EXAMEN DES ARTICLES
Article premier Conditions de recevabilité
Le présent article subordonne la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour à deux conditions .
En premier lieu, cette proposition doit être déposée par soixante députés ou soixante sénateurs .
Tout en retenant le principe d'un nombre minimal de signatures, le rapport de la commission Avril suggérait que l'initiative émane au moins du dixième des membres de l'assemblée concernée -soit un nombre de députés (58) et surtout de sénateurs (35) moins important que celui requis par la proposition de loi. Cette recommandation, inspirée des anciennes dispositions des règlements du Sénat (article 86, premier alinéa) et de l'Assemblée nationale (article 158) concernant le nombre minimal de signatures exigé pour une proposition de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de justice, a été retenue par le Gouvernement dans le projet de loi organique qu'il a déposé.
Votre commission s'est ralliée à cette formule qui lui paraît en effet plus favorable à l'expression des droits du Parlement, en adoptant un amendement de son rapporteur.
En second lieu, la proposition de résolution doit être motivée.
Ces conditions sont-elles suffisantes pour éviter un recours abusif à la procédure de destitution ?
Le Gouvernement, dans le projet de loi organique qu'il a déposé devant l'Assemblée nationale, a confié à la commission des lois de chaque assemblée d'exercer un rôle de filtre : une proposition « dénuée de tout caractère sérieux » ne saurait être mise en discussion.
Selon l'exposé des motifs du projet gouvernemental, la « procédure de destitution du Président de la République ne peut être regardée comme un droit collectif de nature politique ouvert aux groupes minoritaires de l'une ou l'autre assemblée ». Cependant, cette disposition donnerait à la commission la possibilité de bloquer en amont toute procédure de destitution.
Selon votre commission, l'appréciation du caractère sérieux de la proposition de résolution devrait être tranchée par l'assemblée en séance publique lorsqu'elle sera saisie de la proposition. En effet, les enjeux soulevés par une telle initiative justifient une décision par l'ensemble des députés ou des sénateurs.
En revanche, votre commission a jugé utile de reprendre une proposition de la commission Avril préconisant qu'un membre du Parlement ne puisse être signataire que d'une seule proposition de réunion de la Haute Cour pendant un même mandat . Selon le rapport de cette commission, « si la motion initiale n'aboutit pas mais que des circonstances ultérieures justifient une nouvelle proposition de réunion, celle-ci restera possible, à condition d'être signée par d'autres que ceux qui avaient pris la première initiative infructueuse ».
Cette limitation devrait dissuader les manoeuvres à caractère purement partisan et permettre de conjurer le risque évoqué par M. Robert Badinter lors de la révision constitutionnelle de « vieux Caton [ou] de jeunes Saint-Just » qui « à toute occasion, sous tout prétexte » déposeraient une motion tendant à la destitution du Président de la République. Sans doute, un nouveau manquement grave aux devoirs de la charge présidentielle peut-il se produire alors qu'une première procédure de destitution n'a pas abouti. Néanmoins, si les faits présentent un degré réel de gravité, il devrait toujours se trouver le nombre nécessaire de signataires - d'autant plus que le seuil minimal requis pour déposer une proposition de résolution a été abaissé par votre commission.
En conséquence, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur complétant en ce sens la proposition de loi.
Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié .
Article 2 Procédure d'examen de la proposition de résolution
Cet article définit les modalités d'examen de la proposition de résolution.
• Délais d'inscription à l'ordre du jour
La proposition de loi organique prévoit une procédure en deux temps :
- dans un délai de six jours à compter du dépôt de la proposition de résolution sur le bureau de l'assemblée concernée, la Conférence des Présidents doit se réunir (1 er alinéa) ;
- dans un délai de quinze jours , la proposition de résolution est inscrite de droit à l'ordre du jour de l'assemblée concernée. Cette disposition, absente du projet de loi organique, apparaît utile : elle répond à l'observation formulée par le rapport Avril selon laquelle « l'inscription obligatoire à l'ordre du jour devra intervenir dans un délai suffisamment impératif pour que la question soit tranchée, et suffisamment bref pour qu'elle le soit sans alourdir inutilement le climat institutionnel ».
Votre commission a souhaité préciser, par un amendement de son rapporteur, que le point de départ du délai de quinze jours court à compter du dépôt de la proposition de résolution devant le bureau de l'assemblée concernée.
La proposition de loi organique rappelle ensuite les termes de l'article 68 de la Constitution. Une fois adoptée, la proposition de résolution est « aussitôt transmise à l'autre assemblée qui se prononce dans les quinze jours. » Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin de préciser, comme pour l'examen de la proposition de résolution devant l'assemblée qui en a pris l'initiative, le délai d'inscription à l'ordre du jour. L'inscription interviendrait ainsi de droit le 13 ème jour suivant la transmission de la proposition de résolution. Le projet de loi organique prévoit une disposition identique.
