B. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI : UNE RÉPONSE CIRCONSTANCIÉE ET PÉRENNE AUX DIFFICULTÉS DE FINANCEMENT DE L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE
La présente proposition de loi a pour objet d' élargir l'assiette de la CSA aux revenus des travailleurs indépendants ainsi qu'aux pensions de retraite . Ceux-ci devraient donc acquitter un prélèvement de 0,3 % sur leurs revenus dont le produit serait intégralement alloué à la section II du budget de la CNSA, destinée au financement de l'Apa .
L'élargissement de l'assiette de la CSA a été envisagé à plusieurs reprises au cours des travaux consacrés à la dépendance et à son financement. Ainsi, le rapport du groupe de travail n° 4, remis en juin 2011 au moment du débat national sur la dépendance, évoquait cette piste, estimant qu'elle pourrait procurer des recettes de 950 millions d'euros 16 ( * ) .
Au regard des informations qu'a pu recueillir votre rapporteur au cours de ses auditions, il apparaît que cette extension de l'assiette de la CSA générerait une recette supplémentaire comprise entre 884 et 910 millions d'euros , ce qui permettrait de ramener quasiment à parité le financement de l'Apa entre la CNSA et les départements.
1. Dépasser la simple reconduction de mesures d'urgence par la mise en place d'un financement pérenne
La loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 17 ( * ) a mis en place un mécanisme exceptionnel de 150 millions d'euros composé, d'une part, d'un prélèvement de 75 millions d'euros sur les réserves de la CNSA, d'autre part d'une enveloppe d'un même montant créée par l'ouverture complémentaire de crédits dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Selon les informations dont dispose votre rapporteur, de nouvelles mesures d'urgence, dont le montant s'élèverait à 170 millions d'euros pourraient être décidées pour l'année 2013.
Si de telles aides sont nécessaires pour améliorer de façon immédiate la situation de certains départements, elles n'apportent qu'une réponse partielle aux difficultés que rencontrent ces collectivités pour continuer de verser l'Apa dans des conditions satisfaisantes. Il convient donc dès maintenant de dépasser les mesures ponctuelles.
Le Président de la République lui-même, lors de l'allocution qu'il a prononcée le 5 octobre dernier en clôture des états généraux de la démocratie territoriale, a déclaré : « au-delà de ces mesures ponctuelles ou d'urgence, il conviendra de trouver un mode de financement pérenne pour la dépendance et la prise en charge de la solidarité ».
La présente proposition de loi apporte un premier degré de réponse en garantissant un rééquilibrage durable dans le financement de l'Apa.
2. Assurer une participation équitablement répartie à l'effort de solidarité nationale envers les aînés
L'élargissement de l'assiette de la CSA permet également de rétablir une certaine équité dans la participation des Français au paiement de la contribution.
Il est parfois avancé qu'élargir le paiement de la CSA aux travailleurs indépendants et aux retraités crée pour eux une perte nette de pouvoir d'achat dans la mesure où le poids de la contribution ne pourrait être compensé par une journée de travail supplémentaire. Une telle mesure revêtirait donc un caractère discriminatoire au regard de ce qui s'applique pour les travailleurs salariés.
Votre rapporteur estime cependant que cet argument peut être aisément renversé. S'il est vrai que le prélèvement pesant actuellement sur les revenus salariaux ne vient pas directement obérer le pouvoir d'achat des salariés, ces derniers participent bien à l'effort de solidarité nationale en acceptant de travailler une journée supplémentaire sans rémunération. Il n'est donc pas illégitime de penser qu'un prélèvement modéré de 0,3 % sur les revenus des travailleurs indépendants et des retraités permettrait de partager plus équitablement l'effort de solidarité envers les personnes âgées dépendantes.
Votre rapporteur tient à ce titre à souligner que, lors de son audition, le président du régime social des indépendants a officiellement apporté son soutien à l'élargissement de l'assiette de la CSA aux travailleurs indépendants . Il s'agit là d'une prise de position courageuse qui traduit bien la prise de conscience de la nécessité d'une participation équilibrée de tous au financement de la dépendance.
Si le président de la Confédération française des retraités s'est opposé à la mesure prévue par la proposition de loi, il a en revanche signalé que son organisation pourrait être favorable à un alignement du taux plein de CSG des retraités sur celui des actifs, à la condition que celui-ci soit progressif et que les recettes générées soient entièrement fléchées vers le financement de la dépendance. Cette prise de position peut être considérée comme un signe positif dans la perspective des débats qui devraient s'engager prochainement sur le financement de la dépendance.
3. Une portée sensiblement différente de celle de l'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013
L'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 crée une contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie sur les pensions de retraite et d'invalidité. Son taux serait de 0,15 % en 2013 puis 0,30 % à partir de 2014.
Votre rapporteur aurait toutes les raisons de se féliciter du fait que l'élargissement de l'assiette de la CSA envisagé par la proposition de loi soit en partie repris dans le PLFSS. Une telle mesure aurait pu éventuellement le conduire à amender sa proposition de loi de façon à limiter la portée de celle-ci aux travailleurs indépendants. Ce n'est pourtant pas la solution qu'il envisage en raison de divergences sur la façon dont sera utilisée la ressource nouvellement créée.
En effet, l'article 16 du PLFSS prévoit d'affecter la première année la ressource au FSV. Cette mesure apparaît difficilement justifiable.
En outre, si la ressource collectée sera bien destinée à la CNSA à partir de 2014, il n'est aucunement prévu qu'elle vienne abonder, ne serait-ce qu'en partie, la section II destinée au financement de l'Apa. Les sommes collectées seront en effet mises en réserve au sein d'une nouvelle section « au profit de l'amélioration de la prise en charge de la perte d'autonomie ».
Dans l'attente d'une définition plus précise des contours de la future réforme de la dépendance, le Gouvernement estime que cette mesure constitue un premier pas vers la mobilisation de ressources nouvelles. La démarche est louable mais ne serait-il pas plus pragmatique et lisible d'affecter dès maintenant ces recettes aux acteurs qui en ont le plus besoin ?
Le dispositif de la présente proposition de loi apparaît en conséquence plus cohérent à votre rapporteur. Son ambition est bien évidemment limitée et il ne s'agit en aucun cas d'empiéter sur les mesures qui pourraient être envisagées dans le cadre de la future réforme de la dépendance.
Il s'agit simplement d'apporter une réponse urgente, pragmatique et pérenne au financement de l'Apa tout en corrigeant l'iniquité qu'avait, selon votre rapporteur, créée la loi du 30 juin 2010 en ne faisant peser le paiement de la CSA que sur les travailleurs salariés.
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Conformément à l'accord politique passé entre les présidents de groupe pour ce qui concerne l'examen des textes inscrits à l'ordre du jour du Sénat sur proposition d'un groupe d'opposition ou minoritaire, votre commission des affaires sociales a décidé de ne pas se prononcer sur l'adoption d'un texte afin que cette proposition de loi soit débattue, en séance publique, dans la rédaction initiale voulue par ses auteurs.
* 16 Rapport du groupe de travail n° 4 : « Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées », juin 2011.
* 17 Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative.