Rapport n° 422 (2012-2013) de M. Richard YUNG , fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 mars 2013
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EXPOSÉ GÉNÉRAL
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I. UNE RÉGLEMENTATION BANCAIRE CROISSANTE
MAIS INACHEVÉE
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II. UN ALÉA MORAL INSOUTENABLE
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III. LA NÉCESSITÉ D'UNE
RÉFORME DE STRUCTURE, ADAPTÉE AU MODÈLE FRANÇAIS DE
BANQUE UNIVERSELLE, POUR ORIENTER LES BANQUES FRANÇAISES VERS LE
FINANCEMENT DE L'ÉCONOMIE
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IV. LES APPORTS DU PRÉSENT PROJET DE
LOI : RÉORIENTATION, STABILISATION ET PROTECTION
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A. LES ORIENTATIONS INITIALES DU PRÉSENT
PROJET DE LOI
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1. La filialisation et le cantonnement des
activités spéculatives (articles 1er à 4)
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2. La prévention et la résolution
des crises bancaires et financières
(articles 5 à 11)
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3. Le renforcement des pouvoirs des
autorités de régulation (articles 12 à 15)
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4. Les relations des établissements de
crédit, des sociétés d'assurance et des
sociétés de gestion avec leur clientèle
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5. Les dispositions relatives à l'outre-mer
(article 26)
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1. La filialisation et le cantonnement des
activités spéculatives (articles 1er à 4)
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B. LES APPORTS SUBSTANTIELS DE L'ASSEMBLÉE
NATIONALE
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1. La filialisation et le cantonnement des
activités spéculatives
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2. La transparence et la lutte contre les
dérives financières
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3. Le renforcement des pouvoirs des
autorités de régulation
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4. Les relations des établissements de
crédit, des sociétés d'assurance et des
sociétés de gestion avec leur clientèle
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1. La filialisation et le cantonnement des
activités spéculatives
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C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR VOTRE
COMMISSION DES FINANCES
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1. La filialisation et le cantonnement des
activités spéculatives
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2. La transparence et la lutte contre les
dérives financières (articles 4 bis A à 4
nonies)
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3. La prévention et la résolution
des crises bancaires et financières
-
4. Les relations des établissements de
crédit, des sociétés d'assurance et des
sociétés de gestion avec leur clientèle
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1. La filialisation et le cantonnement des
activités spéculatives
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A. LES ORIENTATIONS INITIALES DU PRÉSENT
PROJET DE LOI
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I. UNE RÉGLEMENTATION BANCAIRE CROISSANTE
MAIS INACHEVÉE
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EXAMEN DES ARTICLES
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ARTICLE 1er A Remise d'un rapport sur l'impact de
la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire
français
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ARTICLE 1er (Art. L. 511-47 à L. 511-50
[nouveaux] du code monétaire et financier) Filialisation des
activités bancaires spéculatives
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ARTICLE 1er bis A (Art. L. 465-2 et L. 621-15 du
code monétaire et financier) Sanctions des abus de marché
destinés à manipuler le cours des matières
premières
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ARTICLE 1er bis (Art. L. 451-3-1 [nouveau] du
code monétaire et financier) Obligation d'information sur les
systèmes de négociation automatisés
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ARTICLE 1er ter (Article L. 465-2 et L. 621-15 du
code monétaire et financier) Répression de la tentative d'abus de
marché
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ARTICLE 2 (Art. L. 612-33-1 [nouveau] et L.
612-35 du code monétaire et financier) Pouvoirs d'interdiction de
l'ACPR
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ARTICLE 3 (Art. L. 531-2 du code monétaire
et financier) Interdiction de l'exemption d'agrément pour les
filiales
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ARTICLE 4 Modalités d'application du titre
Ier
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ARTICLE 1er A Remise d'un rapport sur l'impact de
la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire
français
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TITRE IER BIS TRANSPARENCE ET LUTTE CONTRE LES
DÉRIVES FINANCIÈRES
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ARTICLE 4 bis A Débat annuel sur la liste
des paradis fiscaux
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ARTICLE 4 bis (Art. L. 511-45 du code
monétaire et financier) Transparence des activités bancaires pays
par pays
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ARTICLE 4 ter A (Art. L. 561-10 et L. 561-11 du
code monétaire et financier) Renvoi aux listes du GAFI en matière
de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
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ARTICLE 4 ter B (Art. L. 561-29 du code
monétaire et financier) Transmission d'informations par TRACFIN aux
autorités judiciaires et à l'administration des douanes
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ARTICLE 4 ter C (Art. L. 561-30 du code
monétaire et financier) Transmission d'informations à TRACFIN par
l'Autorité de contrôle prudentiel, l'Autorité des
marchés financiers et les ordres professionnels
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ARTICLE 4 ter (Art. L. 561-15 et L. 561-15-1
du code monétaire et financier) Création d'un régime de
transmission automatique d'informations à TRACFIN
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ARTICLE 4 bis A Débat annuel sur la liste
des paradis fiscaux
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CHAPITRE II RÉGULATION DU MARCHÉ
DES MATIÈRES PREMIÈRES
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CHAPITRE III ENCADREMENT DU TRADING À
HAUTE FRÉQUENCE
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ARTICLE 4 quinquies (nouveau) (Art. L. 451-3-1
[nouveau] du code monétaire et financier) Obligation d'information sur
les dispositifs de traitement automatisés
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ARTICLE 4 sexies (nouveau) (Art. L. 421-16-1 et
L. 424-4-1 [nouveaux] du code monétaire et financier) Organisation des
plateformes boursières en vue de limiter les ordres perturbateurs sur
les marchés
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ARTICLE 4 quinquies (nouveau) (Art. L. 451-3-1
[nouveau] du code monétaire et financier) Obligation d'information sur
les dispositifs de traitement automatisés
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CHAPITRE IV RÉPRESSION DES ABUS DE
MARCHÉ
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ARTICLE 4 septies (nouveau) (Article L. 465-2 et
L. 621-15 du code monétaire et financier) Répression de la
tentative d'abus de marché
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ARTICLE 4 octies (nouveau) (Art. L. 465-1, L.
465-2, L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier) Extension
des sanctions des abus de marché sur les systèmes
multilatéraux de négociation
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ARTICLE 4 nonies (nouveau) (Art. L. 465-2-1
[nouveau], L. 465-3 et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Sanctions administratives et pénales de la manipulation d'un
indice
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ARTICLE 4 septies (nouveau) (Article L. 465-2 et
L. 621-15 du code monétaire et financier) Répression de la
tentative d'abus de marché
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TITRE II MISE EN PLACE DU RÉGIME DE
RÉSOLUTION BANCAIRE
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SECTION 2 LE FONDS DE GARANTIE DES
DÉPÔTS ET DE RÉSOLUTION
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CHAPITRE II PLANIFICATION DES MESURES
PRÉVENTIVES DE RÉTABLISSEMENT ET DE RÉSOLUTION BANCAIRES
ET MISE EN PLACE DU RÉGIME DE RÉSOLUTION BANCAIRE
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ARTICLE 7 (Art. L. 613-31-11 à
L. 613-31-18 [nouveaux] du code monétaire et financier)
Résolution et prévention des crises bancaires
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ARTICLE 8 (Art. L. 517-5, L. 612-2,
L. 612-16, L. 612-34, L. 613-24 et L. 613-27 du code
monétaire et financier) Mesures de police administrative et garanties
apportées à l'administrateur provisoire
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ARTICLE 7 (Art. L. 613-31-11 à
L. 613-31-18 [nouveaux] du code monétaire et financier)
Résolution et prévention des crises bancaires
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CHAPITRE III DISPOSITIONS TRANSITOIRES
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TITRE III SURVEILLANCE MACRO-PRUDENTIELLE
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ARTICLE 10 (Art L. 141-5-1 [nouveau] du code
monétaire et financier) Mission de la Banque de France en matière
de stabilité financière
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ARTICLE 11 (Art. L. 631-2, L. 631-2-1, L. 631-2-2
et L. 631-2-3 [nouveau] du code monétaire et financier) Création
du Conseil de stabilité financière
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ARTICLE 11 bis (Art. L. 511-33 du code
monétaire et financier et art. 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du
17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires) Inopposabilité du secret bancaire aux commissions
d'enquête parlementaire
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ARTICLE 10 (Art L. 141-5-1 [nouveau] du code
monétaire et financier) Mission de la Banque de France en matière
de stabilité financière
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TITRE III BIS ENCADREMENT DES CONDITIONS
D'EMPRUNT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE LEURS GROUPEMENTS
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ARTICLE 11 ter (Art. L. 1611-3, L. 1611-9 et L.
2337-3 du code général des collectivités territoriales)
Encadrement des conditions d'emprunt des collectivités territoriales et
de leurs groupements
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ARTICLE 11 quater (Art. L. 631-1 du code
monétaire et financier) Communication d'informations entre l'ACPR, l'AMF
et la DGCCRF
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ARTICLE 11 ter (Art. L. 1611-3, L. 1611-9 et L.
2337-3 du code général des collectivités territoriales)
Encadrement des conditions d'emprunt des collectivités territoriales et
de leurs groupements
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TITRE IV RENFORCEMENT DES POUVOIRS DE
L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS ET DE L'AUTORITÉ DE
CONTRÔLE PRUDENTIEL ET DE RÉSOLUTION
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ARTICLE 12 (Art. L. 621-2, L. 621-8-4 [nouveau],
L. 621-10, L. 621-10-1 [nouveau], L. 621-11, L. 621-12, L. 621-15, L.
621-18) Organisation et pouvoirs de l'Autorité des marchés
financiers
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ARTICLE 13 (Art L. 465-1 et L. 465-2 du code
monétaire et financier) Répression des délits
d'initiés et des manipulations de cours
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ARTICLE 13 bis (nouveau) (Art. L. 612-23-1
[nouveau] du code monétaire et financier) Pouvoir de suspension du
rachat des parts ou actions d'un organisme collectif de placement
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ARTICLE 12 (Art. L. 621-2, L. 621-8-4 [nouveau],
L. 621-10, L. 621-10-1 [nouveau], L. 621-11, L. 621-12, L. 621-15, L.
621-18) Organisation et pouvoirs de l'Autorité des marchés
financiers
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CHAPITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À
L'AUTORITÉ DE CONTRÔLE PRUDENTIEL ET DE RÉSOLUTION
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ARTICLE 14 (Art. L. 511-10-1,
L. 532-2-1, L. 511-47-1, L. 612-23-1 [nouveaux], L. 612-24,
L. 612-25, L. 612-26L. 612-33, L. 612-39 du code
monétaire et financier) Contrôle de l'ACPR sur les instances
dirigeantes des entités soumises à son contrôle
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ARTICLE 14 bis A (Art. L. 211-5 du code de
la mutualité) Approbation préalable par l'ACPR de la
résiliation d'une convention de substitution
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ARTICLE 14 bis (Art. L. 212-27 du code de la
mutualité, L. 931-18-1 du code de la sécurité sociale
et L. 323-8 et L. 328-5 du code des assurances) Coordinations de
référence au sein des codes de la mutualité, de la
sécurité sociale et des assurances
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ARTICLE 14 (Art. L. 511-10-1,
L. 532-2-1, L. 511-47-1, L. 612-23-1 [nouveaux], L. 612-24,
L. 612-25, L. 612-26L. 612-33, L. 612-39 du code
monétaire et financier) Contrôle de l'ACPR sur les instances
dirigeantes des entités soumises à son contrôle
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CHAPITRE III SUPERVISION DES CHAMBRES DE
COMPENSATION ET DES CONTREPARTIES AUX TRANSACTIONS SUR
DÉRIVÉS
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ARTICLE 15 (Art. L. 141-4, L. 440-1, L. 440-2, L.
440-3, L. 440-7, L. 440-8 et L. 440-9 du code monétaire et financier)
Supervision des chambres de compensation
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ARTICLE 15 bis A (Art. L. 533-2 et L. 533-10 du
code monétaire et financier) Atténuation des risques sur contrats
dérivés négociés de gré à gré
et non compensés
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ARTICLE 15 bis B (Art. L. 612-1, L. 612-39 et L.
612-40 du code monétaire et financier) Modification des pouvoirs de
l'ACPR suite à l'adoption du règlement EMIR
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ARTICLE 15 bis C (Art. L. 621-9, L. 621-14, L.
621-18-6 et L. 621-18-7 [nouveaux] du code monétaire et financier)
Modification des pouvoirs de l'AMF suite à l'adoption du
règlement EMIR
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ARTICLE 15 bis (Art. L. 213-3 du code
monétaire et financier) Autorisation d'émission de billets de
trésorerie par certains établissements de santé
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ARTICLE 15 ter (Art. L. 132-23 du code des
assurances) Complémentaire retraite des hospitaliers
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ARTICLE 15 (Art. L. 141-4, L. 440-1, L. 440-2, L.
440-3, L. 440-7, L. 440-8 et L. 440-9 du code monétaire et financier)
Supervision des chambres de compensation
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TITRE V DISPOSITIONS RELATIVES AUX
SOCIÉTÉS OU CAISSES D'ASSURANCES ET DE RÉASSURANCES
MUTUELLES AGRICOLES
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TITRE VI PROTECTION DES CONSOMMATEURS ET EGALITE
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
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ARTICLE 17 (Art. L. 312-1-3 [nouveau] du
code monétaire et financier) Plafonnement des frais d'incident et offre
de services bancaires pour la clientèle en situation de
fragilité
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ARTICLE 17 bis A (Art. L. 312-1-1 A
[nouveau] du code monétaire et financier) Charte d'inclusion bancaire et
de prévention du surendettement
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ARTICLE 17 bis B (Art. L. 312-1-1 B
[nouveau] du code monétaire et financier) Création d'un
observatoire de l'inclusion bancaire
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ARTICLE 17 (Art. L. 312-1-3 [nouveau] du
code monétaire et financier) Plafonnement des frais d'incident et offre
de services bancaires pour la clientèle en situation de
fragilité
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CHAPITRE IER BIS MESURES RELATIVES À LA
PROTECTION ET À L'INFORMATION DES ENTREPRISES
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ARTICLE 17 bis (Art. L. 313-12-1 du code
monétaire et financier) Transmission aux entreprises de la notation
interne attribuée par la banque
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ARTICLE 17 ter Suivi statistique des encours
garantis par l'assurance-crédit
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ARTICLE 17 quater (Art. L. 312-1-6 [nouveau]
du code monétaire et financier) Obligation d'une convention
écrite entre l'entreprise et l'établissement de crédit
pour la gestion d'un compte de dépôt
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ARTICLE 17 quinquies (Art. L. 313-12 du code
monétaire et financier) Obligation d'une convention écrite pour
tout concours bancaire autre qu'occasionnel à une entreprise
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ARTICLE 17 bis (Art. L. 313-12-1 du code
monétaire et financier) Transmission aux entreprises de la notation
interne attribuée par la banque
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CHAPITRE II ASSURANCE-EMPRUNTEUR
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CHAPITRE III MESURES RELATIVES AUX
INTERMÉDIAIRES BANCAIRES ET FINANCIERS
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CHAPITRE IV RÉFÉRENTIEL DE
PLACE
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CHAPITRE V MESURES DE SIMPLIFICATION
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ARTICLE 21 (Art. L. 312-1 du code
monétaire et financier) Accessibilité bancaire
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ARTICLE 21 bis A (Art. L. 314-7 du code
monétaire et financier) Relevé d'information sur les frais
bancaires
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ARTICLE 21 bis (Art. L. 314-7 du code
monétaire et financier) Dénomination commune des frais et
services bancaires
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ARTICLE 22 (Art. L. 331-6, L. 331-3-1,
L. 331-3-2, L. 331-7, L. 331-7-1, L. 330-1, L. 331-3,
L. 332-5-2 [nouveau], L. 332-11, L. 333-1-2, L. 333-4,
L. 334-5, L. 333-7 du code de la consommation et L. 542-7-1 du
code de la sécurité sociale) Procédure de
surendettement
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ARTICLE 22 bis (Art. L. 330-1,
L. 331-2, et L. 331-3-1 du code la consommation) Articulation de la
procédure de surendettement avec le maintien du débiteur dans son
logement
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ARTICLE 23 (Art. L. 312-1-4 [nouveau] du code
monétaire et financier) Compte du défunt
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ARTICLE 24 (Art. L. 311-9 du code de la
consommation) Fichier national des incidents de remboursement des
crédits aux particuliers
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ARTICLE 21 (Art. L. 312-1 du code
monétaire et financier) Accessibilité bancaire
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CHAPITRE VI ÉGALITÉ ENTRE LES
HOMMES ET LES FEMMES EN MATIÈRE DE TARIFS ET DE PRESTATIONS
D'ASSURANCES
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TITRE VII ORDONNANCES RELATIVES AU SECTEUR
BANCAIRE ET FINANCIER
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ARTICLE 26 Dispositions relatives à
l'outre-mer
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ARTICLE 27 (Ordonnance n° 2012-1240 du 8
novembre 2012 portant transposition de la directive 2010/73/UE du Parlement
européen et du Conseil du 24 novembre 2010) Ratification de l'ordonnance
du 8 novembre 2012 sur le prospectus et la transparence
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ARTICLE 28 Application des normes de paiement
SEPA dans les collectivités du Pacifique
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ARTICLE 29 (Ordonnance n° 2013-79 du 25
janvier 2013 portant adaptation du code monétaire et financier à
la départementalisation de Mayotte et du droit des chèques dans
les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie)
Ratification de l'ordonnance d'adaptation du code monétaire et financier
à la départementalisation de Mayotte et du droit des
chèques dans les collectivités d'outre-mer et en
Nouvelle-Calédonie
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ARTICLE 30 Dissolution de l'Établissement
public de réalisation et de défaisance
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ARTICLE 26 Dispositions relatives à
l'outre-mer
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TRAVAUX DE LA COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
N° 422
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mars 2013 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , de séparation et de régulation des activités bancaires ,
Par M. Richard YUNG,
Sénateur
Tome 1 : Rapport
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
566 , 661 , 666 , 707 et T.A. 87 |
|
Sénat : |
365 , 423, 427 et 428 (2012-2013) |
Mesdames, Messieurs,
Depuis cinq ans, nos économies ont été frappées par des crises successives, du secteur financier et des dettes souveraines, qui ont considérablement pesé sur les finances publiques, la croissance, l'emploi, la situation sociale et la confiance des citoyens dans leur avenir. Ces crises trouvent leur origine dans les failles de la régulation financière et de la supervision , mais aussi dans les limites d'un modèle bancaire où la taille et la complexité, non maîtrisables par les autorités publiques, sont synonymes de garantie publique implicite .
Dans ce contexte, des réformes d'ampleur ont été mises en oeuvre depuis plusieurs années : des réformes du marché financier , pour y accroître la transparence et la régulation ; des réformes prudentielles , pour renforcer la solidité du secteur bancaire ; des réformes institutionnelles , notamment en Europe, pour renforcer la crédibilité et l'efficacité de la supervision. Le Parlement français a pris part à ce mouvement, avec des groupes de travail dédiés 1 ( * ) mais aussi, plus récemment, une participation renforcée au débat européen en matière de normes prudentielles 2 ( * ) , de régulation des marchés financiers 3 ( * ) et de mise en place d'une union bancaire 4 ( * ) .
Cependant, ces réformes n'ont pas touché à l'organisation interne des banques , pourtant responsable, par la confusion des activités que sa complexité autorise, de l'expansion de la spéculation et des risques que celle-ci a fait porter aux dépôts de leurs clients et, in fine , au contribuable.
Le présent projet de loi vise à mettre un terme définitif à cette confusion et à cet aléa moral insoutenable d'un point de vue budgétaire et d'un point de vue éthique, en promouvant une réforme d'ampleur inédite de l'architecture bancaire . A la suite des réflexions menées aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans l'Union européenne en vue d'une séparation des activités bancaires et conformément à l'engagement du Président de la République, il impose ainsi la séparation, au sein d'une filiale cantonnée, des activités spéculatives menées pour compte propre de celles utiles à l'économie .
De façon complémentaire, il met en place un régime puissant de prévention et de gestion des crises bancaires , permettant de réorganiser les banques en amont pour en faciliter le démantèlement, de mieux protéger les activités systémiques et les dépôts et de supprimer ou limiter l'intervention des fonds publics.
Enfin, le présent projet de loi propose plusieurs mesures fortes dans le sens de la protection des particuliers , en prévoyant notamment un plafonnement des commissions d'intervention, une réforme du droit au compte et des améliorations en matière d'assurance-emprunteur et de surendettement.
Lors de sa réunion du mardi 12 mars, votre commission a contribué à l'amélioration de l'ensemble du projet de loi, par l'adoption, à l'initiative de votre rapporteur, de quarante-six amendements .
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. UNE RÉGLEMENTATION BANCAIRE CROISSANTE MAIS INACHEVÉE
A. LA SOLIDITÉ DES SECTEURS BANCAIRES MISE À L'ÉPREUVE PAR LES DÉRIVES DES MARCHÉS FINANCIERS
1. Le développement non régulé des marchés financiers à l'origine de la crise
La crise financière de 2007-2008 trouve ses origines immédiates dans la bulle immobilière américaine et dans l'expansion des marchés financiers, alimentée par le développement de techniques de transferts de risque , ayant permis à cette bulle immobilière de prospérer. Ces instruments, au premier rang desquels la titrisation non maîtrisée des crédits, ont donné l'illusion aux acteurs du marché qu'il était possible de réduire, voire de supprimer, le risque associé à un actif , tout en en conservant le rendement.
Cette évolution a été facilitée par les failles de la réglementation bancaire, qui n'a pas su prévenir le développement et la diffusion des produits titrisés par les banques, ni la réduction des exigences de fonds propres qu'elles ont pu organiser en transférant des actifs entre leur portefeuille d'investissement ( banking book ) et leur portefeuille de négociation ( trading book ).
2. La faillite de Lehman Brothers et la mise à jour des faiblesses bancaires
En 2007 et 2008, la dépréciation des créances hypothécaires titrisées, rattrapées par la montée du risque réel qu'elles représentaient, ont mis en évidence deux principales menaces pesant sur le secteur bancaire mondial :
- un risque de solvabilité , pour les établissements dont l'exposition à ce type de produits était élevée et qui ne parvenaient pas à solder leurs positions dans des conditions acceptables. C'est le cas de la banque d'investissement américaine Lehman Brothers, qui se déclare en faillite le 15 septembre 2008 ;
- un risque de liquidité , pour les banques dont le refinancement était dépendant de l'échange de ce type de produits. C'est le cas de la banque britannique Northern Rock dès 2007.
Les difficultés de certains établissements et, en particulier, la faillite de Lehman Brothers, entraînent une crise de confiance généralisée au sein des acteurs bancaires ; le marché interbancaire , sur lequel les établissements se prêtent les uns aux autres, notamment, à court terme, se grippe, renforçant d'autant le risque d'une crise de liquidité.
Au total, la crise a donc mis à jour deux principales faiblesses des établissements bancaires : une capitalisation insuffisante pour faire face à leurs pertes , et une dépendance aux marchés financiers pour leur refinancement, notamment à court terme . Elle a également souligné le rôle des banques comme courroie de transmission de la crise depuis la sphère financière vers la sphère réelle .
B. UNE RÉFORME DES MARCHÉS FINANCIERS SUR LE POINT D'ABOUTIR
La crise a également révélé la complexité et l'opacité croissantes des marchés financiers. A cet égard, les G 20 successifs ont tracé une feuille de route très claire en vue d'aller vers une plus grande transparence et une meilleure régulation à la fois des acteurs et des produits financiers.
S'agissant des marchés de dérivés négociés de gré à gré, dont on sait qu'ils ont permis la diffusion du risque à l'échelle mondiale, le G 20 de Pittsburgh a pris l'engagement que « tous les contrats de produits dérivés de gré à gré normalisés devront être échangés sur des plates-formes d'échanges ou via des plates-formes de négociation électronique selon le cas et compensés par des contreparties centrales d'ici la fin 2012 au plus tard. Les contrats de produits dérivés de gré à gré doivent faire l'objet d'une notification aux organismes appropriés ( "trade repositories" ). Les contrats n'ayant pas fait l'objet de compensation centrale devront être soumis à des exigences en capital plus strictes ».
Cet engagement a été traduit, dans l'Union européenne, par l'adoption du règlement « EMIR » ( European Market Infrastructure Regulation ) 5 ( * ) du 4 juillet 2012. Le Dodd-Frank Act, voté en juillet 2010, prévoit également un encadrement des marchés de dérivés de gré à gré. Les autorités américaines de régulation n'ont toutefois pas encore pris tous les textes d'application permettant de faire entrer en vigueur ces dispositions.
L'Union européenne, sous l'impulsion de Michel Barnier, commissaire en charge du Marché intérieur et des services, a également adopté ou est en train d'examiner plusieurs textes importants en matière de régulation.
Ainsi, depuis 2009, elle a adopté trois règlements relatifs aux agences de notation , qui, sous la supervision de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), doivent désormais être agréées et respecter des obligations professionnelles.
En outre, s'agissant de la gestion d'actifs, l'Union européenne a mis en place un cadre spécifique relatif aux fonds alternatifs (directive AIFM 6 ( * ) ), applicable en particulier aux hedge funds .
L'ensemble de la législation sur les abus de marché (délit d'initié, manipulation de cours, diffusion de fausses informations) est également en cours de refonte en vue de durcir les sanctions prises à l'encontre des personnes qui commettent de tels actes.
Enfin, la révision de la directive « marchés d'instruments financiers » (MIF) 7 ( * ) doit être l'occasion d'insuffler une plus grande transparence sur les marchés obligataires et de dérivés - en complément du règlement EMIR - mais aussi de s'attaquer à des dérives telles que le trading à haute fréquence ou la spéculation sur le marché des matières premières .
L'ensemble de ces textes - dont la liste dressée ici n'est pas exhaustive - permet de ne laisser aucun acteur, ni aucun produit en dehors du champ de la régulation au sein de l'Union européenne .
Ces réformes sont toutefois encore loin d'être achevées. En effet, le processus législatif se poursuit sur certaine propositions, qui, pour certaines, devront être transposées par les Etats membres. Il convient ensuite de prendre de très nombreux textes d'application et de forger une doctrine de supervision de manière concertée entre les différentes autorités nationales amenées à contrôler la mise en oeuvre des nouvelles règles. Enfin, il importe que la régulation se développe de manière homogène au niveau international et, en premier lieu, aux Etats-Unis.
C. DES RÉFORMES PRUDENTIELLES NÉCESSAIRES BIEN ENGAGÉES
1. Principe et innovations majeures de Bâle III
Créé en 1975 et hébergé par la Banque des règlements internationaux à Bâle, le comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB) est un groupe de travail composé de représentants (banques centrales, régulateurs, Trésors) de vingt-sept pays, dont l'objectif est de promouvoir et de renforcer les pratiques de surveillance du secteur bancaire au niveau international.
Dans le cadre de cette mission générale, le comité de Bâle publie des recommandations internationales en matière d'exigences prudentielles, notamment de fonds propres : les premières furent publiées en 1988 (Bâle I), les deuxièmes en 2004 (Bâle II).
Sous l'impulsion du G 20, le comité de Bâle a publié en décembre 2010 de nouvelles recommandations prudentielles tirant les leçons de la crise financière ( Bâle III ). Ces recommandations comprennent essentiellement :
- un relèvement du niveau et de la qualité des fonds propres ;
- la création de nouveaux outils, en particulier deux ratios de liquidité pour limiter la dépendance des banques au refinancement de court terme, et un ratio de levier, pour limiter l'endettement excessif des banques, indépendamment du risque associé.
Les ratios de solvabilité se calculent en divisant les fonds propres d'un établissement par ses actifs pondérés par le risque : en d'autres termes, il faut disposer de fonds propres plus importants pour des actifs plus risqués. Si les modalités de calcul ne sont pas modifiées par Bâle III, la réforme vise à la fois à renforcer la qualité des fonds propres admis dans le calcul , en les recentrant sur les seuls actifs à même d'éponger immédiatement les pertes (réserves et capitaux propres) et à ajouter aux ratios de base des « coussins » de capitaux supplémentaires, notamment un coussin de conservation de 2,5 % des actifs pondérés, et un coussin « contracyclique », pouvant aller jusqu'à 2,5 %, composés tous deux des capitaux de la meilleure qualité.
Source : Rapport n° 467 (2011-2012) du 6 mars 2012 de Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances sur la proposition de résolution européenne de Richard Yung sur la réglementation bancaire.
S'agissant de la liquidité, les recommandations de Bâle III visent à établir deux nouveaux ratios : un ratio de liquidité de court terme (« Liquidity Coverage Ratio », LCR), afin de limiter la dépendance des banques au refinancement à court terme, et un ratio de liquidité de long terme (« Net Stable Funding Ratio », NSFR), afin de réduire la transformation bancaire de long terme.
