Rapport n° 221 (2013-2014) de M. Alain NÉRI , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 11 décembre 2013
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N° 221
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 décembre 2013 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal ,
Par M. Alain NÉRI,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
427 , 932 , 995 et T.A. 170 |
|
Sénat : |
700 (2012-2013) et 222 (2013-2014) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Trois accords de défense ont été déposés sur le bureau du Sénat : avec le Sénégal, la Côte d'Ivoire et Djibouti.
Ces trois instruments résultent de la volonté de renégocier les accords de défense liant la France à huit pays africains, annoncée par M. Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, dans son discours du Cap du 28 février 2008 et confirmée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale la même année.
Ils font suite à cinq premiers accords de partenariat de défense conclus en 2009 avec le Togo et le Cameroun, et en 2010 avec le Gabon, la Centrafrique et les Comores.
L'accord qui est soumis aujourd'hui à l'approbation du Sénat est un traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire avec le Sénégal, signé à Paris le 18 avril 2012 à l'occasion de la visite du Président Macky Sall. Le précédent accord remontait à 1974.
I. UNE COOPERATION INTENSE AVEC UN PAYS FORT
A. LE SÉNÉGAL DANS SON ENVIRONNEMENT RÉGIONAL
Le Sénégal est un pays fort sur la scène régionale comme internationale.
Sur la scène régionale, le Sénégal a un rôle accru dans la gestion des crises régionales, comme au Mali et en Guinée Bissao actuellement. Le Sénégal peut jouer ainsi le rôle de pont entre la CEDEAO, l'Union africaine, l'Occident et les Nations unies. Depuis le début de l'intervention française au Mali, le Président sénégalais soutient fermement l'intervention militaire française et a salué l'action déterminante de son homologue français. La question du déploiement sénégalais au Mali a été discutée, le 16 janvier, devant l'Assemblée nationale sénégalaise et un contingent sénégalais est venu renforcer la MISMA. Le Sénégal est une puissance militaire importante en Afrique et participe de plus en plus aux opérations menées sur le continent africain. Ainsi, en 2013, le Sénégal déployait 2 200 militaires et 800 gendarmes.
De même, le nouveau Président, Macky Sall, s'est vu confier le siège de président du Comité d'orientation du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD). Il souhaite désormais mettre à l'ordre du jour des prochaines réunions le problème de la taxation des multinationales, en particulier dans le domaine extractif.
Membre actif des Nations unies, le Sénégal fait également partie des Etats africains régulièrement invités aux réunions du G8. Dakar contribue par ailleurs à de nombreuses opérations de maintien de la paix, notamment en République Démocratique du Congo, en Côte d'Ivoire et au Darfour.
Le Sénégal est un pays flambeau de la francophonie et de ses institutions fondées par Senghor et aujourd'hui dirigées par l'ancien Président Abdou Diouf. Dakar accueillera d'ailleurs le sommet de la Francophonie de 2014.
L'outil de défense sénégalais Le budget de la défense, au Sénégal, s'élevait à 154 millions d'euros et devrait être de 178 millions en 2013. Les forces armées comptent un peu plus de 18 000 hommes, la plupart évoluant dans l'armée de terre. Le Sénégal est le pays africain francophone le plus engagé dans les opérations de maintien de la paix et le 4 ème contributeur du continent africain. En 2013, le Sénégal a déployé environ 1 500 militaires et 700 gendarmes. |
B. UNE COOPÉRATION ANCIENNE QU'IL FALLAIT MODERNISER
La coopération structurelle française est présente auprès des Forces armées sénégalaises depuis l'indépendance.
Elle a été formalisée par un accord de coopération en matière de défense signé le 29 mars 1974 entre les deux pays, quoi prévoyait en particulier, dans son article 1 er , que les parties « se prêtent mutuellement aide et assistance pour leur défense extérieure contre toute menace ».
Les conditions de ce concours étaient fixées par l'annexe 1, notamment les questions de l'accueil et du statut des stagiaires sénégalais intégrés dans les établissements militaires français, ou encore les modalités de mise à disposition des coopérants français aux fins de formation des forces sénégalaises.
Une autre annexe prévoyait le statut applicable aux forces françaises stationnées au Sénégal et la mise à disposition des locaux et installations, ainsi que les facilités de circulation dévolues aux forces françaises.
D'autres accords, signés pour la plupart la même année, sont venus compléter cet accord de défense : sur la sécurité des vols des aéronefs militaires, sur l'évolution de la direction des constructions et armées navales, ou encore sur les missions et modalités d'intervention des formations de la gendarmerie nationale. Au total, ce sont 6 accords qui complètent l'accord initial.