• Les modalités de vote de la proposition de résolution
La proposition de loi organique reprend les dispositions constitutionnelles s'agissant du vote de la proposition de résolution :
- l'exigence d'une majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ;
- l'interdiction des délégations de vote ;
- le décompte des seuls votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour. Ces dispositions figurant déjà à l'article 68, il ne semble pas utile de les rappeler dans la loi organique. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin d'en supprimer la mention.
Le texte de la proposition de résolution indique que le vote doit faire l'objet d'un scrutin public .
Le rapporteur de votre commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, s'était montré favorable à ce choix lors de l'examen de la révision constitutionnelle du 23 février 2007. Il avait alors estimé « nécessaire que les parlementaires souhaitant provoquer la saisine de la Haute Cour assument publiquement leur responsabilité (...). »
Le dernier alinéa de l'article 2 prévoit enfin que le rejet de la proposition de résolution par l'une des deux assemblées met un terme à la procédure.
Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .
Article 3 Présidence et bureau de la Haute Cour
Cet article définit l'instance décisionnelle pour organiser la procédure devant la Haute Cour. L'article 68 de la Constitution se borne, sur ce point, à indiquer que la Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale.
La commission Avril avait suggéré, plutôt que de figer la procédure par un règlement détaillé, de s'en remettre à l'expérience des bureaux des deux assemblées et de confier en conséquence à la réunion de ceux-ci en bureau de la Haute Cour la responsabilité de pourvoir à toutes les décisions (convocation de la Haute Cour, organisation du débat, répartition du temps de parole, etc.).
Les dispositions de la proposition de loi organique s'inscrivent dans l'esprit de ces recommandations :
- le bureau de la Haute Cour est composé des membres des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat ;
- il se réunit aussitôt en cas de saisine de la Haute Cour ;
- le bureau organise les conditions du débat et du vote ainsi que toutes décisions qu'il juge utiles à l'application de l'article 68 de la Constitution ;
- ses décisions s'appliquent de plein droit et ne sont susceptibles d'aucun recours.
Les dispositions relatives à la composition du bureau présentent un double inconvénient.
En premier lieu, elles ne garantissent pas une représentation égale des deux assemblées. En effet, la composition du bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat relève du règlement de chaque assemblée qui peut en conséquence déterminer l'effectif de son choix.
Ainsi actuellement, le bureau du Sénat comprend vingt-six sénateurs (outre le président, huit vice-présidents, trois questeurs et quatorze secrétaires) et celui de l'Assemblée nationale vingt-deux membres (le président, six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires).
En second lieu, la réunion actuelle des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat aboutirait à un effectif (48 personnes) sans doute inadapté au caractère décisionnel que cette instance devrait jouer.
Aussi, votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur afin de prévoir que le bureau est constitué de vingt-deux membres choisis, en nombre égal, au sein du bureau de l'Assemblée nationale et de celui du Sénat.
Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .
Article 4 Mise en place d'une commission ad hoc
Cet article institue une commission dotée de prérogatives identiques à celles des commissions d'enquête.
En effet, l'institution d'une commission permettrait de mener le travail nécessaire afin d'éclairer la Haute Cour dans son ensemble. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin d'expliciter ce rôle en rappelant que la commission est chargée de recueillir toute information utile à l'accomplissement de la mission de la Haute Cour.
Le rapport Avril proposait que cette commission soit composée des vice-présidents des deux assemblées, formule qui « présente le double avantage, d'une part, de garantir le pluralisme politique de cette commission, d'autre part, de faire que ses membres aient été désignés indépendamment de leurs relations avec le Président de la République ».
La proposition de loi organique reprend ce dispositif en précisant que la commission élit son président parmi les membres et désigne son rapporteur. Cette composition appelle des remarques comparables à celles déjà formulées pour le bureau de la Haute Cour. D'une part, le nombre de vice-présidents au Sénat (8) dépasse celui retenu à l'Assemblée nationale (6). D'autre part, un effectif trop important ne serait pas compatible avec la vocation assignée à la commission.
Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur afin de prévoir que la commission se compose de douze membres élus pour moitié par l'Assemblée nationale et par le Sénat selon la représentation proportionnelle des groupes au sein de chaque assemblée. A l'initiative de M. Alain Richard, votre commission a également précisé que la répartition des sièges au sein de cette commission se ferait au plus fort reste . Il n'apparaît pas indispensable, par ailleurs, que les membres de la commission soient issus du bureau de chacune des assemblées.