2. La mise en oeuvre européenne : une recapitalisation à marche forcée sous l'impulsion du paquet CRD IV et de l'ABE
Au niveau européen, le paquet CRD IV ( Capital Requirements Directive IV ), comprenant un règlement et une directive, vise à transposer les recommandations internationales de Bâle III. Ces textes sont encore en discussion au niveau européen, au stade du trilogue entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne. Les principaux points qui restent en discussion ont trait à la possibilité, souhaitée par le Conseil, d'une flexibilité nationale dans la mise en oeuvre de coussins de capital supplémentaires, ainsi qu'à la mise en place d'une transparence des activités pays par pays. Par ailleurs, les discussions tournent également autour de la question de la rémunération des banquiers, le Parlement européen souhaitant que soit fixé un ratio maximal entre salaire variable et salaire fixe.
Les ratios de solvabilité de base, qui font l'objet d'un certain consensus, ont vocation à entrer progressivement en vigueur entre le 1 er janvier 2013 et 2018 . Cependant, deux éléments ont joué en faveur d'une anticipation de ces ratios et, partant, d'une recapitalisation rapide du secteur bancaire européen :
- l'anticipation par les marchés qui considèrent que, si un ratio doit être atteint à une date éloignée, il est encore meilleur qu'il le soit dès maintenant ;
- la position de l'Autorité bancaire européenne (ABE) qui a fixé, à l'automne 2011, l'exigence d'un ratio de 9 % en capital de la meilleure qualité, à l'horizon de juin 2012.
Cette exigence de l'ABE était d'autant plus forte qu'elle s'accompagnait de la mise en oeuvre de tests de résistance , dans le cadre desquels l'autorité a estimé, en décembre 2011, que les besoins en capitaux des plus grandes banques européennes s'élevaient à 114,7 milliards d'euros. Le besoin des banques françaises était estimé à seulement 7,3 milliards d'euros, contre 13 milliards d'euros pour les banques allemandes et 26 milliards d'euros pour les banques espagnoles.
Dans ce contexte, les banques européennes ont conduit en 2011 et 2012 des stratégies de recapitalisation intensive , passant notamment par des mesures de capital directes (mise en réserve de bénéfices, réduction des bonus, réduction des coûts internes), mais aussi par la réduction de la taille de leurs bilans (cessions d'actifs) et la réduction de leurs expositions (réduction de certaines activités, qu'il s'agisse du trading pour compte propre mais aussi des prêts à l'économie).
D'après les données recueillies par votre rapporteur, les quatre grandes banques françaises présentaient toutes, en décembre 2012, un ratio de fonds de propres de la meilleure qualité supérieur à 10,5 % des actifs pondérés par les risques .
3. Un report sine die de Bâle III aux Etats-Unis
Le 7 juin 2012 , le Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale des Etats-Unis a présenté un projet de texte visant à transposer les normes de Bâle III, alors que les Etats-Unis n'avaient jamais transposé les accords de Bâle II en l'état. Ce projet ne transposait cependant que les recommandations en matière de ratios de solvabilité , sans comprendre les règles de liquidité.
Après avoir estimé, à cette occasion, que certaines grandes banques américaines présenteraient un besoin total en capital de près de 50 milliards de dollars, la Réserve fédérale a indiqué, le 8 novembre 2012, qu'un délai supplémentaire d'application était nécessaire et que les premières exigences en capital ne s'appliqueraient pas aux banques américaines dès le 1 er janvier 2013, sans fournir de nouvelle date d'application.
En réponse à une lettre du commissaire européen au marché intérieur, Michel Barnier, le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a souligné que les Etats-Unis avaient besoin de « délais techniques supplémentaires sans remettre en cause les règles de Bâle III ». D'après les autorités américaines, ces délais ne sont donc pas censées remettre en cause la perspective d'application, à terme, de Bâle III aux banques américaines.
*
Au total, la mise en oeuvre anticipée des mesures prudentielles de Bâle III et de celles exigées par l'ABE a renforcé, en théorie, la solidité du secteur bancaire . Toutefois, les reconfigurations et recapitalisations qu'elle a entraîné ont également mis à jour certaines faiblesses et, en ce sens, accéléré les difficultés de certaines banques, en particulier européennes. Ces difficultés ont, en retour, contraint les Etats à accroître le soutien public aux banques, posant la question de la soutenabilité, éthique et budgétaire, de l' aléa moral dont elles continuent de jouir.
II. UN ALÉA MORAL INSOUTENABLE
A. UN SOUTIEN PUBLIC MASSIF DU SECTEUR BANCAIRE
Dès 2008 et au vu, notamment, des conséquences de la faillite de Lehman Brothers, les gouvernements des principaux Etats développés ont pris des mesures fortes pour soutenir leurs secteurs bancaires nationaux.
Un tel soutien public était rendu nécessaire par l'identification du caractère systémique des grandes banques , en raison de trois principaux éléments qui sont au fondement de l'aléa moral dont elles ont bénéficié :
- la taille (« too big to fail ») : les grandes banques représentent un tel volume d'actifs que leur disparition aurait des effets dévastateurs sur l'ensemble de l'économie ;
- la complexité (« too complex to fail ») : les banques ont une structure interne et un enchevêtrement des activités tellement complexe qu'il est impossible d'isoler, en cas de crise, les fonctions critiques des fonctions accessoires, ou les activités utiles des activités de spéculation pour compte propre ;
- l'interdépendance (« too interconnected to fail ») : les banques entretiennent des relations financières tellement importantes et diversifiées entre elles que la faillite d'un établissement risquerait de déstabiliser gravement l'ensemble des autres acteurs.
En conséquence, le soutien public a été massif et s'est traduit à la fois par des aides individuelles à un ou plusieurs établissements particuliers (recapitalisation ou nationalisation ciblée) et par des programmes d'assistance globaux . Dans le cas de la France, les programmes en fonds propres (SPPE, Société de prise de participations de l'État) et en financement (SFEF, Société de financement de l'économie française) ont ainsi été mis en oeuvre. D'après le rapport Liikanen ( cf. infra ), les aides d'État, sous forme de financement direct ou de garanties, ont représenté plus de 1 600 milliards d'euros en 2008 et 2009 dans l'Union européenne, dont 400 milliards d'euros d'aides effectivement versées par recapitalisation ou sauvetage d'actifs.
Ces mesures ont gravement pesé sur les finances publiques nationales, d'autant plus que les financements directs ont été concentrés sur un nombre restreint d'établissements et de pays. Ce faisant, elles ont renforcé le lien entre dette bancaire et dette souveraine , la qualité de l'une rejaillissant sur celle de la seconde. Ce cercle vicieux s'est révélé particulièrement critique au sein de la zone euro , en raison de la taille des bilans bancaires par rapport aux produits intérieurs bruts nationaux d'une part et de l'indisponibilité des outils monétaires à même de compenser ce soutien public d'autre part.
B. L'UNION BANCAIRE : UN PROJET ENGLOBANT ET AMBITIEUX
Conscients de la nécessité de mettre en place une architecture qui permette de casser le lien objectif entre la solidité des banques d'un État et ses finances publiques, les Etats de la zone euro ont lancé le projet ambitieux d' union bancaire 8 ( * ) . Ce projet repose sur la mise en commun de trois piliers : la supervision, la résolution et la garantie des dépôts .
S'agissant de la supervision, le mécanisme de surveillance unique, sous l'égide d'un superviseur unique adossé à la Banque centrale européenne , a fait l'objet d'un accord politique au Conseil et au Parlement européen en décembre 2012 ; il devrait être effectivement mis en place au début de l'année 2014.
La deuxième étape consistera à définir un régime commun de résolution des banques . Ce régime devrait reposer sur une autorité commune de résolution, ayant les pouvoirs nécessaires à la prévention et à la gestion des crises bancaires dans l'ensemble de la zone euro. Un texte devrait être proposé en ce sens par la Commission européenne à l'été 2013.
Il s'agit, à travers ces deux étapes, de renforcer la crédibilité du secteur bancaire européen , à la fois en partageant la responsabilité et en la confiant à une institution dont l'indépendance et la compétence sont reconnues, et en mutualisant les coûts engendrés par les crises , que les Etats nationaux ne parviennent plus à supporter seuls. C'est pourquoi ces deux étapes devront être prolongées par deux éléments :
- dans un premier temps, une mutualisation des fonds publics , à travers la définition d'un mécanisme de recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité (MES) ;
- dans un second temps, une mutualisation des fonds privés , avec la constitution, à terme, d'un système commun de garantie des dépôts et/ou de résolution, alimenté par l'ensemble des banques soumises aux régimes de supervision et de résolution unique.
Toutefois, le projet d'union bancaire, s'il constitue une réponse adaptée au renforcement de long terme du cadre externe applicable aux banques (surveillance, autorités de résolution, mécanismes de soutien), n'apporte pas de solution s'agissant de la nécessaire évolution de la structure interne des banques .
C. LES RÉFORMES STRUCTURELLES EN COURS
1. Le Dodd-Frank Act et la règle Volcker : une interdiction du compte propre difficile à mettre en oeuvre
Le Wall Street Reform and Consumer Protection Act , plus communément appelé Dodd-Frank Act , a été voté par le Congrès américain en juillet 2010 et constitue la pièce majeure de la réponse de l'administration du Président Barack Obama à la crise financière. Cette loi fédérale contient notamment une disposition, la règle Volcker , du nom de son inspirateur, l'ancien président de la Réserve fédérale Paul Volcker, qui vise à interdire aux banques le trading pour compte propre , c'est-à-dire la négociation sur les marchés à visée spéculative, sans lien avec la demande d'un client. La règle limite également l'investissement des banques dans les fonds privés . Plusieurs exceptions sont prévues par le texte, s'agissant notamment des bons du Trésor américain.
Vivement critiquée par le secteur bancaire, la règle Volcker a été repoussée en 2011 et 2012 en raison de la complexité de sa mise en oeuvre, la difficulté de tracer a priori une limite entre spéculation pour compte propre et activités de marchés pour le compte d'un client, ainsi que la précision des exceptions applicables.
Sa perspective d'adoption ne semble, cependant, plus remise en cause depuis, notamment, l'annonce des pertes de JP Morgan sur des produits dérivés et la réélection de Barack Obama en novembre 2012. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, la règle finale devrait être publiée avant le mois de juin 2013 , pour une mise en application en juillet 2014 .
2. Le comité Vickers : une sanctuarisation de la banque de détail
Ayant dû, en 2008-2009, nationaliser près de la moitié de son secteur bancaire, le Royaume-Uni a, dès 2010, lancé un processus de réforme bancaire en commandant un rapport à une commission d'experts ( Independant Commission on Banking ) présidée par Sir John Vickers . Ce rapport (ci-après « rapport Vickers »), qui a été présenté en septembre 2011 et endossé par le Gouvernement britannique en décembre, prône, non pas un encadrement de la spéculation comme la règle Volcker, mais une séparation et un cloisonnement (« ring-fencing ») des activités de dépôt : il s'agit, selon l'expression de John Vickers, de « protéger les agneaux plutôt que mettre les loups en cage ». L'objectif est de faciliter, en cas de crise, l'identification des secteurs à sauver et, ainsi, de limiter le coût pour le contribuable .
Le pré-projet a été déposé au Parlement en octobre 2012 ; le 4 février 2013, le Gouvernement y a inclus une partie des recommandations des parlementaires, notamment l'idée d'une « électrification » de la clôture , en donnant au régulateur, avec avis conforme du Trésor, le pouvoir d'ordonner la séparation totale d'un groupe bancaire entre une composante banque de détail et une composante banque d'investissement, s'il cherchait à contourner l'esprit de la loi.
Le texte devrait être voté avant la fin de l'année 2013 et mis en oeuvre progressivement entre 2015 et 2018 .
3. Le rapport Liikanen
En février 2012, le commissaire européen chargé du marché intérieur, Michel Barnier, a chargé un groupe d'experts de haut niveau , présidé par le gouverneur de la Banque de Finlande Erkki Liikanen , d'étudier la nécessité ou non de mettre en oeuvre des réformes de structure du secteur bancaire européen et, si tel était le cas, de faire des propositions.
Le rapport a été remis à la Commission européenne le 2 octobre 2012 ; il devrait être traduit par une proposition de directive, qui n'a pas été présentée à ce jour.
Le rapport Liikanen préconise notamment de filialiser une grande partie des activités de marché des groupes bancaires . Cette filialisation serait obligatoire dès lors que les activités de marchés représentent plus de 15 à 25 % des actifs de la banque, ou 100 milliards d'euros . Cette filiale comprendrait non seulement les activités de négociation pour compte propre, mais également l'ensemble des activités de tenue de marché . En revanche, les activités de couverture de risque, réalisées pour le compte de clients et inscrites dans des limites étroites de positions, pourraient être maintenues dans la maison-mère. En réponse au questionnaire de votre rapporteur, le Gouvernement a cependant souligné qu'il existait « des imprécisions sur le périmètre de la filialisation qui laissent place à interprétation ».
La filiale devra respecter les ratios prudentiels, notamment de solvabilité, indépendamment de sa maison-mère . En revanche, il sera possible de les maintenir au sein du même groupe, via une holding bancaire.
Extrait du résumé du rapport Liikanen « Le groupe recommande un train de cinq mesures qui s'ajoutent, en les complétant, aux réformes réglementaires déjà adoptées ou proposées par l'UE, le comité de Bâle et les gouvernements nationaux. « Premièrement, la négociation pour compte propre et les autres activités de négociation d'une certaine importance devraient être séparées des autres et affectées à une entité juridique distincte, dès lors qu'elles représentent une part significative de l'activité de la banque . Cette mesure garantira que les activités de négociation supérieures au seuil fixé seront exercées de manière autonome, indépendamment de la banque de dépôt. Ainsi, les dépôts, et la garantie explicite et implicite dont ils bénéficient, ne serviront plus à financer directement des activités de négociation risquées. Toutefois, le modèle de la banque universelle établi de longue date en Europe ne sera nullement affecté, puisque ces activités, même séparées, seront exercées au sein du même groupe bancaire. Les banques pourront ainsi continuer de fournir à leur clientèle une gamme étendue de services financiers. « Deuxièmement, le groupe insiste sur la nécessité pour les banques d'établir et de tenir à jour des plans de redressement et de résolution concrets et réalistes , comme l'a proposé la Commission dans la directive sur le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances (directive «redressement et résolution bancaires). L'autorité de résolution devra exiger une séparation plus large que la séparation obligatoire évoquée ci-dessus, si cela paraît nécessaire pour assurer la résolvabilité et la continuité opérationnelle des fonctions critiques de l'établissement. « Troisièmement, le groupe est très favorable à l'affectation d'instruments spécifiques au renflouement interne . Les banques devraient constituer un volant suffisamment important de dettes qui puissent servir à un renflouement interne et dont il conviendrait de définir clairement la nature, de manière à ce que leur position dans la hiérarchie des engagements figurant au bilan de la banque soit sans ambiguïté et que les investisseurs sachent quel traitement leur serait réservé en cas de résolution. Ces dettes devraient être détenues en dehors du système bancaire. Ces instruments (ou leur équivalent en fonds propres) augmenteraient la capacité d'absorption globale des pertes, réduiraient les incitations à la prise de risques et amélioreraient la transparence et l'évaluation du risque. « Quatrièmement, le groupe propose d'appliquer des pondérations de risque plus fortes lors de la détermination des normes minimales de fonds propres, et d'imposer un traitement plus cohérent des risques dans les modèles internes . Lorsque le comité de Bâle aura rendu ses conclusions sur la révision des dispositions régissant le portefeuille de négociation, la Commission devra s'assurer que les résultats suffiront à couvrir les risques de tous les types de banques européennes. Il conviendra aussi de réexaminer le traitement des prêts immobiliers dans le cadre des exigences minimales de fonds propres, et d'ajouter aux instruments disponibles pour la surveillance microprudentielle et macroprudentielle des plafonds au ratio prêt-valeur (et/ou au ratio prêt-revenu). « Enfin, le groupe estime que les réformes déjà entreprises en matière de gouvernance d'entreprise doivent être complétées par des mesures spécifiquement destinées 1) à renforcer les organes de direction et de gestion; 2) à promouvoir la fonction de gestion des risques; 3) à limiter les rémunérations des dirigeants et du personnel des banques; 4) à améliorer la déclaration des risques et 5) à renforcer les pouvoirs de sanction. » |
Tout en reconnaissant les avantages et la tradition historique européenne de la banque universelle, combinant les activités de détail et les activités de marché, le rapport voit dans la séparation légale des entités « la manière la plus immédiate pour réduire la complexité et l'interdépendance des banques . En même temps qu'elle rendra les banques plus simples et plus transparentes, la séparation facilitera la discipline de marché et la supervision et, in fine , le rétablissement et la résolution » 9 ( * ) .
Ainsi, la séparation est conçue par le rapport Liikanen d'abord comme un outil au service de l'amélioration de la capacité des établissements à faire l'objet d'une résolution ordonnée (la « résolvabilité ») , entendue comme une procédure extraordinaire de démantèlement permettant de sauver tout ou partie, jugé critique ou essentiel à l'économie nationale, d'un établissement défaillant. Le rapport préconise d'ailleurs qu'au-delà de la séparation obligatoire, il soit laissé au régulateur la possibilité de séparer d'autres activités selon le critère de la résolvabilité .
A l'inverse, l'articulation entre la résolution et la séparation est, parfois, renversée par les opposants de la séparation : ces derniers considèrent en effet que si le régime de résolution est bien conçu et donne les pouvoirs suffisants au régulateur pour séparer in concreto , la séparation in abstracto deviendrait superflue. Votre rapporteur estime, pour sa part, conformément aux recommandations du rapport Liikanen, que la séparation obligatoire et la séparation supplémentaire dans le cadre du volet préventif de la résolution constituent deux éléments complémentaires de la réforme structurelle des banques .
III. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME DE STRUCTURE, ADAPTÉE AU MODÈLE FRANÇAIS DE BANQUE UNIVERSELLE, POUR ORIENTER LES BANQUES FRANÇAISES VERS LE FINANCEMENT DE L'ÉCONOMIE
Dans la lignée des réflexions internationales, notamment européennes, le présent projet de loi met en oeuvre une réforme d'ampleur inédite de la structure des banques , centrée sur deux objectifs majeurs : la protection des activités bancaires utiles à l'économie par la séparation de la spéculation pour compte propre et la réduction de l'aléa moral par la création d'un régime préventif et curatif complet de résolution.
A. PROTÉGER LES ACTIVITÉS UTILES À L'ÉCONOMIE DES RISQUES LIÉS À LA SPÉCULATION
1. Le choix justifié du critère de l'utilité
Le paysage bancaire français est marqué par le modèle de banque universelle , combinant sous un même toit et, le plus souvent, sous une même entité juridique, les activités de détail (dépôts, crédits aux petites et moyennes et entreprises) et les activités de financement et d'investissement (accompagnement des clients, entreprises et particuliers, sur les marchés). Au-delà de la question de la résistance ou non des banques caractérisées par ce modèle pendant la crise de 2008-2009, il convient de souligner que sa capacité globale à financer l'économie a été globalement maintenue , pendant la crise de 2008 et, surtout, pendant la crise de la zone euro et la phase de recapitalisation. Ainsi, entre octobre 2010 et octobre 2011, la croissance des crédits aux entreprises a été de 5,4 %, significativement au-dessus de la croissance économique. En 2012, la croissance des crédits a été plus modérée, à 0,8 %. Dans ce cadre, la croissance des crédits à l'investissement s'est stabilisée (+ 2,9 % en croissance annuelle) tandis que les crédits de trésorerie se sont inscrits en baisse (- 4,2 %).
Au sein de ce tableau général, il convient de mentionner la progression significative de l'endettement obligataire des entreprises , qui a crû de 12,5 % au cours de l'année 2012. Le recours à ce type d'endettement sur les marchés, s'il reste, pour l'instant, réservé à des entreprises de grande taille, a précisément vocation à se développer dans le contexte de la mise en application des normes de solvabilité et de liquidité de Bâle III. Il s'agit d'une traduction directe du mouvement de désintermédiation de l'économie .
Les banques ont un rôle majeur à jouer pour accompagner et faciliter ce mouvement : ce sont elles qui organisent l'émission obligataire primaire, qui donnent une garantie de bonne fin, et qui assurent la tenue de marché, sur le marché secondaire, des obligations ainsi émises. Il en va de même pour les émissions d'actions (introduction en bourse, émission d'actions nouvelles, etc.).
Par ailleurs, l'activité de financement et d'investissement des banques facilite l'internationalisation des entreprises , notamment en apportant les produits de couverture de risque appropriés.
Pour l'ensemble de ces raisons, la solution de séparation bancaire mise en oeuvre ne doit pas avoir pour conséquence de limiter la capacité des banques non seulement à financer l'économie, mais également à en accompagner l'évolution vers une désintermédiation et une internationalisation croissantes . En ce sens, le critère de l'utilité des activités, retenu par le présent projet de loi, apparaît comme le critère le plus pertinent .
Le rapport Liikanen ne le contestait d'ailleurs pas, mais considérait qu'il était impossible, s'agissant de la tenue de marché, de faire la distinction entre la négociation de titres qui relève de la tenue de marché, en lien avec le besoin d'un client, et celle qui relève de positions purement directionnelles et spéculatives. Toutefois, le Gouvernement souligne, en réponse au questionnaire de votre rapporteur, que « en pratique, il est possible de distinguer ces deux activités, en s'appuyant notamment sur la régularité de la présence sur le marché, sur la fourniture de prix fermes à la fois à l'achat et à la vente, sur l'absence de formation d'une position nette importante, ou dans le cas d'activités exercées en réponse à des demandes de clients, sur l'existence d'un lien entre les opérations réalisées et la demande des clients ».
2. Limiter durablement la capacité des banques à spéculer pour compte propre
La présente réforme fait donc le choix de séparer les activités utiles à l'économie des activités spéculatives des banques , conformément à l'engagement du Président de la République.
Certes, les activités de négociation pour compte propre, dites spéculatives, représentent actuellement une faible part du produit net bancaire des principales banques françaises , entre 1 et 3 %, selon les évaluations réalisées a priori par les banques et par le Gouvernement.
Cependant, Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, a souligné devant votre commission des finances que « le texte est fait pour s'adapter à toutes les situations ». Or, « en 2006, les activités risquées pouvaient représenter jusqu'à 25 % du chiffre d'affaires des activités de marché ». La présente réforme prévient un tel développement à l'avenir : si même les activités de marchés retrouvaient leur attractivité de la période antérieure à la crise, alors les banques ne pourraient y spéculer que dans le cadre d'une filiale cantonnée , sans risque pour les activités et la solvabilité de la maison-mère.
En tout état de cause, l'un des objets de la réforme est de faciliter, en cas de crise, la liquidation de cette filiale , quelle qu'en soit, d'ailleurs, la taille. En ce sens, la réforme vise à résoudre plusieurs aspects du risque systémique, notamment la complexité et l'interdépendance des activités , qui débouchaient sur l'impossibilité d'isoler, en cas de crise, les fonctions critiques de celles qui ne le sont pas, pour ne sauver que les premières. Le projet de séparation ne peut, dans ce cadre, être analysé indépendamment de celui du régime de résolution.
B. FACILITER LA RESTRUCTURATION DES ÉTABLISSEMENTS BANCAIRES ET LIMITER SON COÛT POUR LE CONTRIBUABLE
La résolution est un terme anglais, adopté dans le langage financier français, qui renvoie à la restructuration d'un établissement en faillite . Contrairement à la liquidation pure et simple, la résolution a pour objet de sauver tout ou partie des activités de l'établissement, en préservant les fonctions considérées comme utiles, critiques et/ou d'importance systémique, et en limitant, voire en supprimant, l'intervention du contribuable . Pour ce faire, la résolution, contrairement à la liquidation, est une procédure confiée à une autorité ad hoc , faisant généralement intervenir le régulateur et le Trésor national, et disposant de moyens d'intervention exorbitants du droit commun. Mise en avant par les recommandations internationales, la création d'un régime de résolution des crises bancaires a fait l'objet d'une proposition de directive européenne en juin 2012, dont la présente réforme assure la transposition par anticipation.
1. Mettre en oeuvre un régime permettant de démanteler les banques sans appel au fonds public : une priorité internationale
Suite à une demande formulée au sommet du G 20 de Londres en 2009, le Conseil de stabilité financière (CSF ou Financial Stability Board , FSB) a publié en octobre 2011 les « Attributs clés des régimes de résolution efficaces pour les institutions financières » (« Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions »).
Ces douze principes, endossés par le G 20 lors du sommet de Cannes de novembre 2011, comprennent notamment la création d'une autorité de résolution dotée de pouvoirs de résolution larges (transferts d'office de certains actifs, conversion de dette en capital, suspension de certaines clauses contractuelles, etc.), la mise en place de mécanisme d'apport en liquidité financé par le secteur privé , un cadre juridique pour la coopération transfrontalière , mais aussi, en prévention des crises, l'obligation de rédaction de plans de redressement et de résolution (les « testaments bancaires ») et l'évaluation a priori de la « résolvabilité » des établissements .
Soulignons qu'aux Etats-Unis, le Dodd-Frank Act, voté en juillet 2010, comprend une partie sur les pouvoirs de résolution et sur l'obligation de préparation de plans de résolution (Titre 2 « Orderly Liquidation Authority »).
2. La proposition de directive européenne et ses enjeux
Au niveau européen, le Conseil (ECOFIN) a adopté, en décembre 2010, des conclusions appelant à améliorer le cadre de l'Union européenne en matière de gestion de crises autour de trois volets : la prévention, l'intervention précoce et les pouvoirs de résolution. Dans ce contexte, la Commission européenne a présenté, le 6 juin 2012, une proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances bancaires 10 ( * ) . Cette proposition reprend, en les précisant, les principales recommandations du CSF ; elle prévoit, notamment, la mise en place d'un volet préventif de rédaction de plans de redressement et de résolution, avec possibilité, pour les autorités, d'imposer a priori une modification de la structure des établissements. Elle prévoit également, s'agissant des pouvoirs en cas de crise, la possibilité de faire participer les créanciers, y compris les créanciers ordinaires et obligataires, au coût de la résolution (« bail-in »).
Cette directive, actuellement en phase de négociation au Conseil, vise à obliger les Etats membres à se doter de régimes de résolution nationaux harmonisés . L'objectif européen est de parvenir à un accord sur cette proposition de directive avant que ne soit présenté le projet de texte relatif à la création d'un mécanisme commun de résolution , dans le cadre de l'union bancaire, limité aux Etats membres de la zone euro.
3. Mettre en place un dispositif complet de résolution des établissements bancaires
Votre rapporteur se félicite du choix opéré par le présent projet de loi de transposer par anticipation la proposition de directive européenne. En effet, cette inscription dans le droit national dynamise les discussions au niveau européen , pose un certain nombre de jalons s'agissant de la position de la France. Elle met, par ailleurs, la France en situation de concentrer ses efforts, avec ses partenaires, en vue de la création d'un régime commun de résolution au sein de la zone euro .
De plus, comme il a déjà été souligné précédemment, les projets de séparation des activités et de résolution sont profondément complémentaires :
• S'agissant des
objectifs
, il
s'agit, dans l'un et l'autre cas, de prévenir et de faciliter la gestion
des crises bancaires en isolant les activités critiques de celles qui ne
le sont pas.
• S'agissant des
modalités
d'application
, la définition légale des activités
filialisées doit être complétée par la
possibilité, pour l'autorité de résolution, d'imposer
à tout établissement, en vue de renforcer sa
« résolvabilité », des modifications de
structure, pouvant inclure la filialisation de certaines activités
au-delà des critères légaux.
Dans ce cadre, la présente réforme met en place un dispositif complet de résolution, qui confie à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution des outils d'intervention très importants, à la fois de façon permanente en prévention des crises, et de façon ponctuelle, face à une crise bancaire.
IV. LES APPORTS DU PRÉSENT PROJET DE LOI : RÉORIENTATION, STABILISATION ET PROTECTION
Le présent projet de loi, notablement enrichi par nos collègues députés et votre commission des finances, témoigne de trois intentions : réorienter les banques vers les activités utiles à l'économie, assurer la stabilité du secteur financier, protéger le public.
A. LES ORIENTATIONS INITIALES DU PRÉSENT PROJET DE LOI
1. La filialisation et le cantonnement des activités spéculatives (articles 1er à 4)
L'article 1 er constitue le coeur du titre I er sur la séparation des activités bancaires. Il établit le principe et les modalités de la séparation des activités spéculatives au sein d'une filiale , définit le régime applicable à cette filiale et organise le contrôle de ces dispositions.
L'article 2 permet à l'ACPR de limiter ou de suspendre l'exercice de certaines opérations , lorsque l'activité d'une personne soumise à son contrôle est susceptible de porter atteinte à la stabilité financière .