La présence française en Afrique ne pouvait rester sur des principes et des accords signés près de quarante ans auparavant. Comme le soulignaient les Sénateurs Lorgeoux et Bockel dans leur rapport d'information « L'Afrique est notre avenir », les modalités de l'intervention française doivent changer et marquer la fin du tête-à-tête avec ses anciennes colonies.
Ainsi l'africanisation des solutions doit être encouragée : la présence militaire française en Afrique doit servir en priorité à aider l'Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité collective. Et, en attendant que les organisations régionales soient capables d'apporter des réponses efficientes, parallèlement à l'africanisation, la France n'entend plus intervenir que dans un cadre multilatéral avec la bénédiction de l'ONU ou des organisations panafricaines et avec, sur le terrain, la collaboration plus ou moins significative d'autres armées, européennes ou africaines.
Du fait de ce changement de ligne, les accords précédents n'étaient plus adaptés, et un groupe de travail mixte a été chargé de refondre les accords pour leur donner une nouvelle impulsion.
C. LES ÉLÉMENTS FRANÇAIS AU SÉNÉGAL
À l'aune de ces nouvelles préoccupations, la France et les États africains ont cherché à modifier les modalités de leur coopération. D'une coopération « de substitution » où les coopérants occupaient des postes de responsabilité et étaient directement insérés au sein des Forces sénégalaises, elle a évolué vers une « appropriation » dans laquelle ils assument des fonctions de conseiller auprès des autorités militaires sénégalaises.
Parallèlement le nombre de coopérants et le budget ont diminué : le nombre de coopérants militaires techniques est passé de 34 à 13 entre 1983 et aujourd'hui et le budget est passé de 7 à 3,2 millions d'euros de 2002 à 2013.
Les Éléments Français au Sénégal (EFS) ont succédé, le 1 er août 2011, aux Forces Françaises du Cap-Vert (FFCV) et sont devenus un Pôle Opérationnel de Coopération (POC). Leur mission principale est la coopération militaire opérationnelle régionale. D'un effectif actuel de 365 militaires, les EFS atteindront la cible finale de 300 hommes en 2014.
Ils participent à la montée en puissance de la Force en attente de la CEDEAO et sont en charge de la mise en oeuvre de la coopération opérationnelle. À ce titre, ils réalisent de nombreuses actions de coopération militaire au profit du Sénégal, à partir de détachements d'instruction opérationnelle, de détachements d'instruction technique et d'exercices menés en fonction des contraintes des deux parties.
Leurs missions principales sont la conduire des actions de coopération opérationnelle bilatérale et régionale dans le cadre de l'appui à l'architecture africaine de paix et de sécurité (pour la CEDEAO) et de soutien aux missions de maintien de la Paix ; la satisfaction du nouvel accord de partenariat ; la participation à l'autoprotection de nos emprises au Sénégal en cas de crise majeure.
Cette coopération militaire remplit ses objectifs et le Sénégal en tire profit à travers un engagement soutenu dans les opérations de maintien de la paix (MINUAD au Soudan, MONUSCO au Congo, ONUCI en RCI, MINUSTAH en Haïti et ECOMIB en Guinée Bissau) et a un rôle actif dans la montée en puissance de la FAC.
Cette coopération est appelée à s'accroître, du fait de la crise en cours au Sahel, avec le déploiement d'un contingent MISMA.
1 ( * )
2 ( * )
II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ACCORD
A. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU PARTENARIAT
1. Des objectifs strictement définis
Le traité est un accord de partenariat entre les Parties, qui s'engagent en matière de coopération militaire, afin de :
- Concourir à une paix et une sécurité durable sur leur territoire et dans leur espace régional ;
- Dans le respect de leurs engagements internationaux.
La dimension multilatérale est également mise en avant, en prévoyant l'association au partenariat de défense d'autres pays africains ou européens, ainsi que les institutions de l'Union européenne et de l'Union africaine et les ensembles sous régionaux de cette dernière.
Les systèmes de sécurité collective de l'ONU et de l'Union africaine sont pris en compte ainsi que le partenariat stratégique Afrique-Union européenne défini à Lisbonne en 2007.
La coopération structurelle française inscrit son action au Sénégal dans la lutte contre les grands enjeux de sécurité.
2. L'absence de clause d'assistance
Enfin, la référence au respect de la souveraineté, de l'indépendance, de l'intégrité territoriale des partenaires, vient manifester la volonté de non-ingérence dans les affaires intérieures des États concernés.