Afin d'accomplir sa mission, comme le recommandait le rapport Avril, la commission disposerait des pouvoirs d'une commission d'enquête, tels qu'ils sont déterminés par le II de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958. Ces prérogatives sont de deux sortes.
D'abord, le rapporteur de la commission d'enquête peut exercer sa mission sur pièce et sur place.
Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent lui être fournis. Il peut obtenir tout document de service « à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs ».
Ensuite, une commission d'enquête peut entendre toute personne qui est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée.
La proposition de loi organique prévoit que le Président de la République pourra être entendu à sa demande ou à la demande de la commission et, dans les deux cas, se faire assister d'un conseil de son choix.
Contrairement à la proposition de loi organique, le projet de loi organique réserve au chef de l'Etat le droit d'être entendu, s'il le souhaite, par la commission. Néanmoins, priver la commission de toute initiative sur ce point ne semble pas compatible avec la mission qui lui est fixée de recueillir les éléments nécessaires pour éclairer l'assemblée.
Toutefois, la rédaction retenue par la proposition de loi ménage les prérogatives du Chef de l'Etat : si la commission peut demander à entendre le Chef de l'Etat, il est loisible à celui-ci de refuser de se présenter devant cette instance.
La commission dispose d'un délai de quinze jours pour conduire ses travaux.
Votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a précisé par un amendement que ce délai courrait à compter de l'adoption de la proposition de résolution.
Dans cet intervalle, le rapporteur désigné par la commission devrait établir un rapport écrit soumis à l'approbation de la commission. Après cette approbation, il serait communiqué à la Haute-Cour.
Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .
Article 5 Organisation des débats devant la Haute Cour
La proposition de loi organique laissant au bureau de la Haute Cour le soin de fixer les conditions de déroulement du débat et du vote devant la Haute Cour, le présent article se borne à fixer, d'une part, les principes indispensables à la garantie des droits du Chef de l'Etat et, d'autre part, à rappeler certaines des dispositions contenues dans l'article 62 de la Constitution.
• Les garanties procédurales
Ces garanties sont au nombre de trois :
- la publicité des débats ;
- le droit d'intervention réservé exclusivement au Président de la République et à son conseil, au Gouvernement et aux membres de la Haute Cour. Cette configuration permet de garder au débat une dimension purement politique. Il s'agit en effet d'apprécier si le président de la République est en mesure de poursuivre son mandat sans porter atteinte à la dignité de sa fonction ;
- la parole donnée, avant la clôture des débats, au Chef de l'Etat et à son conseil. Votre commission a jugé utile d'indiquer, en adoptant un amendement de son rapporteur, qu'il s'agissait là d'une faculté laissée à l'initiative du Chef de l'Etat.
• Le rappel des dispositions constitutionnelles
Le dernier alinéa de l'article 5 reprend les dispositions figurant à l'article 68 :
- le scrutin a lieu à bulletins secrets ;
- les délégations de vote sont interdites ;
- seuls sont recensés les votes favorables ;
- la décision est adoptée à la majorité des deux tiers des membres composant la Haute Cour et d'effet immédiat.
Votre commission a adopté un amendement afin de supprimer ces mentions qu'il n'est pas nécessaire de rappeler ici. De même, elle a supprimé par un amendement la disposition, redondante avec l'article 3, selon laquelle le bureau de la Haute Cour fixe les conditions de déroulement du débat et du vote.
Par ailleurs, la proposition de loi organique précise utilement que le délai d'un mois assigné à la Haute Cour par l'article 68 pour statuer court à compter de l'adoption par les deux assemblées de la proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour.
Le texte de la proposition de loi organique n'indique pas, en revanche, les effets attachés au dépassement de délai. Dans cette hypothèse, un amendement de votre rapporteur adopté par votre commission a prévu que la Haute Cour serait dessaisie.
La destitution, si elle était prononcée, entraînerait la vacance de la présidence de la République dans les conditions prévues par l'article 7 de la Constitution. En cas de vacance, les fonctions du Président de la République sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ou, si celui-ci est empêché, par le Gouvernement. Pendant la période d'intérim, aucune procédure de mise en jeu de la responsabilité gouvernementale (articles 49 et 50) ni aucune révision constitutionnelle ne peuvent être mises en oeuvre.
Le scrutin présidentiel doit avoir lieu, sauf cas de force majeure constatée par le Conseil constitutionnel, vingt jours au moins et trente cinq jours au plus après l'ouverture de la vacance. Ce délai devrait courir à compter du jour où la Haute Cour s'est prononcée, sa décision étant d'effet immédiat.
Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .
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Votre commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.