L'article 3 prévoit que les filiales cantonnées ne pourront prétendre à une dispense d'agrément .
L'article 4 prévoit les mesures transitoires et les modalités d'application du titre I er relatif à la séparation des activités. Le transfert dans la filiale cantonnée des activités définies à l'article 1 er devra être achevé au plus tard le 1 er juillet 2015 .
2. La prévention et la résolution des crises bancaires et financières (articles 5 à 11)
Le projet de loi met en place un régime de prévention et de résolution des crises bancaires.
L'article 5 renomme l'Autorité de contrôle prudentiel en Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et lui confie la mission de veiller à l'élaboration et à la mise en oeuvre des mesures de prévention et de résolution des crises bancaires . Il crée à cette fin un nouveau collège de résolution , chargé d'exercer ces attributions.
L'article 6 confie au Fonds de garantie des dépôts, renommé Fonds de garantie des dépôts et de résolution , la mission d'intervenir, sur demande de l'ACPR, auprès d'un établissement soumis à une procédure de résolution.
L'article 7 constitue le coeur du dispositif de prévention et de résolution des crises bancaires. Il dote l'ACPR de moyens préventifs (rédaction de plans préventifs de rétablissement et de résolution, modification de structure des entités) et de moyens de résolution en cas de défaillance d'un établissement , comprenant notamment la possibilité de transférer ou céder d'office certaines activités ou filiales, ainsi que celle d'imputer les pertes de l'établissement sur les actionnaires et sur certains créanciers.
L'article 8 renforce le statut de l'administrateur provisoire et complète les dispositions relatives aux mesures de police administrative prises par l'ACPR.
L'article 9 porte plusieurs dispositions transitoires relatives à l'application des mesures de résolution aux contrats en cours et au maintien des mesures de police administrative prises par l'ACPR.
Le projet de loi complète ces dispositions destinées à prévenir et traiter des situations particulières de défaillance d'un établissement bancaire par des mesures macro-prudentielles afin d'empêcher l'émergence de risques systémiques .
L'article 10 ajoute ainsi la stabilité du système financier aux missions fondamentales de la Banque de France .
L'article 11 crée le Conseil de stabilité financière qui se substitue au Conseil de régulation financière et du risque systémique avec des missions élargies . En particulier, conformément aux règles de Bâle III, il pourra imposer des surcharges en fonds propres ou une limitation du crédit dans des périodes de « bulles » .
3. Le renforcement des pouvoirs des autorités de régulation (articles 12 à 15)
L'article 12 traite de la vacance de la présidence de l'AMF et des pouvoirs de l'Autorité.
L'article 13 étend les sanctions pénales relatives aux délits d'initiés et aux manipulations de cours commises sur les systèmes multilatéraux de négociation organisés . Ce faisant il étend les possibilités, pour l'AMF, d'effectuer des visites domiciliaires .
L'article 14 renforce le contrôle de l'ACPR sur les instances dirigeantes des établissements de crédit et des entreprises d'investissement , en précisant la procédure de contrôle des nominations des dirigeants , en l'élargissant aux membres des organes collégiaux et en clarifiant la possibilité, pour l'ACPR, de convoquer ou d' auditionner collectivement, ainsi que d'intervenir devant ces même organes.
L'article 15 modifie et complète les dispositions relatives aux chambres de compensation (« contreparties centrales ») afin de mettre le droit français en conformité avec le règlement européen EMIR .
4. Les relations des établissements de crédit, des sociétés d'assurance et des sociétés de gestion avec leur clientèle
L'article 16 ajuste la gouvernance de Groupama , fondée sur la représentation des clients (sociétaires) par des administrateurs élus. Il fait de Groupama SA l'organe central des caisses d'assurances et de réassurances mutuelles agricoles et en définit les fonctions et les pouvoirs.
L'article 17 plafonne , pour les populations fragiles , les commissions d'intervention prélevées par les établissements bancaires à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d'un compte. De plus, il oblige les établissements bancaires à proposer une offre de services bancaires adaptée à cette clientèle.
L'article 18 améliore l'information de l'emprunteur sur le coût des assurances garantissant le remboursement d'un prêt et interdit la facturation de frais en cas de souscription d'une assurance autre que celle proposée par le prêteur.
L'article 19 clarifie les règles du démarchage bancaire et financier et renforce les possibilités de sanction disciplinaire de l'ACPR.
L'article 20 crée un référentiel de place dont l'objet est de recueillir et diffuser pour l'ensemble des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) français les informations jugées utiles au public et aux différents intervenants du secteur.
L'article 21 simplifie la procédure de droit au compte , en facilite la mise en oeuvre par la Banque de France en précisant dans la loi l' obligation de remise d'une attestation de refus d'ouverture de compte, et en permet le déclenchement par le conseil général, la caisse d'allocations familiales ou le centre communal d'action sociale.
L'article 22 simplifie et accélère la procédure de surendettement des particuliers en permettant à la commission de surendettement, dans certains cas, d'imposer ou de recommander des mesures sans passer par une phase de conciliation . De plus, il supprime la pratique des intérêts dits « intercalaires » .
L'article 23 simplifie les conditions d'utilisation du compte d'une personne décédée pour régler des dépenses nécessaires à l'accomplissement d' actes conservatoires ainsi que les modalités de clôture de ce compte et de versement de son solde.
L'article 24 précise que les entreprises qui consentent des délais ou avances de paiement à leurs contractants ne sont pas soumises à l'obligation de consulter le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
L'article 25 vise à mettre en conformité la loi avec une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) prohibant la différenciation des tarifs et prestations d'assurance en fonction du sexe .
5. Les dispositions relatives à l'outre-mer (article 26)
L'article 26 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant de rendre applicables , avec les adaptations nécessaires , les dispositions du présent projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie français et dans les îles Wallis et Futuna, et d'adapter ces mêmes dispositions aux collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
B. LES APPORTS SUBSTANTIELS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a notablement enrichi le texte . Votre rapporteur approuve l'essentiel des mesures qu'elle a adoptées.
1. La filialisation et le cantonnement des activités spéculatives
L'article 1 er A prévoit la remise d'un rapport au Parlement détaillant l'impact de la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire français par rapport aux établissements de crédit américains et européens.
À l'article 1 er , l'Assemblée nationale a sensiblement renforcé l' encadrement des exceptions à la filialisation, notamment celle portant sur la « tenue de marché ». Elle a également « étanchéifié » la séparation entre tenue de marché et compte propre en prévoyant que le ministre peut, par arrêté, à partir d'un certain seuil, faire basculer dans la filiale l'activité de tenue de marché d'un ou plusieurs établissements.
2. La transparence et la lutte contre les dérives financières
a) Les abus de marché et le trading haute fréquence
L'Assemblée nationale a introduit trois articles consacrés à la sanction des abus de marchés et au contrôle du trading haute fréquence
L'article 1 er bis A (supprimé, repris par l'article 4 quater dans le texte adopté par votre commission ) sanctionne les pratiques consistant à utiliser un instrument financier pour manipuler le cours d'une matière première (abus de marché dits « croisés »).
L'article 1 er bis introduit une obligation d'information sur les dispositifs de traitement automatisés , qui devront être notifiés à l'AMF. Ils devront assurer la traçabilité des ordres envoyés et conserver les algorithmes utilisés.
L'article 1 er ter (supprimé, repris par l'article 4 septies ) ouvre la possibilité à la commission des sanctions de l' AMF et au juge pénal de réprimer la tentative de manipulation de cours ou de diffusion de fausse information .
b) L'évasion fiscale
L'Assemblée nationale a introduit deux articles visant à plus de transparence de l'activité des banques françaises dans les paradis fiscaux.
L'article 4 bis A (supprimé) instaure un débat parlementaire annuel sur la liste des paradis fiscaux établie en application du code général des impôts.
L'article 4 bis oblige les banques à publier, pour chaque État ou territoire où elles sont implantées , le nom et la nature des activités, leur produit net bancaire et leurs effectifs.
c) La lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme
L'Assemblée nationale a introduit quatre articles destinés à renforcer le dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
L'article 4 ter A prévoit des mesures de vigilance accrues pour les opérations effectuées avec des États ou territoires inscrits sur les listes « noire » et « grise » du GAFI, organisme spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
L'article 4 ter B élargit la possibilité pour TRACFIN de transmettre des informations aux autorités judiciaires et à l'administration des douanes.
L'article 4 ter C renforce l' obligation faite à l'ACPR, à l'AMF et aux ordres professionnels et instances représentatives nationales de transmettre à TRACFIN les informations sur des opérations susceptibles d'être liées au blanchiment d'argent ou au financement du terrorisme.
L'article 4 ter crée, à côté du régime actuel de déclaration de soupçon à TRACFIN, un nouveau régime spécifique de transmission automatique d'informations dès lors que les opérations financières en question présentent un risque en raison de leur pays d'origine ou de destination, de leur nature ou de la forme juridique des personnes qu'elles concernent.
d) L'inopposabilité du secret professionnel bancaire aux commissions d'enquête parlementaires
L'article 11 bis précise que le secret professionnel bancaire est inopposable aux commissions d'enquête parlementaires , lorsque celles-ci ont décidé l'application du secret.
e) Les « emprunts toxiques »
L'article 11 ter met en place un encadrement des conditions d'emprunt des collectivités territoriales afin d'éviter qu'elles ne contractent des « emprunts toxiques ».
3. Le renforcement des pouvoirs des autorités de régulation
L'article 11 quater autorise la communication d'informations entre l'ACPR, l'AMF et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
L'article 14 bis A tend à soumettre à l'approbation préalable de l'ACPR la résiliation d'une convention de substitution entre mutuelles et à instaurer un délai de préavis suffisant pour l'exercice effectif de cette prérogative.
L'article 14 bis procède à des coordinations de référence au sein des codes de la mutualité, de la sécurité sociale et des assurances.
L'Assemblée nationale a ensuite introduit trois articles visant à adapter le droit français en vue de l'application du règlement européen EMIR s'agissant des transactions sur dérivés .
L'article 15 bis A impose aux prestataires de services d'investissement de disposer de techniques d'atténuation des risques pour les contrats dérivés négociés de gré à gré et non compensés .
Les articles 15 bis B et 15 bis C ont pour objet respectif d'adapter les pouvoirs de l'ACPR et de l'AMF .
4. Les relations des établissements de crédit, des sociétés d'assurance et des sociétés de gestion avec leur clientèle
L'article 15 bis facilite l'accès au financement de court terme de certains centres hospitaliers régionaux , en les habilitant à émettre des billets de trésorerie .
L'article 15 ter autorise la Complémentaire retraite des hospitaliers à ouvrir la possibilité à ses affiliés de convertir, au moment de leur cessation d'activité professionnelle, une partie de leurs droits à rente en un versement immédiat de capital .
À l'article 16, il est précisé que les caisses régionales d'assurance mutuelle agricole détiennent la majorité absolue non seulement des droits de votes, comme le prévoit le dispositif proposé, mais également du capital de l'organe central , afin de garantir légalement le caractère mutualiste de Groupama, en encadrant un éventuel changement d'actionnariat de Groupama SA.
À l'article 17, l'Assemblée nationale a étendu le plafonnement des commissions d'intervention à l'ensemble de la clientèle bancaire.
L'article 17 bis A prévoit l'adoption par l'association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement d'une charte d'inclusion bancaire et de prévention du surendettement .
L'article 17 bis B crée un observatoire de l'inclusion bancaire auprès de la Banque de France , chargé de recueillir des statistiques sur l'accès aux services bancaires et l'usage qu'en font les particuliers, ainsi que les pratiques des établissements de crédit en la matière.
L'article 17 bis oblige les établissements de crédit à fournir, lorsqu'elles le demandent, la notation interne qu'ils attribuent aux entreprises qui sollicitent un prêt .
L'article 17 ter organise un suivi trimestriel systématique par la Banque de France des encours de crédit des entreprises garantis par une assurance-crédit .
L'article 17 quater rend obligatoire la signature d'une convention écrite entre l'établissement de crédit et l'entreprise pour la gestion du compte de cette dernière.
L'article 17 quinquies (supprimé) rend obligatoire la signature d'une convention écrite entre l'établissement de crédit et l'entreprise pour tout concours autre qu'occasionnel .
À l'article 18, l'Assemblée nationale a complété le dispositif proposé en ajoutant, s'agissant des crédits à la consommation , les risques couverts par le contrat d'assurance parmi les informations à faire figurer sur les documents publicitaires et précontractuels (disposition supprimée) et en clarifiant la procédure de délégation d'assurance après l'émission de l'offre de prêt.
À l'article 22, l'Assemblée nationale a renforcé la simplification et l' accélération de la procédure de surendettement des particuliers en supprimant la possibilité de recours contre la décision d'orientation et en permettant au juge d'instance, saisi en recours contre une mesure imposée ou recommandée par la commission, de prononcer directement un rétablissement personnel.
L'article 22 bis améliore l'articulation de la procédure de surendettement avec le droit du logement , de manière à mieux garantir le maintien du débiteur surendetté dans son logement, qu'il soit propriétaire, accédant à la propriété ou locataire.
L'article 27 procède à la ratification de l'ordonnance du 8 novembre 2012 procédant à la transposition de la directive européenne du 24 novembre 2010 sur le prospectus et les obligations de transparence .
L'article 28 renvoie à un décret l'adaptation aux collectivités d'outre-mer des règles découlant du règlement européen n° 260/2012 du 14 mars 2012 sur les virements et les prélèvements en euros .
L'article 29 procède à la ratification de l'ordonnance du 25 janvier 2013 portant adaptation du code monétaire et financier à la départementalisation de Mayotte et du droit des chèques dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.
Enfin, l'article 30 prononce la dissolution de l'Établissement public de réalisation et de défaisance .
C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Outre des corrections rédactionnelles, votre commission des finances s'est attachée à préciser, renforcer et compléter les mesures qui composent le projet de loi.
1. La filialisation et le cantonnement des activités spéculatives
À l'article 1 er , votre commission a adopté plusieurs amendements tendant à :
- renforcer le contrôle de l'ACPR sur la filialisation et la conduite des activités de marché ;
- préciser qu'au regard des limites de risque que doit respecter un groupe bancaire, l'ensemble des « filiales cantonnées » sont considérées comme une entité unique , afin que l'exposition maximale du groupe ne soit pas plus grande s'il crée plusieurs de ces filiales ;
- confier à l'ACPR la charge de s'assurer que chaque unité interne ( desk ) dispose d'une limite de risques et de contrôler la proportionnalité de cette limite de risques au regard du mandat confié au desk ;
- prévoir que l'ACPR informe l'AMF des conclusions des contrôles menés pour vérifier le lien entre les opérations de tenue de marché effectuées par la banque et les besoins des clients ;
- corriger une erreur rédactionnelle qui reviendrait à appliquer le régime de la « filiale cantonnée » à toutes les filiales du groupe .
2. La transparence et la lutte contre les dérives financières (articles 4 bis A à 4 nonies)
Votre commission des finances a complété le projet de loi par un titre I er bis consacré à la transparence et à la lutte contre les dérives financières , reprenant certaines des dispositions introduites par l'Assemblée nationale, au besoin précisées et complétées, notamment par de nouveaux articles.
a) L'évasion fiscale
L'article 4 bis A article instaurant un débat parlementaire annuel sur la liste des paradis fiscaux a été supprimé , votre commission considérant que les commissions parlementaires restent toujours libres d'organiser des auditions et de débattre, sans qu'il soit nécessaire de l'inscrire dans la loi.
À l'article 4 bis , votre commission a apporté deux précisions :
- les activités devant faire l'objet d'une transparence « pays par pays » sont celles incluses dans le périmètre de consolidation comptable de la banque ;
- la publication s'effectue en annexe des comptes annuels ou , au plus tard, six mois après la clôture des comptes.
b) La spéculation sur les matières premières
L'article 4 quater (nouveau) reprend le dispositif de l'article 1 er bis A, supprimé, en le complétant par l'octroi à l' AMF d'un pouvoir d'enquête sur les contrats commerciaux relatifs à des marchandises et liés à un ou plusieurs instruments financiers.
c) Le trading haute fréquence
L'article 4 quinquies (nouveau) reprend le dispositif de l'article 1 er bis , mais revient sur l'obligation faite à l'AMF de prendre un règlement d'application dans les six mois, conformément à son statut d'autorité publique indépendante.
L'article 4 sexies (nouveau) impose aux entreprises gérant des plateformes de négociation boursière de disposer de mécanismes ad hoc pour gérer les périodes de tensions sur les marché s, notamment des coupe-circuits. Elles doivent également être en mesure de rejeter des ordres et de limiter, par des règles tarifaires spécifiques, l'annulation des ordres.
d) Les autres abus de marché
L'article 4 septies (nouveau) reprend l'article 1 er ter , supprimé.
L'article 4 octies (nouveau) étend la surveillance et la sanction des abus de marché applicables sur les marchés dits réglementés aux plateformes boursières opérant sous le régime des « systèmes multilatéraux de négociation » (SMN).
L'article 4 nonies (nouveau) prévoit des sanctions administratives et pénales en cas de manipulation d'un indice financier.
3. La prévention et la résolution des crises bancaires et financières
À l'article 7, trois amendements ont été adoptés tendant à :
- imposer que le plan préventif de rétablissement soit actualisé par l'établissement au moins une fois par an , ainsi qu' après chaque modification importante de sa structure ou de ses activités ;
- préciser le critère de déclenchement de la procédure de résolution , afin que ne soit pas soumis à une procédure de résolution un établissement dont la défaillance pourrait encore être évitée par la mise en oeuvre d'un programme de rétablissement ;
- prévoir l'information du président et du rapporteur général des commissions des finances des deux assemblées en cas de mise en oeuvre de mesures de résolution d'un établissement financier.
À l'article 11, votre commission a adopté deux amendement visant à :
- modifier l'intitulé du Conseil de stabilité financière en Haut Conseil de stabilité financière , afin d'éviter toute confusion avec le Conseil de stabilité financière, organisme international créé par le G 20 de Londres ;
- assurer l'effectivité des décisions du Haut Conseil en confiant à l'ACPR et l'AMF le soin de veiller , chacune dans son domaine de compétence, à leur respect .
L'article 11 quater a été complété par un amendement prévoyant que la Banque de France, l'ACPR et la DGCCRF peuvent se communiquer des renseignements en vue de faire respecter le règlement européen n° 260/2012 du 14 mars 2012 sur les virements et les prélèvements en euros .
L'article 13 bis ( nouveau ) dote l'AMF du pouvoir d'exiger la suspension du rachat des parts ou actions ou de l'émission de parts ou actions nouvelles d'un organisme collectif de placement (OPC) en cas de circonstances exceptionnelles.
À l'article 15 bis C, sont ajoutées des dispositions prévoyant un élargissement des pouvoirs de l'AMF en vue de l'application du règlement européen dit « EMIR » (4 juillet 2012).
4. Les relations des établissements de crédit, des sociétés d'assurance et des sociétés de gestion avec leur clientèle
À l'article 15 ter , votre commission a harmonisé les dispositions existantes concernant la PREFON avec celles introduites visant la Complémentaire retraite des hospitaliers , notamment pour ce qui concerne l'information des affiliés.
L'article 17 quinquies a été supprimé , l'obligation d'établir une convention écrite pour tout concours bancaire pouvant avoir pour conséquence de rigidifier certaines relations d'affaires , et de limiter, in fine , la distribution de certains crédits .
À l'article 18, votre commission a supprimé l'obligation introduite par l'Assemblée nationale de faire figurer les risques couverts par le contrat d'assurance sur les documents publicitaires et précontractuels des organismes de crédits à la consommation, en considérant que cette obligation aurait pour effet de rendre moins apparentes les autres informations obligatoires, notamment celles portant sur le coût de l'assurance qui constituent un apport essentiel du projet de loi.
À l'article 21 bis A, la définition des conditions de l'information mensuelle sur les frais est renvoyée à un décret , afin que le Gouvernement puisse tenir compte de l'avis demandé au comité consultatif du secteur financier (CCSF) .
À l'article 23, il est précisé que seule la personne ayant qualité pour pou?rvoir aux funérailles peut ?faire régler la facture des obsèques sur le compte du défunt.
À l'article 25, une précision a été apportée quant aux modifications que peuvent subir les contrats d'assurance conclus avant le 20 décembre 2012 sans pour autant perdre le bénéfice de la dérogation au principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER -
SÉPARATION DES ACTIVITÉS UTILES AU FINANCEMENT DE
L'ÉCONOMIE DES ACTIVITÉS SPÉCULATIVES
ARTICLE 1er A Remise d'un rapport sur l'impact de la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire français
Commentaire : le présent article prévoit la remise d'un rapport au Parlement détaillant l'impact de la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire français par rapport aux établissements de crédit américains et européens .
I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Introduit à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Marie-Christine Dalloz et Hervé Mariton, le présent article prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2014, « un rapport détaillant l'impact de la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire français par rapport aux établissements de crédit américains et européens ».
Lors de la discussion en séance publique, Gilles Carrez, président de la commission des finances, a défendu cet amendement en soulignant qu'il recouvre trois préoccupations, à savoir que le présent projet de loi bancaire :
- ne rende pas plus coûteux les services aux entreprises offerts par les banques françaises, ce qui serait de nature à renforcer les établissements concurrents européens ou américains ;
- n'entrave pas le développement à l'international des établissements français ;
- ne réduise pas la rentabilité de la partie commerciale des banques universelles.
Gilles Carrez a précisé que « cet amendement a donc pour objet de vous demander, monsieur le ministre, quel sera l'échéancier de la mise en oeuvre de réformes bancaires en Europe. [...] Nous avons absolument besoin de savoir pendant quel laps de temps nous serons les seuls à avoir mené cette réforme, et risquons donc de pénaliser la compétitivité de nos établissements de crédit ».
En réponse, notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, a estimé que « cette loi recherche l'équilibre entre la compétitivité des banques et la protection contre les risques que leurs prises de positions font courir à l'économie. Je ne vois pas donc que cette loi entraînerait automatiquement des conséquences négatives, comme vous le supposez ».
Elle a également rappelé que le Parlement dispose de tous les instruments nécessaires pour conduire des travaux d'évaluation du projet de loi. La remise d'un rapport gouvernemental est donc superfétatoire. Le ministre a également fait valoir cet argument.
En conséquence, la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable à l'adoption de l'amendement , s'il ne devait pas être retiré.
Toutefois, à l'issue d'un long débat, Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, a demandé à l'Assemblée nationale « d'accepter » cet amendement ( cf. extraits des débats infra ).
Extraits des débats de l'Assemblée
nationale
M. Pierre Moscovici, ministre. « J'ai écouté attentivement les différentes interventions, qui permettent d'éclairer sur l'état d'esprit présidant à une telle proposition, l'objectif étant de voir plus clairement les effets que peut avoir cette loi sur la compétitivité du secteur bancaire. Je le dis d'autant plus tranquillement que nous ne sommes pas inquiets. Je le répète depuis le début, ce n'est pas une loi de fragilisation du secteur bancaire, c'est une loi de moralisation, de contrôle et de régulation. « Compte tenu également du fait que c'est une proposition du président de la commission des finances, qui a présidé nos débats avec beaucoup de sérénité et est intervenu de manière très cohérente, je serai assez favorable à ce que vous acceptiez cet amendement. [...] « Bref, si la majorité le veut bien, il faut faire un tel geste. C'est positif pour le texte. L'attitude constructive du président de la commission des finances doit être saluée de la sorte. Ses intentions ne peuvent pas être mises en doute, je ne les mets pas en doute ». |
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Ainsi que le déclarait le chef du service du financement de l'économie à la direction générale du Trésor, devant votre commission des finances le 30 janvier 2013 11 ( * ) : « le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires est sans doute la réforme bancaire la plus ambitieuse depuis la loi bancaire de 1984 ».
Il est donc essentiel qu'une évaluation de ses conséquences soit menée. En tout état de cause, celle-ci devra aller bien au-delà de son impact sur la compétitivité du secteur bancaire français. Il conviendra aussi de mesurer ses effets sur la stabilité financière et sur le comportement des acteurs économiques.
Il faut rappeler que le projet de loi ne se limite aux dispositions relatives à la séparation des activités. Il comprend également des articles sur la relation entre les banques et leurs clients dont la portée ne doit pas être négligée.
Ceci étant dit, le rapport demandé par le présent article constituera une utile base de travail pour une analyse de plus grande ampleur.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .
ARTICLE 1er (Art. L. 511-47 à L. 511-50 [nouveaux] du code monétaire et financier) Filialisation des activités bancaires spéculatives
Commentaire : le présent article constitue le coeur du titre I er sur la séparation des activités bancaires. Il introduit quatre nouveaux articles dans le code monétaire et financier (L. 511-47 à L. 511-50). L'article L. 511-47 établit le principe et les modalités de la séparation des activités spéculatives au sein d'une filiale. L'article L. 511-48 porte principalement sur le régime applicable à cette filiale tandis que les articles L. 511-49 et L. 511-50 organisent le contrôle de ces dispositions .
I. LA SÉPARATION DES ACTIVITÉS (ART L. 511-47)
A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT
1. Le principe de la séparation des activités « pour compte propre »
Le nouvel article L. 511-47 du CMF pose le principe d'une séparation des activités conduites pour le compte propre d'un établissement bancaire de celles réalisées pour le compte d'un client ; c'est-à-dire la séparation des activités spéculatives de celles utiles à l'économie.
La séparation est établie afin de garantir la stabilité financière, la solvabilité des établissements bancaires à l'égard des déposants et leur capacité à assurer le financement de l'économie.
Ainsi, cet article dispose qu'il est « interdit aux établissements de crédit [...] d'effectuer autrement que par l'intermédiaire de filiales dédiées à ces activités les opérations suivantes :
« 1° Les activités de négociation portant sur des instruments financiers faisant intervenir leur compte propre [...] ;
« 2° Toute opération conclue par l'établissement pour son compte propre [ avec des hedge funds ] lorsque l'établissement de crédit n'est pas garanti par une sûreté ».
2. Les établissements concernés
Les principaux établissements concernés sont les établissements de crédit, c'est-à-dire « des personnes morales effectuant à titre habituelle des opérations de banque » 12 ( * ) .
Les compagnies financières ou compagnies financières holding mixte 13 ( * ) sont également dans le champ d'application de la loi. Ces deux catégories comprennent des personnes morales qui, sans être établissements de crédit elles-mêmes, possèdent de telles filiales.
Le présent article s'applique en effet à la société « tête de groupe » qui est responsable du respect de ses dispositions pour l'ensemble du groupe, y compris les filiales installées à l'étranger . A cet égard, le texte s'applique de façon extraterritoriale .
D'après les informations recueillies par votre rapporteur auprès du Gouvernement, l'article 1 er « fait reposer l'obligation de conformité sur la tête de groupe , à charge pour elle d'organiser le contrôle interne de manière a faire appliquer le texte sur l'ensemble du périmètre des filiales qu'elle contrôle. C'est la conformité de ce dispositif de contrôle interne et sa robustesse (c'est-à-dire sa capacité à garantir que les filiales quelles que soient leur localisation, sont efficacement contrôlées par la tête de groupe de manière a inscrire leur activité dans les limites prescrites par la loi) qui fera au premier chef l'objet d'un contrôle par l'ACPR. [...] Outre que c'est la seule manière d'assurer une application sur base consolidée cette modalité de contrôle est en pratique la plus efficace ».
L'article L. 511-47 précise que seuls les établissements « dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d'Etat » seront soumis à cette réglementation.
Les seuils d'exposition seront déterminés sur la base de l'importance relative des activités de marché et de « compte propre » dans l'ensemble des activités de l'établissement.
Le Gouvernement n'a pas précisé les seuils qu'il entend ainsi définir. Néanmoins, lors de son audition par la commission des finances, le chef du service du financement de l'économie à la direction générale du Trésor, a indiqué que « nous n'envisageons pas autre chose que de faire en sorte que les quatre ou cinq principales banques françaises soient concernées par la loi » 14 ( * ) .
En pratique, BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et BPCE 15 ( * ) devraient sans aucun doute être soumises au nouveau dispositif .
3. Une liste limitative d'exceptions
Certaines activités menées sur les « fonds propres » de la banque - et donc relevant du « compte propre » - sont pour autant considérées comme utiles à l'économie. Le 1° du I de l'article L. 511-47 énumère six exceptions à l'obligation de filialisation des activités menées pour « compte propre ».
a) La tenue de marché
La tenue de marché est une activité essentielle des marchés de capitaux, en particulier des marchés obligataires. Elle consiste à assurer la liquidité du marché, c'est-à-dire la capacité à vendre et à acheter en permanence, à des prix compétitifs, des titres. La tenue de marché s'effectue sur le marché secondaire mais constitue un élément important de l'attractivité du marché primaire .
