N° 766

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 juillet 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région wallonne du Royaume de Belgique sur l'accueil des personnes handicapées ,

Par Mme Michelle DEMESSINE,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

602 et 767 (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La France et la Belgique ont d'ores et déjà un dispositif conventionnel fort important, notamment en raison de la tradition de mobilité entre les deux pays.

Cette mobilité s'explique par la proximité géographique et linguistique de la Belgique mais aussi, concernant plus spécifiquement l'accord-cadre sur l'accueil des personnes handicapées, du fait du manque de places disponibles dans des établissements en France ainsi que par l'attrait des méthodes belges en matière de prise en charge du handicap.

S'appuyant sur le rapport de Mme Gallez, députée du Nord, de novembre 2008, les ministres français et wallons ont souhaité mettre en place une coopération renforcée qui sécurise l'accueil de ces publics tout en respectant leur libre choix.

C'est la raison pour laquelle des négociations ont été engagées pour aboutir à la signature, le 21 décembre 2011, d'un accord-cadre qui, une fois adopté par le Parlement, permettra d'avoir une meilleure connaissance des flux de personnes handicapées de part et d'autre de la frontière et mettre en place une inspection commune pour assurer un service de qualité et un suivi des personnes handicapées concernées.

I. UN ACCORD-CADRE QUI S'APPUIE SUR UN TRAVAIL DE RÉFLEXION APPROFONDI

L'attention des pouvoirs publics a été appelée il y a quelques années sur la situation des enfants, jeunes et adultes handicapés, contraints de vivre dans les établissements belges faute de place en France.

Le phénomène est apparu suffisamment massif pour que les pouvoirs publics s'en saisissent sans pouvoir mesurer précisément son ampleur, faute de dispositif adapté pour le mesurer.

D'après les premières estimations, environ 6 700 personnes handicapées françaises seraient aujourd'hui accueillies dans les établissements belges :

- environ 1 900 enfants handicapés accueillis en établissements spécialisés et environ 3 000 jeunes enfants accueillis dans l'enseignement adapté belge, originaires en grande majorité des départements frontaliers de la Belgique.

Selon un rapport de l'IGAS de 2005, 42 départements et 17 régions français étaient concernés par ces placements.

- le recensement des adultes handicapés est plus difficile car leur prise en charge relève soit de l'assurance maladie qui ne dispose pas
- comme pour les enfants - de caisse pivot, soit d'un financement par les conseils généraux. Ils seraient environ 1 800.

C'est la raison pour laquelle en 2008, la secrétaire d'État à la solidarité de l'époque avait demandé à Mme Cécile Gallez, députée du Nord, de mener un travail sur les raisons des placements en Belgique.

L'objectif de cette mission était triple : mesurer l'ampleur des efforts à accomplir en France pour développer une offre de places suffisante ; s'inspirer des bonnes pratiques en Belgique pour améliorer qualitativement nos propres prises en charge ; enfin, mettre en place les conditions d'un véritable libre choix pour nos concitoyens.

Les raisons qui conduisent les familles françaises à recourir à cette solution sont apparues plus complexes qu'il n'y paraissait.

La première raison tient à ce que certaines familles ne trouvent pas de place en France et sont obligées d'aller chercher des solutions ailleurs.

Le rapport de Mme Gallez souligne également la tradition d'accueil par les Belges des autistes, des personnes âgées et des jeunes et adultes handicapés français qui est ancienne, tout particulièrement en Wallonie.

En ce qui concerne l'hébergement des personnes âgées, les structures sont, dans l'ensemble, plus petites, plus médicalisées, plus encadrées et plus souples et elles accompagnent davantage qu'en France la personne tout au long de son parcours.

L'étude souligne une plus grande souplesse des établissements, non segmentés comme en France selon l'âge, les différentes catégories de handicap et de statut, une très forte implication des familles, un accompagnement très pragmatique au cas par cas offrant un aspect plus éducatif que médical et un personnel d'encadrement plus polyvalent.

L'étude des structures belges avait conduit la députée à formuler de nombreuses recommandations pratiques, comme la simplification des procédures d'autorisation administrative, pour ouvrir ou rénover un établissement, la formation et la répartition des tâches du personnel soignant.

Cette préférence s'explique également, naturellement, par la proximité géographique et linguistique des deux pays, qui permet aux familles de trouver des solutions près de chez elles.

Par ailleurs, certaines familles françaises préfèrent les méthodes de prise en charge existantes en Belgique. C'est le cas notamment de certaines familles concernées par l'autisme.

Que plusieurs milliers de familles choisissent de placer leurs proches dans des structures géographiquement éloignées de leur domicile est de nature à susciter une réflexion collective sur l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvre en France dans le domaine du handicap.

En effet, en dehors du cas des familles qui sont localisées près de la frontière, le recours à des structures belges suppose un éloignement qui est inévitablement une source de longs trajets, souvent mal pris en charge, toujours fatigants, qui créent à terme une distance entre ces familles et leurs proches handicapés ou dépendants. Dans le cas de l'autisme, cette distance ne permet pas une implication quotidienne des familles dans l'accompagnement des enfants alors même qu'il est aujourd'hui reconnu combien cette implication peut être positive. Dans nombre de cas, cet éloignement, qui a été choisi faute de place ou dans l'espoir d'un accompagnement plus adapté, est une source de souffrance.

Du point de vue du financement de la politique du handicap, la situation est également paradoxale.

