LE BREVET, INSTRUMENT DE LA PROTECTION DES INVENTIONS BIOTECHNOLOGIQUES, REVIENT EN FORCE.
LE DROIT GÉNÉRAL DES BREVETS APPLICABLE AUX BIOTECHNOLOGIES.
Si les textes sur le brevet européen excluent la brevetabilité des variétés végétales ou des procédés essentiellement biologiques d'obtention des végétaux, il n'existe pas d'exception générale s'étendant au-delà de ces limites.
Concrètement, les inventions biotechnologiques peuvent faire l'objet de dépôts de brevets, dès lors qu'elles répondent aux trois conditions générales du droit des brevets : il faut que l'innovation en question constitue effectivement une nouveauté , résulte d'une activité inventive du demandeur de brevet et soit susceptible d'application industrielle .
L'article 4 de la directive n° 98/44 CE précise en effet que l'absence de brevetabilité des variétés végétales ne fait pas obstacle à la brevetabilité « d'inventions ayant pour objet un procédé microbiologique, ou d'autres procédés techniques, ou un produit obtenu par ces procédés ». Concrètement, les plantes obtenues par transgénèse, mutagénèse ou fusion cellulaire sont brevetables. De même, les gènes et séquences de gènes sont brevetables, même s'ils existent à l'état naturel, lorsqu'ils sont produits ou isolés à partir d'un procédé technique qui ne résulte pas directement d'un croisement classique. Les inventions ne portant pas sur une espèce particulière de plante sont ainsi brevetables.
PLUSIEURS ATTRIBUTIONS DE BREVET PROFONDÉMENT CONTESTABLES.
L'OEB a délivré en juin 2013 un brevet européen à la société Seminis Vegetable Seeds Oxnard/Californie, concernant un type de brocoli spécialement adapté pour en faciliter la récolte. Il couvre non pas une variété de brocoli mais une caractéristique technique susceptible de s'appliquer à toute une série de variétés végétales. Une autre affaire concerne par ailleurs la tomate et se pose dans des termes similaires.
L'attribution des deux brevets est contestée et pose une question juridique de fond : les plantes obtenues par des procédés non brevetables sont-elles par ailleurs susceptibles de bénéficier d'une protection par un brevet européen ? La Grande chambre de recours de l'OEB devrait se prononcer à la mi-2014 sur cette question. Dans l'attente, l'OEB a suspendu toutes les procédures portant sur des demandes de brevets portant sur des plantes obtenues par un procédé essentiellement biologique.
La pratique de l'OEB consistant à accepter assez facilement la brevetabilité d'inventions portant sur du matériel végétal ou encore à valider des revendications larges et susceptibles de larges applications a été critiquée par le comité économique éthique et social (CEES) du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) dans une recommandation du 12 juin 2013 intitulée « biotechnologies végétales et propriété industrielle ».
Constatant le nombre croissant de brevets attribués sur des gènes et caractères natifs de plantes non transgéniques, le HCB craint que ce phénomène ne complique le processus d'innovation, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, menant à une concentration du secteur économique du génie végétal autour de quelques grands groupes multinationaux.
Or, le brevet offre une protection de la propriété intellectuelle plus étendue que celle offerte par le COV : avec le brevet, il existe une exception de recherche, mais pas d'exception du sélectionneur : ainsi, un sélectionneur qui obtiendrait par un processus classique de croisement une nouvelle variété contenant un gène breveté, pourrait déposer un COV, mais risquerait dans le même temps d'être poursuivi pour contrefaçon du fait de la présence d'un gène ou caractère protégé, même si ce gène ou caractère breveté de la plante existe à l'état naturel.