Par exemple, une entreprise émet une obligation à 20 ans (marché primaire). Les investisseurs seront d'autant plus enclins à l'acquérir que l'entreprise, par l'intermédiaire de la tenue de marché effectuée par une banque, lui assure qu'ils pourront la revendre à tout moment sans perte significative. C'est ainsi que les banques « spécialistes en valeurs du Trésor » assurent des opérations de tenue de marché sur les différents titres émis par l'Etat français .
L'utilité économique de la tenue de marché est incontestable . En revanche, les méthodes qu'elle utilise peuvent être rapprochées du trading pour compte propre . Même si économiquement, elle est réalisée en vue de satisfaire le besoin d'un client, comptablement, les opérations sont inscrites sur le bilan de la banque.
Tracer la frontière entre la tenue de marché effective et le trading pour compte propre n'est donc pas chose aisée. Le projet de loi initial retient donc une définition duale de la tenue de marché.
Il peut s'agir d'opérations sur instruments financiers :
- « consistant en la communication simultanée de prix d'achat et de vente fermes et concurrentiels pour des volumes de taille comparable, avec pour résultat d'apporter de la liquidité aux marchés sur une base régulière et continue » ;
- ou « nécessaires, dans le cadre de [l'activité habituelle de l'établissement] , à l'exécution d'ordres d'achat ou de vente de clients ou en réponse à des demandes d'achat ou de ventes de leur part ».
La première définition correspond à l'animation quotidienne de certaines valeurs sur le marché, tandis que la seconde se réfère plutôt à des interventions ponctuelles sur des titres moins négociés.
Il reviendra bien évidemment à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) de contrôler que les activités de la banque sont conformes à ces définitions.
b) La fourniture de services d'investissement à la clientèle
L'exception de « fourniture de services d'investissement à la clientèle » est définie par deux critères cumulatifs. Elle consiste d'abord à fournir les services d'investissement énumérés à l'article L. 321-1 du CMF 16 ( * ) , et les services connexes définis à l'article L. 321-2 du même code 17 ( * ) « en se portant partie à des opérations sur des instruments financiers dans le but de répondre aux besoins de couverture, de financement ou d'investissement [des] clients ». Cette définition décrit les activités classiques d'une banque de financement et d'investissement au service de ses clients.
Par ailleurs, la rentabilité attendue de ces opérations doit résulter « des revenus tirés des services fournis à la clientèle et de la gestion saine et prudente des risques ».
Lorsqu'un client demande, par exemple, une couverture de change, la banque va elle-même chercher la position inverse afin de limiter sa prise de risque. Il arrive cependant qu'elle ne puisse pas entièrement se protéger. Ainsi, comme le souligne les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur, « ce n'est toutefois jamais immédiatement le cas et c'est très rarement entièrement le cas. La banque supporte donc, sur son bilan, un risque résiduel . L'intention du texte est d'imposer que ce risque soit strictement proportionné au besoin du client ».
Le fait de n'être qu'imparfaitement protégé crée, selon la terminologie financière, une position « ouverte » qui présente un risque, c'est-à-dire une possibilité de pertes, mais aussi de profits. En ce sens, une couverture imparfaite présente des similitudes avec la spéculation.
Une « gestion saine et prudente du risque » n'oblige pas à ce que la banque soit entièrement couverte des risques qu'elle prend pour ses clients. En revanche, elle doit rechercher une couverture maximale et ses revenus ne doivent pas d'abord découler de la position « ouverte » qu'elle détiendrait faute d'avoir pu entièrement se couvrir .
L'ACPR sera chargée de contrôler que les limites de risque enregistrées par la banque traduisent bien une gestion « saine et prudente ».
c) La compensation d'instruments financiers
Ce type d'activité n'est pas défini par le projet de loi. Une chambre de compensation ou « contrepartie centrale » assure une mission essentielle des marchés financiers. A l'issue d'une transaction, elle vient se substituer à l'acheteur vis-à-vis du vendeur et au vendeur vis-à-vis de l'acheteur 18 ( * ) .
Les établissements de crédit et les entreprises d'investissement sont les principaux membres de la chambre de compensation ou « adhérents compensateurs ».
Compte tenu de leur accès privilégié à la chambre de compensation, les établissements de crédit peuvent offrir des services de compensation spécifiques à leurs clients. Par exemple, ils peuvent prêter les titres ou les liquidités devant être déposés auprès de la chambre de compensation. Ils peuvent également agir, entre deux de leurs clients, comme une petite chambre de compensation.
d) La couverture des risques de l'établissement
Pour l'application du présent article, la couverture s'entend de « l'activité d'un établissement [...] qui se porte partie à des opérations sur des instruments financiers dans le but de réduire ses expositions aux risques de toute nature liés aux activités de crédit et de marché ».
Cette activité peut être directement en lien avec la fourniture de services d'investissement mentionnée plus haut. Elle peut également concerner les opérations de crédit aux particuliers. Par exemple, si la banque prête à taux fixes alors qu'elle emprunte à taux variable.
Le texte précise que « les instruments utilisés pour ces opérations de couverture doivent présenter une relation économique avec les risques identifiés ». Dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur, le Gouvernement explique que « la notion de couverture doit s'apprécier au regard d'un risque donné. L'intention du texte est d'imposer aux établissements qui qualifieraient une position de couverture de faire la preuve de la pertinence de cette qualification en démontrant qu'elle réduit effectivement un risque identifié ».
e) La gestion de la trésorerie du groupe
La trésorerie - et donc la liquidité - d'un groupe bancaire fait l'objet d'une gestion quotidienne entre les différentes entités du groupe. Le présent article autorise que la gestion « saine et prudente » de la trésorerie de la société mère et entre les entités du groupe, opération par nature pour compte propre, ne fasse pas l'objet d'une filialisation. Le pouvoir réglementaire et la doctrine de l'ACPR viendront préciser l'application de cet alinéa.
f) Les opérations d'investissement du groupe
Enfin, les opérations d'investissement du groupe sont exemptées de filialisation. Entrent dans cette catégorie, les « opérations d'achat et de vente de titres émis par les entités du groupe », telles que, par exemple, une opération d'émission de titres obligataires.
Sont également concernées « les opérations d'achat et de vente de titres financiers acquis dans l'intention de les conserver durablement , ainsi que les opérations sur instruments financiers liées à ces dernières ». Derrière cette périphrase se cache en réalité une distinction importante au sein du bilan bancaire. Celui-ci est en effet divisé entre un portefeuille de négociation ( trading book ) et un portefeuille bancaire ( banking book ). Ce dernier regroupe l'ensemble des titres détenus sans intention de les céder à court terme .
L'ACPR et les commissaires aux comptes opèrent un contrôle sur les actifs classés dans l'un ou l'autre des portefeuilles car la distinction emporte des conséquences importantes à la fois pour le calcul des fonds propres et pour celui des valeurs comptables.
Au regard de l'esprit du texte, qui tend à filialiser les opérations spéculatives et donc plutôt de court terme, les opérations inscrites dans le portefeuille bancaire, par nature de moyen ou long terme, mêmes conduites pour le compte propre de la banque, ne sont donc pas soumises à filialisation.
4. L'interdiction de conclure des opérations non sécurisées avec des hedge funds
Le projet de loi interdit à un établissement de crédit de conclure des opérations « pour son compte propre avec des organismes de placement collectif [OPC] à effet de levier ou autres véhicules d'investissement similaires, répondant à des caractéristiques fixées par arrêté [...] , lorsque l'établissement de crédit n'est pas garanti par une sûreté ».
Le texte entend bien viser les hedge funds français ou étrangers. Néanmoins, il n'existe pas de définition juridique, en droit français ou européen, de cette catégorie d'intervenants sur le marché. Les organismes de placement collectif (OPC) recouvrent en droit français plusieurs types de fonds et de sociétés de gestion (OPCVM, société civile de placement immobilier, sociétés d'épargne forestière, organismes de titrisation, etc.).
En revanche, aucune de ces catégories ne recouvre celle des hedge funds , « caractérisés notamment par l'utilisation extensive de méthodes d'effet de levier, mais aussi par leur taille (leur "empreinte sur le marché" ou caractère systémique), le type de porteurs à qui ils s'adressent (institutionnels, et non grand public), etc. [...] . C'est pourquoi le projet d'article renvoie à un arrêté le point technique de préciser quel seront les véhicules répondant explicitement aux caractéristiques des hedge funds .
« Le terme " ou autres véhicules d'investissement similaires " entend quant à lui viser les fonds étrangers qui seraient les équivalents étrangers des OPC à effet de levier ici visés, c'est-à-dire les hedge funds étrangers.
« L'effet de levier sera ici défini comme toute méthode par laquelle le gestionnaire accroît l'exposition d'un fonds qu'il gère, que ce soit par l'emprunt de liquidités ou de valeurs mobilières, ou par des positions dérivées.
« Le niveau d'effet de levier justifiant qu'un OPC entre dans la catégorie susmentionnée des hedge funds requiert une analyse approfondie, qui est actuellement menée conjointement avec les services de l'Autorité des marchés financiers » 19 ( * ) .
Les services offerts par les banques aux hedge funds sont de nature assez diverse. Le présent article vise surtout à limiter les opérations de prêts qui ne seraient pas garanties par une sûreté . En effet, compte tenu des stratégies souvent agressives de ces fonds, la faillite de l'un d'entre eux ne doit pas avoir de répercussion sur le bilan de la banque avec laquelle il est en relation.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
1. En commission
Avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté neuf amendements, dont trois rédactionnels, sur le nouvel article L. 511-47.
a) Un encadrement plus strict de la tenue de marché
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements venant sensiblement renforcer l'encadrement de l'exception pour « tenue de marché » .
(1) La possibilité, pour le ministre, de fixer un seuil à la tenue de marché
Notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, a d'abord proposé que le ministre chargé de l'économie puisse « fixer, par arrêté et après avis de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, un seuil valable pour tous les établissements ou pour un établissement en particulier , exprimé par rapport au produit net bancaire [de la société tête de groupe] , au-delà duquel les activités relatives à la tenue de marché d'un établissement de crédit ne bénéficient plus de cette exception ».
En présentant son amendement, la rapporteure a rappelé que « le texte, en proposant un équilibre entre les activités utiles au financement de l'économie et les activités trop risquées, se présente comme un outil souple de séparation.
« Les auditions ont toutefois permis de souligner l'existence d'une difficulté relative à la question de la tenue de marché [...] . Il faut savoir en effet que, si une écrasante majorité des activités de tenue de marché sont utiles à l'économie, celles-ci peuvent aussi servir de "faux nez" à la spéculation . [...]
« Comme, lors des auditions, le président d'une grande banque française nous a indiqué que la filialisation ne toucherait qu'une petite partie de ses activités, il était impératif que le texte prouve qu'il visait bien à séparer les activités les plus risquées et à lutter contre le risque systémique .
« Dans le droit fil des recommandations de la Banque centrale européenne sur le rapport Liikanen, cet amendement fait de l'activité de tenue de marché un élément à part qui pourra être traité comme tel . Parce que l'on ne sait pas de quoi demain sera fait , il permet au ministre de l'économie de fixer un seuil [...] au-delà duquel la tenue de marché sera séparée des autres activités ».
A l'issue d'un long débat, cet amendement a été adopté à l'unanimité des députés présents en commission.
(2) Une définition de la tenue de marché
Un amendement de notre collègue député Laurent Baumel et des membres du groupe socialiste est venu, par ailleurs, compléter la définition de l'activité de tenue de marché , qui, dans le texte du Gouvernement, est duale selon que la banque intervient en permanence ou seulement ponctuellement sur le marché.
Dans le premier cas, l'ACPR sera amenée à vérifier que l'activité présentée comme de la tenue de marché par l'établissement respecte des indicateurs « précisant les conditions de présence régulière sur le marché, l'activité minimale sur le marché, les exigences en termes d'écarts de cotation proposés et les règles d'organisation internes incluant des limites de risques. Les indicateurs seront adaptés en fonction du type d'instrument financier négocié et des lieux de négociation sur lesquels s'effectue l'activité de tenue de marché. Le teneur de marché fournit sur une base régulière les indicateurs à [l'ACPR] ».
Dans le second cas, « l'établissement doit pouvoir justifier d'un lien entre le besoin des clients et les opérations réalisées pour compte propre. [L'ACPR] apprécie cette activité au regard notamment de la fréquence des opérations réalisées ».
Un arrêté du ministre de l'économie, pris après avis de l'ACPR et de l'Autorité des marchés financiers (AMF), fixera la liste des indicateurs.
b) Des précisions utiles concernant les autres exceptions
La commission des finances de l'Assemblée nationale a également adopté quatre amendements venant corriger ou préciser les autres exceptions à la filialisation.
Un premier amendement, présenté par notre collègue député Jean Launay, vient préciser que l'exception pour « couverture des risques de l'établissement » est valable pour l'ensemble du groupe, hormis la filiale cantonnée .
Un autre amendement, proposé par notre collègue député Pascal Cherki et plusieurs membres du groupe socialiste, prévoit que les modalités par lesquelles un établissement fait usage d'un instrument de couverture seront définies par un arrêté du ministre de l'économie.
A l'initiative de la rapporteure, les mesures applicables pour les opérations conduites avec les hedge funds ont été étendues aux compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, là où le projet de loi initial ne visait que les seuls établissements de crédit.
Enfin, également exposé par la rapporteure, un dernier amendement ajoute que, dans le cadre de la fourniture de services d'investissement à la clientèle, les « risques associés [à la fourniture de ces services] doivent répondre au strict besoin de gestion de l'activité dans des conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de l'économie ». L'exposé des motifs de l'amendement indique que « les risques de marché [doivent être] encadrés par des limites adéquates, au regard notamment des fonds propres dont disposent les établissements ».
2. En séance publique
En séance publique, avec un avis de sagesse de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a tout d'abord adopté, à l'initiative de notre collègue député Razzy Hammadi, un amendement interdisant aux établissements d'investir dans des OPC eux-mêmes investis, au-delà d'un seuil précisé par arrêté, dans des OPC à effet de levier.
Cette nouvelle disposition a été complétée par un amendement présenté par notre collègue député Philippe Kemel, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, précisant que l'établissement de crédit transmet chaque mois à l'ACPR les informations relatives aux engagements auprès de ces organismes.
Cet amendement a toutefois été sous-amendé par le Gouvernement afin, de préciser que les modalités de transmission de ces informations sont définies par l'ACPR, supprimant par conséquent l'obligation d'un suivi mensuel.
L'Assemblée nationale a également adopté un amendement rédactionnel et un amendement de précision.
II. LE STATUT DE LA FILIALE CANTONÉE (ART. L. 511-48)
A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT
1. Une filiale capitalisée et financée de manière autonome
Le nouvel article L. 511-48 du CMF établit les règles spécifiques auxquelles est soumise la filiale cantonnée ou filiale « compte propre ». Comme l'indique l'exposé des motifs du présent projet de loi, la filiale « devra être capitalisée et financée de manière autonome, comme si elle n'appartenait pas au groupe bancaire qui la contrôle ».
Les filiales sont, par défaut, agréées en tant qu'entreprises d'investissement qui sont « des personnes morales, autres que les établissements de crédit, qui fournissent des services d'investissement à titre de profession habituelle » (art. L. 531-4 du CMF).
Toutefois, si la filiale entend exercer des activités de crédit, elle peut demander à être agréée en tant qu'établissement de crédit. Dans ce cas néanmoins, elle ne peut ni recevoir de dépôts garantis, ni fournir des services de paiement dont les dépôts sont garantis. Cette double interdiction est pleinement cohérente avec la volonté de laisser en dehors du champ de la filiale cantonnée les activités relevant de la banque commerciale.
Bien qu'il s'agisse, normalement, d'entreprises d'investissement, les filiales cantonnées auront l'obligation de respecter, individuellement ou de manière sous-consolidée 20 ( * ) , les normes de gestion applicables aux établissements de crédit prévues à l'article L. 511-41 du CMF. Il s'agit notamment des normes prudentielles relatives à la liquidité, à la solvabilité et à la dispersion des risques . Les filiales devront par conséquent disposer d'un système adéquat de contrôle interne. Les conditions d'application de ces normes aux filiales cantonnées seront précisées par arrêté du ministre chargé de l'économie.
Par ailleurs, la société tête de groupe qui possède une filiale cantonnée sera tenue de respecter les normes prudentielles en excluant du périmètre du groupe les filiales cantonnées. Il s'agit d'une précision fondamentale puisqu'elle permet que la santé financière du groupe soit toujours indépendante de celle de la filiale cantonnée . Dit autrement, les difficultés que pourraient rencontrer la filiale n'auront pas d'impact sur le reste du groupe.
Au surplus, conformément au droit commun établi à l'article L. 511-41-2 du CMF, le groupe défini sur une base consolidée, c'est-à-dire y compris la filiale cantonnée, sera tenu de respecter les ratios prudentiels.
Enfin, le texte prévoit que la filiale cantonnée doit être considérée comme une contrepartie externe du reste du groupe pour le calcul du ratio de division des risques de ce dernier 21 ( * ) . Ainsi, la société-mère ne pourra pas être exposée à plus de 10 % de ses fonds propres à sa filiale cantonnée.
2. L'interdiction de certaines activités
Le II de l'article L. 511-48 interdit aux filiales cantonnées de réaliser, pour son compte propre, les opérations :
- de trading à haute fréquence, taxables au titre de l'article 235 ter ZD bis du code général des impôts 22 ( * ) ;
- sur instruments financiers à terme dont l'élément sous-jacent est une matière première agricole.
En revanche, elle pourra toujours fournir à un client ce type de services.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
1. En commission
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, six amendements, dont trois rédactionnels ou de mise en cohérence.
Le dernier alinéa du I de l'article L. 511-48 prévoit que la filiale est considérée comme une contrepartie externe vis-à-vis du groupe auquel elle appartient. Ce faisant, la rédaction initiale du texte conduisait à ce qu'un établissement financier tiers puisse regarder le groupe et sa filiale comme deux entités distinctes. En conséquence, cet établissement tiers aurait pu doubler son exposition au groupe : à raison de 10 % de ses fonds propres pour le groupe hors filiale et de 10 % pour la filiale.
Afin de corriger cette erreur, à l'initiative de notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, le dernier alinéa du I de l'article L. 511-48 a été complété par une phrase précisant qu'un établissement financier tiers au groupe (et donc à la filiale cantonnée) doit considérer que le groupe et sa filiale ne font qu'un.
Notre collègue député Jean Launay a présenté un amendement, sous-amendé par la rapporteure, pour que les filiales cantonnées utilisent des « raisons sociales et des noms commerciaux distincts des établissements de crédit du groupe qui les contrôle, de manière à n'entretenir aucune confusion dans l'esprit de leurs créanciers et cocontractants ».
Enfin, la commission des finances a adopté un amendement de la rapporteure afin que les filiales cantonnées se dotent d'une gouvernance distincte de celle des établissements qui les contrôlent ou des autres filiales de ces derniers.
2. En séance publique
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements.
Le premier, présenté par notre collègue député Eric Alauzet et plusieurs autres membres du groupe écologiste, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement, prévoit que « la souscription par les établissements [...] qui contrôlent [les filiales cantonnées] à une augmentation de capital de ces filiales est soumise à autorisation préalable » de l'ACPR.
Le second, proposé par notre collègue député Pascal Cherki et plusieurs autres membres du groupe socialiste, ajoute un III à l'article L. 511-48 qui dispose que « l'Etat ni aucune autre personne publique contrôlée, directement ou indirectement, par l'Etat ne peut souscrire à un titre, ni prendre aucun engagement financier nouveau au bénéfice » de la filiale cantonnée faisant l'objet d'une mesure de résolution .
Cet amendement a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission et d'un avis de sagesse de la part du Gouvernement.
III. UN CONTRÔLE ACCRU (ART. L. 511-49 ET L. 511-50)
A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT
Les nouveaux articles L. 511-49 et L. 511-50 du CMF organisent les modalités de contrôle de la séparation des activités.
L'article L. 511-49 pose le principe selon lequel les groupes et les filiales cantonnées « assignent à leurs unités internes chargées [des opérations sur instruments financiers] des règles d'organisation et de fonctionnement de nature à assurer le respect des dispositions » relatives à la séparation des activités et au statut des filiales cantonnées.
En particulier, le « contrôle du respect de ces règles » doit être assuré « de manière adéquate par le système de contrôle interne ». Par ailleurs, les règles de bonne conduite et les autres obligations professionnelles définies par l'AMF doivent, bien évidemment, être respectées par la filiale.
Surtout, l'article impose que les sociétés têtes de groupe communiquent à l'ACPR et, pour ce qui la concerne, à l'AMF, « la description de ces unités ainsi que les règles d'organisation et de fonctionnement qui leur sont assignées ».
Concrètement, il s'agit de transmettre à l'ACPR et à l'AMF la cartographie des desks et de leurs mandats . En effet, l'organisation interne d'une banque de marché est divisée en plusieurs desks chacun chargé d'un mandat précis (obligations européennes, actions France, opérations de change, couverture de l'établissement, etc.). Pour chaque desk , les opérateurs ( traders ) se voient également signifier un mandat comprenant une limite de risques.
La transmission de la cartographie des desks constitue un outil très utile . Cette obligation va d'abord contraindre les banques à passer en revue et, éventuellement, à toiletter leur organisation. Elle servira surtout à l'ACPR qui pourra comparer l'organisation théorique et les mandats assignés aux unités avec la pratique constatée in situ . De plus, elle facilitera ses contrôles en lui permettant de cibler en priorité les desks les plus susceptibles de réaliser des opérations pour compte propre .
Enfin, l'article L. 511-50 prévoit que l'agrément peut être refusé par l'ACPR si l'organisation et le fonctionnement, de même que le système de contrôle interne, d'un établissement tête de groupe ou des filiales cantonnées ne permettent pas d'assurer de manière adéquate le respect des obligations relatives à la séparation des activités (article L. 511-47) et au statut des filiales (article L. 511-48).
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La commission des finances a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, deux amendements de précision rédactionnelle.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN IMPACT « NUL OU NÉGLIGEABLE » SUR LE FINANCEMENT DE L'ÉCONOMIE
L'analyse des impacts du présent projet se révèle particulièrement délicate faute de données - publiables - transmises à votre rapporteur tant par le Gouvernement que par les banques concernées 23 ( * ) .
D'après l'étude d'impact annexée, « les surcoûts pour les banques induits par cette réforme ne devraient pas se traduire directement par un renchérissement significatif du crédit ainsi que par une réduction de la gamme de services offerts à l'économie, dans la mesure où les activités visées sont des activités sans lien avec le client ».
Votre rapporteur s'est néanmoins interrogé sur le montant des fonds propres qui seront investis dans les filiales cantonnées. En effet, ces fonds propres doivent être distincts de ceux possédés par le groupe bancaire. Dès lors, la décision d'un groupe de créer une filiale - et « d'immobiliser » ainsi une partie de ses fonds propres - est-elle de nature à diminuer le crédit disponible ?
D'après le Gouvernement, « il est très difficile de fournir à ce sujet une estimation, dans la mesure où il est très probable que les banques françaises choisiront de se désengager d'une partie des activités à filialiser ». Toutefois, toujours selon le Gouvernement, la « réforme vise précisément à imposer aux banques d'allouer leurs ressources au financement de l'économie. L'impact sur la production de crédit devrait être nul ou négligeable ».
B. UNE LIMITATION SENSIBLE AUX ACTIVITÉS SPÉCULATIVES
Dès lors que la filiale doit être capitalisée et financée de manière autonome, chaque groupe bancaire concerné devra faire un arbitrage entre coût des capitaux investis dans la filiale et gain financier escompté.
Or la création de la filiale entraîne d'importants surcoûts rappelés par l'étude d'impact annexée au présent projet de loi :
- un besoin de fonds propres supplémentaires : « la viabilité de la filiale au regard des investisseurs, compte tenu de son profil de risque, imposera de la doter suffisamment en capital. En pratique, la cible de capital devrait être nettement supérieure au minimum réglementaire » ;
- le financement sur une base autonome : la filiale « ne bénéficiera pas de la garantie de sa maison mère ni de refinancements intragroupes. Ceci assure que les dépôts de la "clientèle" ne pourront pas être utilisés pour financer la filiale qui devrait dès lors se refinancer à un coût plus élevé que le groupe bancaire. La filiale devra détenir une réserve d'actifs liquides afin de satisfaire à la réglementation prudentielle » ;
- les « obligations renforcées en matière de contrôle interne imposeront un surcoût opérationnel ».
Compte tenu de ces éléments, deux groupes bancaires ont indiqué à votre rapporteur qu'ils n'avaient pas l'intention de créer de filiale cantonnée ou seulement pour y loger des activités très résiduelles .
De plus, la réforme atteint les objectifs qu'elle se fixe, à savoir limiter le trading pour compte propre. Lors de son audition par la commission des finances, Didier Valet, directeur de la banque de financement et d'investissement de la Société générale, indiquait : « je vais vous donner des chiffres pour la Société générale, mais les ordres de grandeur seraient les mêmes pour BNP Paribas ou Crédit agricole. [...] Les activités de marché ne représentent qu'un sixième du total de notre chiffre d'affaires en 2011 .
« Au sein de ces activités de marché, les activités pour compte propre ne représentaient que 4 % à 9 %, soit moins de 2 % du chiffre d'affaires . [...] Avant la crise, l'activité pour compte propre représentait jusqu'à 20 % des activités de marché, contre 4 % à 9 % aujourd'hui . Les banques françaises ont donc divisé cette proportion par deux à quatre, car tant le management que la supervision ont prêté une attention plus importante au risque. D'autre part, il y a eu moins de liquidité, et quand une ressource devient rare, on a davantage tendance à la privilégier pour nos clients plutôt que pour des activités qui n'ont pas d'adhérence clients. Je pense que nous avons d'ores et déjà fait beaucoup d'efforts ».
« Aussi, si l'objectif de la séparation est maintenu, elle va évidemment nous coûter cher, car il faudra créer des structures ad hoc , qui ne pourront pas s'appuyer sur leurs maisons-mères. La loi pourrait avoir comme conséquence positive de prévenir la tentation éventuelle des banques de refaire prendre de l'ampleur à ce type d'activités, compte tenu des contraintes qui pèseront sur elles ».
Faute de données, votre rapporteur n'a pas été capable de vérifier les chiffres avancés. Le Gouvernement lui a d'ailleurs indiqué, dans les réponses à son questionnaire, que « les chiffres qui ont pu être rendus publics, notamment à l'initiative de certaines banques, doivent être pris avec la plus grande prudence dans la mesure où ils ne reposent pas sur une délimitation précise des opérations concernées telle qu'elle pourra être menée au niveau réglementaire comme certains amendements adoptés à l'Assemblée nationale le prévoit d'ailleurs très précisément pour la tenue de marché ».
Néanmoins, sur le fond, les ordres de grandeur semblent réalistes. En 2006, avant que la crise n'éclate, la part des activités pour compte propre pouvait effectivement atteindre jusqu'à 25 % des activités de marché des banques françaises.
Le projet de loi devrait empêcher, compte tenu du coût que cela représenterait, que les banques puissent à nouveau développer, à de tels niveaux, les activités pour compte propre .
C. UNE TENUE DE MARCHÉ BIEN ENCADRÉE
1. Une définition précisée
Comme indiqué plus haut, la tenue de marché est utile au financement de l'économie mais tracer la frontière entre ce type d'activité et la négociation pour compte propre peut se révéler délicat.
Aux Etats-Unis, la règle Volcker autorise la tenue de marché alors qu'elle interdit la négociation pour compte propre. Toutefois, depuis la promulgation du Dodd-Frank Act en juillet 2010, la Securities and Exchange Commission (SEC) chargée d'établir les textes d'application se heurte à la difficulté de définir, en droit positif, la tenue de marché.
Au vu de cette expérience, le rapport Liikanen a estimé qu'il était préférable que la tenue de marché soit basculée dans la filiale cantonnée. Toutefois, comme l'indique le Gouvernement dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur, « le rapport Liikanen mésestime grandement l'impact de cette filialisation : les filiales que le projet de loi va forcer les banques à constituer seront en effet des acteurs de petite taille, très risqués (car ne bénéficiant pas de la garantie du groupe) [...] . Cette filialisation élargie apparaît donc comme une interdiction de fait particulièrement nuisible au financement de l'économie ».
La réforme française retient une troisième voie. La tenue de marché n'est pas cantonnée. Elle fait l'objet d'une définition légale qui sert de fondement à un contrôle au cas par cas par l'ACPR . A ce titre, la transmission d'une cartographie des desks et des mandats des banques de financement et d'investissement aidera l'ACPR à identifier les opérations les plus « suspectes ».