Du côté français, la sécurité sociale prend en charge des personnes françaises qui pour une large part vont dans des structures privées belges. Ces structures, dont certaines ont été créées pour répondre à cette demande française, vivent ainsi du financement de la sécurité sociale française. A un moment où le gouvernement cherche à redresser la situation de l'emploi, où le chômage grève le financement de la sécurité sociale, le fait de financer ainsi hors de France et parfois loin des familles des structures d'accueil pour les personnes handicapées, dont la qualité est souvent très convenable, mais parfois inégale et en tout cas peu contrôlée, n'est pas satisfaisant.

Du côté Belge cet afflux en provenance de France déstabilise quelque peu le dispositif, notamment quand des familles françaises prennent des places dans des structures publiques financées par l'impôt au moment où certaines familles belges ne trouvent plus de place dans ces mêmes structures.

Enfin l'absence de connaissance des flux et de coordination des structures conduit d'une part à un manque de connaissance des besoins des familles françaises et d'autre part, pour les familles, à une hétérogénéité des procédures et des prises en charge.

A la suite de ce travail de réflexion, les autorités belges et françaises ont affirmé une volonté commune de travailler ensemble, en s'inspirant des bonnes pratiques de chaque côté de la frontière.

Il s'agit d'une démarche inédite dans le champ des personnes handicapées et des personnes âgées.

Les propositions de Mme Gallez s'articulaient autour de quatre priorités que les pouvoirs publics français et belges partagent.

Il est apparu indispensable de mieux connaître les personnes accueillies en Belgique.

Mieux connaître le nombre de personnes handicapées et âgées accueillies sur le sol belge permettra de mieux calibrer l'effort de création de places en France. C'est particulièrement important pour des régions comme le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine ou l'Ile-de-France.

Ainsi donc, il a été décidé de mettre en place une centralisation de l'information sur les personnes âgées dépendantes et handicapées de nationalité française accueillies en Belgique auprès d'une autorité belge et d'une autorité française uniques.

Ensuite, il est apparu nécessaire de faciliter la vie des Français pris en charge en Belgique :

- en mettant en place un dispositif unique de conventionnement et d'autorisation de paiement des prises en charge pour les personnes orientées vers un établissement financé par l'Assurance maladie.

- en invitant, pour les personnes orientées vers un établissement financé par les départements, les conseils généraux qui le souhaitent, à conventionner globalement avec les établissements belges en s'appuyant sur une convention-type qui s'inspirera des bonnes pratiques.

Actuellement, faute de texte spécifique prévoyant la prise en charge des personnes handicapées placées dans des établissements dans un Etat membre de l'Union européenne (Belgique notamment) ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou en Suisse, celle-ci est organisée selon les modalités de remboursement des soins dispensés à l'étranger aux assurés sociaux fixées aux articles R. 332-2 et suivants du code de la sécurité sociale.

L'article R. 332-5 prévoit notamment la possibilité de conclure des conventions entre un établissement de soins étranger et les organismes de sécurité sociale. Une convention générale entre l'assurance maladie et la Belgique existe pour les enfants.

Pour le reste des populations concernées, des conventions sont conclues au cas par cas entre caisses d'assurance maladie et établissements étrangers (hors cas des transfrontaliers).

Sur le champ exclusivement des établissements pour enfants ainsi que pour les jeunes adultes « Creton » originaires de douze départements français maintenus dans ces établissements, la prise en charge s'effectue selon des modalités définies dans les conventions conclues entre les organismes français d'assurance maladie et les établissements belges.

Les dépenses facturées pour les résidents des établissements conventionnés qui relèvent du régime général de sécurité sociale sont centralisées à la CPAM de Roubaix-Tourcoing qui joue le rôle de caisse pivot pour ce régime.

Le montant total des dépenses tous régimes est de l'ordre de 60 M€, dont 1 M€ pour les régimes autres que le régime général.

S'agissant des adultes, la procédure de conventionnement ne leur est pas applicable. Les dépenses étant facturées aux caisses de base dont ils relèvent, il est actuellement impossible de chiffrer le montant de ces dépenses ainsi que la répartition de ces publics entre les différents types d'établissements pour adultes et des dépenses entre assurance maladie et conseil général.

Par rapport à cette situation, le projet d'accord poursuit deux objectifs : une meilleure coordination des échanges de données entre les acteurs français et belges par la mise en place d'une gestion des entrées et des sorties des résidents français par l'AWIPH (agence wallonne pour l'intégration des personnes handicapées) et la retransmission de ces données aux autorités françaises et une coordination plus efficace dans l'inspection des établissements entre les autorités belges et les autorités françaises.

Des réunions techniques seront organisées avec l'AWIPH et les autorités françaises pour délimiter le champ de cette collaboration qui est souhaitée la plus large possible (missions d'inspection communes ou délégation de compétence aux inspecteurs belges), de même que de préciser le cadre juridique de l'accord. Par ailleurs, une facilitation de la vie des Français pris en charge en Belgique va être orchestrée.

En ce qui concerne la qualité des prises en charge dans les établissements, un décret qui encadre le fonctionnement des établissements qui accueillent des personnes très lourdement handicapées a été publié en 2009.

Par ailleurs, le Gouvernement a également demandé à la direction générale de l'action sociale d'entamer la rénovation de l'ensemble des textes qui gouvernent les établissements pour enfants handicapés, pour qu'ils tiennent compte des connaissances nouvelles en matière de bonnes pratiques. Il a enfin décidé d'encourager le développement de nouvelles méthodes de prise en charge, notamment dans le domaine de l'autisme : ces méthodes, déjà pratiquées en Belgique, pourront être mises en oeuvre de façon encadrée et évaluée, dans le cadre de structures expérimentales.

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