des actions de recherche et d'innovation, le présent article n'est pas conforme aux dispositions de l'article 16 de la loi organique relative aux lois de finances qui prévoient que « certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial ». Or seule une loi de finances peut mettre en oeuvre de telles procédures ou créer un budget annexe ou un compte spécial.

De surcroît, compte tenu de la position exprimée dans le commentaire de l'article 1 er , votre rapporteur est également défavorable au présent article .

Il n'est, par ailleurs, pas possible d'évaluer le produit de la taxe telle qu'elle résulte des dispositions de l'article 1 er de la présente proposition de loi.

Décision de la commission : conformément à la décision de principe présentée dans l'exposé général, votre commission n'a pas supprimé ou modifié cet article afin que la discussion en séance publique porte sur le texte de la proposition de loi. Elle vous propose cependant de ne pas l'adopter.

ARTICLE 3 - Gage

Le présent article prévoit de gager, par la traditionnelle majoration des droits sur les tabacs, les conséquences financières éventuelles de la proposition de loi pour le budget de l'Etat.

Décision de la commission : conformément à la décision de principe présentée dans l'exposé général, votre commission n'a pas supprimé ou modifié cet article afin que la discussion en séance publique porte sur le texte de la proposition de loi. Elle vous propose cependant de ne pas l'adopter.

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