Votre rapporteur se félicite par ailleurs du travail d'approfondissement de la définition de la tenue de marché effectué par l'Assemblée nationale. Il associe étroitement l'ACPR et l'AMF afin de déterminer des indicateurs de la tenue de marché. La banque sera ainsi soumise à une obligation de transmettre sur une base régulière ces indicateurs à l'ACPR et à l'AMF.
Pour les activités de tenue de marché qui ne reposent pas sur une présence continue sur le marché, il reviendra à l'établissement de justifier d'un lien entre le besoin des clients et les opérations réalisées pour compte propre. L'ACPR devra « apprécier » cette activité au regard notamment de la fréquence des opérations réalisées.
Votre commission a complété cet alinéa afin de préciser que les critères d'appréciation de l'ACPR doit également prendre en compte « l'organisation interne mise en place pour répondre aux besoins des clients ». En effet, sur certains titres, les opérations de tenue de marché sont rares et le critère de la « fréquence » n'est pas nécessairement le plus pertinent.
En outre, la commission des finances a également adopté un amendement prévoyant que l'ACPR informe l'AMF des conclusions des contrôles réalisés sur ce point.
2. Une tenue de marché mieux « étanchéifiée »
L'amendement de la rapporteure laissant au ministre la possibilité de prendre un arrêté pour encadrer la tenue de marché soulève plusieurs questions.
• En premier lieu, lors de ses auditions, il a
été indiqué à votre rapporteur que la disposition
comporterait une
ambiguïté
sur le point de savoir
si l'ensemble de la tenue de marché est transférée dans la
filiale ou seulement la partie au-dessus du seuil.
La lettre du texte permet de retenir les deux interprétations et les débats à l'Assemblée nationale n'ont pas permis de trancher.
Devant votre commission des finances, Pierre Moscovici a indiqué que « l'initiative des députés a permis de créer la fameuse "paire de ciseaux" dont dispose le ministre, la possibilité de fixer des seuils et donc de faire entrer, éventuellement, une partie de la tenue de marché dans les filiales ».
En tout état de cause, ni le texte, ni les débats de l'Assemblée nationale, ne précisent la manière dont la décision du ministre sera mise en oeuvre .
L'arrêté du ministre lui permet seulement et uniquement de fixer un seuil . Il restera à déterminer si la banque reste libre de décider quelles unités basculent effectivement dans la filiale et, dans ce cas, si elle pourrait maintenir les activités de tenue de marché les plus risquées dans la maison-mère. Il conviendra également de fixer le délai dont l'établissement bénéficie pour se conformer à l'arrêté et procéder au transfert des activités.
• En second lieu, le texte proposé offre au
ministre une possibilité - et non une obligation - de prendre un
arrêté.
Si le texte reste muet sur les raisons qui
devraient conduire le ministre à exercer sa compétence
,
devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, Pierre
Moscovici, ministre de l'économie et des finances, a indiqué que
«
la tenue de marché n'est pas toujours de nature
spéculative, mais
[il]
peut arriver, dans certaines situations,
qu'elle le soit. L'amendement donne au ministre la possibilité,
après l'avis de l'ACPR,
d'intervenir dans les situations de
crise
.
Je l'approuve comme tel
».
Devant votre commission des finances, il a répété que « dans certains cas, une situation de crise, par exemple, de l'ensemble des banques systémiques causée par des excès spéculatifs, où cette activité de tenue de marché serait gonflée à l'excès, le ministre pourrait alors souhaiter intervenir pour fixer un seuil valable pour l'ensemble des établissements ».
En séance publique à l'Assemblée nationale, il avait ajouté que « le texte vient donc garantir [...] que le régulateur puisse s'adapter aux évolutions de la spéculation, sans peser à l'excès sur le financement de l'économie. [Les « filiales cantonnées »] pourraient aussi, si le politique en décide , et notamment si une spéculation exubérante devait reprendre demain , devenir beaucoup plus importantes ».
Il laisse ainsi entendre que sa compétence n'est pas seulement liée par une situation de crise . Son pouvoir pourrait trouver à s'exercer dès lors qu'il identifie que des opérations spéculatives se sont « glissées » au sein de l'activité de tenue de marché.
Autrement dit, c'est le risque inhérent à la spéculation qui amène le ministre à prendre l'arrêté. Cette interprétation a été reprise par de nombreux orateurs lors de la discussion générale et de l'examen du présent article, notamment par Karine Berger, rapporteure, et Philippe Kemel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
• En troisième et dernier lieu, l'amendement
proposé par la rapporteure fait mention de la possibilité de
fixer un seuil pour «
tous les établissements ou pour un
établissement en particulier
».
Il ressort des débats de l'Assemblée nationale que le mécanisme voulu par nos collègues députés se veut « souple » ou « flexible ».
Votre rapporteur s'est interrogé sur le bien-fondé de cette distinction. Dans le schéma britannique, actuellement en cours d'examen, il est proposé d'électrifier la « clôture » entre les activités, là où Pierre Moscovici a estimé, dans votre commission que le système français procède à une « étanchéification ».
Or, le système britannique s'applique établissement par établissement après une analyse fine de la situation individuelle de chacun d'entre eux 24 ( * ) .
En séance publique à l'Assemblée nationale, Pierre Moscovici, a d'ailleurs déclaré qu'il faut « éviter de courir le risque de rigidifier le système, de créer une obligation en fixant un seuil automatique qui, du coup, pourrait être indifférencié alors que le texte de la commission permet d'agir en tenant compte de l'organisation, des structures du système, de la logique de situation et préserve les capacités d'évolution à l'échelle européenne ».
Lors de la réunion d'élaboration du texte de la commission, votre rapporteur a ainsi proposé un amendement précisant que l'arrêté ministériel devrait être pris établissement par établissement, afin de tenir compte de la spécificité de chacun d'entre eux, à la fois en termes de risques, de solvabilité, d'interconnexion, d'organisation interne, etc. Un seuil fixé pour l'ensemble du secteur bancaire risquerait, en tout état de cause, de ne pas « atteindre sa cible », compte tenu de la place de la tenue de marché dans les différentes banques françaises.
Cet amendement a été retiré après que Pierre Moscovici a expliqué qu'il « partage bien sûr cette préoccupation mais elle est déjà satisfaite dans le texte issu de l'Assemblée nationale , celui-ci prévoyant soit la faculté pour le ministre de fixer un seuil par établissement, soit d'avoir un seuil global. Je propose donc qu'on en reste à l'équilibre actuel, qui prévoit les deux possibilités.
« Dans certains cas, une situation de crise, par exemple, de l'ensemble des banques systémiques causée par des excès spéculatifs, où cette activité de tenue de marché serait gonflée à l'excès, le ministre pourrait souhaiter intervenir pour fixer un seuil valable pour l'ensemble des établissements ».
D. LE RÔLE CENTRAL JOUÉ PAR L'ACPR
L'ACPR se voit confier un rôle central dans la bonne mise en oeuvre de la réforme . C'est à elle que revient de déterminer si telle ou telle opération, en particulier s'agissant de la tenue de marché, bénéficie ou non d'une exemption et doit ou non être transférée dans la filiale cantonnée.
Lors des auditions, de nombreux intervenants ont salué le professionnalisme et l'expertise de l'ACPR . D'aucuns estiment d'ailleurs que la qualité de la supervision des banques françaises leur a globalement permis de traverser la crise dans de bonnes conditions.
A l'occasion de l'audition conjointe sur la séparation des activités bancaires 25 ( * ) , Edouard Fernandez-Bollo, secrétaire général adjoint de l'ACPR, justifiait ainsi le rôle central du régulateur : « l'ACP va d'abord s'intéresser à ce que font les banques, ce qui est prudent pour l'une ne l'est pas nécessairement pour une autre. Il va falloir que les banques définissent un appétit au risque de plus en plus précis et cette loi va apporter un complètement non négligeable de précision. Il est exact qu'on ne peut pas définir la procédure a priori , surtout si on veut atteindre un certain degré de précision ».
En termes d'effectifs, l'ACPR devrait pouvoir faire face à cet accroissement de ses missions. Elle est actuellement dans un processus, non achevé, de renforcement de ses capacités d'intervention. D'après Edouard Fernandez-Bollo, les nouvelles compétences nécessaires à l'application de la loi « seront intégrées dans ce processus ».
Enfin, l'ACPR devra veiller à ce que la croissance de la filiale ne soit pas de nature à perturber la stabilité financière . En cas de difficulté, elle doit pouvoir être mise en résolution sans impact majeur sur le groupe ou sur d'autres acteurs financiers.
Dans cette optique, sur proposition de votre rapporteur, la commission des finances a adopté un amendement tendant à prévoir que l'ACPR s'assure que les desks se voient assignés des limites de risques cohérentes avec leurs mandats.
E. DE NÉCESSAIRES AJUSTEMENTS TECHNIQUES
Enfin, également sur proposition de votre rapporteur, la commission des finances a adopté un amendement corrigeant une erreur rédactionnelle lourde de conséquences. En effet, le présent article prévoit que les groupes bancaires (hors filiales cantonnées) doivent respecter les règles prudentielles sur la base de leur situation financière individuelle et consolidée.
Or, actuellement, la doctrine de l'ACPR permet à un groupe bancaire de respecter les ratios prudentiels sur la seule base consolidée. L'application littérale du texte conduirait à ce que chaque filiale du groupe, à l'instar des filiales cantonnées, respecte individuellement ces ratios. Cette évolution serait lourde de conséquences pour très nombreux établissements bancaires, ce qui n'est pas l'objectif recherché et qui d'ailleurs n'apporterait aucune sécurité supplémentaire au regard de la filiale cantonnée.
De même, pour l'application du « ratio de division des risques », la commission des finances a adopté un amendement afin d'éviter qu'un groupe bancaire ne contourne la loi en créant plusieurs « filiales cantonnées ». En effet, dans ce cas, il aurait pu multiplier son exposition à ses activités pour compte propre en augmentant son nombre de filiales. Désormais, l'ensemble des filiales est considérée comme une entité unique, distincte du groupe, comme si elles étaient une seule et même contrepartie externe.
La commission des finances a enfin adopté deux amendements rédactionnels.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié .
ARTICLE 1er bis A (Art. L. 465-2 et L. 621-15 du code monétaire et financier) Sanctions des abus de marché destinés à manipuler le cours des matières premières
Décision de la commission : votre commission a supprimé cet article pour le déplacer, dans une rédaction modifiée, à l'article 4 quater , au sein d'une section spécifique consacrée à la régulation du marché des matières premières .
ARTICLE 1er bis (Art. L. 451-3-1 [nouveau] du code monétaire et financier) Obligation d'information sur les systèmes de négociation automatisés
Décision de la commission : votre commission a supprimé cet article pour le déplacer, dans une rédaction modifiée, à l'article 4 quinquies, au sein d'une section spécifique consacrée à l'encadrement du trading à haute fréquence .
ARTICLE 1er ter (Article L. 465-2 et L. 621-15 du code monétaire et financier) Répression de la tentative d'abus de marché
Décision de la commission : votre commission a supprimé cet article pour le déplacer, sans le modifier, à l'article 4 septies au sein d'une section spécifique consacrée à la répression des abus de marché .
ARTICLE 2 (Art. L. 612-33-1 [nouveau] et L. 612-35 du code monétaire et financier) Pouvoirs d'interdiction de l'ACPR
Commentaire : le présent article permet à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de limiter ou de suspendre l'exercice de certaines opérations, lorsque l'activité d'une personne soumise à son contrôle est susceptible de porter atteinte à la stabilité financière .
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article introduit un nouvel article L. 612-33-1 au sein du code monétaire et financier (CMF), dans la section consacrée aux mesures de police administrative de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Le nouvel article prévoit que « lorsque l'activité d'une personne soumise à son contrôle est susceptible de porter atteinte à la stabilité financière ainsi que dans les situations d'urgence prévues » par le règlement européen instituant l'Autorité bancaire européenne (ABE), l'ACPR « peut décider de limiter ou de suspendre l'exercice de certaines opérations par cette personne ».
Les pouvoirs d'urgence de l'ABE A la suite de la crise financière, l'Union européenne a créé, entre autre, un régulateur unique des banques : l' Autorité bancaire européenne (ABE) 26 ( * ) . Conformément à l'article 18 du règlement l'instituant, l'ABE peut agir directement en cas de situation d'urgence. La situation est définie comme « des circonstances défavorables [risquant] de compromettre gravement le bon fonctionnement et l'intégrité des marchés financiers ou la stabilité globale ou partielle du système financier de l'Union européenne ». Seul le Conseil de l'Union européenne est habilité à adopter une décision constatant une situation d'urgence, éventuellement à la demande de l'ABE. « Lorsque le Conseil a adopté une décision [...] et dans des cas exceptionnels où une action coordonnée des autorités nationales est nécessaire en réponse à des circonstances défavorables qui risquent de compromettre gravement le bon fonctionnement et l'intégrité des marchés financiers ou la stabilité globale ou partielle du système financier dans l'Union, [l'ABE] peut arrêter des décisions individuelles imposant aux autorités compétentes l'obligation de prendre les mesures nécessaires [...] pour traiter cette situation [...]. « Si une autorité compétente ne se conforme pas à la décision de [l'ABE] dans le délai imparti par ladite décision, [l'ABE] peut [...] adopter à l'égard d'un établissement financier une décision individuelle lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour respecter les obligations qui lui incombent [...] , notamment la cessation d'une pratique ». |
En vertu de l'article L. 612-35 du CMF, l'ACPR ne peut engager de telles mesures de police administrative qu'au terme d'une procédure contradictoire. Toutefois, quand des circonstances particulières d'urgence le justifient, l'Autorité peut ordonner, à titre provisoire, certaines mesures conservatoires 27 ( * ) .
Le présent article vient modifier l'article L. 612-35 du CMF afin que les mesures mentionnées par le nouvel article L. 612-33-1 puissent également être engagées, à titre provisoire, sans procédure contradictoire.
*
L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article est cohérent avec le renforcement des pouvoirs de l'ACPR réalisé par plusieurs autres articles du présent projet de loi. Il s'articule avec le droit européen applicable en matière d'urgence .
S'agissant de pouvoirs exceptionnels, ces mesures ne devraient trouver à s'appliquer que très rarement. Il est néanmoins nécessaire que le régulateur dispose d'une base juridique solide pour agir en urgence .
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .
ARTICLE 3 (Art. L. 531-2 du code monétaire et financier) Interdiction de l'exemption d'agrément pour les filiales
Commentaire : le présent article prévoit que les filiales cantonnées ne peuvent faire l'objet d'une exemption d'agrément .
I. LE DROIT EXISTANT
L'article L. 531-2 du code monétaire et financier (CMF) énumère les personnes qui « peuvent fournir des services d'investissement [...] sans être soumis [es] à la procédure d'agrément ». L'Etat, la Banque de France, les entreprises d'assurance sont, entre autres, exemptés. L'article établit une liste de dix-huit catégories de personnes pouvant être exemptées.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article ajoute un nouvel alinéa à l'article L. 531-2 précité qui dispose que les filiales cantonnées « ne peuvent bénéficier de l'exemption d'agrément prévue au présent article ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
La disposition introduite par le présent article est particulièrement nécessaire puisque, parmi les personnes pouvant être exemptées, figurent « les personnes qui ne fournissent aucun autre service d'investissement que la négociation pour compte propre ». L'interdiction absolue d'exemption d'agrément pour les filiales cantonnées vient donc lever toute ambiguïté : les filiales cantonnées devront toujours faire l'objet d'un agrément.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .
ARTICLE 4 Modalités d'application du titre Ier
Commentaire : le présent article prévoit les mesures transitoires et les modalités d'application du titre I er relatif à la séparation des activités .
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le I du présent article prévoit tout d'abord que les dispositions relatives à la séparation des activités ne sont pas applicables à la gestion extinctive des portefeuilles d'instruments financiers existant à la date de publication de la présente loi. Cet alinéa évite notamment à la société Natixis (groupe BPCE) de filialiser certains de ses portefeuilles d'actifs toxiques qu'elle gère en extinction et qu'elle a prévu de céder intégralement.
Les sociétés tête de groupe devront identifier, au plus tard le 1 er juillet 2014, les activités à transférer dans la filiale cantonnée. « Le transfert effectif de ces activités intervient au plus tard le 1 er juillet 2015 ». L'ensemble des règles relatives aux systèmes de contrôle interne doivent être respectées au plus tard le 1 er juillet 2014.
Enfin, le dernier alinéa de l'article prévoit que « le transfert de l'ensemble des biens, droits et obligations de toute nature liés aux activités [cantonnées] est réalisé de plein droit et sans qu'il soit besoin d'aucune formalité ».
En outre, le transfert des activités dans la filiale cantonnée n'emporte pas de conséquences juridiques sur les contrats en cours qu'ils se poursuivent avec la société tête de groupe, une de ses filiales ou la filiale cantonnée. En particulier, ledit transfert n'est pas de nature à justifier leur résiliation ou la modification de l'une de leurs clauses ou encore le remboursement anticipé des dettes.
*
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
La filialisation des activités menées pour compte propre nécessitera probablement un important travail d'identification et de recensement pour les groupes concernés.
Ils disposeront d'un délai d'environ un an pour le mener à bien, ce qui apparaît raisonnable , d'autant que ce délai s'impose également au régulateur. Ce point n'a, en tout cas, jamais été soulevé lors des auditions conduites par votre rapporteur.
Par ailleurs, il semble très important que le transfert des activités ne change en rien les relations contractuelles déjà établies . Une rupture brutale et unilatérale des contrats, pouvant notamment conduire à des demandes de remboursement anticipé de dettes, serait de nature à déstabiliser les établissements concernés.
Votre commission des finances a adopté un amendement rédactionnel.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié .
TITRE IER BIS TRANSPARENCE ET
LUTTE CONTRE LES DÉRIVES FINANCIÈRES
CHAPITRE IER LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX ET LE
BLANCHIMENT DES CAPITAUX
ARTICLE 4 bis A Débat annuel sur la liste des paradis fiscaux
Commentaire : le présent article instaure un débat parlementaire annuel sur la liste des paradis fiscaux établie en application du code général des impôts .
I. LE DROIT EXISTANT
A. UNE LISTE FRANÇAISE
Créé par l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 2009 28 ( * ) , l'article 238-0 A du code général des impôts (CGI) prévoit la publication annuelle d'une liste d'Etats ou territoires non coopératifs (ETNC), plus communément appelés « paradis fiscaux » .
Au 1 er janvier 2010, ont été inscrits les Etats ou territoires n'ayant pas conclu avec la France « une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention ».
La liste est mise à jour chaque année par arrêté des ministres chargés de l'économie et du budget, après avis du ministre des affaires étrangères. Des Etats ou territoires peuvent donc être retirés ou être inscrits sur ladite liste. Plusieurs cas sont distingués par le code général des impôts.
Sont retirés de la liste, les Etats ou territoires qui ont conclu avec la France « une convention d'assistance administrative permettant d'échanger tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties ».
Sont ajoutés les Etats ou territoires qui, bien qu'ayant conclu avec la France une telle convention, n'ont pas permis « à l'administration des impôts d'obtenir les renseignements nécessaires à l'application de la législation fiscale française ».
Enfin, peuvent être retirés ou ajoutés, ceux qui, n'ont pas conclu de telles conventions avec la France (et auxquels elle n'a pas proposé de contracter) et dont le « Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations en matière fiscale, créé par la décision du conseil de l'Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE] en date du 17 septembre 2009, considère, selon le cas, qu'ils procèdent, ou non, à l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application des législations fiscales ».
Dans ce dernier cas, l'inscription ou non sur la liste relève donc de l'appréciation d'un organe de l'OCDE.
B. UNE PRÉSOMPTION D'ÉVASION FISCALE
Plusieurs articles du code général des impôts font référence à la liste établie par l'article 238-0 A. Toute relation financière avec l'un des territoires inscrit sur la liste est alors présumée comme étant de l'évasion fiscale et, à ce titre, se voit appliquer un régime d'imposition plus sévère.
Par exemple, le régime des sociétés mères n'est pas applicable aux produits d'une société située dans un ETNC (article 145 du CGI).
C. UNE LISTE DÉSORMAIS LIMITÉE À HUIT ETNC
La liste publiée au titre de l'année 2010 (arrêté du 12 février 2010) comprenait dix-huit ETNC 29 ( * ) . Pour l'année 2011, deux ETNC ont été retirés tandis que deux ont été ajoutés 30 ( * ) .
Pour l'établissement de la liste pour l'année 2012 (arrêté du 4 avril 2012), dix ETNC ont été retirés. A ce jour, il ne reste plus que huit d'entre eux : le Botswana, Montserrat, Brunei, Nauru, le Guatemala, Niue, les Iles Marshall et les Philippines .
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Introduit à l'initiative de nos collègues députés Guillaume Bachelay, Sandrine Mazetier, Thomas Thévenoud et Razzy Hammadi, le présent article prévoit que « la liste des Etats et territoires non coopératifs, tels que définis à l'article 238-0 A du code général des impôts, fait l'objet d'un débat chaque année devant les commissions des finances et des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat, en présence du ministre chargé des finances ».
En séance, notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, a émis un avis défavorable au nom de la commission estimant que « l'examen du projet de loi de finances annuel doit normalement être l'occasion d'organiser un tel débat ».
Pour sa part, Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, a exprimé un « avis de sagesse qui incite plutôt au retrait, mais sans virulence », afin de ne pas trop « rigidifier le sujet ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. DES LISTES OFFICIELLES DIVERGENTES ET INCOMPLÈTES
Comme l'indique, à juste titre, notre collègue Eric Bocquet, rapporteur de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux hors de France et ses incidences fiscales, la cartographie des paradis fiscaux est à « géométrie variable ».
A cet égard, plusieurs organismes internationaux ont établi des listes de « paradis fiscaux ». L'OCDE fut la première à se saisir du sujet. La crise financière a conduit le G 20 à relancer ces travaux et à mettre parmi ses priorités la lutte contre les paradis fiscaux.
Lors de son audition, le 20 février 2013, devant votre commission des finances, Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), a indiqué que « s'agissant des paradis fiscaux, je ne saurai en livrer une définition qui ferait autorité. Le rapport de l'OCDE de 1998 se fondait sur quatre critères - absence de fiscalité, de transparence, de coopération fiscale et d'activité économique réelle - ce qui a alors abouti à l'inscription de quarante-et-un pays ».
La place du critère de coopération fiscale, pour l'OCDE comme pour la France, est essentielle . La signature de conventions d'assistance administrative mutuelle constitue dès lors la preuve de la bonne volonté des Etats. Or nombre de ces conventions ont été conclues au cours des quatre dernières années. A titre d'illustration, la commission des finances a examiné 36 projets de loi autorisant la ratification de conventions fiscales depuis janvier 2009.
Le Groupe d'action financière (GAFI) 31 ( * ) est un organe international de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il établit également une liste des Etats dont l'arsenal juridique est insuffisant pour combattre ces fléaux. La fraude fiscale fait désormais partie des critères qu'il utilise pour établir sa « liste noire » et sa « liste grise ». Sur cette dernière liste, figurent les Etats qui ont accepté de mettre en oeuvre un plan d'action élaboré avec le GAFI.
Liste des « paradis fiscaux »
Liste française des ETNC
|
Liste des territoires non-coopératifs de l'OCDE
|
Liste « grise » et
« noire » du GAFI
|
Algérie |
||
Angola |
||
Antigua-et-Barbuda |
||
Argentine |
||
Bangladesh |
||
Bolivie |
||
Botswana |
||
Brunei |
Brunei |
|
Cambodge |
||
Corée du Nord |
||
Cuba |
||
Équateur |
||
Éthiopie |
||
Ghana |
||
Guatemala |
Guatemala |
|
Iles Marshall |
||
Indonésie |
||
Iran |
||
Kenya |
||
Kirghizstan |
||
Maroc |
||
Mongolie |
||
Montserrat |
||
Myanmar |
||
Namibie |
||
Nauru |
Nauru |
|
Népal |
||
Nicaragua |
||
Nigéria |
||
Niue |
Niue |
|
Pakistan |
||
Philippines |
Philippines |
|
Sao Tome et Principe |
||
Soudan |
||
Sri Lanka |
||
Syrie |
||
Tadjikistan |
||
Tanzanie |
||
Thaïlande |
||
Trinité-et-Tobago |
||
Turkménistan |
||
Turquie |
||
Venezuela |
||
Vietnam |
||
Yémen |
||
Zimbabwe |
Source : rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, rapport n° 673 (2011-2012), p. 214-215
Seuls trois ETNC sont toujours inscrits sur la liste de l'OCDE, tandis que huit figurent sur la liste française . Le GAFI recense quarante Etats mais sa liste repose sur des critères bien plus larges que la seule possibilité d'optimisation ou d'évasion fiscale.
Les listes ne sont pas inutiles mais elles restent, de l'avis unanime, incomplètes puisque certains pays notoirement connus pour leur fiscalité attractive n'y figurent pas . A titre d'exemple, certains pays, y compris dans l'Union européenne, pratiquent des taux d'imposition délibérément faibles sur les plus-values ou sur les bénéfices. Ils pourraient être littéralement qualifiés de « paradis fiscaux », mais, parce qu'ils sont coopératifs, ils sont exclus de les listes.
B. LA DIFFICILE DÉFINITION « OBJECTIVE » D'UN PARADIS FISCAL
La commission d'enquête du Sénat sur l'évasion des capitaux hors de France a montré le lien consubstantiel entre paradis fiscaux et évasion fiscale. Néanmoins, notre collègue Eric Bocquet, dans son rapport, faisait le constat que les listes mentionnées plus haut appréhendent mal la réalité du phénomène des paradis fiscaux .
La commission d'enquête du Sénat recommandait tout d'abord de « conditionner le retrait d'un Etat de la liste française des ETNC non pas à la simple signature d'une convention fiscale avec la France mais à la mise en oeuvre effective d'une coopération fiscale de cet Etat avec la France au titre de cette convention » (proposition n° 40).
Néanmoins, la véritable limite tient au fait que ces listes ne se fondent pour beaucoup sur le critère de la coopération entre autorités administratives . Or ce critère est décisif pour lutter contre la fraude mais pas contre l'évasion des bases fiscales.
Devant votre commission des finances, Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, a d'ailleurs indiqué qu'il y a « une forme d'échec de la procédure de lutte contre les paradis fiscaux consistant à évoquer des territoires non coopératifs. Leur liste, très restreinte, n'est pas forcément pertinente ».
Le législateur doit par conséquent s'interroger sur la pertinence des critères retenus pour établir la liste prévue par l'article 238-0 A du CGI. Mais, au-delà de la simple question de la non-coopération entre autorités administratives, il apparaît très délicat de donner une définition juridique objective d'un « paradis fiscal » .
Au surplus, même avec des critères objectifs, inscrire un pays sur une liste « grise » ou « noire » entraîne toujours des difficultés diplomatiques avec l'Etat concerné.
C. UN DÉBAT FORMEL, UN OUTIL INAPPROPRIÉ
Le Parlement doit naturellement prendre toute sa place dans ce travail de lutte contre les « paradis fiscaux ». Faut-il pour autant contraindre le débat au point de l'inscrire formellement dans la loi ?
Comme le soulignait justement notre collègue députée Karine Berger, l'examen du projet de loi de finances est le moment privilégié du débat sur cette question, sans qu'il soit nécessaire de le prévoir dans une loi . Il est d'ailleurs toujours loisible aux commissions des deux assemblées d'organiser, à tout moment , des auditions des ministres et des personnalités qualifiées sur ce thème. Il n'apparaît pas nécessaire que la loi vienne rigidifier à l'excès le travail parlementaire .
En outre, le débat ne saurait porter que sur les ETNC inscrits sur la liste. Les modalités d'élaboration de cette liste semblent au moins aussi importantes. Or il convient que celles-ci fassent l'objet d'une certaine permanence, à moins de revoir, année après année, les critères de définition d'un « paradis fiscal ». Et, dans ce cas, le débat aura naturellement lieu en commission et en séance publique lors de l'examen du projet de loi de finances.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission des finances a supprimé cet article.
Décision de la commission : votre commission a supprimé cet article .
ARTICLE 4 bis (Art. L. 511-45 du code monétaire et financier) Transparence des activités bancaires pays par pays
Commentaire : le présent article oblige les banques à publier, pour chaque Etat ou territoire où elles sont implantées, le nom et la nature des activités, leur produit net bancaire et leurs effectifs .
I. LE DROIT EXISTANT
A. UNE OBLIGATION DE TRANSPARENCE DES ACTIVITÉS DANS LES ETATS ET TERRITOIRES NON COOPÉRATIFS
La loi de finances rectificative de 2008 pour le financement de l'économie 32 ( * ) , votée en urgence suite à la chute de Lehman Brothers, organisait un système de financements garantis (Société de financement de l'économie française - SFEF) et de prises de participations (Société de prise de participations de l'Etat - SPPE).
