EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 11 octobre 2011, sous la présidence de M. François Marc, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Nicole Bricq sur le projet de loi n° 2 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale .
Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - A titre liminaire, je souhaite indiquer que nous avons l'accord de tous les groupes pour que ce projet de loi soit examiné en procédure simplifiée. Il s'agit ici d'une convention multilatérale qui s'inscrit dans le prolongement des trente-cinq projets de loi que le Parlement a approuvés ces deux dernières années, afin d'établir de manière bilatérale les règles d'échange de renseignements sur demande avec des Etats considérés comme non coopératifs.
Début novembre, au cours du G20 de Cannes, une cérémonie de signatures de ce protocole sera organisée. Nous sommes donc dans le cadre d'une opération de communication, après le G20 de Londres d'avril 2009 qui a fait de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité absolue.
La convention a une portée symbolique, car la France dispose déjà d'un réseau conventionnel bilatéral étendu, dont la qualité a par ailleurs été saluée par la revue des Pairs du Forum mondial sur la transparence fiscale de l'OCDE, le 1 er juin dernier.
Il est cependant nécessaire de renforcer les outils multilatéraux en matière d'échange de renseignements sur demande. La prise de conscience, depuis le G20 de 2009, qu'il était nécessaire de développer la coopération fiscale, s'est traduite par un développement des accords bilatéraux. Ainsi, on comptait 712 accords d'échange bilatéraux de renseignements et avenants aux conventions de suppression des doubles impositions en août 2011, contre 44 en novembre 2008. En revanche, la convention multilatérale de l'OCDE et du Conseil de l'Europe qu'il nous est aujourd'hui proposé de modifier, bien qu'adoptée en 1988 et entrée en vigueur en 1995, n'a été ratifiée que par dix-sept Etats. Dans la mesure où l'ensemble des Etats n'ont pas forcément la volonté politique ou les moyens techniques de développer un réseau conventionnel bilatéral, il est important de disposer d'un outil multilatéral opérationnel.
Dans cette perspective, le présent protocole, soumis à votre approbation, signé à Paris le 27 mai 2010, tend à actualiser la convention en fonction des dernières normes de l'OCDE. Il permet également l'adhésion à la convention des Etats qui ne sont membres ni de l'OCDE ni du Conseil de l'Europe.
La commission des finances du Sénat a su, sous l'impulsion du président Arthuis et d'Adrien Gouteyron, se saisir des conventions fiscales afin, notamment, de lutter contre l'évasion fiscale, dans une approche différente de celle de l'Assemblée nationale où cet examen relève de la commission des affaires étrangères.
L'objectif de la présente convention est de parvenir à un échange obligatoire d'information afin de mettre un terme à l'évasion transfrontalière que permet, entre autres, le secret bancaire.
En Europe, nous sommes régis par la directive « Epargne » du 3 juin 2003 qui, bien qu'imparfaite, repose sur le principe d'un échange automatique d'information. La question est d'autant plus importante que l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont négocié des conventions avec la Suisse. C'est ce qu'on appelle l'accord « Rubik »...
M. Jean Arthuis . - Accord scandaleux !
Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - ... fondé non pas sur l'échange automatique mais sur la préservation du secret bancaire et sur la retenue à la source. La Suisse conservera ainsi son secret bancaire. Les accords passés avec un pays tiers ont pour conséquence de conduire certains Etats de l'Union, comme le Luxembourg, à demander à être traités de la même façon que la Suisse. C'est donc le principe fondateur de la directive « Epargne » et sa révision qui sont menacés.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative en septembre dernier, nous avons interrogé le Gouvernement quant à sa position sur cette question, en lui demandant d'être clair et cohérent. Les efforts qu'il déploie dans le cadre du G20 pour promouvoir l'échange d'informations sur demande doivent être prolongés, dans l'Union, par une position tout aussi déterminée en matière d'échange automatique. Tant que ce problème ne sera pas réglé, nous serons confrontés à des « trous noirs » dans la finance mondiale. Nous reviendrons sur ce sujet en loi de finances, d'autant que Valérie Pécresse, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat, nous a indiqué en septembre dernier que le Gouvernement examinait la convention conclue entre l'Allemagne et la Suisse. Certes, un tel accord permet de recouvrer plusieurs milliards, ce qui n'est pas négligeable en temps de crise. Cependant, d'autres mécanismes sont possibles tel le Foreign Account Tax Compliance Act américain qui tend à pénaliser, par une retenue à la source très élevée, les établissements financiers qui maintiennent le secret bancaire des comptes de contribuables américains.
D'ici là, il faudra également être vigilants quant aux conclusions qui seront adoptées lors de la prochaine réunion du Forum mondial sur la transparence fiscale de l'OCDE les 25 et 26 octobre : 2012 sera une année test et le choix du courage devra l'emporter sur celui de la facilité.
Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter ce projet de loi.
M. François Marc , vice-président . - Nous avons bien compris que les Allemands et les Anglais ont tiré les premiers, de façon d'ailleurs assez peu courtoise.
Mme Marie-France Beaufils . - Nous nous abstiendrons.
A l'issue de ce débat, la commission a adopté le projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale et le rapport de la rapporteure générale.
Elle a demandé que le projet de loi fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 décies du règlement du Sénat .