En effet, les anciens accords pouvaient contenir des clauses de confidentialité et d'automaticité, qui ont été supprimées. Certains d'entre eux contenaient des clauses secrètes prévoyant l''intervention des forces armées françaises en vue du maintien de l'ordre intérieur.
Ainsi, l'objectif principal de la coopération est désormais, à côté de la fonction traditionnelle de formation des cadres des armées nationales, d'aider l'Afrique à mettre sur pied son propre système de sécurité collective.
3. Des formes de coopération strictement listées
Les domaines concernés par cette coopération sont définis à l'article 4 du traité. Sont ainsi prévus :
- Des échanges d'informations et de renseignements sur les risques et menaces relatives à la sécurité nationale et régionale ;
- Un soutien aux forces dans l'organisation, l'entrainement et l'équipement. Ceci peut prendre la forme de soutien logistique, de formations ou des exercices communs ;
- La mise à disposition de coopérants militaires techniques dans un but d'organisation et de conseil aux forces ;
- La formation dans les écoles militaires françaises de stagiaires sénégalais ;
Toute autre action de coopération peut être entreprise d'un commun accord entre les deux Parties. Un comité de suivi est créé afin de permettre la mise en oeuvre des actions de coopération prévues.
B. LE STATUT DES MEMBRES DU PERSONNEL ET LES FACILITÉS ACCORDÉES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA COOPÉRATION
1. Le statut du personnel et les dispositions finales
Le traité prévoit également les questions applicables au personnel, en particulier les modalités d'entrée et de séjour, de port de l'arme ou de l'uniforme, ou encore la question de la commission d'une infraction.
Ainsi la délivrance d'un visa, si nécessaire, se fait à titre gratuit et de la façon la plus fluide possible. Un ordre de mission doit être fourni par l'État d'origine, et l'hébergement est prévu par l'État d'accueil si la mission dépasse les six mois. Le port de l'uniforme et des insignes du pays d'origine est autorisé, néanmoins si la mission dépasse les six mois, alors c'est l'uniforme de l'État d'accueil qui doit être revêtu. Enfin, dans les besoins du service et sous la réserve du respect de la législation du pays d'accueil, ils peuvent détenir une arme.
En matière d'infractions, la règle est que les infractions commises par un membre du personnel de l'État d'origine relèvent de l'État d'accueil, sauf si ces infractions portent uniquement atteinte à l'État d'origine : soit à sa sécurité, soit à ses biens, soit à la personne ou aux biens d'un autre membre du personnel de ce même Etat.
Le pouvoir disciplinaire, quant à lui, reste exercé par l'État d'envoi.
Enfin, le Traité contient aussi plusieurs articles de type classique concernant le règlement des différends, l'abrogation des accords découlant de ce nouveau Traité, son entrée en vigueur, son amendement ou encore sa dénonciation.
2. Les facilités accordées par les deux parties
Deux annexes complètent ce traité afin de formaliser les facilités accordées par les deux Parties dans la mise en oeuvre de leur coopération.
Ainsi la partie sénégalaise doit être informée sur les membres des forces françaises qui vont être stationnées ou en transit sur son territoire, ou qui vont le quitter. Un décompte mensuel des membres doit être adressé. Une information doit aussi être adressée régulièrement sur l'état des matériels en présence. Leur importation et déplacement doivent être autorisés par la partie sénégalaise. Leur entreposage se fait sous la responsabilité des forces françaises. Le déplacement et la circulation des forces sont possibles sans autorisation dans un périmètre déterminé, une autorisation est requise au-delà. Concernant les installations, plusieurs camps, emprises et logements sont mis à disposition gracieusement par le Sénégal.
L'annexe II vise, à l'inverse, les facilités dont bénéficient les forces sénégalaises en matière de formation. La France s'engage à leur accorder des facilités en matière de formation et d'instruction, et d'entrainement, notamment sur le territoire français. Un appui logistique peut également intervenir par la cession d'équipements et de matériels.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie sous la présidence de M. Jean-Louis Carrère, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi le 11 décembre 2013.
Suivant l'avis du rapporteur, à l'unanimité moins une abstention, la commission a adopté le projet de loi et a proposé qu'il fasse l'objet d'un examen selon la procédure simplifiée en séance publique.
* 1 In L'Afrique est notre avenir
* 2 Cette carte se trouve dans le rapport d'information de MM. Lorgeoux et Bockel précité, p.261