Son article 6 prévoyait que la convention de garantie signée entre un établissement de crédit et l'Etat, pour obtenir des financements de la SFEF, devait préciser « les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques conformes à l'intérêt général », parmi lesquels figure une obligation de transparence des activités conduites dans les « paradis fiscaux ».
Toutefois, une convention de garantie est un document contractuel qui n'est ni de portée générale, ni approprié pour une mise à disposition du public des informations ainsi recueillies.
C'est pourquoi l'article 7 de la loi du 18 juin 2009 fusionnant les Caisses d'épargne et les Banques populaires 33 ( * ) a inséré dans le code monétaire et financier (CMF) un nouvel article L. 511-45 disposant que « les établissements de crédit publient en annexe à leurs comptes annuels des informations sur leurs implantations et leurs activités dans les Etats ou territoires non coopératifs au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts ».
L'article 238-0 A du code général des impôts prévoit la publication annuelle d'une liste - française - d'Etats et territoires non coopératifs (ETNC) 34 ( * ) . Aux termes d'un arrêté du 4 avril 2012, figurent sur cette liste : le Botswana, Brunei, le Guatemala, les Iles Marshall, Montserrat, Nauru, Niue et les Philippines.
Conformément à l'arrêté d'application de l'article L. 511-45 précité, les établissements de crédit doivent publier chaque année :
« - la liste des implantations directes ou indirectes détenues dans cet Etat ou territoire : succursales, filiales et participations dans d'autres entités faisant l'objet d'un contrôle exclusif ou conjoint [...] ;
« - la dénomination sociale, le pourcentage de capital ou des droits de vote détenus, la forme juridique et, le cas échéant, la nature de l'agrément, ainsi qu'une description de la nature des activités pour chacune de ces implantations.
« Les établissements de crédit décrivent également le processus de décision en matière d'implantation et de surveillance des risques dans les Etats ou territoires précités ».
B. UN DISPOSITIF RESPECTÉ MAIS TROP LIMITÉ
L'obligation est respectée par les banques comme le montre, ci-dessous, deux extraits de documents de référence, respectivement de BNP Paribas et de la Société générale.
Source : BNP Paribas, document de référence et rapport financier 2011
N.B : en 2011, Panama était inscrit sur la liste française des ETNC.
Source : Société générale, document de référence 2013
La principale limite du dispositif reste que la liste française ne recense que huit ETNC .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article a été adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur proposition de nos collègues députés Eric Alauzet et Eva Sas, avec des avis favorables de la commission et du Gouvernement.
Il dispose que, « à compter de l'exercice 2013 et pour publication à partir de 2014, les établissements de crédit , compagnies financières et compagnies financières holding mixtes publient en annexe à leurs comptes annuels des informations sur leurs implantations et leurs activités dans chaque Etat ou territoire . Les résultats sont agrégés à l'échelle de ces Etats ou territoires ».
Trois types d'informations devront être publiés :
- le nom et la nature des activités ;
- le produit net bancaire ;
- les effectifs en personnel .
Enfin, l'article précise qu' un rapport comprenant ces informations est « mis à disposition du public , dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ».
En séance publique, à l'initiative de notre collègue député Dominique Potier et de plusieurs membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements, avec des avis favorables de la commission et du Gouvernement.
Le premier prévoit que les informations sont publiées « au plus tard six mois après la reddition de leurs comptes annuels ». Le second est rédactionnel.
Enfin, sur proposition de notre collègue député Jean-Noël Carpentier et de plusieurs membres du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, l'Assemblée nationale a adopté un amendement, avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement, afin de préciser que les effectifs en personnels sont exprimés en équivalent temps plein.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE APPROCHE RÉALISTE ET ÉQUILIBRÉE
Ainsi que le souligne votre rapporteur dans le commentaire de l'article 4 bis A du présent projet de loi, la démarche retenue jusqu'à présent de publier des listes de « paradis fiscaux » se révèle partiellement inopérante.
Ces listes ne sont pas inutiles mais elles restent, de l'avis unanime, incomplètes puisque certains pays notoirement connus pour leur fiscalité attractive n'y figurent pas.
Le présent article ne supprime pas le droit existant. Les banques auront toujours l'obligation de faire une mention spéciale dans leurs comptes annuels relative aux pays figurant sur la liste française des ETNC.
Néanmoins, l'approche retenue par l'Assemblée nationale prend acte du caractère largement insatisfaisant de la constitution de listes de paradis fiscaux. Dès lors, la publication d'informations dans le monde entier se révélait être la seule option possible .
Le champ des informations à publier a, lui aussi, fait l'objet d'un débat nourri à l'Assemblée nationale. Outre les trois critères introduits par le présent article, plusieurs de nos collègues députés ont présenté des amendements afin que la transparence porte également sur les bénéfices réalisés et sur les impôts acquittés dans chaque territoire .
L'Assemblée nationale a, là encore, retenu une démarche réaliste. Comme l'indiquait Karine Berger, rapporteure, devant la commission des finances : « la communication des seules informations relatives au chiffre d'affaires et aux effectifs en personnel devrait suffire pour repérer les agissements condamnables ».
En effet, il sera aisé d'identifier les banques qui réalisent un chiffre d'affaires manifestement disproportionné au regard des effectifs qu'elles emploient dans un pays. Il faut d'ailleurs rappeler que la plupart des établissements implantés dans des paradis fiscaux n'emploient aucun salarié dans ces Etats.
Les critères du bénéfice et des impôts acquittés pourraient constituer des moyens intéressants pour localiser l'optimisation fiscale, voire la fraude, réalisée par une entreprise. Mais, ainsi que le soulignait, lors des débats, Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, « pour ce qui est des banques, [...] nous cherchons moins à éviter la fraude ou l'optimisation fiscale qu'à identifier si une banque est susceptible de participer à des activités de fraude ou de blanchiment d'argent, ou de développer une activité offshore sans lien avec l'économie du pays ».
Ainsi, dès lors qu'ils ne sont pas absolument indispensables pour atteindre le but poursuivi, il ne semble pas opportun de contraindre à la publication des bénéfices et des impôts acquittés 35 ( * ) . Dans un contexte de concurrence internationale, il convient en effet de ne pas contraindre les banques françaises à révéler plus d'informations que nécessaire.
Lors de ses différentes auditions, votre rapporteur s'est d'ailleurs assuré que les dispositions votées par l'Assemblée nationale ne risqueraient pas de porter un préjudice économique aux banques françaises.
Le dispositif établi par le présent article apparaît donc tout à fait équilibré, même s'il pourra toujours faire l'objet d'un durcissement si un accord européen devait être trouvé sur cette question .
B. DES AJUSTEMENTS TECHNIQUES NÉCESSAIRES
Votre commission des finances a adopté trois amendements visant à corriger plusieurs points.
Un premier amendement précise que la transparence s'applique aux implantations comprises dans le périmètre de consolidation comptable de la banque . Concrètement, conformément aux règles du code de commerce, seules sont visées les entités sur lesquelles la banque dispose d'un « pouvoir d'influence notable » 36 ( * ) .
Le texte comprend une ambiguïté puisque le « document de transparence » doit être publié en annexe aux comptes annuels « dans les six mois suivant » la clôture de ces comptes. Or, en pratique, la publication des comptes intervient au mois de mars.
Votre commission des finances a donc adopté un deuxième amendement visant à préciser que ce document est publié en annexe des comptes ou dans les six mois suivant la clôture.
Enfin, un dernier amendement a apporté plusieurs précisions. Il est tout d'abord indiqué que cette obligation de transparence ne s'applique qu'aux établissements dont le siège social est situé en France.Outre des modifications rédactionnelles, il est également prévu que le décret en Conseil d'Etat vienne définir et préciser les conditions de mise en oeuvre de l'ensemble des obligations prévues par le texte et pas seulement les modalités de publication des informations.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié .
ARTICLE 4 ter A (Art. L. 561-10 et L. 561-11 du code monétaire et financier) Renvoi aux listes du GAFI en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
Commentaire : le présent article clarifie le code monétaire et financier en prévoyant des mesures de vigilance accrues pour les opérations effectuées avec des Etats ou territoires inscrits sur les listes « noire » et « grise » du GAFI, organisme spécialisé dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme .
I. LE DROIT EXISTANT
Le code monétaire et financier (CMF) comprend un arsenal important en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Le code retient un champ très large de personnes concernées : Banque de France, établissements de crédit, entreprises d'investissement, établissements de paiement, établissements de monnaie électronique, entreprises d'assurance, agents sportifs, avocats, notaires, etc. 37 ( * ) .
En particulier, elles sont soumises à des obligations de vigilance à l'égard de leur clientèle, en particulier avant d'entrer en relation d'affaires avec elle. Par exemple, tout client devra clairement être identifié « sur présentation de tout document écrit probant ». Elles devront également signaler à TRACFIN 38 ( * ) tout mouvement de fonds suspect.
L'article L. 561-10 du CMF prévoit que les personnes soumises à ces obligations « appliquent des mesures de vigilance complémentaires à l'égard de leur client [...] lorsque : [...]
« 4° L'opération est une opération pour compte propre ou pour compte de tiers effectuée avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans un Etat ou un territoire mentionné au VI de l'article L. 561-15 ».
Il convient de préciser que l'article L. 561-11 du même code fait également référence aux Etats ou territoires mentionnés « au VI de l'article L. 561-15 ».
Les Etats ou territoires mentionnés au VI de l'article L. 561-15 sont ceux « dont les insuffisances de la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme » (LBC/FT).
Concrètement, il s'agit des Etats ou territoires figurant sur les listes du Groupe d'action financière (GAFI), organisme international spécialisé dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme .
Le GAFI établit une « liste noire » composée, d'une part, des « juridictions à l'encontre desquelles le GAFI appelle ses membres et les autres juridictions à appliquer des contre-mesures » et, d'autre part, des « juridictions présentant des défaillances stratégiques en matière de LBC/FT et qui n'ont pas réalisé de progrès suffisants ou qui ne se sont pas engagées à suivre un plan d'action élaboré avec le GAFI afin de corriger leurs défaillances ».
Il publie également une « liste grise », à savoir les juridictions présentant des « défaillances stratégiques » mais ayant élaboré avec le GAFI un plan d'action visant à les corriger.
Au 19 octobre 2012, 21 juridictions apparaissent sur la liste grise et 17 sur la liste noire. En outre, 5 d'entre elles font l'objet d'une mention spéciale indiquant qu'elles sont susceptibles de « basculer » de l'une vers l'autre liste .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article a été introduit à l'initiative de notre collègue député Pascal Cherki et de plusieurs autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il consiste à remplacer au sein de l'article L. 561-10 et L. 561-11 du CMF les références aux Etats et territoires « mentionnés au VI de l'article L. 561-15 » par une référence aux Etats et territoires « figurant sur les listes publiées par le Groupe d'action financière parmi ceux dont la législation ou les pratiques font obstacle à celle-ci ».
En séance, notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement rédactionnel. Le Gouvernement a exprimé un avis favorable sur l'amendement ainsi sous-amendé.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article est le premier des quatre du projet de loi consacrés à la lutte contre le blanchiment.
Il constitue essentiellement une utile clarification du droit existant et n'appelle pas de commentaire particulier de la part de votre rapporteur.
Votre commission des finances a adopté un amendement de coordination.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié .
ARTICLE 4 ter B (Art. L. 561-29 du code monétaire et financier) Transmission d'informations par TRACFIN aux autorités judiciaires et à l'administration des douanes
Commentaire : le présent article vise à élargir la possibilité pour le service de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) de transmettre des informations aux autorités judiciaires et à l'administration des douanes .
I. LE DROIT EXISTANT
L'article L. 561-23 du code monétaire et financier (CMF) dispose que le service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) « recueille, analyse, enrichit et exploite tout renseignement propre à établir l'origine ou la destination des sommes ou la nature des opérations » ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon par les professionnels. Lorsque le travail d'analyse conduit à mettre en évidence des faits relevant du blanchiment du produit d'une infraction ou du financement du terrorisme, il « saisit le procureur de la République par note d'information ».
En dehors de cette saisine du procureur de la République, l'article L. 561-29 du CMF pose un principe de confidentialité et d'interdiction de divulgation . Ce même article prévoit cependant une série d'exceptions, encadrées de façon spécifique, correspondant notamment à plusieurs services de l'Etat : douanes et police judiciaire, sécurité, administration fiscale.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit à l'initiative de notre collègue député Pascal Cherki et de plusieurs autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, après avis favorable de notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, et du Gouvernement, consiste à élargir la possibilité, pour TRACFIN, de transmettre des informations aux douanes et aux autorités judiciaires .
D'une part, alors qu'une telle transmission est aujourd'hui conditionnée au fait que les informations relèvent du blanchiment ou du financement du terrorisme, elle pourrait désormais avoir lieu dès lors que les informations sont « en lien avec les missions de ces services ».
D'autre part, alors que la transmission est aujourd'hui limitée à la police judiciaire, le présent article l'étend aux « autorités judiciaires », ce qui recouvre également les juridictions.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Aujourd'hui, TRACFIN ne peut transmettre d'informations sur des opérations qu'au procureur de la République et seulement si elles constituent une infraction .
Par exception, l'article L. 561-29 permet déjà à TRACFIN de transmettre des informations aux douanes et à la police judiciaire.
Dans le sens du renforcement de la coordination des autorités en matière de lutte contre le blanchiment, le présent article a principalement pour objet de permettre à TRACFIN de transmettre ces informations aux juges, en plus des douanes et de la police judiciaire . Peuvent notamment y être intéressés les tribunaux de commerce ou les juges d'application des peines.
Par ailleurs, il vise à préciser que les informations transmises dans ce cadre peuvent ne pas relever en elles-mêmes d'une infraction : il s'agit de transmettre des éléments complémentaires qui, sans constituer à proprement parler une infraction, peuvent utilement étayer l'instruction ou l'appréciation d'une autre affaire . Le ministère, en réponse au questionnaire de votre rapporteur, souligne ainsi qu'il pourrait « s'agir, par exemple, d'informations détenues par TRACFIN sur une société faisant l'objet d'une procédure collective, ou des informations sur la localisation d'une personne recherchée ».
Le présent article représente donc une base juridique utile à la coopération entre TRACFIN d'une part et la justice d'autre part .
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .
ARTICLE 4 ter C (Art. L. 561-30 du code monétaire et financier) Transmission d'informations à TRACFIN par l'Autorité de contrôle prudentiel, l'Autorité des marchés financiers et les ordres professionnels
Commentaire : le présent article renforce l'obligation faite à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, à l'Autorité des marchés financiers et aux ordres professionnels et instances représentatives nationales de transmettre à TRACFIN les informations sur des opérations susceptibles d'être liées au blanchiment d'argent ou au financement du terrorisme .
I. LE DROIT EXISTANT
L'article L. 561-30 du code monétaire et financier (CMF) dispose que les autorités de contrôle que sont l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et l'Autorité des marchés financiers (AMF) , ainsi que les ordres professionnels et instances représentatives nationales 39 ( * ) échangent avec le service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) toute information utile à leurs missions respectives.
L'article précise que ces autorités de contrôle et ordres professionnels informent TRACFIN des « faits susceptibles d'être liés au blanchiment des capitaux ou au financement du terrorisme » . A leur demande, TRACFIN peut les tenir informés des suites qui ont été données à ces déclarations.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Pascal Cherki et de plusieurs autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il consiste à préciser que les autorités de contrôle, les ordres professionnels et les instances représentatives nationales transmettent à TRACFIN non seulement les informations relatives à des faits susceptibles de relever du blanchiment ou du financement du terrorisme, mais également de « toute somme ou opération visées à l'article L. 561-15 » du CMF, soit également des faits relevant de la fraude fiscale, de la transmission de patrimoine douteuse ou d'opérations avec un Etat ou territoire non coopératif. Ces opérations étaient cependant d'ores et déjà couvertes, en pratique, par la possibilité de transmission.
Surtout, le présent article vise à souligner le caractère impératif de la transmission d'information, qui doit être réalisée « sans délai » .
En séance, notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement rédactionnel. Le Gouvernement a exprimé un avis favorable sur l'amendement ainsi sous-amendé.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article a pour objet de renforcer la transmission d'informations à TRACFIN par les différentes autorités de contrôle (ACP, AMF), ainsi que par les ordres professionnels et instances représentatives pouvant recueillir, dans l'exercice de leurs missions, des informations relatives au blanchiment ou au financement du terrorisme.
Depuis la création de TRACFIN, l'ACP et l'AMF se sont dotées de correspondants avec le service , spécialistes en matière de vigilance dans la lutte contre le blanchiment. S'agissant de l'ACP plus spécifiquement, un officier de liaison de l'Autorité est installé en permanence depuis 2010 dans les locaux de TRACFIN et centralise le suivi des échanges d'informations avec le service.
Dans son rapport public annuel 2012, la Cour des comptes , jugeant le fondement juridique peu clair, a souligné la nécessité, pour TRACFIN, de rappeler aux autorités de contrôle leurs obligations déclaratives 40 ( * ) . Dans ce contexte, votre rapporteur juge utile que soit clarifiée la base juridique et que soit renforcé son caractère impératif , s'agissant de la transmission d'informations, déjà existante, entre les autorités de contrôle et TRACFIN.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .
ARTICLE 4 ter (Art. L. 561-15 et L. 561-15-1 du code monétaire et financier) Création d'un régime de transmission automatique d'informations à TRACFIN
Commentaire : le présent article vise à créer, à côté du régime actuel de déclaration de soupçon à TRACFIN, un nouveau régime spécifique de transmission automatique d'informations dès lors que les opérations financières en question présentent un risque en raison de leur pays d'origine ou de destination, de leur nature ou de la forme juridique des personnes qu'elles concernent .
I. LE DROIT EXISTANT
Créé par la loi du 12 juillet 1990 41 ( * ) à la suite des conclusions du sommet de l'Arche du G 7 de 1989, et régi par les articles L. 561-23 et suivants du code monétaire et financier (CMF), le service de renseignement financier national, TRACFIN, fonde son action sur le recueil des déclarations faites par les professionnels, en particulier les établissements financiers, dès lors qu'ils soupçonnent qu'une opération financière est susceptible de relever du blanchiment du produit d'une infraction ou du financement du terrorisme .
Cette procédure de déclaration de soupçon, encadrée par les articles L. 561-23 et L. 561-15 du CMF, constitue l'essentiel des informations traitées par TRACFIN, puisque 95 % des informations reçues par TRACFIN émanent des professionnels assujettis . D'après le rapport d'activité 2011, TRACFIN a reçu en 2011 plus de 24 000 informations , ce qui représente une hausse de 19 % par rapport à 2010 et un doublement par rapport à 2005. Sur cette base, il a effectué plus de 26 000 actes d'investigation et établi plus de 1 000 notes d'information , transmises au procureur de la République.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit par la commission des finances à l'initiative de notre collègue député Pascal Cherki et d'autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, vise à compléter l'article L. 561-15-1 du CMF, afin de créer, à côté du régime de déclaration de soupçon, un nouveau régime de transmission systématique d'informations à TRACFIN .
Le présent article prévoit ainsi que le nouveau régime reposerait sur une transmission automatique des informations dès lors que l'opération concernée remplirait trois critères objectifs , qui devront être précisés par un décret en Conseil d'Etat :
- le territoire d'origine ou de destination des fonds ;
- le type d'opérations ;
- les structures juridiques concernées .
Le présent article précise que les informations adressées via le régime de transmission automatique sont sans préjudice des déclarations de soupçon qui peuvent être faites, pour les mêmes opérations, par les professionnels assujettis .
Par coordination avec la création de ce nouveau régime, le présent article supprime, au sein de l'article L. 561-15 du CMF relatif à la déclaration de soupçon, deux alinéas qui permettent actuellement à TRACFIN de recueillir certaines informations sur les opérations douteuses ou dont le pays d'origine ou la destination est douteux. En effet, ces informations feraient désormais l'objet d'une transmission automatique aux termes de la nouvelle rédaction de l'article L. 561-15-1.
Par ailleurs, le présent article complète l'actuel régime de déclaration de soupçon en prévoyant que les « tentatives d'opérations » doivent également faire l'objet d'une telle déclaration par les professionnels.
Enfin, il procède à plusieurs corrections rédactionnelles s'agissant du régime, récemment créé par la loi du 28 janvier 2013, d'information sur les opérations réalisées par monnaie électronique 42 ( * ) .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Les progrès réalisés ces dernières années en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme se signalent par la progression de l'activité de TRACFIN , qui a reçu en 2011 deux fois plus de déclarations de soupçons de la part des établissements financiers - en particulier des établissements de crédit et des entreprises d'assurance - qu'en 2005. Cette évolution est notamment liée à la transposition de la troisième directive européenne « anti-blanchiment » de 2005 43 ( * ) , qui a renforcé l'obligation de vigilance des professionnels à travers une approche par risque et élargi considérablement le champ des opérations financières susceptibles d'être contrôlées, en y incluant les « petites » infractions financières (fraude fiscale, travail dissimulé, etc.), au-delà du seul crime organisé.
Afin de prolonger ces évolutions, et en cohérence avec le développement des capacités de réception et de traitement informatique de TRACFIN, le présent article propose un nouveau régime adapté de transmission d'information automatique entre les professionnels et TRACFIN . Ce régime nécessitait une base législative large et précise, contrairement à la base juridique étroite existante, fournie par les actuels alinéas quatre et sept de l'article L. 561-15. Ces alinéas permettent en effet déjà une transmission d'information au-delà du cas du soupçon, mais de façon restrictive et incomplète, puisqu'il s'agit des cas où le destinataire des fonds n'est pas connu ou lorsque l'opération est faite en provenance ou à destination d'un pays figurant dans une liste établie par décret, qui n'a pas été pris à ce jour.
Le présent article fournit ainsi trois critères objectifs pour qu'une opération fasse l'objet d'une transmission automatique.
Le premier est le pays ou territoire d'origine ou de destination du flux ; déjà présente dans l'actuel dispositif, cette possibilité n'a pas encore été saisie par le Gouvernement, mais il est utile de la conserver pour l'avenir, s'agissant notamment des Etats susceptibles de financer le terrorisme .
Le deuxième critère est relatif au type d'opérations et se réfère notamment à la possibilité de recevoir systématiquement les transferts financiers en espèces à partir d'un certain montant , ces opérations présentant un risque plus élevé en matière de blanchiment.
Enfin, le dernier critère, relatif aux structures juridiques concernées , se rapporte, comme dans le droit existant, aux flux à destination des fonds fiduciaires ou des trusts qui, par définition, occultent les réels bénéficiaires.
Ce nouveau régime, qui complète le régime de déclaration de soupçon, n'a pas vocation à s'y substituer. En particulier, les professionnels ne devront pas considérer que leur devoir de vigilance est rempli dès lors qu'une transmission automatique aura été faite : seule la déclaration de soupçon, qui suppose une forme de pré-traitement de la part du professionnel, est de nature à l'exonérer de sa responsabilité . Ainsi, le présent article précise que « les informations adressées en application du présent article sont faites sans préjudice des déclarations éventuellement faites en application de l'article L. 561-15 ».
Au total, le nouveau régime permettra ainsi à TRACFIN de constituer une base de données, dont la durée de conservation devrait être moins longue que celle des données déclarées et qui permettra d'effectuer des recoupements ou des approfondissements sur les déclarations de soupçon .
Ces données, à elles seules, ne permettront pas à TRACFIN, de lancer des enquêtes, mais elles pourront venir en appui d'enquêtes déclenchées par ailleurs . Cette logique de « base de données » est proche de celle développée, dès l'origine, par les cellules anglo-saxonnes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, qui se contentent de gérer une base qu'ils mettent, le cas échéant, à disposition des autorités judiciaires, sans procéder eux-mêmes aux investigations.
Si les banques sont d'ores et déjà impliquées dans ce type de déclarations systématiques, par le biais d'un formulaire spécifique récemment mis en place, TRACFIN devra diffuser ce nouveau régime aux autres professionnels et aux non professionnels et, en particulier, les alerter sur la différence avec la déclaration de soupçon en termes de responsabilité.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .
CHAPITRE II RÉGULATION DU MARCHÉ DES MATIÈRES PREMIÈRES
ARTICLE 4 quater (nouveau) (Art. L. 465-2 et L. 621-15 du code monétaire et financier) Sanctions des abus de marché destinés à manipuler le cours des matières premières
Commentaire : le présent article vise à sanctionner les pratiques consistant à utiliser un instrument financier pour manipuler le cours d'une matière première (abus de marché dits « croisés ») .
I. LE DROIT EXISTANT
Le II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier (CMF) établit les sanctions administratives que peut prononcer la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) 44 ( * ) .
En particulier, elle peut sanctionner toute personne qui s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché (l'ensemble étant qualifié « d'abus de marché »).
Les abus de marché doivent concerner un instrument financier ou un actif coté. Il peut s'agir, par exemple, d'actions, d'obligations ou encore de quotas de carbone. L'abus de marché peut également être sanctionné lorsqu'il porte sur un produit dérivé dont le sous-jacent est un de ces instruments ou actifs financiers.
Le c ) du II de l'article précité donne compétence à la commission des sanctions en cas d'abus de marché commis, sur le territoire français ou étranger, si l'actif est coté sur un marché réglementé français (Euronext) ou sur un système multilatéral de négociation organisé (en France, seul Alternext relève de ce statut).
Le d ) du II lui donne également compétence pour tout abus commis, depuis le territoire français, sur un actif coté sur un marché réglementé dans un autre Etat membre de l'Union européenne.
Par ailleurs, l'article L. 465-2 du CMF prévoit des sanctions pénales (deux ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende) notamment lorsqu'une personne répand « dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier ou d'un actif [...] admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours ».
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article, qui reprend l'article 1 er bis A, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement avec un avis favorable de la commission, complète les règles de sanctions, administratives et pénales, des abus de marché afin de prévoir la possibilité de punir les abus de marché dits « croisés » qui visent, en pratique, l'utilisation d'instruments financiers pour manipuler le cours des matières premières .
Ainsi, il est ajouté aux c ) et d ) du II de l'article L. 621-15 du CMF, un alinéa indiquant que la commission des sanctions a compétence pour sanctionner un abus de marché relatif à « un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs [instruments financiers] , dans les conditions déterminées par le règlement général de [l'AMF] ».
Le même ajout est effectué, s'agissant des sanctions pénales, à la fin du second alinéa de l'article L. 465-2 du CMF.
La spéculation sur les matières premières, notamment agricoles, contribue à déstabiliser le marché qui, par nature, peut déjà être le théâtre d'une forte volatilité des cours 45 ( * ) .
Le présent article permettra de sanctionner ceux qui, intentionnellement, se livrent à des manipulations de cours en utilisant des instruments financiers .
Bien sûr, ainsi que l'admettait Pierre Moscovici, lors des débats à l'Assemblée nationale, « je n'imagine pas que ce problème sera définitivement résolu ! [...] Néanmoins, cet amendement me paraît apporter un progrès tangible qu'il convient d'entériner ».
Le marché des matières premières est un marché désormais pleinement globalisé. Il fonctionne en étroite symbiose avec les marchés financiers, notamment ceux des dérivés à terme. Le besoin de régulation, sans même parler des comportements frauduleux, est une nécessité pour assurer une rémunération juste aux producteurs et un prix approprié aux consommateurs.
L'Union européenne, dans le cadre des négociations en cours sur les directives « Marchés d'instruments financiers » et « Abus de marché », fait oeuvre utile en la matière . Le G 20 doit maintenant relancer ses travaux pour parvenir à une régulation véritablement mondiale.
Le présent article n'est donc qu'une partie d'un édifice plus important. Il convient en outre de le compléter en prévoyant que l'AMF dispose d'un pouvoir d'enquête sur les contrats commerciaux relatifs à des marchandises et liés à un ou plusieurs instruments financiers.
En effet, en l'état du droit, l'AMF a une compétence sur les seuls instruments financiers. Or les nouvelles dispositions visent des abus de marché « croisés » entre un contrat commercial et un instrument financier. Il est donc important de prévoir que l'AMF puisse également enquêter sur le marché du sous-jacent.
Votre commission a adopté le présent article ainsi rédigé.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé .
CHAPITRE III ENCADREMENT DU TRADING À HAUTE FRÉQUENCE
Votre commission des finances a introduit, au sein d'un Titre I er bis consacré à la transparence et à la lutte contre les dérives financières, un nouveau chapitre relatif à l'encadrement du trading à haute fréquence.
Il comprend deux articles : l'article 4 quinquies , adopté par l'Assemblée nationale (sous le numéro 1 er bis ) et l'article 4 sexies , adopté par votre commission des finances.
