B. LA PERSISTANCE D'INCERTITUDES QUANT À L'EXISTENCE D'UN CADRE NORMATIF APPROPRIÉ
1. La sortie de la liste française : un enjeu en termes de crédibilité politique
L'enjeu de cette ratification réside dans la radiation du Panama de la liste française des Etats et territoires non coopératifs. L'inscription sur la liste emporte l'application automatique de sanctions élaborées dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009 86 ( * ) .
Elles consistent notamment en un dispositif anti-évasion des entreprises de l'article 209 B du CGI qui conduit à imposer les entreprises établies en France sur les bénéfices réalisés par leurs filiales lorsque ceux-ci sont soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du CGI.
Corrélativement, un mécanisme anti-évasion des personnes physiques est prévu à l'article 123 bis du CGI afin de taxer en France les revenus acquis au titre des droits financiers sur les bénéfices non distribués des sociétés établies dans un ETNC.
Ces sanctions s'accompagnent également d'une majoration des taux de retenue à la source pour les flux financiers à destination des ETNC . Sont concernés les profits immobiliers au titre de l'article 244 bis du CGI, les plus values immobilières (article 244 bis A du CGI), les revenus passifs, tels que les dividendes (article 187 du CGI), les intérêts (article 125 A du CGI), l'assurance-vie (article 125-0-A du CGI) et les revenus salariaux (articles 182 A, 182 A bis , 182 B du CGI).
Enfin, la loi de finances rectificative précitée a durci le régime de déductibilité des paiements réalisés par des résidents français au profit de personnes domiciliées dans un ETNC 87 ( * ) (article 238 A du CGI).
Le Panama a été inscrit sur la liste des Etats et territoires non coopératifs au 1 er janvier 2010.
Liste des Etats et territoires non coopératifs au 14 avril 2011
Anguilla |
Guatemala |
Nauru |
Belize |
Iles Cook |
Nioué |
Brunei |
Iles Marshall |
Oman |
Costa Rica |
Iles Turques et Caïques |
Panama |
Dominique |
Liberia |
Philippines |
Grenade |
Montserrat |
Saint-Vincent et Grenadines |
Source : Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat
Aux termes de l'article du a) du 2 de l'article 238-0-A du CGI, cette liste est mise à jour annuellement.
« a) En sont retirés les Etats ou territoires ayant, à cette date, conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant d'échanger tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties ; ».
Or, votre rapporteure estime ne pas disposer d'éléments suffisants pour conclure à la capacité du Panama à se conformer pleinement aux engagements qu'il a souscrits.
En réponse aux interrogations de votre rapporteure sur la nécessité de ratifier l'accord, le ministère des affaires étrangères a fait valoir que : « Cette ratification ne saurait en aucune manière être un aboutissement : la réalité des efforts de conformité effective du Panama à ses engagements et aux normes internationales continuera d'être analysée et vérifiée [...]. De plus, la levée des sanctions est réversible dans le dispositif français, un pays ne respectant pas les engagements qu'il a signés pouvant figurer sur la liste et se voir appliquer de nouveau, le cas échéant, les mesures restrictives prévues.
Il ne s'agit donc pas de donner [au] Panama un brevet d'honorabilité fiscale permanent et définitif. Mais pour autant, il serait paradoxal, en raison d'un passé pas acceptable, de refuser de reconnaître des efforts qui ont désormais pris un tour tangible . Pour vérifier à l'avenir que [le] Panama respecte ses engagements, encore faut-il les lui faire signer et les faire entrer en vigueur dans le cadre du droit international et de notre relation bilatérale. » .
Convenant qu'il ne s'agit, ni de condamner le Panama en l'absence de preuve de son incapacité à coopérer effectivement, ni de lui « donner un brevet d'honorabilité », votre rapporteure reste néanmoins perplexe face à la démarche qui consiste à renverser la charge de la preuve au profit de cet Etat. Cette approche semble ignorer le dernier rapport du Forum mondial de l'OCDE.
Les efforts panaméens doivent plus que prendre « un tour tangible ». Ils doivent conduire à un constat objectif de mise en place des normes indispensables à l'assistance fiscale internationale .
* 86 Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.
* 87 Le débiteur doit non seulement prouver que ces « dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré », il doit désormais démonter que les opérations visées ont principalement un « objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces dépenses dans un ETNC ».