*
I. LE TRADING À HAUTE FRÉQUENCE : UNE PRATIQUE QUI A PRIS SON ESSOR EN EUROPE AVEC LA DIRECTIVE MIF I
La directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 sur les marchés d'instruments financiers, dite « directive MIF » et entrée en vigueur le 1 er novembre 2007, a, entre autres importantes dispositions, introduit un principe de concurrence obligatoire entre les lieux d'exécution des ordres sur instruments financiers.
Les marchés réglementés traditionnels ont cédé d'importantes parts de marché au profit de nouvelles plates-formes : les systèmes multilatéraux de négociation (SMN), souvent désignées sous l'acronyme anglo-saxon MTF (« Multilateral Trading Facilities »).
Concrètement, un titre Renault coté à Paris peut désormais être négocié sur un SMN basé à Londres, à Francfort ou à Rome et, bien évidemment, sur le marché parisien Euronext.
Il n'y a donc plus un seul lieu de rencontre des ordres d'achat et de vente . Par conséquent, la liquidité boursière s'est fragmentée entre plusieurs places de marché. De nouvelles opportunités d'arbitrage , consistant à exploiter, sur des volumes très élevés et en un temps infime, des écarts de cours très réduits entre deux bourses, sont ainsi apparues. Sur des titres dont le volume de négociation est élevé, les opportunités d'arbitrage disparaissent rapidement. Cette donnée a conduit à une course à la vitesse entre les opérateurs.
Au surplus, la négociation en Bourse a largement bénéficié des progrès informatiques. La plupart des opérateurs utilisent aujourd'hui des algorithmes de négociation ( trading dit « algorithmique »), qui peuvent prendre des décisions d'investissement . L'enjeu est alors de mieux maîtriser les coûts de transaction, la vitesse d'exécution, le volume et le cours d'achat ou de vente 46 ( * ) .
Le trading à haute fréquence est une variante du trading algorithmique qui accorde une importance particulière à la rapidité d'exécution . Les caractéristiques de cette forme de trading sont les suivantes :
- le volume d'ordres est massif : plusieurs centaines milliers d'ordre par jour ;
- le taux d'annulation de ces ordres est très élevé , souvent supérieur à 95 %. Seuls les ordres profitables sont exécutés ;
- l'automate réagit sur des temps extrêmement faibles , de l'ordre de la micro-seconde ;
- la stratégie mise en oeuvre relève du court terme : l'automate cherche à obtenir des positions nettes proches de zéro à la clôture du marché.
Selon certaines études, notamment de Tabb Group , le trading à haute fréquence représenterait désormais 40 % du volume quotidien traité sur les marchés d'actions européens , contre 60 % aux Etats-Unis, et au moins 30 % des échanges sur les produits dérivés cotés. Les acteurs du trading à haute fréquence sont essentiellement des banques d'investissement, des hedge funds d'arbitrage et certains courtiers spécialisés.
II. UN BILAN COÛT/AVANTAGES POUR LE MOINS MITIGÉ
La question de l'utilité économique et sociale du trading à haute fréquence est controversée. Les études universitaires, déjà nombreuses, ne permettent pas de trancher.
Le principal argument de ses partisans tient au fait qu'il apporterait de la liquidité aux marchés, réduisant ainsi les fourchettes d'achat et de vente et permettant un équilibre des prix entre les différentes places de négociation.
Plusieurs arguments sont toutefois opposés par ses détracteurs. En tout premier lieu, cette liquidité serait fugace, voire artificielle , puisque la plupart des ordres sont annulés et n'ont pas vocation à être exécutés. D'ailleurs, cette instabilité permanente ne contribue pas à l'efficience des marchés.
Le fait de se reposer sur un ordinateur présente, en outre, un risque opérationnel. Les algorithmes sont conçus pour se « répondre les uns aux autres ». C'est ainsi que le trading à haute fréquence est soupçonné d'avoir si ce n'est déclenché, du moins amplifié, le « flash crash » des marchés américains du 6 mai 2010. Cette logique mimétique peut donc entraîner des déséquilibres sur les marchés.
Enfin, et surtout, la vitesse d'exécution des ordres (micro-seconde) facilite la possibilité de commettre des abus de marché, notamment des manipulations de cours ( cf. encadré ci-dessous). Certains abus de marché, commis en moins d'une minute, restent très difficiles à détecter pour les régulateurs. Et, en tout état de cause, il faut parfois au régulateur plusieurs semaines, voire plusieurs mois d'enquête pour retracer la chronologie des événements et remonter jusqu'à la personne responsable.
Principales techniques de manipulations de cours « Selon l'AMF, les principales techniques suspectes sont les suivantes : « - " layering/spoofing " : déstabiliser le carnet et influencer temporairement les cours par un afflux massif d'ordres, en vue de faciliter la réalisation d'une transaction en sens inverse. Cette technique comprend de nombreuses variantes et a déjà fait l'objet de sanctions aux États-Unis ; « - " momentum ignition " : accompagner ou déclencher une bulle de très court terme en espérant inciter d'autres investisseurs à se positionner, puis déboucler la position ; « - " quote-stuffing " : envoyer des ordres en très grand nombre, souvent répétitifs et sans logique économique, pour perturber ou freiner la lecture du carnet d'ordres par les autres participants, sonder leurs intentions ou masquer ses propres anticipations ; « - " smoking " : envoyer des ordres passifs attractifs en espérant déclencher des ordres « au marché », pour se repositionner ensuite à un niveau plus élevé ». Source : rapport général n° 107 (2011-2012), tome II, fascicule 1, de Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de finances pour 2012 |
Les bénéfices du trading à haute fréquence sont encore loin d'être prouvés alors qu'il est maintenant avéré qu'il est un facteur de risques et d'instabilité pour les marchés financiers .
La révision de la directive MIF, dite « MIF II », devrait permettre de disposer d'un cadre européen cohérent pour restreindre et encadrer la place des traders à haute fréquence. Les deux articles composant le présent chapitre anticipent une partie des dispositions à venir dans cette directive.
ARTICLE 4 quinquies (nouveau) (Art. L. 451-3-1 [nouveau] du code monétaire et financier) Obligation d'information sur les dispositifs de traitement automatisés
Commentaire : le présent article reprend l'article 1 er bis adopté par l'Assemblée nationale. Il introduit une obligation d'information sur les dispositifs de traitement automatisés, qui devront être notifiés à l'Autorité des marchés financiers (AMF). Ils devront assurer la traçabilité des ordres envoyés et conserver les algorithmes utilisés .
I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Adopté par la commission des finances, à l'initiative de notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article ajoute une nouvelle section 4 au sein du chapitre I er (« La transparence des marchés »), du Titre V (« La protection des investisseurs ») du Livre IV (« Les marchés ») du code monétaire et financier (CMF).
La nouvelle section 4 est intitulée « Obligations d'information sur les systèmes de négociation automatisés » et comprend un seul article (L. 451-3-1).
Le 1° du nouvel article L. 451-3-1 oblige d'abord toute personne à « notifier à l'Autorité des marchés financiers l'utilisation de systèmes de négociation automatisés générant des ordres de vente et d'achat de titres de sociétés dont le siège social est localisé en France ».
Par ailleurs, aux termes du 2° de l'article, toute personne utilisant de tels systèmes doit également assurer « une traçabilité de chaque ordre envoyé vers un marché ou un système multilatéral de négociation, conserver pendant une durée fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers tout élément permettant d'établir le lien entre un ordre donné et les algorithmes ayant permis de déterminer cet ordre , conserver tous les algorithmes utilisés pour élaborer les ordres transmis aux marchés et les transmettre à l'Autorité des marchés financiers lorsqu'elle en fait la demande ».
A cette fin, les personnes concernées « doivent mettre en place des procédures et des dispositifs internes garantissant la conformité de leur organisation ».
Il revient au Règlement général de l'Autorité des marchés financiers (RGAMF) de fixer les conditions d'application du présent article et, au plus tard, six mois après la promulgation de la présente loi.
En séance publique, deux amendements rédactionnels, présentés la rapporteure, ont été adoptés par l'Assemblée nationale.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
L'article introduit par l'Assemblée nationale constitue le socle nécessaire à toute régulation du trading à haute fréquence , puisqu'il oblige d'abord les acteurs concernés à se faire connaître auprès de l'AMF .
En outre, il offre au régulateur la possibilité d'accéder aux algorithmes et aux ordres qu'ils ont émis . Cette faculté d'accès est indispensable tant les enquêtes sur les abus de marché liées au trading à haute fréquence sont fastidieuses. En particulier, le fait, pour l'AMF, de pouvoir facilement établir un lien entre un ordre donné et un algorithme est crucial pour déterminer la responsabilité d'un trader à haute fréquence dans le cadre d'un manquement.
Par rapport à la rédaction de l'article 1 er bis , adopté par l'Assemblée nationale, votre commission des finances a procédé à quelques ajustements rédactionnels. En particulier, la référence à des « systèmes de négociation automatisés » a été remplacée par une référence aux « dispositifs de traitement automatisés », utilisée à l'article 235 ter ZD bis du code général des impôts.
En outre, elle a supprimé l'obligation pour l'AMF de prendre un règlement d'application dans les six mois, conformément à son statut d'autorité publique indépendante.
Au surplus, la directive MIF II, qui comprend plusieurs dispositions sur le trading à haute fréquence, pourrait être définitivement adoptée dans les prochains mois. Or il importe que les règles d'application françaises soient cohérentes avec celles adoptées au niveau européen. Si la négociation européenne devait aboutir rapidement, il serait plus opportun d'attendre avant de modifier le règlement général de l'AMF, quitte à dépasser un peu le délai de six mois. Dans le cas contraire, l'AMF pourrait prendre les mesures nécessaires au plus tôt.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé .
ARTICLE 4 sexies (nouveau) (Art. L. 421-16-1 et L. 424-4-1 [nouveaux] du code monétaire et financier) Organisation des plateformes boursières en vue de limiter les ordres perturbateurs sur les marchés
Commentaire : le présent article impose aux entreprises gérant des plateformes de négociation boursière de disposer de mécanismes ad hoc , notamment des coupe-circuits, pour gérer les périodes de tensions sur les marchés. Elles doivent également être en mesure de rejeter des ordres et de limiter, par des règles tarifaires spécifiques, l'annulation des ordres .
I. LIMITER L'IMPACT DES ORDRES PERTURBATEURS SUR LE MARCHÉ
A. UN NOMBRE CROISSANT D'ORDRES PERTURBATEURS
En 2011, d'après les statistiques d'Euronext, près de 440 millions d'ordres exécutés ont été enregistrés sur l'ensemble des plateformes de cette société, dont environ 422 millions d'ordres pour le seul marché actions 47 ( * ) .
Les volumes sont absolument considérables puisqu'ils représentent plus de 1,6 million d'ordres par jour de bourse .
En réalité, le nombre d'ordres transmis aux plateformes est bien supérieur . D'abord, parce que tous les ordres transmis ne trouvent pas toujours à s'exécuter. Ensuite, et surtout, parce que le nombre d'ordres annulés est très élevé. L'annulation des ordres fait partie du modèle économique des traders à haute fréquence, dont le taux d'annulation est supérieur à 95 % . On estime par ailleurs 48 ( * ) que le trading à haute fréquence représenterait 40 % de volume quotidien traité sur les marchés européens.
Les « faux ordres » ne sont pas que le fait des traders à haute fréquence. Il existe également des ordres erronés résultant, par exemple, d'une erreur de manipulation : un opérateur souhaite acquérir 1 000 actions et envoie un ordre pour 10 000 actions.
B. DES PRATIQUES QUI DÉSTABILISENT LE MARCHÉ
Les « faux ordres » sont, par essence, perturbateurs pour le marché. Celui-ci vise par la confrontation des ordres d'achat et de vente à faire émerger le juste prix d'un titre financier. Un ordre transmis sans avoir vocation à être exécuté modifie malgré tout les conditions du marché , à l'image d'un importun qui viendrait enchérir en salle des ventes pour se retirer avant que ne tombe le marteau du commissaire-priseur.
Plus largement, les marchés financiers ont récemment connu des événements qui ont montré la nécessité de se doter de mécanismes spécifiques de gestion de la volatilité des cours. Par exemple, le 6 mai 2010, les marchés américains ont subi un « flash crash », pendant lequel le Dow Jones a perdu près de 10 % en moins de 10 minutes. La logique mimétique prévalant chez les traders algorithmique, en particulier à haute fréquence, a notamment été mise en avant pour expliquer ce phénomène.
C. DES SOLUTIONS QUI REPOSENT SUR LES PLATEFORMES BOURSIÈRES
Plusieurs mécanismes permettent cependant de limiter l'impact des « faux ordres » ou des ordres mimétiques sur les marchés.
Dans le cas d'un « flash crash », il est possible de mettre en oeuvre une procédure de « coupe-circuit » qui vient suspendre temporairement la cotation des titres. Le marché peut alors « reprendre ses esprits » et opérer un retour à la normale.
S'agissant plus particulièrement des traders à haute fréquence, plusieurs options sont envisageables. Une des plus efficaces serait de réduire le « pas de cotation », c'est-à-dire le nombre de chiffres après la virgule pour le prix des titres financiers 49 ( * ) . En effet, plus ce chiffre est grand et plus il sera aisé de réaliser des opérations d'arbitrage. Néanmoins, la mise en place d'une telle mesure doit être réalisée sur l'ensemble des places sur lesquelles est négocié un même titre. L'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) devrait alors fixer, pour chaque type de titre financier, le pas de cotation adéquat.
Une autre option consiste à décourager l'annulation des ordres . Notre ancienne collègue Nicole Bricq avait ainsi proposé, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, une taxe spécifique sur le trading à haute fréquence dont l'assiette reposait justement sur le taux d'annulation des ordres. Cette taxe existe désormais à l'article 235 ter ZD bis du code général des impôts. Cette taxe s'applique aux entreprises de trading à haute fréquence.
Il convient aussi de faire en sorte que les règles des entreprises qui gèrent les plateformes boursières ne favorisent pas la multiplication artificielle des ordres . En effet, plus le nombre d'ordres est élevé et plus le marché sera réputé liquide et plus il attirera les investisseurs. Il est donc dans l'intérêt de la plateforme de ne pas décourager l'annulation des ordres. En conséquence, les structures tarifaires des plateformes ne pénalisent pas suffisamment les ordres annulés.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article insère deux nouveaux articles au sein du code monétaire et financier (CMF). Le nouvel article L. 421-16-1 s'applique aux entreprises de marché, qui sont seules habilitées à gérer un marché réglementé, tandis que le nouvel article L. 424-4-1 s'applique aux personnes qui gèrent un système multilatéral de négociation (SMN). Les dispositions des deux articles sont rigoureusement identiques.
A. METTRE EN oeUVRE DES MÉCANISMES DE GESTION DES VOLUMES EN CAS DE TENSIONS SUR LES MARCHÉS
En période de tensions sur les marchés, la volatilité des prix augmente et le nombre d'ordres peut devenir sensiblement supérieur à la moyenne quotidienne, dont a vu qu'elle est déjà élevée.
Le présent article prévoit en conséquence qu'une entreprise gestionnaire d'une plateforme met en place « des procédures assurant que ses systèmes possèdent une capacité suffisante de gestion de volumes élevés d'ordres et de messages et permettent un processus de négociation ordonnée en période de tensions sur les marchés ».
Il dispose également que « ses systèmes sont soumis à des tests afin de confirmer que ces conditions sont réunies dans des conditions d'extrême volatilité des marchés. L'entreprise [...] met en place des mécanismes assurant la continuité des activités en cas de défaillance imprévue des systèmes ».
B. METTRE EN oeUVRE DES MÉCANISMES AFIN D'ÉVITER LA VOLATILITÉ DES COURS
L'entreprise gestionnaire d'une plateforme peut également limiter les ordres qui perturbent le marché et accroissent la volatilité des cours. Le présent article propose par conséquent qu'elle mette en place « des mécanismes permettant de rejeter les ordres dépassant des seuils de volume et de prix qu'elle aura préalablement établis ou des ordres manifestement erronés , de suspendre temporairement la négociation en cas de fluctuation importante des prix d'un instrument financier sur le marché et, dans des cas exceptionnels, d'annuler les transactions ».
Il convient de distinguer plusieurs éléments dans ce dispositif.
Le rejet des ordres dépassant certains seuils de volume ou de prix a pour objet de limiter l'impact d'un seul ordre sur le marché . Ces seuils doivent cependant être élevés. En effet, il ne faudrait pas que la mesure limite la capacité du marché à déterminer le juste prix (processus de formation du prix).
Le rejet d'ordres manifestement erronés vise surtout à traiter la problématique des erreurs de manipulation (risque opérationnel). Un ordre erroné vient perturber le marché puisqu'il comporte une mauvaise information sur l'intention réelle de son commanditaire. Il doit donc être détecté et supprimé ou annulé le plus tôt possible. Les nouvelles dispositions introduites dans le CMF visent à ce qu'il n'est pas le temps de s'insérer dans le carnet d'ordres.
Pour les raisons évoquées précédemment, il convient également de mettre en oeuvre une procédure dite de « coupe-circuit » . C'est l'objet de la dernière partie des nouvelles dispositions introduites par le présent article.
C. LIMITER L'IMPACT DU TRADING À HAUTE FRÉQUENCE
Enfin, le présent article introduit des dispositions spécifiques destinées à limiter l'impact du trading à haute fréquence sur les marchés .
Ainsi, les entreprises gestionnaires de plateformes boursières devront mettre en place « des procédures et des mécanismes pour garantir que les personnes utilisant des dispositifs de traitement automatisés ne créent pas des conditions de nature à perturber le bon ordre du marché . Elle prend des mesures, en particulier tarifaires , permettant de limiter le nombre d'ordres non exécutés ».
Ainsi, l'annulation des ordres sera découragée et permettra d'éviter un phénomène de liquidité artificielle sur les marchés .
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé .
CHAPITRE IV RÉPRESSION DES ABUS DE MARCHÉ
ARTICLE 4 septies (nouveau) (Article L. 465-2 et L. 621-15 du code monétaire et financier) Répression de la tentative d'abus de marché
Commentaire : le présent article ouvre la possibilité à la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers et au juge pénal de réprimer la tentative de manipulation de cours ou de diffusion de fausse information .
I. LE DROIT EXISTANT
Le c ) et d ) du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier (CMF) établissent les sanctions administratives que peut prononcer la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) 50 ( * ) .
En particulier, cette commission peut sanctionner toute personne qui s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché (l'ensemble étant qualifié « d'abus de marché »).
Les abus de marché doivent concerner un instrument financier ou un actif coté. Il peut s'agir, par exemple, d'actions, d'obligations ou encore de quotas de carbone. L'abus de marché peut également être sanctionné lorsqu'il porte sur un produit dérivé dont le sous-jacent est un de ces instruments ou actifs financiers.
La tentative d'opération d'initié (« s'est livrée ou a tenté de se livrer ») peut être sanctionnée tandis que, pour la manipulation de cours, la diffusion d'une fausse information ou les autres manquements, seule la réalisation est sanctionnée (« s'est livrée »).
Les articles L. 465-1 et L. 465-2 du même code prévoient les sanctions pénales encourues en cas d'abus de marché.
Ainsi, est puni de peines de prison et d'amendes, le fait, pour les personnes disposant d'informations privilégiées, de « réaliser ou de permettre de réaliser » une opération d'initié ou bien de communiquer ces informations au public ou à des tiers (article L. 465-1).
De même, est également puni le fait de « répandre » des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont cotés, telles qu'elles soient de nature à agir sur les cours (article L. 465-2).
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article reprend, sans le modifier, l'article 1 er ter , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Nicolas Sansu et de plusieurs membres du groupe Gauche démocrate et républicaine, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission. Il modifie le code monétaire et financier afin de permettre de sanctionner les tentatives de manipulation de cours et la diffusion d'une fausse information .
Cette évolution s'applique aussi bien aux sanctions administratives prononcées par la commission des sanctions de l'AMF (I du présent article modifiant le c ) et d ) du II de l'article L. 621-15 du CMF) qu'aux sanctions pénales (II et III du présent article modifiant les articles L. 465-1 et L. 465-2 du CMF).
Comme le souligne l'exposé des motifs de l'amendement, « sanctionner la tentative de manipulation de cours permettrait notamment de sanctionner des pratiques qui, tirant parti de nouvelles technologies telles que le trading à haute fréquence, peuvent conduire à fausser volontairement le cours du titre pour en retirer un gain d'arbitrage ».
Le présent article vient donc utilement doter l'arsenal répressif à disposition de la commission des sanctions de l'AMF et du juge pénal. Il anticipe d'ailleurs des évolutions prévues par la nouvelle directive « Abus de marché », actuellement en cours de négociation.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé .
ARTICLE 4 octies (nouveau) (Art. L. 465-1, L. 465-2, L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier) Extension des sanctions des abus de marché sur les systèmes multilatéraux de négociation
Commentaire : le présent article étend les sanctions applicables sur les marchés réglementés au titre de la répression des abus de marché aux systèmes multilatéraux de négociation .
I. LE DROIT EXISTANT
Le régime juridique des plateformes boursières distingue deux grandes catégories de plateformes : les marchés réglementés et les systèmes multilatéraux de négociation (SMN).
Les marchés réglementés obéissent à la réglementation la plus stricte . Ils sont nécessairement gérés par une entreprise de marché agréée par l'Autorité des marchés financiers (AMF). En France, il s'agit par exemple d'Euronext Paris sur lequel se négocient, notamment, les valeurs du CAC 40.
Les émetteurs dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé sont soumis à des obligations particulières en matière de transparence et d'information du public, par exemple pour la publication des comptes.
En outre les valeurs négociées sur ces marchés sont spécifiquement protégées contre les abus de marché , à savoir les délits d'initiés, les manipulations de cours ou la diffusion de fausses informations. Ces dispositions visent à sécuriser, donc à rassurer, les investisseurs. L'attractivité des marchés réglementés leur assure également une plus grande liquidité.
Les SMN ont la même fonction que les marchés réglementés, à savoir assurer la confrontation des offres et des demandes de multiples acheteurs et vendeurs. Ils peuvent être gérés soit par un prestataire de service d'investissement agréé par l'AMF, soit par une entreprise de marché.
Les règles d'un SMN sont définies par lui et sont seulement transmises à l'AMF, alors que celles d'un marché réglementé sont approuvées par cette dernière. Les règles en matière de transparence, d'information et de sanctions des abus de marché ne s'appliquent pas.
Les instruments financiers négociés uniquement sur des SMN présentent donc des risques plus importants pour les investisseurs, expliquant la faible liquidité de ces plateformes. Par exemple le « Marché libre », marché français essentiellement tourné vers les petites et moyennes entreprises (PME) fonctionne sous la forme d'un SMN 51 ( * ) .
Il convient surtout de noter que les valeurs négociées sur un marché réglementé peuvent également être négociées sur un SMN : elles sont « admises aux négociations » (la cote) sur un marché réglementé mais négociées sur les deux types de plateformes. Cette disposition, introduite par la directive « Marchés d'instruments financiers » (MIF) 52 ( * ) , avait pour vocation d'introduire de la concurrence entre les plateformes de négociation.
Un abus de marché sur une valeur admise aux négociations sur un marché réglementé est sanctionné dans les mêmes conditions que celle-ci ait été négociée sur l'une ou l'autre des plateformes. D'ailleurs, l'abus de marché n'est, en pratique, pas lié au lieu de négociation de la valeur.
Ce tableau n'est toutefois pas complet puisque la France connaît un troisième type d'acteur dit « SMN organisé » (SMNO) , régime qui est celui d'Alternext 53 ( * ) . C'est une catégorie définie par le Règlement général de l'AMF (RG AMF). Elle se caractérise notamment par l'approbation de ses règles de fonctionnement par l'AMF et par le fait qu'elle se soumet aux exigences du RG AMF en matière d'abus de marché.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Actuellement, les sanctions administratives des abus de marché se limitent aux seuls marchés réglementés et SMNO. En revanche, les sanctions pénales ne concernent que les abus commis sur les valeurs admises à la négociation sur un marché réglementé.
Cette situation est préjudiciable en termes de sécurité des investisseurs, rendant la Bourse peu attractive à la fois pour ces derniers et pour les émetteurs . Or, dans un contexte où le crédit bancaire va devenir plus rare ou plus cher du fait des nouvelles règles prudentielles, il importe que les entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), puissent se tourner vers les marchés financiers.
Pour cela, il convient que des conditions minimales soient réunies pour inspirer la confiance des émetteurs et des investisseurs. A cet égard, et entre autres conditions, il importe que les abus de marché soient sévèrement réprimés.
En conséquence, votre commission des finances a adopté cet article qui étend les sanctions, administratives et pénales, applicables aux abus de marché commis sur les marchés réglementés à ceux commis sur les systèmes multilatéraux de négociation .
Il modifie en ce sens les articles L. 465-1 et L. 465-2 du code monétaire et financier (CMF), relatifs aux sanctions pénales.
Il prévoit que l'AMF exerce son contrôle sur « les instruments financiers négociés sur un [SMN] , admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée » (article L. 621-9 du CMF).
Enfin, il dispose que la commission des sanctions de l'AMF a compétence pour sanctionner de tels abus (article L. 621-15).
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé .
ARTICLE 4 nonies (nouveau) (Art. L. 465-2-1 [nouveau], L. 465-3 et L. 621-15 du code monétaire et financier) Sanctions administratives et pénales de la manipulation d'un indice
Commentaire : le présent article introduit des sanctions administratives et pénales en cas de manipulation d'un indice financier .
I. DES INSTRUMENTS INCONTOURNABLES DONT LA MANIPULATION N'EST PAS SANCTIONABLE
Le LIBOR ( London InterBank Offered Rate ) est un taux d'intérêt de référence établi à Londres. Il représente le taux moyen auquel les principales banques estiment pouvoir emprunter « en blanc », c'est-à-dire sans garantie, auprès d'une autre banque (taux interbancaire). Son calcul est ainsi fondé sur les déclarations quotidiennes d'un panel de banques et non sur des transactions effectivement réalisées. Il est publié par la British Bankers' Association (BBA) sous la forme d'une gamme de taux correspondant aux différentes échéances du marché monétaire (de un jour à douze mois) et aux principales devises (dollar américain, livre sterling, yen, franc suisse, euro).
Le LIBOR sert de référence pour fixer le taux d'intérêt de très nombreux produits financiers, tels que des prêts à taux variable (crédits immobiliers, prêts à la consommation, prêt de financement d'entreprises ou de collectivités publiques, notamment aux Etats-Unis), avec un encours estimé à 10 000 milliards de dollars, et des produits dérivés ( swaps ) représentant un notionnel de plus de 350 000 milliards de dollars .
Sa fiabilité dépend de la sincérité et de la fidélité des estimations transmises par les banques . En période de crise, une banque peut avoir intérêt à minorer le taux auquel elle indique pouvoir emprunter, car celui-ci reflète la confiance que lui accorde les autres banques : plus le taux est bas et plus la banque apparaît solide.
C'est ce que la Barclays a reconnu avoir fait, comme d'autres institutions bancaires, à partir de 2008, au plus fort de la crise financière. C'est ainsi qu'a éclaté, en juin 2012, le scandale du LIBOR, lorsqu'elle a annoncé devoir payer une amende de 290 millions de livres pour mettre fin aux enquêtes des régulateurs britannique et américain.
Les banques peuvent également être tentées de manipuler le LIBOR en biaisant leurs estimations, afin d'orienter l'indice en faveur des positions qu'elles ont prises sur les marchés dérivés , au détriment des autres intervenants du marché. La manipulation est d'autant plus efficace qu'elle s'effectue en cartel, c'est-à-dire de manière concertée. Le LIBOR aurait fait l'objet d'une telle fraude depuis, au moins, 2005.
C'est à ce titre qu'après la Barclays, là encore impliquée, deux nouvelles banques, UBS puis RBS, ont à leur tour été condamnées, à respectivement 940 millions et 390 millions de livres d'amende. La plus grande part de ces sommes est à régler à l'autorité de régulation américaine. D'autres banques seraient actuellement poursuivies.
La révélation de ces scandales a également conduit à mettre en cause la réaction trop tardive des autorités de régulation britanniques (FSA et Banque d'Angleterre) alors que des anomalies dans l'évolution du LIBOR avaient très tôt été signalées.
La Commission européenne a, elle-aussi, ouvert des enquêtes, qui n'ont pas encore abouti, concernant les manipulations du LIBOR mais également d'autres indices de référence calculés sur une base déclarative, notamment l'EURIBOR ( EURopean InterBank Offered Rate ), publié chaque jour par la Fédération bancaire européenne sur la base de données fournies par 57 banques de la zone euro.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES
En juillet 2012, le commissaire Michel Barnier a proposé de compléter la réforme en cours sur les abus de marché afin de prévoir des sanctions pénales en cas de manipulation d'indices 54 ( * ) . Le Conseil de l'Union européenne a annoncé, le 7 décembre 2012, avoir trouvé un accord pour adopter ces propositions.
Le présent article transpose, par anticipation, les évolutions européennes actées au niveau politique , même si l'ensemble de la négociation sur la réforme des abus de marché ne devrait aboutir que dans quelques semaines.
A. LA DÉFINITION D'UN INDICE
Le présent article introduit un nouvel article L. 465-2-1 au sein du code monétaire et financier (CMF) visant à réprimer la manipulation d'un indice. Pour ce faire, il donne une définition d'un indice .
Il s'agit de « toute donnée diffusée, calculée à partir de la valeur ou du prix, constaté ou estimé, d'un ou plusieurs sous-jacent, d'un ou plusieurs taux d'intérêt constaté ou estimé, ou de toute autre valeur ou mesure, et par référence à laquelle est déterminé le montant payable au titre d'un instrument financier ou la valeur d'un instrument financier ».
B. UNE RÉPRESSION PÉNALE ET ADMINISTRATIVE DE LA MANIPULATION D'UN INDICE
Le nouvel article L. 465-2-1 précité s'insère au sein d'un titre du CMF relatif aux dispositions pénales.
Il prévoit une peine de deux ans d'emprisonnement et d'1,5 million d'euros d'amende pour toute personne ayant transmis « des informations fausses ou trompeuses utilisées pour calculer un indice [...] ou de nature à fausser le cours d'un instrument financier ou d'un actif auquel serait lié cet indice, lorsque la personne ayant transmis les données ou les informations savait ou aurait dû savoir qu'elles étaient fausses ou trompeuses ».
Plus largement, les mêmes peines s'appliquent à toute personne qui a adopté un comportement « aboutissant à la manipulation du calcul d'un indice ».
Par ailleurs, le présent article modifie l'article L. 621-15 du CMF afin de prévoir la compétence de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Des sanctions administratives pourront donc également être adoptées à l'encontre des personnes dont les agissements visent à manipuler un indice.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé .
TITRE II MISE EN PLACE DU
RÉGIME DE RÉSOLUTION BANCAIRE
CHAPITRE IER INSTITUTIONS
EN MATIÈRE DE PRÉVENTION ET DE RÉSOLUTION BANCAIRES
SECTION 1
L'AUTORITÉ DE CONTRÔLE PRUDENTIEL ET DE RÉSOLUTION
ARTICLE 5 (Art. L. 612-1, L. 612-4, L. 612-8-1 [nouveau], L. 612-33, L. 612-5, L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8, L. 612-12, L. 612-14, L. 612-15, L. 612-16, L. 612-19, L. 612-20, L. 612-36, L. 612-10, L. 612-38 du code monétaire et financier) Organisation et missions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
Commentaire : le présent article vise à confier à l'Autorité de contrôle prudentiel, renommée Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, la mission de veiller à l'élaboration et à la mise en oeuvre des mesures de prévention et de résolution des crises bancaires. Il crée à cette fin un nouveau collège de résolution, chargé d'exercer ces attributions .
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA CRÉATION DE L'AUTORITÉ DE CONTRÔLE PRUDENTIEL PAR FUSION DES AUTORITÉS D'AGRÉMENT ET DE CONTRÔLE EN MATIÈRE BANCAIRE ET ASSURANTIELLE
A la suite de l'article 152 de la loi de modernisation de l'économie 55 ( * ) qui habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relatives au fonctionnement et à la coopération des autorités d'agrément et de contrôle en matière bancaire et assurantielle, Bruno Délétré, inspecteur général des finances, avait été mandaté par Christine Lagarde, alors ministre de l'économie et des finances, pour étudier la faisabilité d'un tel rapprochement.
Publié en 2009, le rapport Délétré préconisait la création d'une autorité de contrôle prudentiel , adossée à la Banque de France et regroupant la Commission bancaire (CB), l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) et le Comité des entreprises d'assurance (CEA).
Suite à ce rapport, l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance a créé l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) . Cette ordonnance a été ratifiée par l'article 12 de la loi de régulation bancaire et financière 56 ( * ) .
La création de l'ACP rapproche la France du modèle dit « twin peaks » , caractérisé par l'existence de deux autorités se partageant les deux objectifs de la supervision : l'objectif prudentiel (l'ACP) et l'objectif commercial (l'AMF), bien que cette distinction ne recouvre pas parfaitement les missions attribuées à l'une et à l'autre des autorités françaises.
B. LE STATUT, LES MISSIONS ET L'ORGANISATION DE L'ACP
Les missions et l'organisation de l'ACP sont régies par le chapitre II du titre I er (« Les institutions compétentes en matière de réglementation et de contrôle ») du livre VI (« Les institutions en matière bancaire et financière ») du code monétaire et financier (CMF).
L'ACP est chargée, aux termes de l'article L. 612-1 du CMF, de la double mission de « [veiller] à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients , assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle ».
S'agissant de son statut, l'ACP est une « autorité administrative indépendante ». Adossée à la Banque de France , elle est dépourvue de la personnalité morale ; son indépendance se manifeste toutefois dans sa capacité à ester en justice et dans son autonomie de gestion , à travers un secrétaire général doté de services propres, et son autonomie financière , assurée par une contribution pour frais de contrôle, acquittée par les personnes soumises à son contrôle et dont les recettes lui sont affectées.
Présidée par le gouverneur de la Banque de France, l'ACP est organisée autour de deux instances collégiales : le collège , composé de dix-neuf membres, et la commission des sanctions .
Le collège peut se réunir en formation plénière, en formation restreinte, en sous-collège sectoriel (banque ou assurances) ou, le cas échéant, en commission spécialisée. La formation plénière du collège vote le budget de l'autorité et traite des orientations générales de son fonctionnement. Les questions individuelles, quant à elles, sont traitées par les sous-collèges ou, le cas échéant, en formation restreinte.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à désigner l'ACP comme autorité de résolution , en lui confiant la mission de veiller à la préparation et à la mise en oeuvre des mesures de résolution prévues par l'article 7 du présent projet de loi et en prévoyant la création d'un nouveau collège, le collège de résolution chargé d'exercer ces attributions.
Le présent article renomme l'ACP en Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) .
Il complète l'article L. 612-1 précité en ajoutant aux trois principales tâches aujourd'hui confiées à l'ACP (agrément, surveillance de la stabilité financière, contrôle du respect des règles de protection de la clientèle), une quatrième mission consistant à « veiller à l'élaboration et à la mise en oeuvre des mesures de prévention et de résolution des crises bancaires (...) » . Ce 4° précise que ces mesures ont pour objet « de préserver la stabilité financière, d'assurer la continuité des activités, des services et des opérations des établissements dont la défaillance aurait de graves conséquences pour l'économie, de protéger les déposants ou d'éviter ou de limiter au maximum le recours au soutien financier public ».
Afin d'exercer ces nouvelles attributions, le présent article réécrit l'article L. 612-4 du CMF afin de créer un nouveau collège de résolution au sein de l'ACPR ; l'actuel collège, composé de dix-neuf membres, devient « collège de supervision ». Ce dernier reste le collège compétent « par défaut » pour exercer les attributions de l'ACPR, le nouveau collège de résolution n'étant compétent que pour les pouvoirs de résolution limitativement énumérés .
Le présent article créé un nouvel article L. 612-8-1 du CMF consacré au collège de résolution (3°). A la différence du collège de supervision, composé de dix-neuf membres dont dix personnalités qualifiées nommées en raison de leur expérience, cet article prévoit un collège de résolution resserré autour de cinq membres :
- le gouverneur de la Banque de France , qui en assurerait également la présidence ;
- le directeur général du Trésor ;
- le président de l'Autorité des marchés financiers ;
- le sous-gouverneur désigné par le gouverneur de la Banque de France ;
- le président du directoire du Fonds de garantie des dépôts et de résolution .
Par dérogation à l'article L. 612-12 du CMF, qui organise la compétence et les travaux du collège de supervision, le collège de résolution est assisté par des « services », conduits par un « directeur » nommé par arrêté ministériel . Ces services ne sont cependant pas isolés de ceux en charge de la supervision, la circulation d'informations entre ces services étant spécifiquement prévue.
Les modalités de délibération du collège de résolution sont identiques à celles du collège de supervision : le collège ne peut délibérer que si la majorité de ses membres sont présents. Les décisions sont prises à la majorité des voix, avec voix prépondérante du président en cas de partage.
À la différence du collège de supervision - auquel le directeur général du Trésor assiste sans voix délibérative - « les décisions pouvant entraîner, immédiatement ou à terme, l'appel à des concours publics, quelle que soit la forme de ces concours, ne peuvent être adoptées qu'avec la voix du directeur général du Trésor ou de son représentant ». Conçue en termes larges, cette formulation revient à donner un droit de veto au directeur général du Trésor pour les principales décisions du collège de résolution , étant entendu que le consensus sera généralement recherché.
L'article L. 612-33 du CMF permet d'ores et déjà à l'ACPR de procéder à un certain nombre de mesures conservatoires (révocation des dirigeants, transferts d'actifs, etc.) en cas de menace sur la solvabilité ou la liquidité d'une entreprise d'assurance. Le présent article étend cette possibilité aux établissements de crédit et entreprises d'investissement (4°) : il s'agit de créer, pour ces derniers, une possibilité d'intervention préventive, notamment pour protéger les dépôts, avant la mise en résolution de l'établissement.
Le présent article procède par ailleurs à une série de coordinations afin de préciser, au sein du CMF, que le terme de « collège » désigne le collège de supervision (5°).
Il prévoit, en revanche, que l'article L. 612-10, du CMF relatif au statut des membres du collège , en particulier sous l'angle de la prévention des conflits d'intérêts, s'applique également aux membres du collège de résolution (6°).
Enfin, le 7° du présent article modifie l'article L. 612-38 du CMF pour donner au collège de résolution, à côté du collège de supervision, la possibilité de saisir la commission des sanctions pour engager une procédure disciplinaire. Cela pourra, notamment, être le cas lorsqu'une entité qui y est soumise n'aura pas transmis à l'ACPR son plan de rétablissement, ou n'aura pas procédé à une modification de structure exigée par l'ACPR au terme de son examen dit de « résolvabilité ».
*
La commission des finances de l'Assemblée nationale a procédé, à l'initiative de notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, à deux modifications. Elle a tout d'abord renforcé le rôle des services dédiés à la résolution , en précisant qu'ils sont chargés de « préparer les travaux » du collège, et non pas simplement de l'assister. Par ailleurs, elle a complété la liste des coordinations nécessaires au 5° du présent article.
En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE EXTENSION BIENVENUE DES MISSIONS DE L'ACP
La création d'un régime de résolution, spécifique aux établissements de crédit et entreprises d'investissement, dérogatoire au droit commun des liquidations, implique la création d'une autorité dédiée, chargée de préparer et, le cas échéant, d'exercer les mesures de prévention et de gestion des crises.
Dans ce contexte, deux possibilités alternatives étaient envisageables : créer une nouvelle autorité ex nihilo , uniquement dédiée à la résolution, ou confier à une autorité existante cette nouvelle mission .
La proposition de directive européenne établissant un cadre de résolution 57 ( * ) prévoit de laisser le choix entre ces deux options aux Etats membres : son article 3 dispose en effet que « les autorités de résolution peuvent être des autorités compétentes pour la surveillance aux fins des directives 2006/48/CE et 2006/49/CE, des banques centrales, des ministères compétents ou autres autorités administratives publiques compétentes ».
Cependant, la proposition de directive souligne, dans son exposé des motifs, que « compte tenu de la probabilité de conflits d'intérêts, la séparation fonctionnelle des activités de résolution et des autres activités de toute autorité désignée est rendue obligatoire ».
Votre rapporteur souscrit au choix retenu par le présent article et, plus généralement, par le présent titre, consistant à confier les pouvoirs de résolution à l'autorité déjà chargée de la supervision bancaire, l'Autorité de contrôle prudentiel . Outre son intérêt budgétaire, ce choix présente en effet l'avantage, comme le souligne l'étude d'impact annexée au présent article, de « [permettre] de mettre à contribution l'expérience de l'ACP dans le domaine bancaire ». La proposition de directive soulignait d'ailleurs que, si l'autorité désignée n'est pas l'autorité de supervision, il était nécessaire de prévoir une transmission d'informations lui permettant d'exercer correctement ses missions. Cette transmission d'informations sera facilitée au sein d'une même autorité.
S'agissant de l'élargissement des missions générales de l'ACPR à l'article L. 612-1 du CMF , votre commission a apporté une modification rédactionnelle de manière à souligner que les objectifs des mesures de résolution (limitation du soutien financier public, préservation de la stabilité financière, protection des déposants, etc.) ne s'excluent pas les uns les autres.
B. LA NÉCESSAIRE CRÉATION D'UN COLLÈGE DE RÉSOLUTION POUR ASSURER LA SÉPARATION FONCTIONNELLE AVEC L'AUTORITÉ DE SUPERVISION
Comme le souligne la proposition de directive européenne, ce choix crée un risque de conflit d'intérêts, en particulier pour la décision de mise en résolution. L'autorité de supervision, à qui la crise ou, du moins, l'incapacité des pouvoirs publics à la prévenir pourra être reprochée, aura en effet tendance à retarder le moment de la mise en résolution et à s'appuyer sur des mesures de supervision en réalité inadaptées aux difficultés rencontrées.
Il est donc important que la décision de mettre un établissement en résolution, ainsi que celle de mettre en oeuvre chacune des mesures de résolution (transferts d'activités, cessions d'actifs, imputation des pertes sur les actionnaires ou les créanciers) soit prise par une autorité distincte de celle à qui incombe la responsabilité de la supervision. C'est le sens de la création d'un collège de résolution distinct du collège de supervision .
Le présent article prévoit un collège resserré , composé de cinq membres seulement, dont deux issus de la Banque de France (le gouverneur et le sous-gouverneur) et deux autres directement liés au ministre de l'économie et des finances, l'un par sa fonction (directeur général du Trésor), l'autre par les modalités de sa nomination (le président du directoire du Fonds de garantie). S'y ajoute le président de l'Autorité des marchés financiers, qui apportera un éclairage indépendant et utile sur les conséquences des décisions du collège sur les autres acteurs du marché et la stabilité financière en général.
Le droit de veto, défini en termes larges, conféré au directeur général du Trésor se justifie par la nécessité de protéger les ressources publiques contre des décisions qui en rendraient nécessaire l'utilisation, immédiatement ou à terme. A cet égard, votre commission a adopté un amendement de coordination afin de préciser le rôle délibératif du directeur général du Trésor dans le collège de résolution, à la différence du collège de supervision, au sein de l'article L. 612-11 du CMF .
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié .
SECTION 2 LE FONDS DE GARANTIE DES DÉPÔTS ET DE RÉSOLUTION
ARTICLE 6 (Art. L. 312-4, L. 312-5, L. 312-15 et L. 312-16 du code monétaire et financier) Missions du Fonds de garantie des dépôts et de résolution
Commentaire : le présent article vise à confier au Fonds de garantie des dépôts, renommé Fonds de garantie des dépôts et de résolution, la mission d'intervenir, sur demande de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, auprès d'un établissement soumis à une procédure de résolution .
I. LE DROIT EXISTANT
A. ORIGINE ET MISSIONS DU FONDS DE GARANTIE DES DÉPÔTS
Créé par la loi relative à l'épargne et à la sécurité financière de 1999 58 ( * ) , le Fonds de garantie des dépôts (FGD) est un établissement de droit privé dont le statut, sui generis , est régi par les articles L. 312-4 à L. 312-18 du code monétaire et financier (CMF).
L'article L. 312-4 du CMF oblige les établissements de crédit agréés en France à adhérer à un fonds de garantie, dont la mission est « d'indemniser les déposants en cas d'indisponibilité de leurs dépôts ou autres fonds remboursables ». En réalité, il existe trois garanties distinctes :
- une garantie des dépôts proprement dits ;
- une garantie des titres (ou instruments financiers) ;
- une garantie des cautions , s'agissant des engagements de caution que l'établissement ne serait plus en mesure d'assurer.
Le mécanisme de garantie est mis en oeuvre à la demande de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) , sans que le Fonds de garantie des dépôts puisse refuser d'intervenir. À ce titre, le fonds est intervenu une fois au titre de la garantie des dépôts, en 2000, dans le cas du Crédit martiniquais.
Suite à la transposition, en 2010, de la directive européenne du 11 mars 2009 relative aux systèmes de garantie des dépôts, le plafond des dépôts garantis par le mécanisme a été porté à 100 000 euros par client et par établissement .
L'article L. 312-5 du CMF offre également au FGD une possibilité d'intervention préventive « auprès d'un établissement de crédit dont la situation laisse craindre à terme une indisponibilité des dépôts et autres fonds remboursables ». Cette intervention préventive se fait sur proposition de l'Autorité de contrôle prudentiel , mais le FGD est libre d'intervenir ou non. Par ailleurs, il peut conditionner son intervention à certaines mesures, comme la cession totale ou partielle de l'établissement ou encore l'extinction de son activité.
B. L'ORGANISATION DU FONDS DE GARANTIE DES DÉPÔTS
Le Fonds de garantie des dépôts dispose d'un conseil de surveillance et d'un directoire.
Le conseil de surveillance est chargé de contrôler la gestion du Fonds par le directoire, d'approuver le budget, d'autoriser les principales opérations financières et de décider d'une intervention préventive proposée par l'ACP. Le conseil de surveillance est composé de douze membres, dont un président, qui représentent les adhérents du fonds . Les principales banques y sont directement représentées, avec des voix pondérées en fonction du montant des dépôts couverts (ou des titres, pour la garantie des titres), comme le montre le tableau ci-dessous.
Répartition des voix, au 31 décembre 2011, au sein du conseil de surveillance du Fonds de garantie des dépôts
Groupe/ société |
Voix Espèces |
Voix Titres |
Total voix |
|||
Nombre |
% |
Nombre |
% |
Nombre |
% |
|
Crédit Agricole SA |
573 983 790 |
30,25 |
24 693 610 |
27,3 |
598 677 400 |
30,12 |
BPCE |
451 014 989 |
23,77 |
11 983 930 |
13,25 |
462 998 919 |
23,29 |
Crédit Mutuel |
267 246 447 |
14,09 |
5 813 972 |
6,43 |
273 060 419 |
13,74 |
Société Générale |
201 270 069 |
10,61 |
13 662 215 |
15,11 |
214 932 284 |
10,81 |
BNP Paribas |
188 981 129 |
9,96 |
19 688 735 |
21,77 |
208 669 864 |
10,5 |
Banque Postale |
158 936 436 |
8,38 |
3 892 293 |
4,3 |
162 828 729 |
8,19 |
HSBC France |
47 482 237 |
2,5 |
3 196 046 |
3,53 |
50 678 283 |
2,55 |
GROUPAMA Banque |
6 854 302 |
0,36 |
701 489 |
0,78 |
7 555 791 |
0,38 |
ODDO & Cie |
0 |
0 |
6 757 961 |
7,47 |
6 757 961 |
0,34 |
A.F.S.F. |
1 386 601 |
0,07 |
9 300 |
0,01 |
1 395 901 |
0,07 |
Portzamparc Sté de Bourse |
0 |
0 |
43 064 |
0,05 |
43 064 |
0 |
1 897 156 000 |
99,99 |
90 442 615 |
100 |
1 987 598 615 |
99,99 |
Source : rapport annuel 2011 du Fonds de garantie des dépôts
Le directoire est chargé de la gestion quotidienne du FGD et assure sa représentation, en particulier en justice s'agissant des recours en responsabilité intentés par le fonds. Ses membres sont nommés par le conseil de surveillance, y compris son président qui, toutefois, doit obtenir l'agrément du ministre de l'économie et des finances .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à confier au Fonds de garantie des dépôts la mission d'intervenir, sur demande de l'ACPR, auprès d'un établissement soumis à une procédure de résolution .
Le présent article renomme le fonds de garantie des dépôts en « fonds de garantie des dépôts et de résolution » (FGDR).
Le présent article modifie tout d'abord l'article L. 312-4 du CMF qui fixe les missions du FGDR. Il s'agit d' ajouter à la liste des adhérents du fonds les établissements financiers, autres que les établissements de crédit, entrant dans le champ du régime de résolution (compagnies financières, compagnies financières holding mixtes, entreprises d'investissement, à l'exception des sociétés de gestion de portefeuille). Il s'agit ensuite de compléter l'objet du fonds , aujourd'hui limité à l'indemnisation des déposants, par l'intervention, sur demande de l'ACPR, auprès d'un de ces établissements financiers .
En conséquence, le présent article insère, après l'intervention curative (indemnisation des déposants) et l'intervention préventive (intervention auprès d'un établissement de crédit en difficulté) une nouvelle modalité d'intervention dans le cadre du régime de résolution .
S'agissant de son cadre général, cette intervention en résolution est caractérisée par plusieurs éléments.
• Comme pour l'actuelle intervention
préventive, elle ne peut avoir lieu que sur
saisine de
l'ACPR
mais, contrairement à celle-ci,
le FGDR a
l'obligation de répondre à cette demande
.
• Contrairement à l'actuelle intervention
préventive, l'intervention n'est pas limitée aux
établissements de crédit mais peut également avoir lieu
auprès de tous les établissements financiers dans le
champ du régime de résolution
(y compris les compagnies
financières mixtes et les entreprises d'investissement).
• La
saisine de l'ACPR est possible
dès lors que l'établissement en question est en procédure
de résolution
. Ce dernier doit ainsi « [correspondre]
aux prévisions de l'article L. 613-31-15
»,
c'est-à-dire, aux termes de l'article 7 du présent projet de loi,
lorsque la personne est «
défaillante et s'il n'existe
aucune perspective que cette défaillance puisse être
évitée dans un délai raisonnable autrement que par la mise
en oeuvre d'une mesure de résolution ou, le cas échéant,
du programme de rétablissement
», et il doit donner lieu
à la mise en oeuvre des mesures de résolution.
• Le FGDR peut intervenir pour
«
reprendre ou poursuivre les activités
cédées ou
transférées
» de la personne en
cause. Ce pourrait, notamment, être le cas, pour des
activités considérées comme critiques
,
qu'il serait nécessaire de préserver, par exemple
l'activité de dépôts des particuliers. Ainsi, à
côté de la possibilité de soutenir un
établissement-relais externe, le FGDR pourra lui-même servir
d'
établissement-relais
(
bridge bank
) pour
faciliter le démantèlement de la banque mise en
résolution.
• Le FGDR ne peut être saisi par l'ACPR pour
intervenir financièrement qu'
après la mise à
contribution des actionnaires, des détenteurs de titres
subordonnés et des créanciers dits juniors
, selon
l'ordre établi par l'article 7 du présent projet de loi.
• Enfin, il est précisé que l'ACPR
détermine les modalités d'intervention du FGDR.
S'agissant de ses modalités financières, l'intervention du FGDR est soumise à un certain nombre de règles définies par le IV du présent article. Tout d'abord, l'intervention du FGDR peut prendre trois principales formes :
- une participation à la recapitalisation de l'établissement concerné (par acquisition d'actions ou de parts sociales ou souscription à une augmentation de son capital) ;
- une participation à la capitalisation de l'établissement-relais éventuellement mis en place (par acquisition d'actions ou de parts sociales, ou souscription à une augmentation de son capital) ;
- un financement à l'établissement concerné (ou l'établissement-relais), « sous quelque forme que ce soit, y compris sous la forme d'une garantie ». Cela comprend à la fois des prêts, y compris des prêts de trésorerie, ainsi que des garanties, permettant de faciliter le refinancement de l'établissement. Le choix de tel ou tel type de financement sera, en pratique, calibré en fonction des capacités du FGDR et du besoin de l'établissement concerné.
Par ailleurs, si l'établissement concerné est une caisse régionale d'un groupe mutualiste, le FGDR pourra intervenir directement, sur demande de l'organe central ou, le cas échéant, en cas de « nécessité constatée par [l'ACPR] ».
Le présent article prévoit que les sommes versées par le FGDR bénéficient du privilège de l'article L. 611-11 du code de commerce , et s'inscrivent donc, dans le rang des créances, juste après les créances de salaires.
Il précise que le FGDR ne peut être tenu responsable des préjudices subis du fait des concours qu'il a consentis , ce qui est cohérent, s'agissant de l'intervention en résolution, avec le fait que celle-ci est en réalité décidée et organisée par l'ACPR. Le seuls cas où la responsabilité du FGDR peut être recherchée sont ceux énumérés par l'article L. 650-1 du code de commerce, soit « les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ».
L'article L. 312-5 du CMF est enfin complété par deux précisions juridiques importantes : la compétence de la juridiction administrative pour les recours contre les décisions du FGDR et le fait que la validité des décisions prises n'est pas remise cause par leur éventuelle annulation en justice .
Par ailleurs, le présent article réécrit entièrement l'article L. 312-15 du CMF, relatif à l'accès aux documents et aux comptes des établissements concernés, pour élargir et renforcer les obligations d'échange d'informations :
- le FGDR a accès aux informations détenues par ses adhérents nécessaires à sa mission de garantie des dépôts, y compris celles couvertes par le secret professionnel. Il s'agit, notamment, de connaître le détail des comptes individuels, afin d'accélérer la procédure de restitution des fonds en cas de mise en oeuvre de la garantie ;
- le FGDR a accès, via l'ACPR, à l'ensemble des documents juridiques, comptables et financiers de l'établissement pour lequel son intervention est sollicitée , y compris les documents couverts par le secret professionnel - précision absente de l'actuelle rédaction de l'article L. 312-15 ;
- enfin, le FGDR peut communiquer les informations précédemment mentionnées (relatives à l'établissement concerné ou aux autres adhérents) aux « personnes qui concourent, sous sa responsabilité, à l'accomplissement de ses missions ». Cette précision permettra, notamment, de faciliter la possibilité, pour le FGDR, dans une situation d'urgence, de recourir à des prestataires extérieurs . Ces derniers seront tenus au secret professionnel.
Le présent article procède également à une correction rédactionnelle à l'article L. 312-16 du CMF.
*
La commission des finances de l'Assemblée nationale a procédé, à l'initiative de notre collègue députée Karine Berger, rapporteure, à plusieurs modifications rédactionnelles.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN FONDS DE RÉSOLUTION NÉCESSAIRE À L'ÉQUILIBRE DU RÉGIME DE RÉSOLUTION
La résolution d'un établissement bancaire peut impliquer des systèmes d'indemnisation, des apports en liquidité, des transferts d'actifs et de passifs vers des établissements sains, ou encore la capitalisation d'un établissement-relais : en d'autres termes, la résolution présente potentiellement un coût important , qu'elle a précisément pour objet à la fois de limiter et de faire supporter par des acteurs privés, et non plus par le contribuable. C'est pourquoi la création du régime de résolution ne pouvait être complète sans l'institution d'un fonds de résolution, alimenté par les banques, et destiné à fournir les ressources nécessaires à une intervention auprès d'un établissement en crise .
Dans ce cadre, votre rapporteur se félicite que le texte du projet de loi ait fait le choix d'un cadre d'intervention large laissant, le cas échéant, à l'ACPR, la marge d'appréciation suffisante pour déterminer les modalités du soutien apporté par le FGDR. Ainsi, le FGDR pourra non seulement apporter des garanties, mais aussi des financements de court, moyen ou long terme. Il pourra également participer à la capitalisation ou recapitalisation de l'établissement concerné ou de l'établissement-relais. Enfin, il pourra servir lui-même d'établissement-relais.
B. UNE MONTÉE EN PUISSANCE PROGRESSIVE DES RESSOURCES DU FONDS
Alimenté par des contributions annuelles des adhérents, définies par arrêté ministériel, le fonds dispose aujourd'hui d'environ 2,1 milliards d'euros de ressources susceptibles d'être mobilisées .
L'article 93 du projet de directive européenne 59 ( * ) prévoit que les fonds de résolution nationaux devraient atteindre, à terme, 1 % du total des dépôts garantis. Cette cible de 1 % est identique lorsque le même fonds est par ailleurs utilisé en garantie des dépôts. D'après les évolutions récentes de la négociation européenne, la fraction pourrait cependant être portée à 1,5 % des dépôts lorsque le fonds intervient à la fois en garantie des dépôts et en résolution.
Dans ce contexte, le directeur général du Trésor a indiqué, lors de son audition par votre commission des finances, qu'il conviendrait de porter ce montant « à 10 milliards d'euros , de manière progressive, grâce à des contributions du secteur bancaire ». Cette cible correspond en effet à 1 % du total des dépôts garantis en France, estimé à environ 1 000 milliards d'euros.
Il convient de souligner que la progression des ressources du fonds, même étalée sur plusieurs années, constituera une charge annuelle significative pour les banques contributrices. Par ailleurs, rappelons que l'article 7 du présent projet de loi permet au ministre des finances de requérir des adhérents du FGDR des contributions ex post , en cas de crise, afin de compléter les ressources disponibles du fonds.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .